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BINIC : Notes sur son érection en paroisse.

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M. L. David a publié une courte étude sur l'érection de Binic en commune dans le tome LXXXII (année 1953) des Mémoires de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord.

Les Archives de l'Evêché contiennent quelques pièces que L. David n'avait pu consulter.

Dans son étude sur « Les fondations de villes et de bourgs en Bretagne », M. Bourde de la Rogerie observait que ce sont les travaux de la mer qui continuent à provoquer la formation du plus grand nombre des agglomérations nouvelles. « La pêche côtière et les industries qui s'y rattachent ont enrichi nombre de petites villes côtières et en ont fait surgir d'autres... Autrefois l'acte de donation d'un terrain aux moines bénédictins et surtout la charte établissant une église paroissiale manifestaient la création d'une nouvelle ville féodale. On pourrait comparer à ces documents les lois qui depuis un siècle ont érigé en commune les bourgades formées sur nos côtes par les marins, les industriels, les sardiniers et les ouvriers bretons : Binic, en 1821, Etel en 1841, St-Pierre Quiberon en 1853, le Pouliguen en 1854, le Guildo en 1856... » [Note : Bourde de la Rogerie : « Les Fondations de villes et de bourgs en Bretagne » dans Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, tome IX, année 1928, 1ère partie, pp. 69-106].

M. Bourde de la Rogerie écrivait ces lignes il y a plusieurs années. Son analyse reste vraie pour le XIXème siècle. Elle serait plus nuancée pour la période actuelle.

Mais ce fut le cas, en 1790, pour Paimpol qui devint, grâce aux circonstances, chef-lieu de canton pour l'administration civile et paroisse autonome aux dépens de Plounez dont elle était la trêve [Note : Voir abbé Jean Kerlevo : Paimpol au temps d'Islande, Lyon, chronique Sociale de France, 1944, tome I, pp. 54-55. et du même auteur : Notre-Dame de Paimpol. Lille, Editions « Comprendre » (1946), ch. IV et V].

***

Ce fut également le cas pour Binic qui faisait partie de la paroisse d'Etables et qui, comme Paimpol, était un important port de pêche.

En 1770, M. de la Rozière, qui inspectait la défense des côtes de Bretagne, notait : « A une lieue 3/4 au nord-nord-ouest de Saint-Brieuc est le port de Benic (sic) à l'embouchure d'une petite rivière qui à basse marée a 18 pieds de largeur sur 4 de profondeur. Ce port où la mer monte de plus de 20 pieds est couvert à l'Ouest par un molle (sic). Il y a environ 80 maisons, quatre navires de 80 à 200 tonneaux pour la pêche de la morue, et quelques barques pour le cabotage. L'entrée en est défendue par une batterie de deux canons placée à l'Ouest du molle ».

A la même époque, M. de la Rozière notait pour Paimpol « six navires de 60 à 200 tonneaux pour la pêche de la morue et plus de 20 barques de 25 à 60 tonneaux pour le cabotage » — Erquy possédait 4 barques — Dahouët 6 à 7 barques et Saint-Brieuc 6 navires pour la morue et la Guinée.

Dix ans plus tard, Ogée dans son Dictionnaire notait simplement dans la paroisse d'Etables le « village de Binic, petit port de mer où le commerce, surtout des grains, est assez actif ». Binic n'était alors, en effet, qu'un village d'Etables [Note : On se reportera à Habasque : Notions... sur le littoral des Côtes-du-Nord au tome I (édité en 1832 qui consacre à Binic les pp. 377-397 et à la pêche à la morue les pages 354 à 362)].

Le 27 novembre 1789, les « habitants de Binic et villages voisins » avaient présenté à l'Evêque de Saint-Brieuc une requête demandant que soit érigée en trêve ou succursale la chapelle de Binic.

Le vent de la Liberté soufflait à ce moment partout en France.

L'Evêque était Hugues Regnault de Bellescize. Il résidait alors à Paris. Le 1er décembre, il nommait le Sr François Blivet [Note : La copie que j'ai sous les yeux porte « Belivet ». C'est une faute. François Blivet et Pierre-Olivier Blivet étaient alors chanoines de la collégiale], chanoine de l'église collégiale de Saint-Guillaume pour informer des faits et motifs.

Je n'entre pas dans le détail de la procédure qui suivit et fut menée assez rapidement. Je n'en marquerai que quelques étapes.

Le promoteur en était l'abbé Manoir. Il devait suivre l'affaire, guider au besoin l'enquête menée par le chanoine Blivet, rédiger les conclusions et les présenter à l'Evêque.

Michel-Louis-Hugues Manoir était chanoine de la collégiale St-Guillaume et secrétaire de Mgr de Bellescize. Il sera tour à tour l'un des notables de la ville, incarcéré, l'un des représentants cachés de l'Evêque et le principal artisan, en qualité de Vicaire Général de la reconstruction du diocèse sous le Consulat et l'Empire.

L'affaire qu'il avait à suivre était, du fait des circonstances, exemplaire. La Bastille a été prise. L'émigration commence. Etables avait pour haut-seigneur le Duc de Penthièvre, connu pour sa bienfaisance, beau-père de la princesse de Lamballe. A Binic était le siège de la juridiction de son château ruiné de la Roche-Suhart. Mais ses privilèges avaient été supprimés, comme tous les autres, lors de la nuit du 4 août.

