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LA CHEVALERIE DU DUCHÉ DE BRETAGNE

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DU TITRE DE MILES OU DE CHEVALIER.

ASSISE DU COMTE GEOFFROI, ET SINGULIÈRE MANIÈRE DONT ELLE A ÉTÉ INTERPRÉTÉE PAR LES COMMISSAIRES DE LA RÉFORMATION DE LA NOBLESSE DE BRETAGNE EN 1668.

ERREURS COMMISES A CE SUJET.

Avant de parler des conditions exigées pour entrer dans l'ordre de chevalerie, et des cérémonies avec lesquelles il se conférait, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails sur le terme latin dont on se servait dans les anciennes chartes pour désigner un chevalier.

Ces anciens titres ne nous fournissent que le mot miles, que l'on a regardé comme signifiant soldat par excellence, unus ex mille electus, mais dont la signification latine est soldat. Comment ce terme a-t-il pu être adopté pour indiquer un chevalier ? M. de Mandrot, colonel de l'état-major fédéral suisse, en a donné, dans un numéro du mois de novembre 1866 de la Revue historique et nobiliaire, une explication que nous croyons utile de rapporter ici. Il s'exprime ainsi :

« Une grande partie, on peut même dire la majorité de la noblesse actuelle est sortie de deux classes d'hommes, qui se dessinent déjà peu de temps après la conquête des Gaules. Dans l'origine, les peuples germaniques et surtout les Francs et les Burgondes combattaient essentiellement à pied ; mais en raison des guerres de Charlemagne, guerres dans lesquelles il fallait que l'armée pût se transporter rapidement sur des points fort éloignés les uns des autres, le service à cheval prit beaucoup d'importance, et le mot de miles, qui, dans l'acception latine, signifiait un guerrier et qui par conséquent s'appliquait chez les peuples germaniques à tout homme portant les armes, c'est-à-dire à chaque homme libre, finit par signifier un homme qui devait à un autre le service militaire, puis enfin un chevalier. Miles en latin signifie soldat de quelque arme que ce soit, il s'applique au fantassin comme au cavalier, il se dit en opposition à civis, ou à quirites (le ou les citoyens) comme aussi à paganus (paysan). Quand César veut punir ses légionnaires révoltés, il les appelle quirites. Lorsque l'empire romain tombait sous l'effort des barbares, celui qui défendait les débris de cet empire devait avoir une position très-relevée, surtout depuis que les citoyens romains, abandonnant le service militaire, faisaient tous leurs efforts pour être exemptés de l'honneur de défendre leur patrie. Les généraux, les soldats mêmes, disposaient de l'empire ; le nom de miles devint alors un véritable titre honorifique. Chez les Romains, le citoyen ne portait les armes qu'appelé pour la défense du pays. Avant l'empire, Rome ne voyait de milites que pendant un triomphe, ou bien lorsque la levée faite par les consuls obligeait l'armée de se mettre en marche. Depuis Auguste, la ville impériale eut une garnison permanente, les cohortes prétoriennes ; le citoyen romain eut alors sous ses yeux des milites, et ces milites devinrent ses maîtres, comme ils furent ceux de l'empire.

Le miles de l'empire romain fut celui avec lequel les peuples germaniques, qui firent plus tard la conquête de cet empire, se trouvèrent le plus en rapport. Le miles portait toujours les armes, comme nos soldats actuels dans nos armées permanentes. Or, chez les Germains, le fait de porter les armes indiquait un homme libre : lui seul avait ce privilège, refusé à tout homme assujetti à une servitude quelconque. Il est donc tout naturel que ces Germains, voyant que par le fait d'être enrôlé dans la militia, le colon romain, bien qu'attaché à la plèbe, entrait dans la classe des citoyens romains, il est tout naturel, disons-nous, que les Germains aient traduit le nom de werhmann par miles, lorsqu'ils parlaient ou écrivaient le latin, puisque ce mot de leur langue leur rendait le sens du mot latin, c'est-à-dire un homme libre et admis à porter les armes. Chez ces peuples, comme chez tous ceux qui sont peu avancés en civilisation, porter les armes et s'en servir, soit à la guerre, soit à la chasse, soit aussi dans les querelles privées, était la seule occupation des hommes libres. Sauf le fait des querelles privées, c'était aussi le genre de vie du miles romain de la fin de l'empire, surtout depuis que les légions, se dépeuplant de Romains, se recrutaient presque entièrement, soit dans les Gaules, soit chez les peuples germaniques. Dans ce temps-là, le légionnaire, le miles, abandonnant peu à peu tout travail manuel, les fortifications, de même que la construction et l'entretien des routes militaires dont il était autrefois chargé, devinrent la part de corps spéciaux, de pionniers non soldats, que les armées romaines avaient fini par traîner avec elles. Il y avait donc identité de vie entre le werhmann germain et le miles ; aussi lors de la conquête, ce mot, appliqué aux peuples qui renversèrent l'empire romain, signifie un homme portant les armes.

Les Franks, une fois établis dans les Gaules, perdent peu à peu leur humeur remuante : après quelques générations, ils deviennent agriculteurs. De plus, très-disséminés sur une vaste étendue de territoire, la réunion des hommes en état de porter les armes devint plus difficile.

Alors se développe une institution dont Tacite nous parle, et qui se rencontrait aussi chez les Gaulois. Des hommes libres se mettaient volontairement sous la dépendance d'un chef célèbre qu'ils suivaient à la guerre et servaient dans ses querelles privées. Son intérêt, son honneur, devenaient le leur ; ils recevaient, en récompense de leur dévouement, les armes, les chevaux, leur entretien, plus une part du butin fait à la guerre. Après la conquête des Gaules, de l'Italie par les Germains, le nombre de ces hommes se mettant au service des puissants alla toujours en augmentant. On les nommait gesellen (compagnons), dont nous avons fait vassal, ou leudes (de leutœ, hommes). Leur nombre s'accrut considérablement vers le temps dont nous parlons, parce que les rois et les chefs avaient alors quelque chose de plus solide pour récompenser les services de leurs compagnons, c'est-à-dire des terres. Ces gesellen ou leudes ne faisaient que porter les armes, tandis que les hommes libres commençaient à s'occuper d'agriculture ; et, du reste, ne devant le service militaire que pour la défense du pays, ils n'étaient pas aussi souvent rassemblés que les gesellen. Ces derniers finirent par recevoir seuls le nom de milites, et déjà sous les Mérovingiens miles signifie vassal, le compagnon d'un seigneur puissant, sous la dépendance duquel il s'est mis,  Nous avons dit plus haut que la classe des compagnons des hommes puissants, des milites, s'était considérablement accrue après la conquête des Gaules, etc. Elle s'enrichit aussi tout naturellement par ces conquêtes. Déjà chez les Germains, l'homme riche servait à cheval ; la vanité d'un chef était flattée, son importance s'accroissait, lorsqu'au champ de Mai, ou bien à la guerre, il était suivi de beaucoup d'hommes à cheval. De plus, les guerres éloignées que Carl le Grand (Charlemagne) eut à soutenir, fit apprécier une arme qui se transportait plus facilement. Les milites finirent par ne plus servir qu'à cheval, et nous compléterons notre définition précédente du mot miles en disant que, depuis le IXème siècle, il signifie un homme qui tient d'un autre un bénéfice et qui lui doit pour cela le service militaire à cheval, et cela seul ou accompagné de plus ou moins d'hommes.

Au XIIIème siècle, c'est-à-dire lorsque les généalogies commencent à présenter quelque certitude, le mot miles placé immédiatement devant le nom d'un village (villa) ou d'une terre féodale, désigne celui qui tient cette terre ou ce village en fief d'un autre qui est son seigneur (dominus), son suzerain ; ainsi Guido, miles de Begnins, ne signifie pas Guy, chevalier de Begnins, mais bien Guy, vassal de Begnins, c'est-à-dire Guy, possédant à Begnins un fief, pour lequel il doit au seigneur de Mont le service militaire.

Au reste, chevalier de tel ou tel endroit n'est pas français ; chevalier est un titre personnel et non point une charge ou un office, et si, dans le XVIIème siècle, l'usage s'était établi de désigner ainsi les cadets de grandes familles, il était sous-entendu que le porteur du titre était membre d'un ordre de chevalerie quelconque, comme cela est encore le cas en Italie.

