Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LES BARONNIES ANCIENNES DANS LES INSTITUTIONS DE BRETAGNE

  Retour page d'accueil       Retour "Barons de Bretagne"   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Le duc de Bretagne François Ier, fils et successeur de Jean V, tout préoccupé de guerre et d'action militaire, s'inquiéta peu de développer les institutions politiques et administratives de son duché. On ne voit pas qu'il y ait eu sous son règne (1442-1450) rien de changé en ce qui concerne les barons.

Toutefois la légende des « neuf baronies anciennes », ardemment propagée par les familles auxquelles elle était favorable, continuait de faire son chemin dans l'opinion, gagnée surtout par le spacieux parallélisme des neuf barons, chefs de la noblesse, et des neuf évêques, chefs du clergé.

§ 1. — Doctrine du duc Pierre II sur les baronnies.

Pierre II, second fils de Jean V, succéda dans le duché de Bretagne à son frère aîné François Ier, mort sans laisser de fils le 18 juillet 1450. Pierre II fut un de nos ducs qui s'occupèrent le plus de la bonne administration de leurs Etats, et, par une conséquence très naturelle, c'est lui aussi qui se préoccupa le plus du développement en Bretagne des institutions représentatives. Pendant les six ans de son règne il tint chaque année son Parlement général, c'est-à-dire l'assemblée des Etats de son duché. Les procès-verbaux venus jusqu'à nous, particulièrement ceux des Etats de 1451 et de 1455 montrent comme il avait à cœur de rehausser le prestige de cette assemblée, d'une part en l'entourant d’une grande pompe, de l'autre en assurant son autorité, la régularité de sa composition et de son fonctionnement.

En de telles dispositions, Pierre II devait nécessairement se préoccuper de la question des barons. La légende des « neuf baronies anciennes » était nous venons de le dire, fort en vogue ; le duc l'adopta et d'autant plus volontiers qu'il crut relever l'importance de la noblesse en lui donnant neuf chefs qui, par les distinctions et les honneurs dont ils seraient l'objet, égaleraient les neuf chefs du clergé.

Dès la première session d'Etats convoquée sous son règne à la date du 25 mai 1451, il voulut appliquer cette doctrine ; et comme par suite de la réunion de certaines baronnies anciennes au domaine ducal, le chiffre de neuf n'était pas atteint, dans les jours qui précédèrent l'ouverture de cette session il créa trois nouvelles baronnies anciennes, à savoir : Derval, le 19 mai 1451 ; Malestroit et Quintin le 22 et le 23 du même mois. C’est dans ces lettres d'érection que l'on trouve pour la première fois la doctrine des neuf baronnies officiellement professée par l'autorité ducale :

« Comme a nous (dit le duc), de nos droictz souverains, royaux et duchaux, appartienne, ainsi que les rois et ducs de Bretaigne nos procedecesseurs ont de tous temps usé, faire et croyer (créer) en nostre païs barons o toutes preeminences et prérogatives à droict de baronnie appartenantz, ainsi qu'il nous plaira … nostre cousin et féal Jehan, sire de Derval et de Chasteaugiron, avons aujourd'hui créé et créons par ces présentes baron en nostre pays et duché de Bretaigne, par raison et à cause de sadite seigneurie et bannière ancienne de Derval, en voulant et octroyant à nostredit cousin de Derval que lui, ses héritiers et successeurs... ayent lieu et assiette au ranc et au prochain, amprès les neuf anciens barons de nostredit pays qui tiennent ou tiendront les lieux et seigneuries d'icelles anciennes baronies ... » [Note : Dom Morice, Preuves, T. II, col. 1560. — On retrouve, à quelques mots près, les mêmes clauses dans les lettres d'érection des baronnies de Malestroit et de Quintin (Ibid. 1561 et 1562)].