Etables était l'un des prieurés-cures de l'Abbaye de Beauport, près Paimpol. En février 1790, l'Abbaye sera supprimée par l'Assemblée comme les autres ordres religieux [Note : Mais canoniquement une abbaye est perpétuelle et ne peut être supprimée que par le St Siège. C'est ainsi que notre compatriote Dom Robert (Olivier Lescand) prieur-abbé de Citeaux reprit le titre de St Aubin des Bois (en Plédéliac) en 1901 une abbaye dont même les ruines ont péri].

A ce moment, les paroisses et leur général [Note : C'est-à-dire le corps politique qui administrait le temporel de la paroisse] sont transformées en communes par les lois des 14 et 22 décembre 1789 avec une administration qui suivit la fortune des Constitutions. Ce fut fin janvier ou début février 1790 que les nouvelles municipalités furent constituées.

La division de la Bretagne en cinq départements est arrêtée en décembre 1789, maintenue le 14 janvier 1790. Leur délimitation s'opéra en janvier-février 1790.

Jusqu'alors les registres paroissiaux servaient d'Etat Civil. La loi du 20 septembre 1792 confiera le soin d'enregistrer naissances, mariages et décès à des officiers d'Etat-Civil d'abord nommés par le département, puis, par la loi du 28 pluviose an VIII, aux maires et adjoints.

C'est dans ce contexte que débutait le dossier de Binic. Il fallait, pour M. Manoir, concilier les intérêts des populations, préserver les droits de chacun même s'ils étaient contestés ou abolis, sauvegarder un avenir incertain, adapter aux circonstances des règles dont un administrateur ne pouvait se départir.

Il retrouvera ces mêmes problèmes, une douzaine d'années plus tard, non plus sur le plan d'une paroisse mais lorsqu'il s'agira d'harmoniser des paroisses rescapées de cinq diocèses différents, d'un diocèse à cheval sur la Haute et Basse-Bretagne et des prêtres revenus les uns de la clandestinité, les autres d’émigration, d’autres de déportation ou des pontons, d’autres enfin du clergé constitutionnel dont un certain nombre avaient connu, eux-aussi, la prison.

Pour l’instant, nous nous occupons de Binic et d’Etables.

L’enquête se fit donc suivant les formes dans ce climat perturbé. Des affiches furent apposées et les publications faites les 3, 10 et 17 janvier.

Des assignations furent données aux intéressés : le Sr Robert, prieur et recteur d’Etables ; Son Altesse Mons, le Duc de Penthièvre ; le Cte de Caslan ; le général de la paroisse d'Etables en la personne des Srs Roque-Dolo et G. La Guitière, trésoriers en charge ; le prieur et les religieux de l’Abbaye de Beauport, ordre de Prémontré [Note : Il ne semble pas qu’ils aient répondu car l’assignation du 19 janvier fut réitérée le 11 février].

Le 31 janvier 1790, la paroisse d’Etables prenait une délibération : « le curé, sans reconnaître la nécessité de l’érection, y consent volontiers, pourvu que les habitants de Binic en fassent tous les frais, qu’on ne tire rien du Général de la Paroisse, ni du nombre des curés [Note : Le titre de curé désigne ici les vicaires de la paroisse] ni des fondations ». Les habitants adhérent à cette déclaration et nomment pour la réitérer J.-F. Joubin et Fs Cousin [Note : La formule de cette délibération telle qu’elle est mentionnée dans la pièce que j’ai sous les yeux est assez ambigüe. Il semblerait d’après un borderau rédigé plusieurs années plus tard que ce fut le conseil général de la commune qui répondit ainsi le 31 janvier à l’assignation signifiée le 17 au général].

Procès-verbal de commodo et incommodo des 8, 9, 10, 11 et 12 février et 14 avril 1790 contenant les dires des parties assignées, et assignation donné le 8 février 1790 aux sieurs P. René Duflot, receveur des Traites à Binic, Gme Le Bigot, marchand de fil, Emond Hery, cordonnier, Jn Roland, marin, Chr. Grascœur, cordier, à la Vve Fois Raux, sage-femme et à la dame Denis pour déposer en l’information requise.

Deux experts, Gabriel Francois Bernard de Kerivot et Pierre Gourio constatèrent que la distance de la chapelle de Binic au portail de l'église d’Etables était de 1.775 toises, de six pieds et 4 pieds. En outre, que la chapelle de Binic avait 54 pieds de long, 24 pieds de large « outre une tribune de 16 pieds sur 24 et que le tout peut contenir 650 personnes à genoux ». Enfin que « la chapelle est en très bon état, ayant été réparée en entier ».

Etat fut dressé des vases sacrés, ornements, etc., « lesquels se trouvent dans la chapelle de Notre-Dame de Binic ».

Etat général était dressé « des bâtiments entrés dans le port de Binic pendant l'année 1789, duquel il résulte qu'il y est entré 99 bâtiments ayant 1.570 hommes d'équipage, ledit état signé du Sr Blivet et certifié par les Srs Desgrèves Fichet et Marie » — Autre état des bâtiments entrés au même port depuis le 2 janvier au 22 avril dernier, au nombre de 47 français et 10 étrangers...