Dans le même temps que le mot miles avait le sens que nous venons de développer, lorsqu'il était placé devant un nom de localité, il en avait un autre lorsqu'il était placé après le nom d'un village ou d'une terre ; alors il signifie chevalier. Exemple : Vir nobilis, dominus Nichodus, dominus de Blonay, miles : noble homme, messire Nicod, seigneur de Blonay, chevalier. Nobilis et potens vir, dominus Arthaudus, dominus de Monte, miles : noble et puissant homme, messire Artaud, seigneur de Mont, chevalier. Ces exemples sont clairs, mais celui qui fait le mieux saisir les deux acceptions que prenait au moyen âge (XIIIème siècle) le mot miles se trouve dans une charte de donation faite au couvent de Bonmont, près de Nyon (canton de Vaud). On y voit comme témoin, Petrus miles de Arnex, miles... En traduisant comme cela se faisait jusqu'à présent, cela signifierait Pierre chevalier d'Arnex , chevalier ; il y aurait pléonasme ; mais en prenant le sens qu'avait le mot miles, suivant sa position dans la phrase, cela signifie : Pierre, vassal d'Arnex, chevalier. En effet, les milites d'Arnex tenaient ce petit village du district de Noyon, en fief des seigneurs de Ginguis, et le Pierre en question est nommé ailleurs Petrus de Arnex, miles ; il était revêtu du titre de chevalier ».

Voilà comment s'exprime M. de Mandrot, et ces observations s'accordent avec celles que nous avons été à même de faire, et qui nous ont démontré qu'en Bretagne avant la seconde moitié du XIIème siècle, le mot miles n'indiquait point un chevalier, mais seulement un vassal noble devant le service militaire.

Si nous consultons le glossaire de du Cange, aux articles miles, feodum militare ou militiœ, nous verrons que dès le VIIIème siècle, le terme miles était employé chez les Lombards et chez les Anglo-Saxons pour désigner les hauts fonctionnaires civils et militaires. Les Anglo-Saxons, suivant lui, appelaient milites, ceux que les autres nations nommaient ministri. Ce terme miles se trouve dans leurs chartes depuis 806.

On voit dans Soldenus : De titulis honorariis. De dono Fregesti quondam militis Domini Kenulfi regis ; et dans Ingelgus, Bernardus appelé miles et vexillarius regis. Du Cange apprend aussi que postérieurement on donnait le nom de milites à ceux qui possédaient des fiefs devant le service d'un ou de plusieurs cavaliers armés de toutes pièces et revêtus du haubert. C'est par cette raison qu'on appelait les seigneurs qui étaient astreints à cette espèce de service seigneurs de haubert, et leurs fiefs feodum militare, militis ou militiœ.

Voici ce que disent à l'égard de ces fiefs les statuts de Henri II, roi d'Angleterre : Quicumque habet feodum, unius militis, habeat loricam et cassidem, et clypeum et lanceam, et omnis miles habeat tot loricas , lot cassides et clypeos et lanceas quot habuerit feoda militum in feodo suo.

De même que le mot miles, qui primitivement ne signifiait qu'un soldat, fut employé sous la seconde race et au commencement de la troisième pour indiquer un seigneur féodé, de même lorsque la chevalerie fut constituée, ce mot prit une signification plus étendue, et, cessant de désigner un simple seigneur, devint le titre donné au chevalier, qui au temps où la chevalerie était florissante, était toujours un gentilhomme richement possessionné.

Examinons maintenant d'après nos chartes bretonnes à quelle époque eut lieu cette transformation. Dans les chartes bretonnes du IXème siècle le terme miles se trouve rarement. Nous le voyons cependant employé dans une charte de l'abbaye de Saint-Sauveur de Redon, de l'an 869, où on lit ce qui suit : In nomine sanctœ et individuœ Trinitatis, Salomon, gratia Dei, totius Britanniœ magneque partis Galliarum princeps, notum sit cunctis Britanniœ tam episcopis quam sacerdotibus, totoque clero necnon etiam comitibus cœterisque nobilissimis ducibus, fortissimisque militibus, omnique nostrœ ditioni subditis...

Cette charte, qui indique qu'à cette époque les souverains bretons se regardaient comme étant indépendants, nous montre que les milites prenaient rang après les comtes et les autres grands seigneurs du pays, c'est-à-dire qu'ils représentaient la catégorie des seigneurs possédant des fiefs d'une étendue moindre que les comtés et les baronnies, tels que les châtellenies, ou fiefs de haubert, devant le service de plusieurs cavaliers. Dans les chartes du IXème siècle figurent quelquefois des seigneurs appelés mactierns, ou tyrans, et qui ne sont qu'une variété des milites. Une charte de l'abbaye de Saint-Sauveur de Redon, de l'an 812, nous apprend qu'un macthiern nommé Jarnithin donna à cette abbaye le lieu de Rosgal. Ce même Jarnithin, dans le courant de cette charte, est aussi appelé tyrannus. Il est curieux de voir ce nom rappelé dans le roman espagnol de Tyran le Blanc, où l'on voit que ce chevalier était fils de la fille du duc de Bretagne, et du seigneur de la Marche de Tyrannie.

Dans les chartes des Xème et XIème siècles et dans la première partie du XIIème, paraissent deux sortes de témoins, les clercs et les laïques. Ceux-ci sont désignés par les termes à peu près synonimes de barones, nobiles, optimates, milites, equites, et par celui de burgenses ; car souvent les bourgeois et même de simples gens du peuple étaient appelés comme témoins, mais les noms de ces derniers étaient ordinairement omis, on se bornait à constater leur présence ; le terme d'écuyer, armiger, scutifer ou scutarius, employé après l'apparition de la chevalerie, pour désigner le noble qui n'est pas chevalier, ne parait pas encore. Le mot miles est employé dans les actes publics comme terme générique. Il est donné à des prêtres et à des femmes possesseurs de fiefs. Dans l'acte de fondation du prieuré de Notre-Dame de Vitré en 1157, figurent parmi les milites, le doyen de Vitré et le chapelain du seigneur. Dans une donation faite en 1136 à l'abbaye de Redon par Guillaume de Ros, nous trouvons parmi les témoins au nombre des milites, Rivallon de Cornon et sa femme Oravie, et Orhant, mère du donateur.

Quand un seigneur de marque faisait une donation ou passait un acte public, il appelait comme témoins, des clercs ou des moines, et parmi les laïques, ses vassaux nobles les plus proches, parmi lesquels, ainsi que nous venons de le voir, figurent quelquefois des femmes et des ecclésiastiques, et souvent aussi des bourgeois ou hommes libres de ses terres. Quant à lui, il ne prenait d'autre titre que celui de sa seigneurie. Le titre de miles n'était donc pas pour lui un terme honorifique, puisqu'il n'en usait pas. Dans un acte de donation de 1038, d'Alain Cagnart, comte de Cornouailles, à l'abbaye de Landévenech (Landévennec), nous lisons : Alanus, Comes nobilis Cornubiensium partium, pro redemptione animœ suœ, etc... dedit sancto Wingualoco quondam Tribum nomine Tref-Ludoc in Plouen-Neguet in Pou, per affirmationem suœ nobilissimœ conjugis Judett nomine, militumque suorum, coram multis testibus. Ici militumque suorum est un terme générique qui désigne les vassaux nobles du comte Cagnart, sans l'assentiment desquels il ne veut pas faire cette donation.

D'autres chartes du XIème siècle commencent ainsi : Ego Maino, militiœ sœculari deditus, ou Ego Maino, miles provinciœ Redonensis , ou bien encore Rivallonus, homo militaris in Britannia de Castello Comburnio, ce qui veut dire : Moi Main, adonné au métier des armes, ou moi Main, seigneur féodé du pays de Rennes, ou moi, Rivallon, devant le service militaire pour mon château de Combourg. Ces expressions sœculari militiœ deditus, qui indiquent la profession des armes, étaient employées en opposition à celles qui désignaient les moines, sub disciplinâ militari Deo militaturi ; ce sont les termes dont se sert Geoffroi Crespin, seigneur de Châteauceaux, à l'égard des moines en faveur desquels il fonda le prieuré de ce nom vers l'an 1040 : Monachos majoris monas, viros utique syncerœ opinionis, integrœ famœ et probatœ religionis infrà ambitum castri mei recepi mansionem ibi perpetuo facturos et sub militari disciplina Deo militaturos.

