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LES BONNETS ROUGES

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Sommaire. - Lettres bienveillantes du duc de Chaulnes aux habitants de Rennes. - Il rentre dans cette ville (le 12 octobre) et l'occupe avec 6.000 hommes de troupes. - Punition des Rennais : exil du Parlement ; désarmement des bourgeois ; bannissement des habitants de la rue Haute.

Dès les premiers jours d'août 1675, avant même que les troupes, conduites par M. de Forbin, eussent passé la frontière de notre province, le bruit de leur prochaine venue se répandant en Bretagne excita dans Rennes un tel émoi que M. de Chaulnes, du Port-Louis où il était alors, crut devoir adresser la lettre suivante aux membres de la Communauté de ville :

« Messieurs, je croirois inutile de vous écrire sur la résolution qu'a prise Sa Majesté de m'envoyer des troupes, si je n'avois vu à Rennes tant d'alarmes mal fondées sur ce sujet que j'ai cru vous devoir assurer que la seule opiniâtreté des peuples de Basse-Bretagne à rentrer dans leur devoir a porté le Roy à se servir des remèdes extrêmes, pour guérir des maux qui se rendroient incurables par le temps. Soyez donc persuadés, et assurez vos habitants qu'ils peuvent être sans inquiétude, à l'abri de leur zèle au service du Roy, et de l'assurance que je leur donne que la marche de ces troupes n'a rien qui les regarde. Empêchez seulement que quelques esprits mutins et prompts à s'émouvoir ne troublent votre repos par des alarmes sans fondement, et soyez assurés que je contribuerai toujours avec joie à tout ce qui pourra vous procurer des grâces, et que je suis votre très affectionné serviteur, LE Duc DE CHAULNES » [Note : Archives municipales de la ville de Rennes, Registre des délibérations de la Communauté-ville de l'an 1675, fol. 49, VO et 50 R°. Cette lettre n'est pas datée, mais elle est enregistrée au procès-verbal de la séance du 5 août 1675].

Ainsi parlait le gouverneur, avant son expédition en Basse-Bretagne. Au moment où elle tirait à sa fin, deux jours avant qu'un arrêt du Parlement fît rétablir à Rennes le bureau du timbre, M. de Chaulnes adressa de nouveau aux habitants de cette ville une lettre du style plus bienveillant, ainsi conçue :

« Morlaix, ce 24ème septembre 1675. Messieurs, le désir que j'ai de vous faire ressentir les effets des bontés du Roy m'a persuadé que le rétablissement du bureau du papier timbré y peut beaucoup contribuer ; et comme je sais qu'aucun des bons habitants de Rennes n'a trempé, dans le pillage qui s'en fit, il y a quelque temps, et que le seul emportement de quelques vagabonds causa ce désordre, je ne doute pas que non seulement vous ne contribuiez de ce qui dépendra de vos soins au rétablissement dudit bureau, que le Parlement doit ordonner, mais que vous ne les employiez aussi pour prévenir, par toutes sortes de précautions, un pareil accident. Ce me sera un nouveau moyen d'attirer sur Rennes les grâces que son obéissance et sa soumission aux volontés du Roy lui pourront faire mériter, et de vous faire connoître la joie que j'aurai de me prévaloir de toutes les occasions qui pourront vous être avantageuses pour effacer les fâcheuses impressions qu'auraient pu donner les derniers mouvements. Et me remettant à ce que M. le marquis de Coëtlogon vous fera connaître plus particulièrement de ma part, je vous assurerai que je suis, Messieurs, votre très affectionné serviteur, LE Duc DE CHAULNES » [Note : Archives municipales de Rennes, Registre des délibérations de la Communauté-ville de l'an 1675, fol. 61 R°, enregistré au procès-verbal de la séance du 26 septembre 1675].