Le 13 juillet 1790, l'Evêque de Saint-Brieuc, ordonnait que l'un des vicaires d'Etables ou des prêtres de la paroisse « qui sera choisi par le prieur-recteur d'Etables fera sa résidence à Binic, ou dans le lieu le plus proche, afin d'être toujours à portée d'administrer les sacrements (...) En conséquence qu'il sera établi dans la chapelle de Binic, aux frais des habitants de Binic, des fonts baptismaux, une chaire et deux confessionnaux, sans qu'à raison du dit établissement, il puisse y avoir au dit Binic des registres particuliers pour y inscrire les actes de baptême, lesquels seront toujours inscrits sur les registres de la paroisse d'Etables. Comme aussi permettons aux habitants de Binic de faire célébrer dans leur chapelle et chanter l'office public, savoir grand'messe et vespres les jours de Dimanche, sans cependant y faire l'aspersion de l'eau bénite, et autres cérémonies qui n'appartiennent qu'aux églises paroissiales. Défendons au prêtre desservant de faire... aucune publication de bans de mariage ; mais il pourra y faire les annonces et publications qui seront concertées avec le recteur d'Etables, auquel tous les droits de Pasteur sont absolument reconnus et conservés ».

Cette ordonnance était prise par l'Evêque, le 13 juillet 1790, « à Paris, où nous sommes retenus par nos affaires ».

Monseigneur de Bellescize ne pouvait ignorer que la veille, 12 juillet, l'Assemblée Nationale avait voté la Constitution Civile du Clergé.

L'article 17 du Titre I de cette Constitution spécifiait que « les autorités administratives, de concert avec l'Evêque diocésain, désigneront à la prochaine législature les paroisses annexes ou succursales des villes ou de campagnes qu'il conviendra de réserver ou d'étendre, d'établir ou de supprimer ».

Avec courage, L. Marie et L. Fichet reprirent leurs démarches, sollicitèrent des signatures et, le 24 septembre 1790, faisaient parvenir au district de Saint-Brieuc une requête demandant que soit établie une succursale à Binic.

Le 25, les administrateurs du District communiquaient cette requête à la municipalité d'Etables qui se réunit le 29 septembre « le sr. P. Robert, prieur d'Etables, présent ».

Le vent avait changé et le ton devenait acerbe. Le recteur d'Etables estimait que « loin de reconnaître ni nécessité ni avantage dans la pétition des habitants de Binic, il n'y voyait qu'une source de troubles et de désordres pour le civil, et d'affaiblissement considérable pour la religion » (...).

« Le petit endroit de Binic ne contient que 337 individus. La population de la paroisse en contient quatre mille. Le recteur hors d'état de travailler désormais par son grand âge, ne laisserait que deux ou trois prêtres pour le service de plus de trois mille âmes. Le nombre de neuf cents qu'ils veulent affecter, malgré le bon sens, à la chapelle en laisserait au moins la moitié en dehors et sur la rue ou dans les auberges (...).

La permission de Mgr l'Evêque est illusoire à leur égard. Une succursale sans registre pour les baptêmes, des mariages sans bans dans les lieux intéressés annoncent une incompatibilité avec leur prétention et a signé. Ainsi signé : F. Robert prieur d'Etables » [Note : Pierre Robert né en 1718, professeur de Théologie, recteur d'Etables en 1754, refusa le serment. Arrêté en 1793 et incarcéré à Guingamp. Mort à l'hospice. Inhumé d'abord à Guingamp. Ses restes furent transportés ensuite à Etables pour être enterrés dans l'Eglise].

La délibération se poursuit :

« 1° — primo. La municipalité répond qu'elle est à même de prouver par écrit qu'il n'est mort aucun enfant dans le trajet de Binic à Etables (...).

2° — C'est encore une mauvaise objection faire que prétendre que parce qu'on porte les enfants de Binic au bourg d'Etables pour les y faire baptiser ils en deviennent d'une plus faible complexion. Louis Denis beau-père de Louis Marie, l'un des fauteurs de cette opinion, né à Binic, a été baptisé au bourg d'Etables, il vit néanmoins quoiqu'âgé d'environ quatre-vingt-dix ans et il lit sans lunettes.

3° — Si quelques particuliers de Binic ont contribué à l'édification de la chapelle, il est, sauf respect, faux qu'ils en ayent fait tous les frais ; la mère-église de cette paroisse a fourni quinze cents livres, Saint-Roch l'une de ses chapelles a donné du bois, les associés dans les bâtiments y ont contribué en faisant embarquer du sel pour la pêche à Terre-Neuve les dimanches et fêtes au profit de la chapelle ; plus les habitants de la paroisse ont fait des corvées, donné des matériaux (...).

5° — On observe en passant que le procès-verbal de l'Evêque pèche dans la forme et est nul, s'il n'est pas citoyen actif, comme on le dit, faute d'avoir prêté le serment civique.

6° — Il y a de l'exagération en disant qu'il entre annuellement cent bâtiments dans Binic, on compte probablement dans ce nombre des bateaux pêcheurs de la Hougue, qui sont venus dans ces parages, faire une année ou deux la pêche des huîtres. Qu'on fasse le calcul durant dix ans des bâtiments qui ont relâché à Binic, et on verra si, en faisant des dix années une commune, il en a entré annuellement un aussi grand nombre qu'on voudrait le faire croire pour donner au port de Binic une importance qu'il n'a pas. On y arme dix bâtiments ; neuf pour Terre-Neuve et un pour l'Amérique, sept barques font le cabotage, voilà le tableau de la marine de Binic (...).