Le duc Pierre II aurait eu de la peine à nommer ceux de ses prédécesseurs qui « de leurs droits royaux et ducaux » avaient « croyé » baron ou baronnie : car avant lui il n'y en avait nul exemple. Les barons étaient sortis naturellement, comme nous l'avons dit, du jeu des institutions féodales ; et par une habitude de langage aussi très naturelle, on s'était peu à peu accoutumé à appeler baronnies les terres possédées par les barons : il n'y avait eu là nulle érection. On peut même dire qu'avant Pierre II la Bretagne n'avait vu aucune terre érigée en titre et en dignité par ordonnance du souverain, car la qualité de banneret était dans le principe une distinction militaire accordée à un seigneur et à ses descendants autant et même plus qu'un privilège attaché à une terre, comme on le peut voir dans les lettres du duc Jean V pour Guillaume de Sévigné du 4 novembre 1440 (Dom Morice, Preuves, T. II, col. 1343).

 

§ 2. — Les neuf baronnies aux Etats de 1451 et de 1455.

Les dernières lignes du texte cité plus haut donneraient à croire qu'outre les trois nouveaux barons créés par Pierre II, les neuf anciennes baronnies avaient alors des titulaires, puisque le duc prescrit au baron du Derval de ne prendre rang qu' « après les neuf anciens barons de nostredit pays ». Il n'en était rien : il n'existait plus alors que six baronnies anciennes pourvues de titulaires (Léon, Vitré, Châteaubriant, Retz, la Roche-Bernard, Ancenis), et de ce nombre trois seulement se présentèrent à Vannes, le 25 mai 1451, à l'assiette des Etats, — en sorte que, malgré la fournée de barons anciens faite par le duc Pierre II, cette assemblée n’en compta que six en tout : le comte de Laval, baron de Vitré ; le vicomte de Rohan, baron de Léon ; le sire de Rieux, baron d'Ancenis, et les trois nouveaux (Dom Morice, Preuves, T.  II, 1564-1565). Pour voir les neuf barons au complet sur le registre des Etats, il faut citer le procès-verbal de la session de Vannes de 1455. On y lit :

« Celui jour (13 novembre 1455), Monseigneur le Duc comparut et se sist en son Parlement, portant son habit royal...

1 — Au costé destre de mondit seigneur le Duc fut sis, au prochain du duc, le comte de Laval, représentant l'assiette du baron de Vitré...

Et de l'autre part de Monseigneur le Duc, à son costé senestre, furent assis les seigneurs qui suivent :

Premier, au prochain et haut lieu dudit costé, Monsieur François de Bretaigne, comte d'Estampes, ayant habit royal [Note : Le comte d'Etampes, qui fut plus tard le duc de Bretagne François II, avait la première place auprès du duc, non comme baron, mais comme premier prince du sang et cousin-germain de Pierre II] ;

2 — Item, fut sis au prochain et après le comte d'Estampes, en un siège plus bas que celui dudit comte, Alain vicomte de Rohan, baron de Léon, lequel lieu il eut et occupa celui jour en vertu de l'appoinctement piéça fait entre lui et le comte de Laval, présomptif héritier de la baronnie de Vitré [Note : Il y avait débat pour la préséance entre la baronnie de Vitré et celle de Léon. D’après les lettres du duc Pierre II, du 25 mai 1451 (Dom Morice, Preuves, T.  II, 1581), Rohan contestait la préséance à Laval seulement parce que celui-ci n'était pas encore investi de la baronnie de Vitré possédée par sa mère Anne de Laval, et dont il n'était par conséquent qu'héritier présomptif ; de la teneur de ces lettres, il résulte que si Laval avait été baron effectif de Vitré, Rohan ne lui eût pas contesté la préséance ; et en effet la baronnie de Vitré, remontant aux premières années du XIème siècle, avait 150 ans d'antériorité sur la baronnie de Léon, qui n'était que le fief donné en partage au cadet de la maison de Léon en 1179].

