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LES BONNETS ROUGES

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Sommaire. - Les troupes venues à Rennes le 12 octobre, sortent de la province. - Session des Etats de Bretagne, qui n'obtiennent rien du Roi. - Nouvelle armée de dix mille hommes, envoyée en Bretagne malgré M. de Chaulnes. - Indiscipline de ces nouvelles troupes, poussée jusqu'au brigandage ; témoignage de Mme de Sévigné. - Ces troupes sortent de Bretagne le 1er mars 1676. L'amnistie est publiée le lendemain. - Les exceptés de l'amnistie. - Démolition partielle de la rue Haute. - Rappel du Parlement (1689).

M. de Chaulnes cependant commençait à se trouver assez vengé. Il s'était plu à braver la haine ; mais il ne fut pas longtemps sans en redouter les suites : connaissant l'opiniâtreté bretonne et tenant fort à conserver son gouvernement de Bretagne, il prévoyait que les Bretons, une fois devenus irréconciliables, ne cesseraient de lui créer des embarras infinis, au point de rendre sa situation impossible. Il désirait, on le comprend, éviter ce péril et par suite voir abréger le châtiment appelé par lui-même sur la province ; s'il n'eût tenu qu'à lui, ce châtiment aurait eu son terme vers la fin du mois de novembre 1675. Il plus que désirer, il agit pour procurer ce résultat.

Il commença par délivrer Rennes d'une partie des troupes dont il l'avait inondée le 12 octobre, et dont plus de moitié en était déjà sortie le 6 novembre pour quitter définitivement la Bretagne. En même temps il assembla les Etats de la province, qu'il ouvrit en personne, le 9 novembre, dans la ville de Dinan. Cette mesure fut d'un excellent effet : convoqués successivement en août, en septembre et en octobre, les Etats s'étaient vus, à ces trois dates, successivement ajournés avant d'avoir été réunis, et l'on en craignait déjà la suppression ou au moins la suspension indéfinie [Note : « Je vous parlois des Etats, dans la crainte qu'on ne les supprimât pour nous punir, mais nous les avons encore », écrivait Mme de Sévigné à Mme de Grignan, le 24 novembre 1675], que tous les Bretons eussent regardée comme l'injure la plus sensible et le dernier des maux. L'ouverture de cette assemblée parut donc un signe prochain de délivrance.

Il est vrai que les commissaires du Roi demandèrent trois millions de don gratuit, un tiers plus qu'à l'ordinaire, et qu'on n'avait jamais accordés qu'en 1661, lorsque Louis XIV vint en personne tenir les Etats à Nantes (Mme de Sévigné, lettre à Mme de Grignan, du 17 novembre 1675). Mais les représentants de la province n'hésitèrent pas ; on leur faisait entrevoir, au prix de cette rançon, le retour de la paix et de la liberté ; ils l'accordèrent aussitôt sans marchander ; et même, au lieu de remettre le vote du don gratuit à la fin de leur session, comme ils avaient toujours fait, ils le votèrent par acclamation dès leur seconde séance (le 11 novembre) : précédent fâcheux, d'ailleurs, et qui devint le principe d'un usage des plus funestes aux finances de la province.

Dès le lendemain de ce vote, une députation partit pour annoncer à la cour ce riche présent et renouveler les plus formelles assurances de la fidélité des Bretons. Les présidents des trois Ordres (l'évêque de Saint-Malo, pour l'église, le duc de Rohan, pour la Noblesse, et le sénéchal de Nantes, pour le Tiers) composaient cette députation solennelle, qui avait encore pour mission - c'était là son objet le plus important - d'implorer du Roi une triple grâce, à savoir, le retrait total des troupes, le retour du Parlement à Rennes, et enfin une amnistie générale (Relation de Morel ; Journal de La Courneuve). Encouragées par le gouverneur et les commissaires du Roi, les espérances étaient grandes dans toute la Bretagne ; elles furent grandement trompées. Le Roi accepta les trois millions et n'accorda rien, sinon le contraire précisément de ce qu'on lui demandait, je veux dire l'envoi de nouvelles troupes, au nombre de dix mille hommes, pour fouler de nouveau la pauvre province (Voyez La Courneuve ; et Mme de Sévigné, lettres à Mme de Grignan, des 17, 20, 27 novembre, 4 et 18 décembre 1675).