10° — Quand on objecte que Paimpol n'était point paroisse... on répond que Paimpol est beaucoup plus considérable que Binic ; (...) La population de cette petite ville est d'environ deux mille âmes, tandis que celle de Binic n'est que de trois cent trente sept ; les chemins de Binic à Etables sont beaux et commodes, ceux de Paimpol à Plounez sont impraticables dans les mauvaises saisons. Le commerce y est plus considérable, le lieu six fois plus grand. Le Légué est par sa population et son commerce bien plus important que Binic, le chemin pour aller à Plérin est plus mauvais, plus incommode et aussi éloigné. que celui de Binic à Etables, cependant les habitants du Légué ne demandent point de succursale (...).

11° — A entendre les commissaires dire qu'ils ont contribué pour neuf milles livres à la réparation de la digue on serait tenté de croire qu'ils en auraient fait les frais de leur propre bourse, tandis qu'il est à la connaissance publique que les armateurs y font contribuer tous les ans leurs associés en prenant par chaque bateau de leurs navires une somme de trente livres ; que les armateurs ont souvent peu d'intérêt dans les bâtiments ; en conséquence qu'ils contribuent pour peu de chose à la chaussée. D'ailleurs n'en retirent-ils pas les plus, grands bénéfices (...) ».

Survinrent les événements de la Révolution. Le 28 ventose An 2, (18 mars 1794) la chapelle N.-D. du Bon-Voyage de Binic fut achetée par Louis-François Denis, négociant du Légué mais originaire de Binic, pour la conserver au culte.

A partir de 1791 — ou après la Terreur — un prêtre Pierre-Jacques Hillion, eudiste et ancien professeur à Lisieux, originaire de Trégomeur, desservit cette chapelle, « entouré d'un peuple nombreux ». Il fit le culte d'abord « à voix basse » puis de façon plus solennelle. Vers 1803, l'un des prêtres d'Etables lui succéda [Note : Pierre-Jacques Hillion, né à Trégomeur le 12 décembre 1762. Il est encore à Binic en 1802. Est à St Glen vers 1803. Il est à Etables vers 1806. Nommé desservant de Plestan le 23 octobre 1805. Recteur de St-Brandan du 1er juin 1811 à environ 1820 où il quitte le diocèse. Décédé le 1er août 1844 à Plélo où il résidait].

Les événements, les circonstances, les répercussions de la guerre contribuèrent à accentuer les différences d'intérêt qui séparaient la république de Binic de la mère-paroisse d'Etables et l'amenèrent à rechercher une administration religieuse puis une administration civile particulière.

Je noterai simplement les étapes et les traits qui dessinent la physionomie de Binic à cette époque.

Le Concordat fut signé le 15 juillet 1801 et promulgué le 18 avril 1802. Le nouvel évêque, Mgr Caffarelli arriva à Saint-Brieuc le 10 juin 1802 et fut installé le dimanche 20 juin.

Etables faisait, alors, partie de la Justice de paix (ou canton) de Lanvollon.

L'article 9 du Concordat prévoyait : « Les Evêques feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses qui n'auront d'effet que d'après le consentement du gouvernement ».

La circonscription des succursales et la nomination de leurs desservants ne furent signées par l'Evêque que le 1er frimaire an XII (23 novembre 1803) et approuvées par le 1er Consul que le 25 Nivose an XII (16 janvier 1804).

L'intention du gouvernement était qu'on suive, dans cette circonscription, les démarcations civiles [Note : M. Courcoux, envoyé par l'Evêque à Paris pour suivre les affaires du diocèse lui écrivait le 12 janvier 1803 « Les affaires de Tréveneuc, de Portrieux... se trouvent décidées. St-Quai et le Porterieu ne faisant qu'une commune ne peuvent faire deux succursales. Il en est de même de Prat et de Trevoazan, de Binic et d'Etables etc. L'intention du gouvernement est qu'on suive les démarcations civiles telles qu'elles sont dans ce moment-ci, sauf à en faire de nouvelles par la suite, si on le juge à propos »]. La demande faite par Binic d'être érigée en paroisse était donc rejetée. Sa chapelle, toutefois, était autorisée et par une lettre du 10 messidor An XII, l'Evêque lui permettait d'avoir des fonts baptismaux particuliers.

Les habitants de Binic, cependant, avaient commencé à constituer leur dossier très rapidement. Le 21 juin 1802 — lendemain de l'installation de l'Evêque — une pétition réunissant une cinquantaine de signatures s'exprimait ainsi :

« La petite ville et port de Binic est éloignée de trois-quarts de lieue de l'église paroissiale de la commune d'Etables sur la limite de laquelle elle est située (...). Il s'y tient un fort marché et trois foires. Elle avait ci-devant un tribunal de haute juridiction ».

« Ses armements surtout pour Terre-Neuve sont considérables. Ils employent cette année 400 hommes. Avant la guerre ils en employaient 1.000 et les habitants pleins de confiance dans le Gouvernement espèrent voir cette navigation atteindre encore le même degré d'activité ».