Après ledit baron de Léon furent sis les autres barons qui ensuivent, en celui costé senestre :

3. — Le sire de Gavre [Note : Le sire de Gavre était le fils aîné de Gui XIV, comte de Laval, d’un premier lit. La « baronesse de Chasteaubrient », deuxième femme de ce même comte de Laval, était la célèbre Françoise de Dinan], procureur et représentant la dame de Chasteaubrient, baronesse dudi lieu de Chasteaubrient, demanda à avoir l'assiette pour elle, qui lui fut refusée, mais elle fut excusée parce que le comte de Laval son mari estoit present ;

4. — Jehan de Laval, baron de la Roche-Bernard ;

5. — François, sire de Rieux, baron d'Ancenis, contraria le lieu dudit de la Roche et se y opposa, et s'absenta du parquet ;

6. — André de Laval, sire de Rayz à cause de dame Marie de Rayz sa femme, fut excusé par lettre du roy, pource qu'il estoit son mareschal [Note : Connu sous le nom de maréchal de Lohéac ; il était frère puîné de Gui XIV de Laval ; voir Du Paz, Histoire généalogique des familles illustres de Bretagne, p. 226-227] et à son service ;

Et après, par le commandement du duc, fut sis Jehan, sire de Bueil, estranger, qui estoit venu devers le duc ambassadeur du roy [Note : Celui-ci, bien entendu, n'était pas baron de Bretagne ; mais comme représentant du roi de France on lui devait une place très honorable : on le met au banc des barons] ;

7. — Jehan, baron de Derval (*).

8. — Jehan, baron de Malestroit (*).

9. — Tritan, baron de Quintin (*).

(*) Entre lesquels s'esmeut débat à qui precederoit l'un l'autre, et chascun d'eulx en fist protestation de non prejudicier pour ceste présente assiepte à leurs droits : dont le duc leur dit qu'il leur en feroit raison pour autre temps.

Et au regard des baronnies d'Avaugour, Foulgères et Lanvaux, on n'en fist point d’appeau, pource que le duc les tient et sont annexées au duché » (Dom Morice, Preuves, T. II, 1670 et 1672).

On voit par ce texte que la liste des neuf baronnies anciennes adoptée officiellement par le duc Pierre II fut celle du Dicton rimé, avec Landebalum traduit par Lanvaux et exclusion de toute espèce de Pont, tandis que la liste donnée par la fausse charte d'Alain Fergent excluait Lanvaux et admettait le Pont (Pont-l'Abbé ou Pont-Château) à jouir de la prérogative baronale alternativement avec Ancenis.

 

§ 3. — Conséquences de cette innovation.

Quant aux autres seigneuries, au nombre d'une quarantaine, qui, on l'a vu, donnaient encore tout récemment à leurs possesseurs, sous les règnes de Jean IV et de Jean V, le titre et le rang de baron, on les relégua dédaigneusement dans la catégorie très élastique des terres de bannerets ou seigneuries à bannière, dont 44 furent appelées à prendre part aux Etats de 1451 et 75 à ceux de 1455 (Dom Morice, Preuves, T. II, col. 1567, 1568, 1570, 1672, 1673). C'était une grande chute : il y eut sans doute des protestations, mais l'autorité du duc et des grands barons les étouffa.

Les maisons de Laval, de Rohan, de Rieux, étaient alors tout à la fois très puissantes et très populaires en Bretagne : c'est à leur profit principalement que s'accomplit l'innovation des neuf baronnies. De ces neuf la maison de Laval en tenait quatre : Vitré, dont Gui XIV, comte de Laval, était titulaire, — Châteaubriant, qui était à sa femme Françoise de Dinan, — Retz à son frère puîné le maréchal de Lohéac, marié à Marie de Retz, fille de Gilles et héritière de cette baronnie, — la Roche-Bernard, à Jean de Laval, cousin de Gui XIV. — Outre leurs immenses domaines de Rohan et de Porhoët, outre l'héritage de Clisson qui leur était échu, les Rohan jouissaient de la vaste baronnie de Léon ; les Rieux, outre Rieux, Rochefort, Donge, possédaient celle d'Ancenis. — Qui eût osé s'attaquer au privilège dont l'innovation du duc Pierre II dotait ces puissantes familles ?