Cette lettre arriva à Rennes le 26 septembre et, le même jour, on en lut une autre, au Parlement, de même date et à peu près de même teneur, par laquelle le duc de Chaulnes demandait effectivement aux magistrats d'ordonner le rétablissement du bureau du timbre. C'est M. de Coëtlogon qui avait apporté ces deux lettres : étant entré en la Cour pour appuyer cette demande, il y prononça une longue harangue, où, entre autres choses, il disait expressément :

« Cette justice (le rétablissement du bureau du timbre) sera sans doute agréable à tout le monde, puisqu'elle est capable de satisfaire le Roy, d'attirer les grâces de Sa Majesté sur la province, de procurer l'éloignement des troupes qui y sont, avec une prompte assemblée des Etats, et enfin d'affermir la tranquillité publique » (Registres secrets du Parlement, séance du 26 septembre 1675), le Parlement, on l'a vu, se rendit aussitôt à ces motifs.

Après toutes ces lettres et toutes ces déclarations, après le calme profond qui accompagna, comme je l'ai dit, le rétablissement des bureaux, les habitants de Rennes, on l'avouera, avaient lieu d'être fort rassurés, et devaient surtout se croire bien à l'abri de l'invasion des troupes royales, dont la marche, suivant la déclaration expresse du gouverneur, n'avait rien qui les regardât. Aussi est-il facile de comprendre leur indignation quand ils surent, à n'en pouvoir pas douter, qu'au mépris de toutes ces belles assurances et de tout ce mielleux langage, M. de Chaulnes marchait sur Rennes avec toute l'armée de M. de Forbin. On s'explique fort aisément que Mme de Sévigné écrivit à ce moment-là : « L'émotion est grande dans la ville de Rennes, et la haine incroyable dans toute la province pour le gouverneur » (Lettre écrite des Rochers à Mme de Grignan, 9 octobre 1675).

Deux jours après, en effet, (le 11 octobre) le gouverneur vint coucher avec toutes les troupes au petit bourg de Saint-Gilles, situé à quatre lieues de Rennes sur la route de Saint-Brieuc. Parmi ces troupes on remarquait au premier rang celles qui faisaient partie de la maison militaire du Roi, savoir : les deux compagnies de mousquetaires, les gris et les noirs, faisant ensemble environ six cents cavaliers, trois compagnies des Gardes françaises et autant des Gardes suisses : après ces corps d'élite venait un escadron de cinq cents dragons ; le reste était de l'infanterie tirée des régiments de Picardie, de la Marine, de Navailles et de la Couronne ; enfin, un millier d'archers de la maréchaussée, tant à pied qu'à cheval (Journal de René du Chemin et Relation de Morel) : le tout faisant une armée de six mille hommes. Malgré cette force imposante, M. de Chaulnes connaissait si bien les sentiments des Rennais qu'il craignit d'éprouver de la résistance pour entrer dans leur ville et de trouver les portes closes. Aussi disposa-t-il ses soldats en marche de guerre, et comme le dit un témoin, « il fit tout ranger en bataille et défiler, depuis Saint-Gilles, tous quatre à quatre, l'infanterie la mèche allumée des deux bouts, balle en bouche et les officiers à la tête de leurs compagnies. La cavalerie avoit le mousquet haut, et les officiers l'épée nue à la main. M. de Coëtlogon, qui étoit allé le matin au-devant de lui avec soixante ou quatre vingt gentilshommes, le suivoit à son entrée ; et M. de Chaulnes avoit à sa droite M. de Marillac, maître de requêtes, qu'on envoyait à Rennes en qualité d'intendant de justice » pour faire le procès aux séditieux, « et à sa gauche, M. le chevalier de Forbin, capitaine des mousquetaires gris et général des troupes du Roi en Bretagne » (Journal de M. de La Courneuve).

M. de Chaulnes entra à Rennes dans cet appareil, qui sentait moins le gouverneur que le conquérant. Mais ce conquérant triompha d'ailleurs sans nul mérite : au lieu de la résistance attendue, peut-être désirée par lui, il ne trouva qu'une foule muette, dont la stupeur étouffait l'indignation, et qui, sous les traits de cet homme, dont les bienveillantes promesses étaient dans le souvenir de tous, découvrait avec effroi un vainqueur irrité. Ce fut là l'impression universelle ; les relations du temps l'attestent dans leur naïf langage ; l'une des plus froidement écrites, celle du sieur Morel, nous dit : « Le samedi, 12 octobre 1675, le duc de Chaulnes entra dans la ville de Rennes par toutes les portes, et s'en rendit maître, premièrement, par la porte aux Foulons, à la tête de partie des troupes de la maison du Roi ; par la porte Saint-Georges, avec les dragons, maréchaussée et fantassins ; par la porte Mordelaise, avec une troupe de mousquetaires et de l'infanterie ».