« Le port de Binic sûr et de facile accès est fréquenté par beaucoup de bâtiments ; leurs équipages, comme ceux des navires du lieu, ne peuvent s'en éloigner, pendant que la marée haute les tient à flot, pour aller à 3/4 de lieue assister à la messe ».

« Les accidents, toujours trop fréquents qui dans les travaux de ce port frappent ou des marins ou équipages, ou des ouvriers, ou des manœuvres, rendent souvent nécessaire de prompts secours spirituels ».

« La population de Binic et des villages alentour est très nombreuse. Les vieillards et les infirmes ne peuvent non plus franchir une aussi grande distance pour aller à la messe. Le chemin pour s'y rendre, au travers d'un terrain absolument découvert, est tellement battu par les vents de la mer, que les habitants de Binic, ne peuvent, en hiver, exposer leurs enfants nouveaux nés, et le parcourir pour aller recevoir le baptême à l'église d'Etables (...). Cette dure exposition, et cette longueur de chemin détruit tout l'ordre et toute la décence des inhumations, souvent même par les chutes des porteurs et des cadavres » (...).

« Sur ces mêmes motifs (...) votre prédécesseur (...) avait en 1790 érigé cette église en succursale, en lui attribuant pour arrondissement les villages nommés La Ville-Garnier, Beaumont, la Ville Cadio, le Tertre Ruaud, la Ville Tual et la Ville Biart tout comme Binic situés dans la paroisse d'Etables mais que leur voisinage de Binic lui affectent naturellement ce qui donnait à cette succursale une population d'environ 900 âmes sans y comprendre les équipages des navires qui se trouveraient dans le port ».

« Ces motifs (...) nous obligent de vous demander l'établissement d'une commune composée des villages que nous venons de désigner et auxquels seraient pour leur intérêt et leur commodité, ajoutés les villages et maisons du territoire de Pordic les plus voisins de Binic, depuis la Ville Hulin jusqu'à la Banche inclusivement. Cette petite partie de la commune de Pordic connue sous le nom de Bas de Pordic est aussi éloigné de trois quarts de lieue de l'église paroissiale et les chemins pour s'y rendre sont presqu'impraticables en hiver. Elle ajouterait à la population de Binic environ 300 âmes (...).

L'intérêt de tous ces habitants sous tous les rapports et surtout sous celui de la police du port et des marchés sollicite l'établissement d'une commune à Binic ».

« Si cependant un intérêt plus général s'opposait à cette mesure, nous demandons au moins que Binic soit établi succursale avec le premier arrondissement qui lui avait été donné en 1790 sauf à y ajouter la partie de Pordic ci-dessus désignée ».

Comme nous l'avons dit la question avait été tranchée, le 23 novembre 1803, par l'Evêque et, le 16 janvier 1804, par le Premier Consul.

Les habitants de Binic revinrent toutefois à la charge. Une nouvelle pétition, dalée du 13 janvier 1804, demandait que leur chapelle puisse jouir « des mêmes avantages spirituels qu'une succursale comme de baptiser, marier, enterrer, etc. ». Au mois de juin 1804, l'Evêque permit que la chapelle possédât des fonts baptismaux. De son côté, le Conseil Municipal d'Etables dans sa séance du 27 mai 1804 protestait contre la demande de Binic d'avoir un cimetière « près du marais de Binic entre la Corderie et le moulin de Geslin » et le 12 août 1804, une pétition des habitants d'Etables qui réunissait 137 signatures demandait que « les fonts baptismaux disparaissent de la chapelle de Binic... mais il faut encore que l'église paroissiale ait seule la prérogative de la solennité des offices les dimanches et fêtes et que le prêtre chapelain de Binic, après y avoir célébré une messe non chantée le matin, soit assujetti à assister aux offices qui se font à la paroisse ».

Nouvelle pétition le 15 Floréal an 13 (5 mai 1805) signée de L. Marie et L. Fichet et adressée à « Messieurs Caffarelli, Evêque, et Boullé, préfet des Côtes-du-Nord ».

« Nous avons appris qu'un ordre de Sa Majesté l'Empereur confie à vos lumières (...) une revision nouvelle des délimitations de communes ; nous ne nous dissimulons pas que l'intention du Gouvernement paraît plutôt être pour en réduire le nombre que pour l'augmenter. C'est néanmoins avec espoir (etc.).

A Etables, comme dans toutes les communes rurales, ce ne sont gueres que les environs du bourg qui fournissent des membres à l'administration municipale ; c'est à ce conseil cependant que sont légalement confiés nos intérêts maritimes et commerciaux ; très certainement, ils y sont au moins indifférents. Aussi le Conseil Municipal d'Etables jamais fait un mémoire pour exposer aux autorités supérieures les besoins de notre port et de notre commerce ? C'est cependant sous l'égide du gouvernement municipal que s'accroissent les villes, que s'augmente le commerce. A l'appui de cette assertion, nous citons Paimpol dans ce département qui n'avait que des barques de cabotage ; quand déjà notre port possédait des bâtiments de long cours, et Paimpol dégagé de la commune rurale de Plouenès (sic) a laissé Binic loin derrière lui en population et en richesses ; parmi nous ce n'est que sous un gouvernement municipal intéressé à nos succès maritimes, que peut se remonter à la Paix, une navigation (la pêche de la morue) toujours protégée par l'Etat quand elle lui est recommandée, parce qu'il la regarde avec raison, comme la pépinière la plus nombreuse et l'école la plus instructive de ses marins ; en effet, chez nous, tout tient à la marine et dans un rayon de 2 à 3 kilomètres, notre port avait formé la Paix dernière 15 à 1800 hommes de mer, objet sans doute bien important aux yeux du gouvernement ».