Cette nouvelle, qui se répandit en Bretagne vers la fin de novembre (Mme de Sévigné l'annonce à sa fille le 27 novembre 1675), y fit l'effet d'un coup de foudre : ce fut une consternation générale et un deuil universel. M. de Chaulnes, d'ailleurs, - cela est certain - n'avait aucune part à cette mesure. Loin de l'avoir sollicitée ou désirée, il avait très fortement désiré le contraire ; il ne connut l'intention de la Cour que par son exécution, et pour comble de disgrâce, il se vit, dans son propre gouvernement, enlever le commandement de ces dix mille hommes, exclusivement remis à M. de Pommereu, délégué en Bretagne pour cet objet avec la qualité d'intendant de justice et d'inspecteur de ces troupes. Mme de Sévigné est bonne à entendre sur ce chapitre. Le 4 décembre, elle écrit à Mme de Grignan : « Nous sommes toujours dans la tristesse des troupes qui nous arrivent de tous côtés avec M. de Pommereuil [Note : La vraie orthographe est Pommereu, mais Mme de Sévigné écrit toujours Pommereuil]. Ce coup est rude pour les grands officiers ; ils sont mortifiés à leur tour, c’est à dire, le gouverneur, qui ne s'attendait pas à une si mauvaise réponse sur le présent de trois millions ». Et quelques jours après encore, reprenant ce sujet : « Il faut excuser des gens qui ont perdu la tramontane, dit-elle sa fille, en parlant de M. et de Mme de Chaulnes ; c’est dommage que vous n'éprouviez la centième partie de ce qu'ils ont souffert ici depuis un mois. Il est arrivé dix mille hommes dans la province, dont ils ont été aussi peu avertis et sur lesquels ils ont autant de pouvoir que vous ; il ne sont en état de faire ni bien ni mal à personne... Mme de Chaulnes me paroît la mort au coeur de toutes ces troupes, et M. de Chaulnes très embarrassé de M. de Pommereuil » (Lettre du 22 décembre 1675).

Ces dix mille hommes entrèrent en Bretagne vers le 6 ou 4 décembre (Lettre de Mme de Sévigné, du 8 décembre) ; le 9, les deux régiments de la Reine et du Dauphin arrivèrent à Rennes, d'où sortit immédiatement (le 9 et le 10 décembre) tout ce qui demeurait encore de troupes venues le 12 octobre, sauf pourtant les compagnies du régiment de la Couronne, qui furent au contraire rejointes en cette ville par le reste de leur corps, le 24 et le 25 du même mois. Ces trois régiments, de la Reine, du Dauphin et de la Couronne, avec quelques escouades d'archers de la maréchaussée, portèrent la garnison de Rennes à environ cinq mille hommes [Note : Voir, pour ces détails, le Journal de Du Chemin et la Relation de Morel ; ce dernier porte à 6.000 hommes la garnison de Rennes : mais ce chiffre semble un peu fort]. Le reste des dix mille hommes fut répandu dans les autres places de la province, pour qu'elles n'eussent rien à envier au sort de la capitale.

M. de Pommereu arriva à Rennes le 16 décembre (Relation de Morel). « C’est le plus honnête homme et le plus bel esprit de la robe », dit Mme de Sévigné (Lettre à Mme de Grignan, du 11 décembre 1675), dont il se vantait d'être l'ami et qu'il eut la galanterie d'aller voir, en passant à Vitré. « Il est reçu comme un dieu, dit-elle encore, et c'est avec raison : il apporte l'ordre et la justice pour régler dix mille hommes, qui sans lui nous égorgeraient tous » (Lettre à Mme de Grignan, du 18 décembre 1675). On ne parle pas autrement de dix mille bandits ; et c'est ici le lieu d'établir une distinction nécessaire entre ces nouvelles troupes et celles du bailli de Forbin, qui, entrées au mois d'août dans notre province, avaient achevé de la quitter pour céder la place à l'armée de M. de Pommereu.