Parmi les témoins de cette donation, on voit au nombre de ceux qui sont pris dans la classe des milites, de militibus : Hamoricus de Odonio, Oliverius de Veriz, Theabaudus Crispini, Mauricius de Liriaco, Reginaldus de Blesio, Guglielmus Crespini, Gaufridus de Brierii, Mathœus Barbotin, Dominus Perdriel, et plures alii. Interfuerunt tam de Monachis quam de Laïcis, Bernardus Puella, Eudo de Broil, Prior ejusdem domus, etc... Dans cet acte de fondation Geoffroi Crespin appelle ces seigneurs homines mei, ou mes vassaux, en indiquant les offrandes de toute sorte en vins, froment et terres qu'ils veulent bien faire aussi aux moines, pour concourir à la fondation du prieuré. Ainsi, dans cette charte, ces seigneurs sont simplement les vassaux immédiats de Geoffroi Crespin ; quant à lui, il s'intitule simplement Dominus Castricelsi.

Dans un titre de 1090, concernant, l'abbaye de Marmoutiers, on trouve parmi les témoins Galdinus de Clisson et Gaurinus filius Gaufridi miles ejus, Brientius filius Gaufridi et Rivallonus de Solzon miles ejus ; c'est-à-dire Gaurin, fils de Geoffroi, vassal féodé de Gédoin de Clisson, et Rivallon de Solzon, vassal féodé de Brient, fils de Geoffroi. Dans un accord passé vers l'an 1090, entre les moines de Saint-Florent et Hamon de Liffré, on lit : Quidam miles Hamo nomine de Livriaco ; et plus bas Caballarius de Livriaco. Dans un autre acte, il est désigné par ces mots : eques de Livriaco. Toutes ces expressions indiquent qu'Hamon était possesseur du fief de Liffré, pour lequel il devait le service militaire en équipage de cavalier.

Dans les chartes de la seconde moitié du XIIème siècle, les termes quidam miles, sœculari militiœ deditus, etc., disparaissent ; on ne voit plus de témoins tirés de laïcis et de militibus ; le mot miles suit le nom et indique que c'est un titre particulier à celui qui le porte ; il signifie chevalier. Dans une enquête faite l'an 1181 par Henri II, roi d'Angleterre, pour le recouvrement des biens de l'église de Dol, figurent parmi les témoins, des chevaliers, milites, des prêtres et des bourgeois : Oliverius de Bagar, miles et X alii antiqui homines. Glanus de Marisco et Gaufridus de Hirel, milites. Gaufridus Roberti et Wilhelmus de Vivario, milites et XV antiqui homines. Nous voyons aussi paraître dans le même acte Chaperon, miles de Thumain, expression qui indique qu'il était seulement vassal féodé de Thumain, car s'il eût été chevalier, ou eût écrit Chaperon de Thumain, miles. En effet, dans un titre postérieur au précédent, c'est-à-dire de 1199, il est désigné seulement par ces mots : Chaperon de Thumain. Au reste, à partir du XIIIème siècle, le mot miles ne se place plus qu'après le nom. La chevalerie étant constituée, la noblesse se trouve partagée en deux catégories : les chevaliers, milites, et les écuyers, armigeri, scutiferi, nouvelles expressions usitées à la fin du XIIème siècle pour désigner le noble qui n'était pas chevalier. Dans une charte de l'an 1181 donnée pour Marmoutiers par Olivier de Dinan, nous trouvons qualifiés écuyers, ou armigeri : Alain, fils de Briant, Ruellan Goyon, Guégon Goyon et Geoffroi le Roi. Jusqu'à la fin du XIIème siècle, les grands seigneurs bretons ne sont désignés dans les chartes que par leur nom propre, ou par celui de leur seigneurie ; ils ne prennent point le titre de miles, ce qui indique qu'il était au dessous d'eux, mais à partir du XIIIème siècle ils le recherchent, les rois de France et les ducs de Bretagne s'en décorent et donnent l'ordre de chevalerie à des princes de leur sang. On peut donc en conclure que ce n'est qu'à la fin du XIIème siècle que la chevalerie fut véritablement constituée. C'est l'opinion des P. Daniel et Mabillon. Le premier dit que le terme de chevalier, exprimé par miles, commença à paraître être une espèce de dignité, et à être donné à quelques seigneurs dans certains actes, à la fin de la seconde race. Le second, dans les annales de l'ordre de saint Benoît, en fournit aussi quelques exemples, mais il ajoute que c'est sous la troisième race, que les chevaliers commencèrent à former comme un corps distingué, dans l'État et dans les armées ; qu'il s'établit une espèce de jurisprudence qui réglait leur rang, leurs prérogatives, l'âge, la qualité et les autres conditions requises pour parvenir à cette dignité, et qu'on appelle miles un chevalier du temps de Philippe-Auguste, sous le règne duquel on commença à faire une plus grande mention de ces chevaliers, qui étaient des hommes de naissance qui avaient fait leurs preuves de noblesse par de bons titres, et de valeur par de belles actions, et à qui la chevalerie avait été conférée avec certaines cérémonies dont nous lisons le détail dans les monuments anciens qu'on appelle cérémoniaux.

Quelques écrivains, trompés par un passage de l'Armorial du P. Toussaint de Saint-Luc, relatif à la chevalerie de Bretagne, et qu'ils avaient lu sans doute d'une manière imparfaite, ont cru qu'il avait existé dans ce pays une chevalerie personnelle, et une réelle fondée sur le fief. Ce religieux, en effet, dit qu'il existait en Bretagne une chevalerie personnelle, et une réelle fondée sur le fief, mais que le possesseur de ce fief ne se qualifiait chevalier que lorsqu'il avait reçu l'ordre de chevalerie, ce qui signifie, en termes plus simples, qu'une des conditions pour être chevalier était de posséder un fief assez considérable pour soutenir cette dignité. Les ordonnances de Philippe le Bel disent, en effet, que le chevalier doit être assez riche pour maintenir au moins quatre chevaux pour la guerre, et que si l'écuyer que le roi veut faire chevalier est pauvre gentilhomme, il doit lui donner de quoi vivre honorablement, et ce pour l'honneur du très-noble ordre de chevalerie.

Dom Morice dit aussi, dans la préface du tome II de ses Preuves, « qu'en Bretagne les chevaleries étaient ou personnelles ou réelles, et féodales. Les premières étaient inhérentes aux personnes et périssaient avec elles ; les secondes étaient annexées aux terres et subsistaient indépendamment de leurs possesseurs. De là vient que ces chevaleries étaient tenues par des personnes qui, non-seulement n'avaient pas le caractère de chevaliers, tels qu'étaient les jeunes seigneurs avant l'âge de vingt et un ans, mais encore qui étaient incapables de le devenir, tels que les abbés, les prieurs et les femmes. Le propriétaire de la chevalerie féodale devait le service militaire en équipage de chevalier, et s'il possédait plusieurs chevaleries, il devait plusieurs cavaliers à l'ost de son seigneur. C'est ce que porte la constitution que Henri II, roi d'Angleterre, fit en 1141 : Quicumque habet feodum militis, habeat et loricam et clypeum et lanceam, etc. ».

Ainsi, d'après ce passage, rendu obscur au premier abord par les termes de chevaleries, ou fiefs de chevaleries, par lesquels on avait traduit improprement ceux de feodum militis, ou militiœ, qui signifient fiefs de haubert, on voit que la chevalerie personnelle, qui s'éteint avec la personne, est la vraie et unique chevalerie, et que la chevalerie réelle ou féodale, qui pouvait être possédée par des personnes dont la condition était incompatible avec le titre de chevalier, tels que les ecclésiastiques et les femmes, n'est autre chose que la possession du fief de haubert, feodum militis, qui se desservait par pleines armes, ce qu'on a appelé à tort, depuis l'avènement de la chevalerie, en équipage de chevalier, puisque c'était le chevalier qui avait pris l'équipage militaire du seigneur de haubert, l'ancien miles, qui existait avant lui.

Oubliant ces malencontreuses expressions de fiefs de chevaleries, ou chevaleries, qui ont trompé tant d'auteurs ignorant l'ancienne signification du mot miles, D. Morice, dans la préface du premier volume de ses Preuves, s'exprime ainsi : « En Bretagne les nobles portaient la qualité de chevaliers et d'écuyers. Ils ne naissaient pas chevaliers, mais ils le devenaient par le mérite de leurs actions militaires, c'est pour cela qu'on les nommait milites, c'est-à-dire soldats ou gendarmes par excellence ». Puis il ajoute : « La qualité de chevalier n'était donnée qu'à ceux qui avaient été faits chevaliers dans une cérémonie publique. Tout chevalier pouvait faire d'autres chevaliers, et souvent on aimait mieux recevoir cet honneur de la main d'un gentilhomme qui s'était acquis de la réputation dans les armes, que de celle d'un prince ».

