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LES BOURREAUX EN BRETAGNE AU XVIIIème siècle

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Les bourreaux sont au nombre de quatre pour la province de Bretagne. Ils sont établis à Rennes, Nantes, Vannes et Quimper, c'est-à-dire dans les quatre villes où siègent les Présidiaux. Leurs fonctions ne constituent pas un office héréditaire, comme dans la plupart des autres provinces (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 135). Ils ont le triste privilège « d'inspirer de la haine et de l'horreur au public ». Même quand ils ont abandonné leurs fonctions, auxquelles ils sont nommés, à Rennes par le Parlement, dans chacune des trois autres villes par le Présidial, il leur est impossible d'exercer aucun métier.

L'aversion qu'ils inspirent s'étend même sur leurs veuves et leurs enfants. Aussi chacun d'eux est tenu de faire une pension à la veuve de son prédécesseur (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134). Chaque bourreau a un ou plusieurs valets à son service. Les bourreaux de Rennes, Nantes et Vannes sont logés par les villes où ils résident ; celui de Quimper n'a pas le même avantage (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134).

Les bourreaux de Rennes et de Nantes sont les frères Gasnier, qui depuis plusieurs générations se succèdent dans leur sinistre profession. Joseph Gasnier, bourreau de Rennes, a pour aides ou valets deux cousins, âgés de vingt-cinq ans. Son frère Victor Gasnier, bourreau de Nantes, est doué d'un remarquable talent pour la cuisine. Avec son métier d'exécuteur des hautes oeuvres il cumule celui de restaurateur. Malgré la répulsion qu'inspirent ses fonctions de bourreau, son restaurant n'est pas dédaigné des gourmets. Prudhomme, bourreau de Vannes, est associé avec son frère cadet. Ils s'aident mutuellement. L'aîné, comme bourreau en titre, se réserve les deux tiers des profits. Il a, de plus, un valet qu'il nourrit et auquel il donne 100 livres de gages.

Depuis l'ordonnance de 1772, toutes les affaires criminelles des juridictions seigneuriales aboutissent au Parlement, qui recevait déjà les appels de toutes les justices royales. Il en résulte que le bourreau de Rennes, qui est en même temps celui du Parlement, est le seul qui soit véritablement occupé. Il l'est d'ailleurs beaucoup moins que par le passé, parce que radoucissement des moeurs adoucit aussi la rigueur des condamnations. Le nombre des peines capitales et des punitions corporelles a singulièrement diminué. Les trois autres bourreaux ne servent plus qu'en cas de sentences prévôtales prononcées par les Présidiaux à la réquisition de la maréchaussée, pour attentats à main armée commis sur les grands chemins.

Dans les autres provinces du royaume, les bourreaux ont un traitement considérable. Celui de Rouen, indépendamment de son casuel, a 6.000 livres ; ceux de Tours, Orléans, Angers, ont 2.400 livres. Les bourreaux de Bretagne sont moins favorisés. Celui de Rennes n'a que 700 livres de traitement fixe, dont 300 livres payés par la ville, 250 par le Domaine, 30 par le seigneur de la vicomté de Rennes, 120 livres par le geôlier. Cette dernière somme a même un caractère aléatoire, car le geôlier pourrait tenir lui-même les accusés à la torture, ou les faire tenir par ses guichetiers. Dans ce cas, il n'aurait rien à payer au bourreau. Le bourreau de Nantes n'a que 30 livres de traitement fixe. Ceux de Vannes et de Quimper ont 600 livres Ces gages sont dérisoires et suffisent à peine aux charges qui pèsent sur eux. Ils ont leurs valets à payer ; de plus, chaque bourreau en exercice doit une pension à la veuve de son prédécesseur. Le bourreau de Rennes est, à ce titre, chargé d'une pension de 225 livres, le bourreau de Nantes d'une pension de 400 livres, celui de Vannes d'une pension de 350 livres (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 135).

Si les bourreaux n'avaient que leur traitement fixe, leur position ne serait pas tenable. Mais ils ont un casuel. Ce sont d'abord leurs honoraires. « Le bourreau est payé de chaque exécution, savoir : 60 livres pour rouer, 30 livres pour pendre, 10 livres pour fouetter et 10 livres pour marquer, et il est payé par jour, également que son domestique, lorsqu'il va faire quelque exécution en campagne ou exposer quelque cadavre » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134). Le produit de cette partie du casuel n'a d’importance que pour le bourreau de Rennes. Celui de Vannes n'en tire pas plus de 60 livres par an. « Les exécutions sont infiniment rares à Quimper, de sorte que le bourreau n'en tire presque rien ». Les exécutions de Nantes produisent 200 livres par an (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 135).

Ce qui rapporte le plus aux exécuteurs, c'est le droit de havage ou coutume. Ce droit n'est pas absolument le même pour les quatre exécuteurs de la province, en ce sens qu'il offre des variétés dans les détails de son application. A Quimper, le bourreau perçoit le havage « les mercredi et samedi, jours de marché, sur toutes les denrées quelconques qui se vendent soit sur la place, soit ailleurs dans la ville, excepté sur les grains, qui ne sont sujets à aucun droit que les jours d'exécution. La seule graine de chanvre y est assujettie en tout temps ». A Vannes, les jours de foire et de marché, le bourreau perçoit 5 sous par charretée de chanvre ; 5 sous par charretée de suif et cire ; 1 sou par charge de chanvre ; 1 sou par charge de beurre ; 1 sou par cochon entier ; 6 deniers par demi-cochon ; 6 deniers par pain de graisse de porc ; 6 deniers par potée de graisse fondue ; 1 sou par charretée de navets, ognons, poireaux ; 6 deniers par pochée des mêmes légumes. « Les jours d'exécution, il est perçu double droit ; et quand le bourreau va en commission dans les villes voisines, il y prend, le jour d'exécution, le double droit sur le même pied et sur toute espèce de grains, bestiaux et autres marchandises qui se présentent au marché » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134). Il en est de même des bourreaux de Rennes et de Nantes. Le havage leur rapporte une somme considérable. Le bourreau de Rennes évalue à 1.000 livres par an le produit de cette taxe dans les bourgs, lorsqu'il va en commission (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 135). Le produit du havage dépasse 1.500 livres pour la ville de Vannes, 4.000 livres pour celle de Nantes.

Ce droit est fort impopulaire. Il amène une foule d'aigres contestations entre les agents du bourreau et les contribuables. Dans les temps de cherté, il suscite « une fermentation dangereuse, fondée sur la répugnance du peuple à voir le bourreau renchérir sa subsistance » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134). Dès l'année 1752, la communauté de Rennes obtint un arrêt du Conseil qui abolissait le havage dans la ville et ses faubourgs, moyennant un traitement annuel qu'elle s'engagea à payer au bourreau. La communauté de Nantes suivit cet exemple en 1764. Elle se débarrassa du havage en payant à son bourreau un abonnement annuel de 1.200 livres. L'exécuteur reçut ordre « doter dès à présent, de la place du Bouffay, la potence qui y est plantée, pour la faire placer aux lieux et jours d'exécution, et l'ôter pareillement, aussitôt après l'exécution faite » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134).

Pendant les premières années du règne de Louis XVI, le havage fut suspendu dans toute la province. Il fut ensuite complètement aboli et remplacé par un traitement fixe au profit des exécuteurs. Le gouvernement eut même un instant la pensée de supprimer les bourreaux de Nantes, Vannes et Quimper, et de ne laisser subsister que celui de Rennes. Ce projet ne fut pas réalisé (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 135). 

Antoine Dupuy.

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