Il est pourtant resté trace d'une protestation, qui semble même avoir été assez vive, mais elle était dirigée contre les trois baronnies récemment érigées par le duc. Le Registre de la tenue de 1455 la relate ainsi :

« Le sire de la Hunaudaye (Gilles Tournemine) comparut, et demanda à être assis au lieu et rang des sires de Derval, Quintin et Malestroit. Et lui fut répondu par le chancelier que les susditz estoient en leurs lieux, leur baillez et ordonnez par le duc, et qu'il prensist sa place amprès eux. Et sur tout le sire de la Hunaudaye dit qu'il en protestoit, requérant au Duc lui en faire raison. Ce que le Duc lui réserva, toutesfois qu'il lui apparoistroit des droits dudit Hunaudaye » (Dom Morice, Preuves, T. II, col. 1672).

Cette protestation était bien fondée : les actes des règnes de Jean IV et de Jean V nous montrent la Hunaudaie tantôt précédant, tantôt suivant les trois seigneurs susnommés. La Hunaudaie persista dans sa revendication, il la renouvela encore sous le règne du duc François II, aux Etats de 1462 ; cette fois il acceptait la préséance du sire de Derval, mais demandait à précéder Malestroit et Quintin. Le procureur général de Bretagne répondit que ces trois seigneurs avaient été élevés à la dignité de barons de Bretagne et que lui Hunaudaie « n'étant que banneret » ne pouvait les précéder (Dom Morice, Preuves, T. III, col. 9, 10). Mais La Hunaudaie n'acceptait point cette doctrine réduisant à neuf personnes en Bretagne la qualité baronnale, et il entendait rester baron comme devant.

Cette innovation des « neuf baronies anciennes » ne passa donc pas sans quelques protestations, mais elle les surmonta.

Le sire de Pont-l'Abbé, plus docile que Hunaudaie, se résigna sans difficulté à tomber de la baronnie dans la bannière, il demanda seulement à être reconnu premier banneret, ce qu'il n'obtint pas, le sire de Rieux réclamant ce titre du chef de sa seigneurie de Rochefort (Dom Morice, Preuves, T. III, col. 11). Quant à Pont-château, cette terre était alors aux Rohan, beaucoup trop occupés de leur procès de préséance contre le baron de Vitré pour commettre la maladresse d'élever simultanément, en matière baronale, une autre revendication. Plus tard ils y revinrent tout doucement, à la sourdine, et sur la fin du XVème siècle on trouve un Pierre de Rohan qui tranquillement s'intitule « baron de Pontchâteau ».

L'innovation de Pierre II, la réduction des barons de Bretagne à neuf, eut l'inconvénient de rejeter de très grandes et de très importantes terres dans la même catégorie que les plus petits fiefs.

Les grandes seigneuries de Rieux et de Rochefort, par exemple, de Clisson, de Combour, de Guémené, du Fou, de la Guerche, de Lohéac, de Pont-l'Abbé, de Rostrenen, etc., s'étendant sur de larges territoires, aussi considérables certainement que la Roche-Bernard, Derval, Malestroit, tombèrent à égalité avec des terres nobles minuscules formées de petits fiefs dispersés de droite et de gauche, et souvent ne possédant pas seulement la valeur d'une paroisse, par exemple, la Clarté, le Gué, Lesnen, Poulmic, Roche-Rousse, la Rubaudière, Tisé, Vaucler, etc., toutes admises dans le nombre des bannières.