Nous allons faire voir maintenant comment une fausse interprétation de l'assise du comte Geoffroi, a fait croire aux commissaires du roi chargés en 1668 de la réformation de la noblesse de Bretagne, que dans ce pays la chevalerie était héréditaire.

Quand la féodalité se constitua, chaque fief fut, suivant son étendue, grevé d'un certain service militaire. Les grands fiefs durent fournir beaucoup de cavaliers, les fiefs de haubert, feoda militum, plusieurs cavaliers revêtus du haubert, portant l'équipement complet de guerre. Les autres fiefs, qu'on appelle souvent fiefs d'écuyer, durent fournir un ou plusieurs cavaliers armés à la légère, ou archers.

Autrefois en Bretagne les fiefs se partageaient également entre les enfants, ce qui détruisait, par le morcellement du fief, l'unité du service militaire. Pour remédier à cet inconvénient, le comte Geoffroi, en 1185, promulgua avec l'assentiment des barons, l'assise qui a retenu son nom, et qui établit qu'à l'avenir le partage égal cesserait d'avoir lieu dans les fiefs de haubert, in baroniis et in feodis militum, et que les aînés pourraient traiter leurs cadets selon leur bon plaisir, en les admettant à partager à bienfait et à viage ; mais cette assise, qui parut trop rigoureuse, fut modifiée dans le siècle suivant, et les aînés furent obligés à partager entre leurs cadets le tiers des biens nobles de leur héritage. Cette ordonnance, qui n'avait été établie primitivement que pour les fiefs d'une certaine importance, s'étendit peu de temps après à la généralité des fiefs nobles, et dès lors le partage noble devint en Bretagne la pierre de touche de la noblesse, et une des conditions essentielles pour être considéré comme noble. Cette assise fut donc établie pour les terres et non pour les personnes, par la raison bien simple que, si les fiefs changeaient de possesseurs, la nature du fief ne changeait pas. Ainsi celui qui, avant l'institution de la chevalerie, devait pour son fief un service déterminé, y fut astreint également après. La condition des personnes au contraire était variable. Ainsi tel qui était baron, perdait en vendant sa baronnie son titre, qui passait au nouvel acquéreur. Nul ne prenait alors le titre d'une terre qu'il ne possédait pas. La terre, suivant le vieil adage féodal, faisait l'homme. L'avènement de la chevalerie ne changea donc rien à la nature des terres, et comme à l'époque où elle parut les fiefs de haubert, ou d'une certaine importance, étaient désignés par les mots feoda militiœ ou militum, ils conservèrent ce nom dans les chartes latines, seules en usage alors.

Remarquons bien qu'en 1185, date de la promulgation de l'assise, la chevalerie venait à peine de paraître, et que l'on ne trouve à cette époque aucun seigneur de marque revêtu de cette dignité. L'assise ne pouvait donc pas avoir pour objet une certaine catégorie de nobles, mais seulement les fiefs d'une certaine étendue, dans l'organisation desquels il était nécessaire d'introduire une modification.

Les auteurs français qui traduisirent l'assise, ignorant l'ancienne signification du mot miles, et croyant qu'il avait toujours indiqué un chevalier, traduisirent par fiefs de chevaliers, de chevalerie et par abréviation simplement par chevaleries, les expressions feoda militum ou militiœ, noms sous lesquels étaient désignés dans les chartes les fiefs de l'ancien miles, et s'imaginèrent qu'en Bretagne, contrairement à ce qui existait dans les autres pays, il existait une chevalerie qui dépendait de la possession de certains fiefs, et qui se transmettait avec eux.

Les commissaires de la réformation de la noblesse de Bretagne en 1668, adoptant la même traduction littérale, tombèrent dans la même erreur ; ils traduisirent par fiefs des barons et des chevaliers, les expressions de l'assise in baroniis et in feodis militum, qui signifiaient baronnies et fiefs de haubert, et, attribuant ainsi aux personnes ce qui ne concernait que les terres, pensèrent qu'en Bretagne la chevalerie était héréditaire, et tirèrent de cette supposition des conclusions que nous ferons connaître plus tard, et qui les conduisirent à opérer une sorte de classement de la noblesse aussi absurde qu'injuste, qui a laissé dans l'esprit des gens peu versés dans l'histoire de notre pays, des impressions fausses sur un certain nombre de maisons, dont plusieurs appartiennent à la plus ancienne noblesse. Mais avant de parler de cette réformation, nous allons prouver qu'en Bretagne la chevalerie n'a jamais été héréditaire.

Si en Bretagne la possession d'un feodum militis, improprement appelé fief de chevalerie, avait pu procurer à son possesseur le titre de chevalier, ce titre eût simplement indiqué qu'en Bretagne le chevalier n'était autre chose que le possesseur d'un fief inférieur dans la hiérarchie féodale aux baronnies et aux terres à bannière, en un mot ce chevalier n'eût été que l'ancien miles des temps qui avaient précédé celui de la chevalerie. Dès lors un tortu, un bossu, un lâche, un félon, une femme, un abbé, en devenant possesseur d'un pareil fief, aurait pu s'intituler chevalier, et perdre aussi par l'aliénation de son fief cette qualité, qui aurait alors passé de plein droit à son acquéreur. Comment donc ce titre aurait-il pu devenir un titre d'honneur recherché par les grands seigneurs, qui possédaient tant de fiefs, dits de chevalerie, et pour qui cette qualification eût été moindre que celles dont ils jouissaient comme comtes, vicomtes, barons ou bannerets ? En prenant la qualité de ducs de Bretagne et de chevaliers, nos ducs n'auraient donc eu d'autre intention que de faire voir, qu'outre le duché de Bretagne, ils possédaient un petit fief, qui leur donnait le droit de s'intituler chevaliers. Quelle triste figure auraient faite les chevaliers bretons à côté des vrais chevaliers, qui avaient reçu au grand jour l'ordre de chevalerie avec les cérémonies solennelles décrites dans les anciens cérémoniaux !

Il suffit d'ouvrir l'histoire de Bretagne pour voir qu'un pareil état de choses n'a jamais existé.

Henri, roi d'Angleterre, fit chevalier en 1173 Geoffroi, son fils, le même qui promulgua l'assise, et qui fut duc de Bretagne.

Arthur, duc de Bretagne, reçut en 1202 l'ordre de chevalerie des mains de Philippe-Auguste, qui lui avait fait épouser sa fille Marie, qu'il avait eue d'Agnès de Méranie. Il reçut ensuite de lui l'hommage lige pour la Bretagne, le Maine, la Touraine et l'Anjou.

Pierre de Dreux, dit Mauclerc, duc de Bretagne, qui après son abdication ne s'intitulait plus que Pierre de Braine, chevalier, prend ces deux qualités dans une charte du mois d'avril 1238, par laquelle il ratifie la cession qu'il fit en 1234 au roi de France de quelques terres, entre autres de celles de Saint-James de Bouvron. Il prend encore les titres de seigneur de Braille et de chevalier dans deux autres actes de 1240 et de 1246, relatifs aux abbayes de Buzay et de Villeneuve.

Jean le Roux, fils du duc Pierre, surnommé Mauclerc, dont nous venons de parler, reçut en 1241 à Melun la chevalerie des mains de saint Louis, suivant D. Morice. Le P. Anselme prétend qu'elle lui fut conférée en 1239. Quoi qu'il en soit, il prend la qualité de duc de Bretagne et de chevalier, dans une charte de l'abbaye de Beauport de 1266, par laquelle il confirme cette abbaye dans tous ses droits de haute et moyenne justice.

En 1260 le roi d'Angleterre écrit au duc de Bretagne qu'il désire conférer l'ordre de chevalerie à son fils. Il s'agit probablement de Pierre de Bretagne, qui prend la qualité de chevalier dans un acte relatif à une vente que lui fit en 1264 Jean d'Avaugour, acte dans lequel il est dit fils du duc Jean.

Arthur, duc de Bretagne, prend le titre de chevalier dans une déclaration donnée en 1301 au vicomte de Rohan, et qui commence ainsi : Arthur fiuz heiné du duc de Bretagne, chevalier, etc.