Sitôt entré dans la ville, M. de Chaulnes l'occupa militairement sur tous les points, comme fait un général dans une place dont la conquête lui a coûté un long siège. Toutes les portes, toutes les avenues des faubourgs furent gardées par des détachements considérables ; le reste des troupes fut réparti en gros corps de garde postés, savoir : en dehors des murailles, sur la place des Lices, au cimetière Sainte Anne, sur la Motte Saint-Georges et sur la douve de Toussaints ; dans la ville elle-même, sur la place du Pré-Botté, à la Grande-Pompe, à la tour Lebat, sur la place du Palais et sur celle du Champ-Jacquet, au Puits-du-Mesnil, au petit et au grand Bout-de-Cohue, sur la place de la Monnaie, et enfin jusque dans l'Hôtel de Ville, d'où la milice bourgeoise se vit expulsée immédiatement (Voyez la Relation de Morel et le Journal de La Courneuve). Le soir, les troupes bivouaquèrent aux lieux mêmes ou elles se trouvaient postées ; et, soit que le duc de Chaulnes eût réellement quelques craintes, soit qu'il voulût simplement accroître la terreur des habitants, « il fit tenir, dit un témoin, toute la nuit du samedi au dimanche, toutes les troupes en garde, la cavalerie le cul sur la selle, l'Infanterie française et suisse le mousquet sur l'épaule » (La Courneuve).

Mais le lendemain, il fallut loger cette armée ; la ville de Rennes étant par ses privilèges exempte de toute garnison, n'avait point de casernes ; on imposa donc aux habitants - excepté aux gens d'église, de robe et aux gentilshommes - la charge de loger chez eux tous ces soldats ; et c'est par cette vexation, qui devait se prolonger cinq mois durant, que M. de Chaulnes commença l'oeuvre dont il s'était imposé l'accomplissement, je veux dire la punition des Rennais. Avant de voir le détail de ce châtiment, et s'il fut proportionné à la faute, tâchons d'en déterminer le caractère.

Dans un Etat ordonné, toute rébellion certainement mérite d'être punie ; même si elle est pure de sang, comme le fut, croyons-nous, la triple sédition de Rennes, elle n'en a pas moins profondément méconnu l'autorité et troublé la société : l'intérêt de la société exige une rançon, la justice veut que cette rançon se mesure sur la faute. Mais la question, ici, est de savoir si c'était précisément pour exercer, d'une main ferme et impassible et dans une juste mesure, les justes droits de la vindicte sociale que M. de Chaulnes envahissait Rennes avec ce formidable appareil, ou si tout ce grand déploiement de la puissance publique ne servait pas, avant tout, à recouvrir les entreprises d'une misérable vengeance personnelle. Malheureusement, sur ce point, le doute n'est guère possible. Je n'invoquerai point les récits contemporains écrits par des Rennais, dont peut-être le témoignage semblerait suspect. Mais Mme de Sévigné, qui tenait bien plus à la cour qu'à la province, qui fut toujours dans les meilleurs termes avec le gouverneur de Bretagne, et qu'on ne peut soupçonner de la moindre complaisance pour la sédition, Mme de Sévigné écrit, le 16 octobre : « M. de Chaulnes a été reçu à Rennes comme le Roi ; mais comme c'est la crainte qui a fait changer leur langage, M. de Chaulnes n'oublie pas toutes les injures qu'on lui a dites, dont la plus douce et la plus familière étoit : gros cochon, sans compter les pierres dans sa maison et dans son jardin, et des menaces dont il paroissoit que Dieu seul empêchait l'exécution : c'est cela qu'on va punir » (Lettre à Mme de Grignan, écrite des Rochers, le 16 octobre 1675). Et quinze jours plus tard, après avoir raconté quelques circonstances de ce châtiment, elle ajoute : « Cette province est un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes, de ne point leur dire d'injures et de ne point jeter de pierres dans leur jardin » (Lettre du 30 octobre 1675, à Mme de Grignan, écrite des Rochers). Dans une bouche amie, un pareil langage est accablant ; il prouve jusqu'à l'évidence que le premier mobile du duc de Chaulnes dans les rigueurs qu'il infligea aux Rennais fut le désir de venger ses propres injures. Ce châtiment eut donc tout le caractère, non d'un acte de la justice publique, mais d'une satisfaction de la vengeance privée. Dès lors, on ne s'étonnera point de le trouver sans proportion avec la faute.