Cette promiscuité, détruisant la hiérarchie qui était l'âme de la féodalité, finit par produire un résultat qu'on ne prévoyait guère au XVème siècle. Toutes les terres étant égales, tous les gentilshommes bretons se prétendirent égaux entre eux, non seulement dans l'ordre civil, mais aussi dans l'ordre politique et dans le gouvernement de l'Etat. De là vint bientôt la prétention de tous les nobles à siéger aux Etats à titre égal, non seulement les possesseurs de fiefs, mais ceux aussi qui ne possédaient rien ; non seulement les pères de famille et les aînés, mais avec eux les cadets et les enfants : prétention qui au XVIIIème siècle porta souvent le chiffre de la noblesse siégeant aux Etats à 600 personnes, parfois même à 800 : foule bien difficile à gouverner, trop accessible aux imprudences téméraires, mais ardente dans son patriotisme breton et fort énergique dans sa résistance au despotisme.

 

§ 4. — Baronnies créées par le duc François II.

Reste à dire quelques mots des baronnies créées ou soi-disant rétablies par le dernier duc de Bretagne François II.

En 1464, ou plus exactement, au mois de décembre 1463, au cours d'une session d'Etats, ce prince donna à André de Laval, maréchal de Lohéac, les ruines de l'ancien château de Lanvaux avec la partie de cette seigneurie que possédait encore le domaine ducal ; il décora le tout du titre de baronnie et donna au nouveau possesseur tous les droits, titres et prérogatives appartenant à ceux qu'on appelait depuis Pierre II les anciens barons de Bretagne. Le corps de cette baronnie était très peu de chose, car le duc Jean IV avait donné en 1383 presque tous les biens et fiefs de cette seigneurie à la collégiale de Saint-Michel du Champ, près d'Auray. Cette donation de 1463 eut probablement pour but de conserver à Lohéac, l'une des illustrations militaires de la Bretagne et de la France, les honneurs et le titre de baron de Bretagne, qu'il avait possédés comme baron de Retz du chef de sa femme, mais auxquels il n'avait plus droit depuis la mort de cette dernière, advenue en 1458.

En 1485, Lohéac, qui n'avait point d'enfant de son mariage et qui ne s'était point remarié, se trouvant fort vieux, « détenu de maladie incurable », paraissait voué à une mort prochaine, laquelle devait faire rentrer aux mains du duc (par défaut d'hoir direct) la baronnie de Lanvaux. Dans ces conditions, François II crut pouvoir sans inconvénient disposer de ce fief pour le moment où cette prévision se réaliserait : par acte du 4 septembre 1485, passé à Nantes pendant la tenue des Etats et de leur assentiment, il donna la baronnie de Lanvaux telle qu'il l'avait rétablie en 1463, à Louis de Rohan, sire de Guémené, pour en jouir seulement à la mort du titulaire actuel. Le duc voulait par là reconnaître en partie les services de Louis de Rohan et de ses prédécesseurs « dignes (dit-il) d'estre recompensez et remunerez de plus grande chose que n’est ladite baronie de Lanvaux » : ce qui prouve bien le peu d'importance de ce fief. Ce qui en avait davantage, c'était la jouissance, dans l'assemblée des Etats et à la cour du prince, des honneurs particuliers affectés au titre de baron ; et Lohéac, en raison de ses infirmités, n'en pouvant plus jouir par lui-même, Louis de Rohan les revendiqua à titre de future succession et rendit hommage au duc le 17 janvier 1486. Quant au domaine, Lohéac le fit encore attendre un peu, étant mort en 1494 seulement (Voir dom Morice, Preuves, T. III, 480-482 ; et Du Paz, Histoire généalogique de Bretagne, p. 227). On ne sait d'ailleurs ce que devint cette baronnie de Lanvaux, dont on ne parle plus depuis lors, et qui paraît être rentrée dans l'ombre, d'où elle ne méritait guère de sortir.

En 1480, François II édicta une autre mesure du même genre et rétablit la baronnie « ancienne » d'Avaugour, dont il gratifia François de Bretagne, l'aîné des enfants naturels qu'il avait eus de la dame de Villequier. L'acte de donation, daté de Vannes 24 septembre 1480, est très solennel. Il a la forme d’une ordonnance rendue en pleins Etats et sur la demande des Etats eux-mêmes ; il exprime donc sur les baronnies la doctrine officielle, non seulement du duc, mais de l'assemblée nationale de la Bretagne.