Dans un acte de partage donné à Guy de Bretagne sous l'autorité de Philippe le Bel, roi de France, en date du mois de mars 1313, Jean III, duc de Bretagne, Guy, son frère, ainsi que leurs oncles Pierre de Bretagne et Jean de Bretagne, comte de Richemont, prennent la qualité de chevaliers.

Charles de Blois, au rapport de plusieurs historiens, reçut l'ordre de chevalerie de la main de Charles V, lorsque ce prince le reconnut comme duc de Bretagne.

Jean IV, duc de Bretagne, compétiteur de Charles de Blois, fait en 1380 serment d'être fidèle au traité de Guérande comme loyal chevalier. Dans un acte de l'an 1393 il jure de défendre comme vrai prince et chevalier quelques-uns de ses vassaux, dont il avait exigé le serment de fidélité, et qui à leur tour, jurèrent de le défendre, comme loyaux chevaliers, contre toutes personnes qui peuvent vivre et mourir. Lorsque le roi Charles V tint en 1378 un lit de justice en son parlement à Paris, au sujet du même prince, il fit adresser des lettres d'ajournement à messire Jean de Montfort, chevalier, naguère duc de Bretagne.

Jean V, duc de Bretagne, fut, suivant Dom Morice, fait chevalier en 1401 par Olivier de Clisson, lors de son entrée solennelle à Rennes, quoiqu'il eût à peine douze ans accomplis. Les rois, en se faisant conférer la chevalerie avant l'âge de vingt et un ans, dérogeaient aux coutumes établies pour la collation de l'ordre de chevalerie ; mais au XVème siècle même, la qualité de chevalier était si honorable que les souverains croyaient déchoir dans l'opinion du peuple, s'ils n'en étaient pas revêtus. Le P. Anselme rapporte aussi que Jean V fut créé chevalier à Rennes avec ses frères, par le connétable de Clisson dans l'église de Saint-Pierre, et qu'il fut couronné dans celle de Saint-Etienne. Les frères de ce prince étaient Gilles de Bretagne, Arthur, comte de Richemont, depuis connétable de France et duc de Bretagne, et Richard, comte d'Etampes.

Arthur de Richemont prend la qualité de chevalier banneret dans une montre de 1414, et Richard la même qualité dans une montre de 1421.

François Ier, duc de Bretagne, fut armé chevalier par Arthur de Richemont, connétable de France, lors de son couronnement à Rennes, au rapport de l'historien Alain Bouchart. Il dit aussi que le duc François II, à l'époque de son couronnement à Rennes, créa plusieurs chevaliers.

On voit continuellement dans l'histoire de Bretagne les seigneurs les plus qualifiés, dont les pères avaient été chevaliers, ne prendre que le titre d'écuyer, quoiqu'ils eussent hérité de leurs fiefs. Ainsi Olivier, sire de Clisson, dans un acte de 1261, relatif à une obligation de 4 000 livres qu'il avait contractée envers le duc, ne prend que la qualité d'écuyer, quoiqu'il fut seigneur de Clisson, tandis qu'il donne à son père, relaté dans le même acte, le titre de monsor, réservé aux chevaliers : « A tous ceux qui ces présentes lettres verront et orront, Olivier de Clisson, eschuicz e seignor de Cliçon, saluz en nostre Seingnor. Sachez que je des à mon cher seingnor Jahan, Duc de Bretagne, quatre mil livres de sa monoye corante de Nantes, par la convenance de la pas fete entre icelui Duc d'une partie, e monsor Olivier de Cliçon, mon père, etc... ». Monsor Olivier de Clisson, rappelé dans cette charte, est qualifié chevalier dans un acte de 1257.

Girard Chabot, sire de Raiz, ne prend également que le titre de valet, équivalent à celui d'écuyer, dans une charte de 1266, tandis que le nom de son père, mort précédemment, y figure avec le titre de Dominus, ou Monseigneur.

Hervé, vicomte de Léon, un des plus puissants seigneurs de Bretagne, prend le titre d'écuyer, dans une charte de 1271, et celui de chevalier dans une charte de 1274, preuve qu'il avait reçu depuis l'ordre de chevalerie.

Dans un acte de donation faite au XIIIème siècle à l'abbaye de Pontron, Mathieu Lorel, un des témoins, est qualifié novus miles, chevalier nouvel.

Dans des lettres datées du dimanche après la Madeleine de l'an de grâce 1338, Jean, duc de Bretagne, comte de Richemont, vicomte de Limoges, reconnaît qu'il a fait autrefois des promesses à Geoffroi le Voyer, sieur de Trégomar, son sénéchal, dans le comté de Richemont, à l'occasion de sa nouvelle chevalerie.

En 1350, au fameux combat des Trente, Geoffroi de la Roche, pendant un instant de trève accordé aux combattants pour prendre du repos, pria le maréchal de Beaumanoir de le faire chevalier, faveur qui lui fut accordée.

Et Geoffroi de la Roche sera fait chevalier

Comme Eudes, son bon père, qui alla guerroyer

Jusqu'à Constantinople pour grand honneur gagner.

(Poëme ancien sur le combat des Trente).

Jean de Malestroit, Geoffroi de Couvran, Simon de Lorgeril, Jean de Broon, Olivier Giffart et Guillaume de Vendel, écuyers bretons, furent faits chevaliers, au siège de Bray-sur-Seine, en 1437, par Arthur de Bretagne, comte de Richemont. Il créa également chevaliers, au siège de Saint-Célerin en 1433, les sires de la Bellière et de Coëtivy, écuyers bretons. Dans une lettre écrite en 1450 par l'amiral de Coëtivy à Pierre de Carné, seigneur de la Touche, il lui mande qu'il est fâché qu'il n'ait pas assisté à la bataille de Formigny, pour y essayer son bon corps et y recevoir l'ordre de chevalerie.

Une reconnaissance de l'an 1294, des chevaliers d'Ost, écuyers et archers, due au duc par les seigneurs bretons, nous fait voir clairement que le fief ne conférait pas le titre de chevalier. Dans cet acte, dont nous donnons un extrait, les chevaliers sont qualifiés Monsours.

Monsour Guy de Laval, doit 5 chevaliers d'Ost [Note : Le chevalier d'Ost était un cavalier armé de toutes pièces comme le chevalier. Quand on dit qu'un fief devait un certain nombre de chevaliers, il faut entendre des chevaliers d'Ost].

Monsour Alain de Fontenay un chevalier d'Ost pour sa terre de Fontenay.

Monsour Geffroy de Guerrande reconnaît qu'il doit un chevalier d'Ost pour son fief, mais il dit que s'il n'était pas chevalier, il ferait le service en tel point comme il serait.

Monsour Philippe de Monstrelais reconnaît qu'il doit un chevalier d'Ost pour son fief, mais il dit qu'il doit le service en tel état qu'il soit.

Bernard de la Roche, sr. de Lohéac, reconnaît qu'il doit 2 chevaliers pour sa terre de Lohéac.

James de la Muce reconnaît devoir le quart d'un chevalier d'Ost [Note : C'est-à-dire qu'il devait, conjointement avec d'autres seigneurs, entretenir un chevalier d'Ost, en fournissant le quart du prix de cet entretien].

Renaud de Monstrelais reconnaît devoir un chevalier d'Ost, mais il dit qu'il fera le service en tel état qu'il sera.

Bernard de la Roche, James de la Muce et Renaud de Monstrelais ne sont point, comme on le voit, qualifiés monsours, preuve que, quoique possédant un fief dit de chevalerie, ils n'étaient pas chevaliers. Au reste, ces seigneurs reconnaissent qu'ils doivent le service de leurs fiefs, dans l'état où ils seront, c'est-à-dire qu'ils soient ou ne soient pas chevaliers. Ces fiefs, dits de chevalerie, ne sont en effet que les fiefs de haubert existant avant la chevalerie, et dont le possesseur devait personnellement le service d'un ou de plusieurs cavaliers armés de la lance et revêtus du haubert.

A partir du XVème siècle, les feoda militum, ou fiefs dits de chevalerie, ne sont plus désignés que par les noms de fiefs devant le service d'homme d'armes. Les montres de 1481 pour l'évêché de Tréguier nous font voir que les possesseurs de ces fiefs ne prenaient point la qualité de chevalier avant de l'avoir reçue. De même qu'au XIIIème siècle le titre de monsour était réservé aux chevaliers, ici leur nom est toujours précédé de celui de messire.