« Binic ne peut plus être considéré comme un village simplement rural. Il forme une petite ville de plus de 100 maisons, une population de 340 à 350 habitants. Il s'y tient 3 foires par an, un marché chaque semaine, l'époque des armements réunit dans le port de 2 à 300 ouvriers, outre les nombreux équipages de la pêche. Il y a deux caisses publiques. Comment y garantir la sûreté, y maintenir la police quand le siège de l'autorité est éloigné de 3 kilomètres 444 ? Il est vrai que pour l'instant un habitant de Binic se trouve 2ème adjoint, mais cet avantage est temporaire et tient à des liaisons d'amitié avec le maire ».

« Loin que notre séparation doive être préjudiciable à Etables, elle lui est avantageuse. C'est du port de Binic que les habitants d'Etables tirent comme nous leurs plus grands moyens d'aisance, puisqu'ils y naviguent habituellement (...). Sur 4.000 âmes montant à la population d'Etables, si Binic en compte 887, il lui en reste toujours au-delà de 3.000 et Etables ne demeure pas une commune qui puisse jamais avoir à craindre la suppression (...). Nous pouvons aussi assurer que les charges locales des deux communes seront suffisamment couvertes par les sous additionnels respectifs, surtout maintenant qu'un octroi vient d'y être établi (...).

Nous espérons, Messieurs, que ces considérations religieuses et politiques mériteront toute votre sollicitude, que Monsieur l'Evêque voudra bien confirmer le décret du 13 juillet 1790 de Monsieur l'ancien évêque de Saint-Brieuc qui érigeoit notre chapelle en succursale et inscrire Binic sur le nouveau tableau qui va en être produit à Son Excellence le Ministre des Cultes et que Monsieur le Préfet, s'il ne peut lui-même nommer une mairie pour Binic, en sollicitera l'autorisation de Son Excellence Monsieur le Ministre de l'Intérieur (...) ».

Cette nouvelle pétition n'eut pas de suite immédiate.

En 1807, nous trouvons le rapport envoyé à l'Evêché par le desservant d'Etables. Marc-Etienne Duval-Villebogard. Né le 5 juin 1751 à Saint-Brieuc, il était recteur de Tréveneuc au moment de la Révolution. Il refusa le serment et partit pour Jersey. Recteur d'Etables en 1804, il sera nommé curé d'Uzel en 1809. Démissionnaire en 1818 il se retira à Saint-Brieuc et y mourut en 1823.

Dans son rapport, il avouait que l'état de sa sacristie était plutôt indigent : un calice d'argent, un ciboire d'argent. « Aubes : nihil — surplis : nihil — rochets : nihil. ». Point de lampe pour le sanctuaire. Des chandeliers de bois. Deux vieux missels. Un mauvais graduel et vespéral. Il ajoutait : « Un prêtre dans le bourg me serait bien utile, je suis seul dans le bourg qui contient 800 âmes, seul surtout pour la nuit pour les villages qui avoisinent St-Quay, Plourhan et Lantic. Les vicaires demeurent tous sur la côte au Portrieux, près Binic et à la Cour »« Il y a les chapelles de Binic et de Saint-Gilles autrefois chapelles rurales, aujourd'hui vendues où on dit la messe comme vous savez. La chapelle de Binic est autorisée par le gouvernement, pourvue de vases sacrés en argent, plusieurs beaux calices, ciboire, soleil [Note : C'est-à-dire, ostensoir] et tout en argent, pourvue de linges, de beaux ornements de toute couleur, chape ».

Le recteur déplorait, en terminant, que les habitants de Binic se regardaient « comme absolument indépendants de l'église paroissiale d'Etables ».

Cette situation n'était pas unique dans le département. Il en était de même à Perros-Hamon. Cette ancienne enclave du diocèse de Dol avait été supprimée et rattachée à la paroisse de Ploubazlanec. Mais les habitants avaient refusé de remettre les ornements à la fabrique de Ploubazlanec. Seuls, sans l'assistance du clergé paroissial, ils continuaient d'enterrer leurs morts dans leur cimetière. Ne disait-on pas que les péris en mer venaient s'étendre, le jour de la Toussaint, dans la fosse qui leur avait été préparée ?

Par contre, les habitants du village de la Ville-Jacob, en Etables, refusaient d'être rattachés à Binic : « Nous regardons notre église paroissiale comme notre mère spirituelle et c'est elle qui nous a donné la vie en Jésus-Christ. Nous la considérons comme le bercail où tout son troupeau doit s'assembler pour rendre gloire à Dieu (...) Comment peut-on regarder des enfants qui abandonnent père et mère, et qui s'enrôlent sous le joug d'un étranger. D'ailleurs notre origine vient ou tient de ce lieu. Nous désirons aussi mêler nos cendres avec celles de nos ayeux. Depuis plusieurs siècles elle a acquis ce droit sur nous et nous tâcherons de le lui maintenir si cela dépend de nous » [Note : Pétition sans date mais écrite sous la Restauration. J'ai rectifié l'orthographe et la ponctuation].