On jugera aussi tout naturel que Mme la gouvernante, qui avait eu dans l'injure une large part, en voulût une aussi grande dans le plaisir de la vengeance. Elle se hâta en effet de revenir à Rennes, où elle rentra dès le lundi 14 octobre ; son mari avait eu soin de se porter à sa rencontre sur la route de Dinan jusqu'au manoir des Trois-Croix, à la tête de ses gardes, des mousquetaires, des dragons et de la maréchaussée (Relation de Morel et Journal de La Courneuve), et c'est sous la protection de cette nombreuse escorte qu'elle traversa, ce jour-là, la rue Haute. Avec une garde pareille, elle était bien à l'abri des chats pourris. En la voyant arriver juste au moment où s'ouvrait le triste spectacle des rigueurs et des misères infligées aux Rennais, ceux-ci ne purent s'empêcher de dire : « Madame la duchesse est venue en cette ville à dessein de se satisfaire de la vue » (Journal de Du Chemin).

Dès le lendemain de son arrivée (15 octobre) éclata le coup le plus terrible qui pût être porté à la prospérité de Rennes, l'exil du Parlement. M. de Marillac alla remettre lui-même au Palais une déclaration du Roi, dont le procureur-général donna lecture le 16 octobre, toutes chambres assemblées, laquelle transférait de Rennes à Vannes le siège de cette Cour souveraine, en lui interdisant, sous peine de faux, de faire désormais à Rennes aucun acte de judicature : « ce qui donna une si grande consternation à tout le monde, qu'on ne voyait que pleurs », dit un témoin oculaire (Journal de La Courneuve). Cette consternation remplit du reste toute la province ; et l'écho s'en est transmis jusqu'à nous dans les lettres de Mme de Sévigné, qui écrivait des Rochers : « On a transféré le Parlement, c'est le dernier coup ; car Rennes, sans cela, ne vaut pas Vitré [Note : Lettre à Mme de Grignan, du 26 octobre 1675. - On sait que les Rochers ne sont qu'à une lieue de Vitré, et Vitré à neuf lieues de Rennes] … M. de Montmoron (doyen du Parlement) s'est sauvé ici pour ne point entendre les pleurs et les cris de Rennes en voyant sortir son cher Parlement … toute la province est affligée... C'est une désolation terrible ; la ruine de Rennes emporte celle de la province » (Lettre à Mme de Grignan, du 20 octobre 1675).

Cet exil du Parlement entrait sans doute dès le principe dans le plan général des mesures destinées à châtier Rennes de ses séditions ; il avait encore pour but de faire expier aux magistrats une indépendance que le despotisme leur pardonne toujours malaisément, encore qu'elle soit à la fois leur premier devoir et leur titre le plus sûr à la confiance des peuples. Mais la cour prétendait de plus tirer parti de cet exil pour en venir à supprimer le privilège par lequel la ville de Rennes était, en temps ordinaire, exempte de supporter les menaces d'une forteresse et l'ennui d'une garnison. C'est Mme de Sévigné qui nous révèle ce calcul : « On voulait, dit-elle, en exilant le Parlement, le faire consentir pour se racheter qu'on bâtit une citadelle à Rennes ; – mais, continue-t-elle, cette noble compagnie voulut obéir fièrement et partit plus vite qu'on ne vouloit [Note : Les membres du Parlement partirent le 20 octobre pour Vannes (Journal de La Courneuve), où ils tinrent leur première audience le 29 du même mois (Relation de Morel)], car tout se tournoit en négociation ; mais on aime mieux les maux que les remèdes » (Lettre à Mme de Grignan, du 13 novembre 1675).