Nous trouvons parmi les nobles de Ploëjan devant le service d'homme d'armes :

Messire Guillaume de Penhoët, sr. de la Marche.

Jean Guicaznou, sr. de Coëtgral, de l'ordonnance, c'est-à-dire, homme d'armes de l'ordonnance du duc.

Parmi les nobles de Ploëmagoer :

Messire Jean de Coëtgoureden, sr. de Locmaria, représenté par Guillaume de Kerleynou, homme d'armes, page, lance, coustilleurs et deux archers en brigandine.

Louis de Kermenou, homme d'armes.

Merien le Cozic, pour lui et sa mère, homme d'armes.

Pour dernière preuve, nous dirons que les bannerets dont les terres contenaient plusieurs fiefs de haubert, dits de chevalerie, ne prenaient que la qualité d'écuyer dans les actes publics, et dans les montres celle d'écuyer banneret, quand ils n'avaient pas reçu l'ordre de chevalerie.

Lancelot Gouyon, écuyer banneret, est ainsi appelé dans une montre du 2 mars 1418, reçue à Gyen, et dans laquelle il figure avec un chevalier et 16 écuyers.

Olivier de Blois, comte de Penthièvre, descendant de Charles de Blois, prend la qualité d'écuyer banneret dans une quittance du 28 novembre 1411, par laquelle on voit qu'il était au service du roi, avec 3 chevaliers et 28 écuyers.

Jean de Bretagne, sr. de l'Aigle, père d'Olivier de Blois, est qualifié écuyer banneret dans une montre reçue à Tours le 5 décembre 1418.

Pierre de Rieux, sr. de Rochefort, maréchal de France, figure comme écuyer banneret, dans un compte de Macé Héron, trésorier du roi, de l'an 1419. Le même titre lui est donné dans une montre de la même année.

Charles de Montfort, Michel de Rieux, sr. du Fougeré, Patry de Châteaugiron, Jean Tournemine, Bertrand de Dinan, maréchal de Bretagne, sont qualifiés écuyers bannerets dans diverses montres de 1419 à 1425, rapportées dans les Preuves de Dom Morice.

Deux autorités compétentes, la Roque et d'Hozier, le premier dans son Traité de la Noblesse et le second dans son Armorial de France, regardent comme non fondées les raisons données par les commissaires de la réformation de la noblesse de Bretagne en 1668, au sujet d'une chevalerie héréditaire. Le premier, après avoir rappelé l'opinion d'une infinité d'auteurs qui disent que le titre de chevalier a toujours été une dignité personnelle, ajoute : « Mais pour faire voir qu'il était inouï dans les siècles passés et même dans celui-ci, qu'on eût osé prendre le titre de chevalier sans l'autorité du roi, et sans en avoir obtenu la grâce, je rapporterai que les princes et seigneurs qui vivaient en 1361 et aux années suivantes ne se qualifiaient qu'écuyers, jusqu'à ce qu'ils eussent eu l'honneur d'être chevaliers. Jean, bâtard d'Orléans, comte de Dunois, bien qu'il fût banneret et qu'il eût quatre chevaliers bacheliers dans sa compagnie, avec 21 écuyers et 18 archers, suivant la montre qu'il fit à Blois le 5 avril 1421, néanmoins ne prend point d'autre qualité que celle d'écuyer, en attendant celle de chevalier qu'il eut ensuite. Joachin Rouaut, sr de Gamaches, ne prenait point d'autre qualité que celle d'écuyer, encore qu'il fût maréchal de France, et il ne se qualifia chevalier qu'après l'avoir été fait. Dans la montre qu'Éon de Lesnerac, capitaine de Clisson, un des grands seigneurs de Bretagne, passa à Paris le 24 janvier 1382, il ne prend que la qualité d'écuyer, quoiqu'il eût dans sa compagnie 14 chevaliers bacheliers, au nombre desquels était Amaury de Clisson, Robert de Beaumanoir, Robert de Guitté, avec 85 archers, et il ne prit la qualité de chevalier, qu'il ne l'eût reçue en effet ». Après avoir rapporté d'autres exemples de cette nature, la Roque ajoute : « Tant d'exemples fameux doivent bien persuader que personne ne naît chevalier, et que cette dignité dépend absolument de la puissance et de l'autorité du roi ». D'Hozier dans la préface du premier volume de son Armorial, édition de 1821, s'exprime ainsi : « Le grade de chevalier, grade personnel et qu'on ne transmet pas à ses descendants, était réservé à ceux qui pour récompense de leurs grandes actions, en avaient été revêtus par les souverains ou par des chevaliers commis de leur part à cet effet. Parmi les femmes, celles des chevaliers étaient les seules qu'on qualifiât du nom de dames ». Dans la préface de son second registre, édition de 1823, il parle en ces termes de la réformation de la noblesse de Bretagne : « Il ne reste qu'un seul point sur lequel le juge d'armes soit partagé de sentiments avec un grand nombre de gentilshommes de la noblesse de Bretagne. Le sujet de cette division est la qualité de chevalier que quelques personnes prétendent être la qualité propre et distinctive des gentilshommes d'extraction, et que bien des nobles de la seconde classe, souvent même des fils d'anoblis usurpent aujourd'hui avec une coupable témérité. Le juge d'armes avait posé pour principe dans la préface de son premier registre que tout noble naît seulement écuyer et ne doit avoir d'autre qualité, jusqu'à ce qu'il ait plu au roi de lui en accorder une qui soit supérieure ; qu'aucun gentilhomme, quel qu'il soit, n'est chevalier par sa naissance ; que ce titre est un grade personnel que le père ne transmet pas à sa descendance, et que l'on ne peut en tenir l'honneur que de la grâce même du souverain. Ce principe, qui est vrai, incontestable, conforme aux anciennes maximes de l'État, qui a été suivi autrefois par les seigneurs les plus illustres et des plus grandes maisons, comme Montmorency, Laval et la Tour d'Auvergne, etc., et qui est encore actuellement reconnu de toutes les personnes instruites de nos respectables antiquités a révolté quelques esprits et semble même avoir éloigné plusieurs gentilshommes. Ils lui en ont opposé un autre qu'ils paraissent soutenir, de l'usage observé par la chambre que Louis XIV établit en 1668 pour la réformation de la noblesse de Bretagne ; c'est que tout chef de famille descendu d'anciens chevaliers, ou même qui prouve sa noblesse par le rôle des anciennes réformations, ou la possession du partage noble, est chevalier né, et doit en prendre la qualité, pour se distinguer du commun des nobles, qui ne sont qu'écuyers. Le juge d'armes n'ignore point ce qu'a fait la chambre de réformation établie en Bretagne, mais sans manquer de respect à un tribunal revêtu de l'autorité du souverain, il ose dire qu'avant de se décider, les commissaires, ou le procureur général n'avaient ni assez posé les vrais principes reçus même en Bretagne, ni assez exactement pris le sens de la déclaration du roi, qui permettait aux commissaires de maintenir dans la qualité de chevaliers ceux qui la justifieraient par des titres légitimes, et ce qu'il avance ici, il le démontre dans la dissertation qui suit la préface ».

Nous n'ajouterons rien à toutes ces preuves, pensant avoir surabondamment démontré qu'en Bretagne, la chevalerie n'a été ni héréditaire, ni provenant de la possession d'une certaine nature de fiefs, mais qu'elle a été, comme partout ailleurs, personnelle.

Il nous reste à parler de la réformation de 1668. Lorsque Louis XIV, à l'instigation de Colbert, voulut procéder à une recherche générale de tous les nobles du royaume, il nomma pour commissaires de cette réformation en Bretagne, des membres de l'ancienne noblesse bretonne, occupant des charges au Parlement, et quelques autres magistrats de familles récemment anoblies, tous gens connaissant mieux Cujas et Barthole que les anciennes coutumes féodales.

Les lettres patentes du roi portaient que les familles qui se prétendaient nobles, devraient remonter leurs preuves au delà de l'an 1550 et que celles qui ne produiraient des titres et contrats que depuis et au-dessous de l'an 1550, seraient déclarées roturières et condamnées à 2.000 livres d'amende.

