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LA CHEVALERIE DU DUCHÉ DE BRETAGNE

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COMBATS SINGULIERS AUXQUELS ONT PRIS PART DES
CHEVALIERS ET ÉCUYERS BRETONS.

Richard Coeur de lion, roi d'Angleterre, s'était distingué eu Orient par, de tels exploits, que l'ombre de son cheval, disait-on, faisait tressaillir les guerriers sarrasins, et que leurs femmes, pour faire cesser les cris de leurs enfants, n'avaient qu'à s'écrier : Voici Richard. Cependant ce roi valeureux dut quelquefois céder le pas aux chevaliers de France. Une fois, dans un tournoi donné dans la ville de Messine, il fut désarçonné par Guillaume des Barres, qui n'avait jamais trouvé de rivaux dans les joutes et dans les combats, et une autre fois il subit le même sort de la main d'Alain de Dinan, seigneur breton [Note : Capefigue, dans son Histoire de Philippe-Auguste, attribue par erreur cet exploit au comte Alain de Bretagne. Il n'existait point alors de comte de Bretagne de ce nom. Ce fut, suivant D. Morice, Alain de Dinan qui se mesura avec Richard dans un combat livré sous les murs d'Aumale].

Le roi Richard assiégeait le château d'Aumale en Normandie, en 1197. Un jour, il choisit ses plus braves chevaliers et vole vers le camp français pour le surprendre. Simon de Montfort, Guillaume des Barres et Alain de Dinan vont à sa rencontre. On fit dans cette journée des prodiges de valeur de part et d'autre. Le roi Richard, ayant aperçu dans le fort de la mêlée Alain de Dinan, qui s'était retiré à l'écart pour raccommoder son casque, marcha vers lui la lance baissée. Alain le reconnut et courut avec fureur contre lui. La lance du roi porta dans le bouclier d'Alain et s'y brisa ; celle d'Alain glissa sur le bouclier du roi, passa entre ses cuisses et frappa sur le derrière de la selle avec tant de raideur, que le cheval et le cavalier furent renversés par terre. Mais Richard, se relevant avec une admirable légèreté, saisit un autre cheval et attaque de nouveau Alain de Dinan. Celui-ci résiste et presse si vigoureusement Richard, que ce dernier, désespérant de le vaincre et voyant ses troupes tourner le dos, quitte pour les rallier le combat [Note : D. Morice, Hist. ; Capefigue, Histoire à Philippe-Auguste].

En 1341, Robert Bertrand, maréchal de France, et le duc d'Athènes assiégeaient la ville de Nantes, défendue par le comte de Montfort, rival de Charles de Blois. Comme le siège traînait en longueur, les Français, au nombre de cinq mille, sortirent de leur camp pour aller faire la guerre aux environs de Nantes. Ils assiégèrent le château de Valgarnier, qui appartenait à un seigneur appelé Ferrand. Dans une sortie que Ferrand fit sur les ennemis, il leur enleva Sauvage d'Attigni. Le duc d'Athènes, irrité de la perte de ce seigneur qu'il aimait, demanda du secours au duc de Normandie pour recouvrer son ami. Le duc de Normandie lui envoya le roi de Navarre avec un gros détachement de cavalerie. Le comte de Montfort profita de l'absence de ces troupes pour faire une sortie sur les ennemis. Le duc de Normandie fut en très grand danger dans cette attaque, qu'il n'avait pas prévue ; il la soutint néanmoins avec vigueur, et contraignit enfin son adversaire à rentrer dans la ville. Ferrand, de son côté, voyant le nombre de ses ennemis augmenter, promit de rendre Sauvage d'Attigni, si le duc de Normandie voulait permettre un combat de deux cents chevaliers français contre autant de bretons. Le duc l'accorda et voulut être de la partie. Le roi de Navarre, les ducs de Lorraine et d'Athènes, Robert Bertrand, le grand chambellan de France et Sauvage d'Attigni se mirent aussi au nombre des combattants. Les Bretons furent vaincus et tous tués, excepté trente qui furent pris et conduits au camp. Après cette action le duc de Normandie donna le château de Valgarnier à Sauvage d'Attigni, condamna les prisonniers à avoir la tête tranchée, et fit jeter leurs têtes dans la ville de Nantes, action abominable dont on ne saurait trop flétrir les auteurs [Note : D. Morice, Hist.].