Le 30 septembre 1807, un décret impérial ajoutait 6.000 succursales aux 24.000 déjà à la solde du Trésor Public et accordait que « dans les grandes communes, il pourra être établi des annexes à la demande des principaux contribuables qui s'obligeront personnellement d'en salarier le vicaire ».

A la suite de ce décret différentes tractations ont lieu. Un dossier est constitué. Le 28 octobre 1808, Louis Denis, négociant et armateur, demeurant au port du Légué, donne à Mgr Caffarelli, évêque de Saint-Brieuc, la chapelle de Notre-Dame de Bon-Voyage, de Binic, qu'il avait acquise suivant contrat du vingt huit ventose An deux « espérant le donateur qu'en aucuns temps les deniers, offrandes et oblations ne seront recueillis et administrés que par des fabriciens particuliers qui seront nommés par Monsieur l'évesque pour être employés à l'entretien de la ditte chapelle » [Note : Une autre pièce du dossier indique qu'il avait acquis cette chapelle pour le compte de ses tantes Anne-Marie Guibert et Louise-Thérèse Guibert. femme, Peltier].

Le lendemain, 29 octobre 1808, Jeanne-Angélique Fichet, épouse de M. Jacques Le Pommelec, négociant et armateur, fait don à l'Evêque d'une rente annuelle et perpétuelle « pour aider au traitement d'un vicaire qui sera attaché à la chapelle de Notre-Dame de Bon-Voyage ».

Le 30 octobre 1808, Demoiselle Anne-Marie Guibert « négociante et armatrice » fait également donation d'une rente dans le même but.

Le 12 mars 1809, le Ministre des Cultes fait ouvrir une enquête. De ce dossier j'extrais les précisions suivantes :

« Le port de Binic, dans les neuf premiers mois de l'année courante a reçu ou expédié 120 à 130 bâtiments de commerce : vingt lui appartiennent, dont quinze des plus grands sont expédiés pour la pêche de la morue à Terre-Neuve : leur armement réunit dans le port, chaque printemps, trois à quatre cents ouvriers (...). Nous avons des bureaux de douanes et d'impôts directs et indirects, un commerce local assez important et qui le deviendra davantage par l'ouverture de deux grandes routes qui vont nous mettre en communication avec l'intérieur... ».

Le 19 mars 1814, un décret impérial, signé par l'Impératrice Marie-Louise, érigeait en annexe la chapelle de Binic.

Les 4 et 6 avril, l'Empereur abdiquait.

Rappelons maintenant quelques dates. Le 16 mars 1820, une ordonnance royale érigea Binic en succursale c'est-à-dire en paroisse. L'année suivante, le 22 août 1821, une autre ordonnance érigeait la commune de Binic et, en même temps, faisait d'Etables un chef-lieu de canton.

L'ordonnance du 22 août 1821 donnait dix-huit cents habitants environ à Binic. Une troisième ordonnance, le 11 mai 1836, l'agrandit encore d'une fraction de Pordic. Sur ces derniers points, on se reportera à l'étude de L. David dans les mémoires de la Société d'Émulation, tome LXXXII (année 1953).

(J. R. Du Cleuziou).

NOTES.

On sait, qu'en Bretagne, les paroisses dont le nom commence par Tré — sont des subdivisions anciennes, antérieures au VIIème siècle, des paroisses primitives ou plous.

Etables était paroisse au XIIème siècle mais les Binicais disaient « qu'autrefois (elle) n'était qu'une trève de Plourhan » (Réponse de Louis Fichet et L. Marie en date du 27 décembre 1813 à la délibération du Conseil Municipal d'Etables du 12 mai 1808).

Avant 1790 il y avait, en Bretagne :

1° : des paroisses ayant à leur tête un recteur inamovible.
2° : des trèves ou succursales dépendant de paroisses-mères et ayant à leur tête un vicaire (nommé curé) que l'Evêque nommait et pouvait déplacer.

Ceci dit de façon sommaire.

Les trèves comme les paroisses possédaient des fonts baptismaux et leurs registres particuliers pour établir les actes de baptême, etc. C'est ainsi que les Statuts de Saint-Brieuc imprimés par l'ordre de Mgr de la Vieuxville portent (Titre VII, art. X) « Les recteurs et les curez des trèves auront deux registres qui leur seront fournis aux frais de la Fabrique avant le dernier Décembre de chaque année pour écrire les Baptêmes, Mariages et Sépultures de leurs paroisses ».

Les habitants de Binic pourront penser et prétendre que l'Evêque en leur accordant des fonts baptismaux, érigeait, par le fait-même, leur chapelle en trève ou succursale. Cependant la liste des paroisses et trèves, qui figure dans le Registre du Secrétariat tenu par l'abbé Manoir jusqu'en mai 1791, ne mentionne pas Binic.

L'article 60 du Concordat portait : « Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix. Il sera, en outre, établi autant de succursales que le besoin pourra l'exiger ».

Le Concordat de 1802 distinguait donc :

1° : La paroisse cantonale, ou cure, dont le curé était inamovible et dont la nomination devait être agréée par le gouvernement.