Les troupes de M. de Forbin furent sans doute, pour Rennes et la Basse-Bretagne, l'instrument d'une trop cruelle punition ; mais du moins ne furent-elles qu'un instrument ; elles ne firent qu'exécuter les ordres de leurs chefs, sans vexer encore les habitants par leur indiscipline : aussi les relations contemporaines ne font aucune plainte de leurs désordres. Les causes de cette bonne tenue sont évidentes : en premier lieu, M. de Chaulnes - nous l'avons vu - eut soin de prendre contre ces désordres les mesures les plus énergiques ; en second lieu, il faut remarquer que l'armée de M. de Forbin était en très grande majorité, composée de troupes d'élite. Sans parler de la maréchaussée, qui ressemblait à notre gendarmerie d'aujourd'hui, les régiments de Picardie et de la Marine étaient au nombre de six, connus sous le nom de Vieux corps, placés en tête de toute l'infanterie par leur discipline et leur bravoure. La même remarque s'applique avec plus de force aux troupes de la maison du Roi, entre autres, aux gardes françaises et aux gardes suisses, et surtout aux deux compagnies de mousquetaires, composées de gentilshommes de bonnes familles qui venaient y faire leur apprentissage militaire : aussi l'une des relations rennaises des événements de 1675 déclare positivement que « les mousquetaires sont tous gens d'honneur et fort sages » (Morel).

Les régiments de M. de Pommereu, au contraire, étaient pris de la masse la plus commune de l'armée. C'était le simple soudard dans sa grossièreté native, d'autant plus brutal que, venant de faire la guerre sur le Rhin, il était porté à voir, dans cette expédition de Bretagne, une sorte de campagne d'hiver contre des ennemis moins redoutables que les impériaux, mais d'autant meilleurs à tondre et saccager. Ajoutez à cela que M. de Pommereu, malgré l'amitié et les éloges de Mme de Sévigné et malgré toute son omnipotence, ne semble pas avoir renouvelé, contre les désordres de la soldatesque, les mesures vigoureuses et efficaces adoptées par M. de Chaulnes. Ce qui est sûr, c'est que ces désordres ne tardèrent pas à devenir extrêmes ; le soudard ne respecta ni la personne ni la propriété des habitants ; les violences de toute espèce se multiplièrent ; et ce dernier châtiment, où M. de Chaulnes, je le répète, n’eut aucune part, sembla plus intolérable à la généralité de la province que tous ceux dont le gouverneur avait eu précédemment l'initiative. L'armée de M. de Pommereu ne fut pas, comme celle de M. de Forbin, l'instrument de la punition ; elle fut la punition même.

Ecoutons Mme de Sévigné, dont le témoignage n'est pas suspect. Dès le premier moment de leur arrivée (le 8 décembre), elle dit de ces soudards : « Ils vivent, ma foi, comme dans un pays de conquête, nonobstant notre bon mariage avec Charles VIII et Louis XII ». Trois jours après, le 11 décembre, elle écrit à Mme de Grignan : « Venons aux malheurs de cette province : tout y est plein de gens de guerre : il y en aura à Vitré... Il en passe beaucoup par la Guerche, et il s'en écarte qui vont chez les paysans. les volent et les dépouillent. C'est une étrange douleur, en Bretagne, que d'éprouver cette sorte d'affliction, à quoi ils ne sont pas accoutumés ». Le 20 décembre : « Vous savez les misères de cette province », marque-t-elle à son cousin Bussy-Rabutin ; « il y a dix à douze mille hommes de guerre, qui vivent comme s'ils étaient encore au-delà du Rhin : nous sommes tous ruinés. Mais qu'importe ? Nous goûtons l'unique bien des coeurs infortunés ; nous ne sommes pas seuls misérables : on dit qu'on est encore pis en Guienne ». Le 22 décembre elle conte que si Mme de Chaulnes tardait à venir à Vitré, « c'est qu'elle croignait d'être volée par les troupes qui sont par les chemins ». La gouvernante elle-même ! En 1676, la licence ne fait que croître et monte à des forfaits monstrueux : « Pour nos soldats, écrit-elle, le 5 janvier, à Mme de Grignan, ils s'amusent à voler ; ils mirent l'autre jour un petit enfant à la broche ! ». Et M. de Sévigné, fils de la marquise, ajoute : « Toutes ces troupes de Bretagne ne font que tuer et voler » (Lettre à Mme de Grignan, du 5 janvier 1675).