Le duc commence par proclamer le droit, que lui ont transmis ses prédécesseurs, de « croyer (créer), ordonner et instituer ceux de nos sujets (dit-il) que bon nous semble et qui bien le meritent en comtes, barons et autres grans degrés et estaz de noblesse ». Puis il ajoute : « De long et ancien temps avant ces heures, nostre seigneurie et principauté a esté par nos predecesseurs, rois, ducs et princes d'icelle, regie et gouvernée en ordre et police de NEUF PRELATZ et NEUF BARONS, outre les banneretz, bacheliers et autres membres des Estats d'icelle nostre seigneurie. Mais plusieurs desdites baronies anciennes ont esté par nos predecesseurs confisquées et aucunes acquises, et entre autres la baronie d'Avaugour [Note : Avaugour ou plutôt le Goëllo, ce qui est la même chose, était une partie importante de l'apanage de Penthièvre et fut confisqué avec cet apanage en 1420, en raison de l'attentat des Penthièvre contre le duc Jean V ; restitué en 1448 ; reconfisqué en 1465, parce que le titulaire de l'apanage (Jean de Brosse dit de Bretagne) avait pris parti pour Louis XI contre le duc de Bretagne dans la guerre du Bien public], laquelle estoit et est la première baronie de nostre pays et duché ». En conséquence, l'assemblée des Etats réunie à Vannes en 1480 nomma une députation composée de quatre évêques (Dol, Nantes, Saint-Malo et Saint-Brieuc), de deux abbés, (Saint-Melaine et Saint-Mahé), de deux barons (le sire de Rieux, baron d'Ancenis, et le baron de Quintin) et d’un banner (le sire de Pont-l'Abbé et Rostrenen), pour remontrer au duc que, en raison des baronnies confisquées ou annexées et de celles qui se trouvaient réunies en une même main, « le nombre des personnes de nos barons, dit le duc [c'est-à-dire le nombre de neuf barons] et l'ancien estat et ordre de nostre seigneurie est et plus pourroit encore estre diminué ». Pour éviter un pareil malheur, les Etats suppliaient le duc de « croyer et instituer un baron en ladite baronie d'Avaugour » ; et comme les Etats désignaient pour titulaire le fils naturel du duc, non seulement celui-ci leur octroya sans peine leur requête, mais il installa immédiatement le nouveau titulaire dans les Etats à la première place du banc des barons, « lieu dû et accoustumé, dit-il, aux barons d'Avaugour » (Dom Morice, Preuves, T. III, col. 368 et 369).

Cet acte, on le voit, fait remonter l'institution des « neuf barons de Bretagne » au temps des rois bretons, c'est-à-dire tout au moins au IXème siècle. D'autre part, il fait d'Avaugour la première, c'est-à-dire apparemment la plus ancienne des neuf baronnies, la première qui eût été instituée. Or ce nom d'Avaugour paraît dans l'histoire seulement en 1214, quand Henri, comte de Penthièvre, dépouillé par le duc Pierre de Dreux de tout son apanage sauf le Goëllo, se jugeant trop pauvre pour soutenir le grand nom de Penthièvre, imagina de le cacher sous celui d'Avaugour, emprunté à un fief minuscule situé en la paroisse de Plésidi les Bois [Note : Plésidi (Plésidy), aujourd'hui commune du canton de Bourbriac, arrondissement de Guingamp (Côtes-d’Armor)], sur les confins de la Cornouaille.

Tout cela, est donc très incohérent et très anti-historique.

Sept ans plus tard, l'éventualité prévue en 1480 de la réunion de plusieurs des neuf baronnies en une même main, s'était à peu près réalisée, et de plus une autre d'entre elles avait été confisquée pour félonie de son possesseur, si bien que, malgré le double rétablissement de Lanvaux et d'Avaugour, ce nombre fatidique des neuf barons, auquel à cette époque-là on tenait tant, se trouvait de nouveau en déficit.