Les titres justificatifs de noblesse ne devaient présenter aucune interruption dans la filiation et les qualités. Ces titres devaient être ou originaux, ou premières grosses, et leur exhibition devait avoir lieu dans les deux mois à partir du jour où chaque famille serait assignée. La preuve de chaque degré devait être, en outre, appuyée sur un partage noble, pierre de touche de la noblesse.

En Bretagne, il y avait eu autrefois des révisions de feux, dans chaque paroisse, révisions improprement appelées réformations de la noblesse, et où le nom des nobles était mentionné. Plusieurs de ces révisions de feux avaient eu lieu dans le XVème siècle, et les autres en 1513 et en 1535.

Après de longues discussions, les commissaires du roi arrêtèrent qu'ils donneraient la qualité d'extraction noble seulement aux familles qui se tiendraient dans les bornes de la déclaration du roi, et qui remonteraient leur attache à la réformation de 1513, avec preuve de partage noble à chaque génération, et qu'ils accorderaient la qualité d'ancienne extraction à celles qui remonteraient leurs preuves jusqu'aux réformations du XVème siècle. Mais, ainsi que nous le démontrerons plus tard, ils s'écartèrent des bases qu'ils avaient eux-mêmes posées.

Il arriva alors que beaucoup de gentilshommes, ne pouvant se douter de la manière dont procéderaient les commissaires, et pensant qu'en remontant leurs preuves au delà de l'époque fixée par l'édit du roi, ils seraient parfaitement en règle, se servirent des titres qu'ils avaient sous la main, sans se mettre en peine d'en rechercher d'autres, et prouvèrent seulement leur filiation depuis le commencement du XVIème siècle ou la fin du XVème, quoique leurs familles fussent mentionnées dans les réformations de l'an 1400 , et même dans des titres antérieurs, et qu'avec quelques recherches, ils pussent y remonter leur attache.

Les commissaires rejetèrent comme preuves de noblesse les comparutions aux montres féodales du XVème siècle, sous le prétexte que les bourgeois fieffés y étaient représentés comme les gentilshommes. Cette décision, qui mécontenta beaucoup la noblesse, était contraire aux anciennes ordonnances des ducs, qui interdisaient la possession des fiefs nobles aux roturiers. Nous lisons dans un acte d'afféagement de 1294, rapporté par D. Morice, les mots suivants : Quod Dominus Dux Britanniœ fecit constitutionem quod nullus burgensis non gentilis, seu homo roturarius, non possit emere feudos gentiles, nec se crescere in eisdem. En l'assemblée du parlement de Bretagne, faite en l'an 1421, on rédigea une ordonnance en ces termes : Que nuls roturiers ni autres qui ne seraient extraits de noble génération en droite ligne, et ne vivants noblement, ne pourraient acquérir héritage ou fief noble, sur peine de le perdre, et appliquer le prix de la vente au duc. Cette ordonnance fut renouvelée par Pierre, duc de Bretagne, abrogée par Louis XII en 1505, et rétablie par François Ier en 1535. Aussi, suivant le second volume de la chambre des comptes, qui commence l'an 1532 et finit l'an 1553, il fallait que les non-nobles obtinssent permission du souverain pour acquérir des fiefs et des rentes nobles. On y voit que Pierre Picaud, Breton de nation et non-noble, eut permission d'acquérir un fief noble jusqu'à la valeur de 500 livres de rente ; et Guillaume Harrouis, sr de la Rivière, obtint aussi la grâce d'acquérir des terres nobles [Voir La Roque, Traité de la noblesse].

Dans les montres du XVIème siècle les non-nobles tenant fief noble sont souvent désignés par ces mots : à cause du fief noble qu'il tient. Ainsi dans la montre de l'évêché de Saint-Brieuc de l'an 1543, on lit :

Yvon le Rossignol comparut en archer, à cause du fief noble qu'il tient.

Pierre Decos, à cause de la Pommeraye, fief noble.

Les hoirs Jean Boisart, à cause du fief noble qu'ils tiennent.

Les commissaires du roi jugèrent en outre à propos de décorer les aînés de certaines familles du titre de chevalier, et ils décidèrent que ce titre ne devait pas être considéré dans cette province comme un caractère imprimé par le prince sur une personne, mais comme une qualité héréditaire dans les maisons relevées d'ancienne chevalerie, et qu'en effet, disaient-ils, « à prendre cette vérité jusque dans sa source, on ne pouvait pas juger autrement. L'ordonnance que l'on nomme l'assise du comte Geoffroi, faite en 1185 sur le règlement des partages nobles, n'eut d'abord lieu que pour les barons et les chevaliers de cette province, dont les maisons se trouvaient affaiblies par le démembrement des fiefs, qu'ils partageaient autrefois également, suivant le droit commun, avec leurs cadets. Il fut jugé à propos, pour remédier à cet inconvénient dont la plus noble partie de l'État commençait à se ressentir, d'ordonner à l'avenir que les aînés des dits barons donneraient à partager à leurs cadets à bienfait et à viage seulement sur la succession de leur père et mère [Note : On a vu précédemment que cette assise avait été faite, non pour les barons et les chevaliers, mais pour les baronnies et les fiefs de haubert. Voici les termes mêmes de l'assise : Gaufridus, comes, filius regis Anglorum,... concessi, quod in baroniis et in feodis militum, ulterius non fierent divisiones, sed major natu integrum obtineret dominatum, etc… (D. Morice, Preuves, T. I, col. 705)]. Quelle raison y aurait-il donc que ceux dont les auteurs seraient demeurés dans un gouvernement aussi illustre, qui en feraient voir les preuves par les anciens partages de leurs familles, fussent à présent privés des qualités prises par leurs ancêtres ? Il fallait donc décorer ces maisons du titre de chevalier, qui leur était propre ».

Ainsi ces hommes qui déniaient même au souverain le droit de faire des chevaliers, s'arrogèrent celui de distribuer eux-mêmes cette qualité, et comme charité bien ordonnée commence par soi-même, ils se conférèrent mutuellement l'ordre de chevalerie, et l'on vit figurer, à côté des Châteaubriant, des Rieux, des Tinténiac, des Kergorlay, les chevaliers Huart, Saliou, Raoul de la Guibourgère, des Cartes, dont les ancêtres n'avaient jamais eu rien à démêler avec la fameuse assise. Ce ne fut pas tout, ils donnèrent les qualités de chevalier et d'ancienne extraction à des gens de petite noblesse, qui étaient leurs confrères en judicature, et les refusèrent aux descendants des plus illustres maisons de la province. Ils firent même mieux, ils déclarèrent issus d'ancienne extraction des branches de certaines familles, et d'extraction seulement, d'autres branches des mêmes familles, qui avaient remonté au même ancêtre, leur attache. Ils ne suivirent même pas les principes qu'ils avaient posés, car beaucoup de familles, qui avaient prouvé leur noblesse depuis les réformations de l'an 1400, n'obtinrent qu'un arrêt de simple extraction noble, tandis que les aînés de certaines familles, telles que celles de Blanchart de la Muce, Denyau, Coniac, Fourché, etc., qui n'avaient pas produit un seul degré de noblesse à la réformation, ou fait des preuves moindres que celles qui étaient exigées, furent maintenus dans la qualité de nobles d'ancienne extraction, et dans celle de chevalier.

Quelques exemples choisis entre un grand nombre, que nous pourrions relater, feront connaître la partialité avec laquelle les commissaires du roi ont rendu leurs jugements de maintenue de noblesse.

FAMILLES DÉCLARÉES NOBLES D'EXTRACTION SEULEMENT.

Du Quellenec. D'hermines au chef de gueules, chargé de trois fleurs de lys d'or. Cette maison, que d'Hozier dit être issue de celle d'Avaugour, branche de la maison des anciens souverains de Bretagne, a produit au XVème siècle, deux amiraux de Bretagne et nombre de chevaliers, de capitaines d'hommes d'armes et de chambellans des ducs de Bretagne et des rois de France. Elle possédait, dès le XIVème siècle, la vicomté du Fou, qui était une des bannières de Bretagne.

De Québriac. D'azur à trois fleurs de lys d'argent. Norman de Québriac était maréchal et sénéchal du comte de Bretagne en 1235. Jean de Québriac se croisa en 1248. La dignité de grand chambellan de Bretagne devint héréditaire au XVème siècle dans cette maison, par suite de la possession de la terre de Bressé.