Certes, nos vieux magistrats eurent cent fois raison, et ils restèrent dignes d'eux-mêmes en préférant supporter les maux, c'est-à-dire l'exil, plutôt que les remèdes proposés, c'est-à-dire le joug du sabre qu'on les pressait de se mettre eux-mêmes sur le cou. Quand le despotisme spécule sur la lâcheté des Bretons, il a souvent de ces mécomptes.

Le jour même que l'on déclara l'exil du Parlement (15 octobre), on commença de désarmer la milice bourgeoise, et en général tous les habitants de Rennes, excepté les gentilshommes. Cette opération fut achevée le 23 octobre et les officiers de la milice s'y trouvèrent eux-mêmes compris (Voyez Du Chemin, Morel, La Courneuve). L'artillerie de la ville, quoiqu'elle appartînt en propre à la Communauté municipale, se vit aussi confisquée en cette occasion (Ogée, Dictionnaire de Bretagne, nouvelle édition, p. 494. col. 1).

La population étant ainsi toute désarmée et dénuée absolument de moyens de défense, M. de Chaulnes jugea qu'il était temps de mettre à exécution le plus odieux des desseins arrêtés dans son esprit, dès le 12 juin précédent, pour la punition de la ville de Rennes, j'entends la destruction de ses faubourgs. Les habitants de la rue Haute s'étaient constamment montrés, dans tous ces troubles, les plus ardents au désordre et les plus entêtés de sédition ; on se rappelle l'anecdote du chat pourri, le massacre des chevaux de M. de Tonquédec, etc. ; on résolut de commencer par la rue Haute. En conséquence, le 23 octobre, M. de Chaulnes fit publier dans la ville un arrêt rendu au Conseil du Roi, le 16 du même mois, dont les principaux passages me semblent assez curieux pour être ici rapportés (D'après la Relation de Morel) :

« Le Roy - dit cet arrêt - étant informé que les diverses séditions arrivées dans la ville de Rennes ont pris leurs commencements dans les forsbourgs d'icelle en sorte que les mutins, après y avoir nourri et entretenu le trouble et la révolte, ne l'auroient pas seulement portée et fomentée autant qu'il leur a été possible dans le corps de la ville, mais par leurs mauvais exemples et par leurs pernicieux conseils l'auroient encore répandus dans une partie de la Basse-Bretagne : Sa Majesté, pour faire connoître quelle est son indignation de ces excès si criminels, et auxquels lesdits forsbourgs ont participé, a voulu faire tomber particulièrement son juste châtiment sur le forsbourg de la rue Haute, comme ayant eu une part principale aux séditions qui s'y sont passées. A quoi étant nécessaire de pourvoir, Sa Majesté étant en son Conseil a ordonné et ordonne que les habitants dudit forsbourg de la rue Haute, de quelque qualité et condition qu'ils puissent être, en désempareront incessamment, et rendront vides leurs maisons et tous autres lieux par eux occupés dans l'enceinte dudit fors bourg, depuis la grande porte du couvent dit de Bonne Nouvelle qui donne dans ladite rue, et de l'autre côté jusqu'à la chapelle de Sainte Marguerite, dans quinze jours après la publication du présent, à peine d'être déclarés rebelles aux ordres du Roy et poursuivis comme tels, etc. Fait à Versailles, le 16ème octobre 1675 ».

Tout le monde, à Rennes, imputa à la duchesse de Chaulnes, l'inspiration de cette mesure, et je ne saurais dire si c'est à tort. La démolition des maisons de la rue Haute, conséquence inévitable de l'arrêt du Conseil, ne s'opéra cependant pas tout aussitôt ; j'y reviendrai plus tard ; mais les habitants, au nombre d'environ quatre mille [Note : Ce chiffre de 4 000 est donné par le Journal de La Courneuve ; je le reproduis, tout en le croyant exagéré], n'en furent pas moins expulsés immédiatement, et Mme de Sévigné nous peint ainsi leur détresse : « On a chassé et banni toute une grande rue, et défendu de les recueillir sur peine de la vie, de sorte qu'on voit tous ces misérables, femmes accouchées, vieillards, enfants, errer en pleurs au sortir de cette ville sans savoir où aller, sans avoir de nourriture ni de quoi se coucher » (Lettre à Mme de Grignan, du 30 octobre 1675) (A. de la Borderie).

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