Les archives municipales de Guingamp, consultées par l'Historien de cette ville (M. Ropartz), lui ont fourni de quoi joindre aux textes de Mme de Sévigné un curieux commentaire, qui prouve que ces soudards n'épargnaient pas plus, dans leurs pillages, les municipalités que les particuliers. Ne pouvant entrer dans le détail, je me borne a citer un trait. Un certain M. 0llier, mestre-de-camp (ce qui équivaut à colonel) du régiment dont quatre compagnies tenaient garnison à Guingamp, occupait dans cette ville une maison entière, louée et meublée pour son usage aux frais des habitants. Il mangeait avec ses officiers à l'auberge du Cheval-Blanc, la meilleure du lieu, et il y mangeait si bien que la Communauté de ville se vit bientôt obligée de faire, pour solder sa dépense, un fonds de 1.400 livres, qui fut remis provisoirement aux mains du greffier municipal. Survient à quelques jours de là M. 0llier, qui force le greffier de lui livrer cette somme, refuse d'en donner un reçu soit au greffier soit au maire, mais engage sa parole de payer fidèlement l'hôte. Il n'en fit rien, et force fut, le mois suivant, aux pauvres bourgeois de payer une seconde fois, sur les réclamations de l'aubergiste, la ripaille du colonel. Ainsi, celui-ci avait notoirement volé à la Communauté de ville une somme de 1.400 livres (Ropartz, Histoire de Guingamp, 2ème édition, dans la Revue de Bretagne et de Vendée, t. VI, pp. 196-199). Quand les grosses épaulettes donnaient de tels exemples, que ne devaient faire les soldats !.

L’exemple de Guingamp prouve que ces brigandages s’étendaient dans toutes les parties de la province ; mais aucune n'en souffrit plus que la ville de Rennes, à cause de sa nombreuse garnison. Voici le tableau raccourci qu'un témoin oculaire nous a laissé des débordements de la soldatesque : « plusieurs habitants de cette ville et fors bourgs de Rennes ont été battus par des soldats qui étaient logés chez eux ; et tous les soldats ont tellement vexé les habitants qu'ils ont jeté de leurs hôtes et hôtesses par les fenêtres après les avoir battus et excédés, ont violé des femmes, lié des enfants tous nus sur des broches pour les vouloir faire rôtir, rompu et brûlé les meubles, démoli les fenêtres et vitres des maisons, exigé grandes sommes de leurs hôtes, et commis tant de crimes qu'ils égalent Rennes à la destruction de Hiérusalem » [Note : Journal de Du Chemin, sous la date du 13 décembre 1676. Les troupes ne faisaient encore alors qu'arriver à Rennes ; mais il est clair que l'auteur a rassemblé à dessein, sous cette date, les principaux actes de violences dont elles se rendirent coupables pendant toute la durée de leur séjour, afin de montrer, dès l'abord, quel fléau elles apportaient].

Non seulement on devait subir les insultes de ces brigands ; il fallait aussi payer de grosses sommes pour les nourrir. Les taxes recommencèrent et furent cette fois bien plus lourdes que celles levées pour l'armée de M. Forbin. On en mit une première au mois de décembre 1675, une seconde vers le 20 janvier suivant ; cette dernière visée en cinq classes, imposées à 64, 40, 32, 20 et 10 livres (Du Chemin). L'autre n'était guère moins forte, puisqu'un des habitants de Rennes soumis à ces taxes (le procureur Morel) paya pour sa part 122 livres, du 25 décembre 1675 au 1er mars 1676 [Note : Journal de Morel. Il paya même 124 livres 16 sols ; mais il avait un reliquat de 2 livres à acquitter pour compléter sa part de deux taxes imposées en octobre par M. de Chaulnes].

Tous les prétextes étaient bons, d'ailleurs, pour rançonner ces pauvres Rennais ; ainsi, un ordre de la cour ayant, je ne sais trop pourquoi, prescrit de faire changer les soldats de logements au mois de février, le témoin oculaire de tout à l'heure dit à ce sujet : « Le jour de la Chandeleur. 2 février 1676, on a fait un délogement, ou plutôt un désolement général ; ce qui a encore beaucoup coûté aux habitants » (Journal de Du Chemin).