D'Estuer. D'argent au sautoir de gueules. Cette maison remonte à Alain, témoin d'un accord entre le vicomte de Rohan et Hervé de Léon en 1288. Jean d'Estuer, chevalier, commandait en 1420, sous le Dauphin, une compagnie d'hommes d'armes. Il n'eut qu'une fille, mariée à Jean Cadoret, qui prit les armes et le nom d'Estuer. Thomas fut maître de l'artillerie de Bretagne en 1508. Les sieurs de Saint6Mégrin, de Caussade, de la Vauguyon, et les princes de Carency, sont issus de la maison d'Estuer.

De la Houssaye. Echiqueté d'argent et d'azur. Alain de la Houssaye, chevalier, se trouva à la bataille de Cocherel en 1364, suivit en 1366 Bertrand du Guesclin en Espagne et devint capitaine de Rennes en 1380. Eustache de la Houssaye fut un des quatre maréchaux nommés en 1379 par la noblesse de Bretagne, pendant l'absence du duc réfugié en Angleterre, pour repousser l'invasion des Français.

De Coëtelez. De gueules à une tête de limier d'or. Robert de Coételez, écuyer, fut institué grand maître des eaux et forêts de France, par lettres du 25 octobre 1356, en récompense des services de ses prédécesseurs et de ceux qu'il avait rendus au roi dans les guerres, soit en Bretagne, soit ailleurs.

Du Dresnay. D'argent à la croix ancrée de sable, accompagnée de trois coquilles de gueules. Robin et Even du Dresnay figurent avec leurs porte-tages dans une montre de 1356 ; Perrot, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem en 1443 ; Renaud, capitaine de la ville d'Asti en Piémont en 1447, et bailli de Sens. Cette maison a obtenu en 1766 les honneurs de la cour.

Cillart de Kermainguy, de la Ville-Hélio. De gueules au grelier d'argent. Cette maison a prouvé sa noblesse à la réformation de 1668, depuis l'an 1400. Elle a produit Eudon, écuyer de Charles de Blois et prisonnier avec lui à la bataille de la Roche-Derrien en 1347. Jean était au service du roi, avec un chevalier et huit écuyers de sa compagnie, en 1379, et commandait en 1384 trente lances pour le recouvrement du royaume de Sicile.

Hersart. D'or à la herse de sable. Guillaume se croisa en 1248. Geoffroi, forestier héréditaire de Lamballe, en 1250. Jean et Geoffroi ratifièrent en 1381 le traité de Guérande. Alain faisait partie des écuyers de la compagnie de J. Tournemine, chevalier banneret, en 1374. Guillaume servait en France avec huit écuyers, d'après une montre du 24 juin 1418.

Du Couëdic. D'argent à la branche de châtaignier de sinople, chargée de trois feuilles d'azur. Henri se croisa en 1248. Un membre de cette maison a fait les preuves requises pour les honneurs de la cour.

Le Borgne. D'azur à trois huchets d'or. Les branches de Lesquiffiou et de la Tour, qui ont remonté au même auteur leur attache, ont été déclarées, la première noble d'ancienne extraction, et la seconde noble d'extraction seulement.

Ferron. La branche des seigneurs de la Ferronnaye a été maintenue dans sa noblesse d'ancienne extraction, et celles du Chêne et de la Chesnaye, qui portent les mêmes armes, dans leur noblesse d'extraction simplement.

De L'Hôpital. D'argent à une bande de gueules, chargé d'un coq d'argent, becqué, membré et barbé d'or, accosté vers le chef d'une merlette de sable. Pierre donna quittance aux exécuteurs testamentaires du duc Jean II, en 1306 ; Pierre, président de Bretagne et sénéchal de Rennes, en 1444 ; Gilles, chevalier de l'ordre et capitaine de la noblesse du comté nantais, en 1543.

De la Forest. D'azur à six quintefeuilles d'or. Cette maison a prouvé sa noblesse en 1668, depuis Jean de la Forest ; mentionné dans la réformation de 1427.

Du Fresche. D'argent à trois lapins de sable. La production de cette famille devant les commissaires du roi a remonté à Jean du Fresche, sieur de Launay, mentionné dans la réformation de 1427, dont le fils Hector figure dans celle de 1481.

Nous ne multiplierons pas les exemples de la partialité qu'ont montrée les commissaires nommés par le roi pour la réformation de la noblesse de Bretagne. Elle parut si injuste que, le 14 février 1769, les États de Bretagne rendirent l'arrêt suivant, qui fut confirmé par un autre arrêt du 13 décembre 1770 : « Les États, considérant qu'il n'a été donné à partie de l'ancienne noblesse, à la réformation de 1669, que la qualité d'écuyer et celle de noble extraction, quoique parmi les familles qui la composent il s'en trouve plusieurs qui ont des preuves qui remontent aux siècles les plus reculés, sans qu'on puisse découvrir le principe d'anoblissement, convaincus que cette portion précieuse de l'ancienne noblesse bretonne ne mérite pas moins de distinction que des familles auxquelles des arrêts anciens et nouveaux ont accordé des qualifications supérieures, ont ordonné et ordonnent que les qualifications avantageuses accordées à certaines familles, tant à la réformation de 1668 que depuis, ne pourront nuire ou préjudicier aux familles qui, n'ayant obtenu par les arrêts de ladite réformation que des qualifications moindres, ont néanmoins des preuves remontant aux siècles les plus reculés et dont on ne peut découvrir le principe ».

L'arrêt de 1770 est ainsi conçu : « Les États ont arrêté et déclarent en forme d'acte de notoriété, qu'en Bretagne, toute famille noble prouvant par une filiation suivie, que ses ancêtres se trouvent compris dans la réformation de 1423 ou années suivantes du siècle, et dans celle de 1668, doit être réputée noble d'ancienne extraction, quand même l'arrêt de maintenue à la réformation de 1668, n'en énoncerait pas la qualification expresse, et condition néanmoins que le principe de noblesse ne puisse être aperçu ».

Les commissaires du roi dans les autres provinces ne suivirent pas les mêmes errements, et se bornèrent à maintenir dans leur noblesse les familles dont les preuves leur parurent suffisantes, en donnant dans chaque arrêt de maintenue un extrait de la généalogie présentée.

 

Note : Nous avons peu de choses à ajouter à ce que nous avons dit au sujet de l'erreur dans laquelle sont tombés les commissaires de la réformation de la noblesse de Bretagne relativement à une chevalerie héréditaire, qu'ils prétendaient y avoir existé, contrairement à ce qui avait eu lieu dans tous les autres pays. Nous ferons remarquer seulement, qu'il est étrange que ces magistrats, après avoir examiné les généalogies nombreuses qui furent produites devant eux par les représentants des familles nobles de Bretagne, aient persévéré dans cette erreur. Ils auraient vu en effet, que le titre de chevalier ne figure que très-rarement et d'une manière tout à fait accidentelle, dans ces généalogies, et que par conséquent, ce titre n'était pas héréditaire.

Au reste, malgré la qualité de chevalier attribuée arbitrairement par les commissaires de cette réformation aux aînés de certaines familles, on peut s'assurer en parcourant l'armorial de d'Hozier, qu'à la fin du XVIIIème siècle, les chefs des familles les plus considérables de Bretagne ne prenaient d'autre titre que celui d'écuyer, quoique les arrêts des commissaires leur eussent donné la qualité de chevalier. En voici quelques exemples : « Charles de Sesmaisons, écuyer, sr. de la Sauzinière, de Malleville, etc., demeurant au lieu de la Sauzinière, paroisse de Saint-Similien, évêché de Nantes, province de Bretagne, épousa en premières noces, le 5 juin 1701, Cécile du Pé, fille puînée d'Armand du Pé, écuyer, sr. d'Orvaux » . « Bonaventure-Hilarion de Saint-Pern, écuyer, sr. de Ligouyer, demeurant dans la paroisse de Saint-Pern, évêché de Saint-Malo, province de Bretagne, naquit le 17 avril 1689, et fut reçu page du roi dans sa grande écurie le 8 avril 1704 » . « Maurice, Louis de Quélen, écuyer, sr. de Quélen, de la Ville-Chevalier et de Quistillic, demeurant au lieu de la Ville-Chevalier, paroisse de Plouagat, évêché de Tréguier, province de Bretagne, naquit le 13 juin 1695, et fut marié le 26 août 1726 » .

Nous pourrions citer des exemples semblables tirés des généalogies des familles de Coëtlosquet, de France, de Talhouët, de Kermel, de Bahuno, de Bégasson, etc. (A. de Couffon de Kerdellech).

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