Dans la guerre acharnée faite au duc de Bretagne par le roi de France Charles VIII, le vicomte de Rohan avait pris cyniquement les armes contre le duc, qui en conséquence avait saisi, confisqué pour crime de félonie la baronnie ou vicomté de Léon appartenant à Rohan. Voilà donc une baronnie qui n’était plus représentée dans les Etats. D'autre part, François de Laval, fils aîné de Gui XIV de Laval (mort en 1486) et de Françoise de Dinan, dame de Châteaubriant, était par sa mère héritier présomptif et représentant de la baronnie de Châteaubriant, et par sa femme Françoise de Rieux il était aussi baron de Derval et de Malestroit. De même, la baronnie de Quintin devait forcément échoir sous peu (du chef de sa mère Jeanne du Perier) à Nicolas de Laval, déjà (par son père Jean de Laval) baron de la Roche-Bernard. Ainsi deux représentants seulement pour ces cinq baronnies, aucun pour la baronnie de Léon. Les autres baronnies, pourvues chacune d'un représentant, étaient au nombre de cinq : Avaugour, Vitré, Betz, Ancenis et Lanvaux. Tout cela ne pouvait fournir aux Etats que sept barons au lieu de neuf [Note : Voici comme le duc François II s'explique à ce sujet dans les lettres d'érection de la baronnie de Coëtmen : « Plusieurs baronies de nostre pays sont réduites, et se peuvent reduire en un seul personnage, et entre autres la baronnie du vicomte de Léon et celle de Fougères, qui à présent sont en nostre main. Autres sont vraisemblablement destinées à tomber et échoir, plusieurs d'elles, sçavoir, la baronnie de Quintin en la main de Nicolas de Laval, baron de la Roche-Bernard ; les baronies de Chasteaubriant, de Malestroit et de Derval, ès mains de François de Laval, seigneur de Montafilant, et de Françoise de Rieux sa compagne » (Dom Morice, Preuves, T. III, 551 et 553). — Dom Morice veut que l'on corrige dans ce passage, « vicomté de Léon » en « comté de Léon ». Il a absolument tort. Il s'agit ici, non du comté de Léon, mais de la vicomté de ce nom qui avait pour chef-lieu Landerneau, c'est-à-dire du partage donné aux cadets de Léon en 1179, possédé depuis 1363 par la maison de Rohan].

Pour combler ce déficit, le duc érigea en baronnies la vicomté de Coëtmen et la seigneurie de la Hunaudaie, par deux lettres patentes datées l'une et l'autre du 6 septembre 1487, et donnant formellement le pas sur Coëtmen à la Hunaudaie [Note : Le duc dit en effet dans les lettres d’érection de la Hunaudaie : « Créons et nommons par ces présentes barons en nostre pays et duché, sçavoir, en premier lieu nostre cousin de la Hunaudaie, du nom et titre dudit lieu et seigneurie de la Hunaudaie, et en second lieu, nostre cousin le sire de Coëtmen, du nom et titre de Coëtmen » (Dom Morice, Preuves, T. III, col. 554)].

Ce sont là les derniers actes du gouvernement des ducs de Bretagne concernant les baronnies ; c’est là que nous devons nous arrêter.

Les quatre créations de François II eurent peu de chance et furent bientôt tenues pour nulles et non avenues. La préséance, abusivement donnée à Avaugour, réunit contre elle toutes les autres baronnies. Les érections de la Hunaudaie et de Coëtmen n'ayant pas été confirmées par les Etats, cette assemblée en profita pour ne pas les reconnaître. Quant à Lanvaux, en tant que baronnie, passé le XVème siècle ou les premières années du XVIème, on n'en entend plus parler (A. de La Borderie).

 © Copyright - Tous droits réservés.