Pour tout résumer un autre s'écrie : « Jamais il ne s'est vu telle désolation, non seulement ici, mais encore dans tout le royaume : Dieu nous veuille consoler ! » (Journal de René de la Monneraye).

Dieu entendit enfin ces prières, et ne voulut pas permettre la ruine complète de ce malheureux peuple.

La guerre continuait toujours sur le Rhin ; avec le printemps de 1676 allait s'ouvrir une nouvelle campagne ; le Roi n'avait pas trop de toutes ses troupes pour vaincre les ennemis : celles qui occupaient la Bretagne furent rappelées sans exception, et elles en sortirent le 1er mars 1676 [Note : Il resta pourtant encore un petit détachement de troupes à Rennes, mais fort peu nombreux, jusqu'au 13 avril 1676, suivant la relation de Morel], après l'avoir torturée pendant trois mois. Ce départ excita dans la province une joie universelle.

Le retrait des troupes entraînait comme conséquence l'amnistie. Elle était signée depuis le 5 février, elle fut registrée le 2 mars par le Parlement siégeant à Vannes, publiée aussitôt dans toute la province. Cette amnistie tardive avait moins le caractère d'un acte de clémence que d'une mesure de nécessité. On ne pouvait laisser le glaive suspendu sur toute une province, on fit la porte du pardon aussi étroite que possible. A la suite des lettres d'amnistie, figure une longue liste d'individus qui en sont exceptés, jusqu'au nombre de cent soixante-quatre, répartis, d'après leur domicile, entre cinquante-huit ou paroisses de Bretagne ; il n'est pas sans intérêt d’examiner cette liste.

Sur ces cent soixante-quatre réservés, Rennes seule en fournissait cinquante-six, parmi lesquels on remarquait outre une foule de gens de métier [Note : Entre autres, six bouchers, cinq aubergistes, trois couvreurs], un gentilhomme [Note : « Le sieur de la Ravelaye, se disant gentilhomme » dit la liste des réservés], un notaire, quatre procureurs, dix clercs de procureurs, un sergent ou recors ; la paroisse de Gevezé avait aussi fourni un sergent ; et la ville de Nantes deux femmes et deux hommes, à savoir, une menuisière, une confiturière, un tripier et un boucher. C'était là tout le contingent de la Haute Bretagne, faisant soixante-et-un réservés ; les cent trois autres appartenaient à la Basse, savoir, à l'évêché de Cornouaille soixante dix-neuf ; au Léon, douze ; à Tréguier, sept ; à Vannes, cinq.

Les soixante-dix-neuf réservés de Cornouaille, entre lesquels on distingue quatre prêtres, dont l'un était le curé de Saint-Hernin, c'est-à-dire, de la paroisse où se trouvait le château de Kergoët [Note : Les trois autres prêtres étaient : Jean Le Trouadec de la paroisse de Bannalec ; Guillaume Maréchal de Callac ; et Allain Maillard de Tréméoc]. Ces réservés de Cornouaille se répartissent en trente-sept paroisses, dont voici les noms par ordre alphabétique : Argol, Bannalec, Briec, Callac, Cast, Châteaulin, Châteauneuf-du-Faou, Cléden-Poher, Combrit, Dinéault, Douarnenez, Duault, Le Faou, Fouesnant, Gourin, Guiscriff, Hanvec, Lothey, Mellac, Motreff, Nizon, Paule, Peumerit, Plogonnec, Plomeur, Plomodiern, Quémeneven, Rosnoën, Saint-Coulitz, Saint-Evarzec, Saint-Hernin, Saint-Ivy, Saint-Nic, Saint-Ségal, Spézet, Telgruc, Tréméoc.