2° : Les succursales ayant à leur tête un desservant (parfois nommé vicaire de succursale). Ce titre de desservant continuera à être usité au cours du XIXème siècle par exemple dans les Annuaires. Mais le titre de recteur reparaît dans les adresses de lettres à partir de 1810 du moins dans la correspondance de l'évêché. L'emploi se généralisera de plus en plus surtout à partir de 1840. Les statuts de 1854 distinguent les curés de canton et les recteurs des autres paroisses. Ces succursales du Concordat sont en effet des paroisses. Carré : Traité du gouvernement des paroisses. Rennes. 1821 écrit p. 10-11 : « On ne saurait donc, civilement parlant, admettre... aucune différence entre les églises dirigées par un curé ou par un desservant, et l'on peut dire que les dernières sont par le fait, aux yeux de la loi civile, de véritables paroisses qui ne sont distinguées... qu'en ce que l'ecclésiastique qui les dessert exerce le saint ministère sous la direction du curé qui est inamovible tandis que le desservant est révocable par l'évêque ».

3° : Sur le territoire d'une paroisse il peut y avoir, en outre, des chapelles, des annexes établies sur la demande de quelques contribuables et des oratoires particuliers.

Carré notait dans ce même ouvrage p. 10 : « L'église cathédrale est essentiellement l'église matrice (qui a sous sa dépendance) toutes celles du diocèse ; l'église de canton celle des succursales ; la succursale elle-même celle des chapelles et annexes ».

La chapelle de Binic fit donc partie, jusqu'en 1814, des chapelles conservées. Le culte pouvait y être exercé par le desservant (recteur) d'Etables ou sous son autorité. Elle figure comme telle sur un état dressé le 23 novembre 1803 et approuvé par le 1er Consul le 25 Nivose An 12 (16 janvier 1804) (Archives de l'Evêché dossier M15).

Nous avons vu que l'Evêque autorisa la chapelle de Binic à posséder des fonts baptismaux par la lettre suivante adressée au recteur d'Etables (Archives Evêché, 3 CD I, 2ème cahier, p. 69 (10 messidor an 12 - 29 juin 1804)).

« M. le desservant d'Etables — Sans entrer, M., dans la discussion qui a eu lieu entre vos paroissiens d'Etables et Binic relativement au cimetière que ces derniers proposaient pour les inhumations de leur canton, cette affaire regardant le civil, j'ai consenti pour ce qui regarde le spirituel à plusieurs objets relatifs au culte que j'ai approuvés dans cette chapelle. Vous en avez déjà connaissance par la lettre que je vous ai écrite à ce sujet. MM. le Pommelec et Marie me représentent aujourd'hui qu'il manque quelque chose pour l'avantage et la commodité de Binic. Dès avant la Révolution le décret de M. Bellescize, notre prédécesseur, leur avait accordé des fonts baptismaux ; vous avez vous-même approuvé qu'on y chante des services pour les morts ; tenant aux dispositions antérieurement arrêtées par M. de Bellescize, les mêmes raisons subsistant, nous permettons qu'il y ait des fonts baptismaux à Binic pour la plus grande commodité de vos paroissiens, bien entendu que tous les exercices du culte ne se feront dans la chapelle que sous votre juridiction et surveillance ; entendons par cette présente diminuer ni soustraire aucune partie de ce qui vous est attribué de droit par votre place de pasteur d'Etables ; en même temps il sera libre à tous prêtres autorisés de la paroisse d'assister aux offices qui pourront s'y faire, et à vous de déléguer qui bon vous semblera pour vous y représenter. Je suis persuadé, M. que vous entrerez dans mes vues pour le bien de la paix, et que vous voudrez bien vous même bénir les fonts et l'eau pour les baptêmes. Vous prendrez pour cette cérémonie le temps qui sera le plus commode, et vous vous concerterez pour cela avec MM. Pommelec et Marie ».

Profitant du décret du 30 septembre 1807 qui permettait d'établir des annexes dans des paroisses, les commissaires des habitants de Binic firent les démarches nécessaires. Comme on l'a vu, le 19 mars 1814, la chapelle de Binic devint annexe.

Ce fut le 16 mars 1820, que Binic devint succursale. Binic n'était donc plus chapelle annexe dans une paroisse. Binic était érigée en succursale, ce qui signifiait, dans le style de l'administration concordataire, que Binic devenait paroisse. Une nouvelle chapelle, sera bâtie. Voir Couffon, Répertoire des églises et chapelles.

***

Les soucis ne manquaient pas d'ailleurs au clergé d'Etables. Le 22 août 1816, le vicaire écrivait que le jour de l'assemblée de Saint-Roch, des paroissiens s'étaient « ingérés de chanter solennellement les vêpres avec procession précédée d'une croix et de cierges allumés... Ils ont de plus chanté solennellement le Libera suivi d'une oraison pro defunctis. St Gilles se trouve le premier dimanche de septembre et ils croient devoir en faire autant qu'à St Roch. Nous ne dîmes pas vêpres à St Roch parce que nous avons une lettre signée de vous qui nous ordonne de les dire à la paroisse... Il faut que je sois bien coupable à vos yeux pour m'avoir donné en pénitence de venir à Etables ».

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