Les douze réservés du Léon appartenaient aux neuf paroisses suivantes : Le Crucifix [Note : Paroisse desservie en la cathédrale de Saint-Paul, comprenant une partie de la banlieue de cette ville], Lampaul [Note : Il y a en l'évêché de Léon trois Lampaul, à savoir : Lampaul-Ploudalmézau, Lampaul-Bodenès, trêve de Guimiliau, et Lampaul-Plouarzel ; je ne saurais dire duquel il s'agit ici], Landerneau, Ploudaniel, Plouvien, Plouvorn, Saint-Frégan, Saint-Jean-Trefgondern, Trébodénic (en Ploudaniel) [Note : Ce nom, sur la liste, se trouve placé entre Landerneau et Ploudaniel ; et à peu de distance du bourg de Ploudaniel existe un village appelé Trebodenic. Mais ce n'est pas une paroisse, et nous n'en connaissons pas de ce nom].

Les sept réservés de l'évêché de Tréguier, aux paroisses ci-dessous : Lannion, Plestin (Plestin-les-Grèves), Plouégat-Guérand, Plougasnou, Plougras.

Et les cinq réservés de l'évêché de Vannes, aux quatre paroisses qui suivent, savoir : Kervignac, Malguenac, Ploërdut, Pont-Scorff.

J'ai donné ce dénombrement, parce qu'il sert à indiquer les cantons où la révolte avait eu le plus de force.

Après la publication de l'amnistie, il y eut des condamnations, même capitales, portées contre plusieurs des réservés.

Ainsi, le 13 mars 1676, on pendit à Rennes un nomme Julien Le Prestre, couvreur, de la rue Haute, « convaincu d'avoir levé les armes, obligé plusieurs habitants de le suivre et voulu mettre le feu dans la maison de l'Image Saint-Jean » [Note : Relation de Morel. Cette maison était située dans la rue Sainte-Anne]. Le même jour, fut condamné aux galères un particulier nommé Verdier (Relation de Morel) ; un autre, appelé Lesmont, aubergiste du Luxembourg, eut le même sort le 11 juillet, et le 14 de ce dernier mois, on envoya en exil une poissonnière, la Jolly, impliquée dans les séditions de Rennes comme les trois particuliers ci-dessus, et comme eux exceptée de l'amnistie (Journal de Du Chemin).

La rue Haute non plus ne fut pas comprise dans l'amnistie ; j'entends par là les maisons, car les anciens habitants, bannis comme nous l'avons vu, purent, sauf les réservés, rentrer à Rennes. Les maisons n'en durent pas moins être rasées quoique les propriétaires se fussent cotisés pour payer à M. de Tonquédec 5.000 livres, valeur de ses chevaux massacrés par les mutins ; massacre qui selon un contemporain [Note : Le notaire Toudoux, qui a laissé un journal des troubles de 1675], aurait été pour beaucoup dans la rigoureuse condamnation portée contre la rue Haute. Vers le 20 avril 1676, on se mit à démolir les maisons. Toutefois celles, assez nombreuses, qui étaient sous le fief du roi furent épargnées, et un certain nombre d'autres rachetées moyennant finance par les propriétaires (Journal de Toudoux). Cela sauva environ les deux tiers du quartier ; l'autre tiers fut impitoyablement rasé. Seulement, on permit bientôt d'habiter les maisons épargnées, même de rebâtir, sous certaines conditions, celles qu'on avait rasées ; ainsi peu à peu le pauvre faubourg malgré sa mutilation finit par se relever.

Mais le Parlement resta de longues années à Vannes : cruel désastre pour les Rennais à qui l'on voulait vendre à haut prix le retour des magistrats. On ne put toutefois tirer de là l'établissement, désiré par le pouvoir, d'une garnison et d'une citadelle, le Parlement aimant mieux vivre à Vannes pour jamais que se mettre sous la gueule du canon.

De guerre lasse, on se rabattit à faire financer les bourgeois. Moyennant un subside extraordinaire de 500 mille livres, décoré du nom de présent et fourni à la couronne par la ville de Rennes, le roi rappela le Parlement de Bretagne dans la capitale de cette province par un édit donné en octobre 1689, quatorze ans après celui qui l'avait relégué à Vannes. Cette cour ne reprit ses audiences à Rennes que le 1er février 1690 ; dans la ville, dans la province entière, ce retour fut célébré comme une fête. Le demi million dont il fut acheté n'en était pas moins un supplément de rançon des séditions rennaises de 1675, déjà pourtant si chèrement et si cruellement payées (A. de la Borderie).

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