S'il n'existe pas de peuple dont les chevaliers ne se soient distingués dans les combats singuliers, les Bretons peuvent de plus revendiquer l'honneur d'être sortis vainqueurs du plus célèbre défi dont il soit fait mention dans les annales de la chevalerie. Dans le combat auquel il donna lieu, et qui fut nommé la bataille des Trente, trente chevaliers et écuyers bretons, commandés par Jean de Beaumanoir, maréchal de Bretagne pour Charles de Blois, défirent trente Anglais commandés par Richard Bembro. Ce chevalier, qui était capitaine de Ploërmel pour Jean de Montfort, faisait jour et nuit des courses, plutôt comme un bandit que comme un guerrier véritable, s'attaquant de préférence aux pauvres laboureurs, qu'il pillait et amenait souvent prisonniers à Ploërmel.

Jean de Beaumanoir, capitaine de Josselin pour la comtesse de Penthièvre, indigné de ces excès, demanda un sauf-conduit à Bembro, l'obtint, se rendit à Ploërmel et lui dit qu'il s'étonnait qu'un vaillant chevalier comme lui, s'attaquât à des hommes qui ne portaient pas les armes, à de pauvres laboureurs, que les vrais hommes de guerre avaient, coutume de respecter, car sans eux, la terre resterait inculte, et les hommes d'armes seraient alors contraints de la cultiver. Il le pria en finissant de délivrer les prisonniers. Bembro s'y refusa, se mit en colère et s'emportant de plus en plus, il alla jusqu'à dire à Beaumanoir qu'en fait de vaillants hommes les Anglais étaient les plus renommés, et que, quant aux Bretons, on n'en avait pas entendu parler, et qu'on ne pouvait en aucune façon les comparer aux Anglais.

Beaumanoir, se trouvant au pouvoir de Bembro, se contenta de lui répondre que les Anglais ne l'emportaient en rien sur les Bretons, et qu'il pourrait s'en assurer par expérience, mais que s'il était curieux d'en trouver l'occasion, il la lui procurerait quand il voudrait et dans tel lieu que bon lui semblerait ; et il ajouta que, s'il avait du coeur, comme il le disait, il n'avait qu'à prendre cinquante, trente, enfin tel nombre des siens qu'il voudrait, et lui fixer un lieu de rendez-vous ; que lui, de son côté, s'y trouverait avec le même nombre de Bretons, et qu'alors on connaîtrait non par des paroles, mais par expérience, quels étaient les plus vaillants. Surtout, ajouta Beaumanoir, ne nous manquez pas de parole, comme cela vous est arrivé à Boussac, où vous avez manqué au rendez-vous donné à Pierre Bigier, car je vous promets que je ne vous imiterai pas, et que je m'y trouverai sans mentir. Bembro, piqué au vif, n'osa refuser, et il fut convenu qu'ils se trouveraient chacun avec trente des leurs, près d'un chêne situé à mi-chemin entre Josselin et Ploërmel, le samedi après le dimanche Lœtare. Ce rendez-vous fut donné le 27 mars 1350, suivant la chronique de Jean de Saint-Paul, et le 27 mars 1351 suivant les historiens bretons. Beaumanoir, ayant pris congé de Bembro, retourna à Josselin, rassembla les gentilshommes de la garnison et leur raconta ce qui venait d'arriver. Ils en furent très-joyeux et tous à l'envi se proposèrent pour prendre part à l'entreprise. Mais Beaumanoir, voulant la mener à bonne fin, fit choix des gentilshommes dont les noms suivent :

Chevaliers :

1.      Messire Jean de Tinténiac.

2.      Messire Even Charuel.

3.      Messire Guillaume de la Marche.

4.      Messire Robin Raguenel.

5.      Messire Guy de Rochefort.

6.      Messire Huon de Saint-Yvon, aliàs Saint-Hugeon.

7.      Messire Caro ou Charles de Bodegat.

8.      Messire Olivier Arel.

9.      Messire Geoffroi du Bois.

10.  Messire Jean Rousselet ou Rousselot.

Ecuyers :

1.      Guillaume de Montauban.

2.      Alain de Tinténiac.

3.      Tristan de Pestivien.

4.      Olivier de Kerenrais, ou de Kaërenrais.

5.      Alain de Kerenrais, neveu du précédent.

6.      Louis Goyon, ou Gouéon.

7.      Olivier de Fontenay.

8.      Hugues Catus.

9.      Geoffroi de la Roche.

10.    Geoffroi Poulart.

11.     Maurice de Treziguidy.

12.     Guyon de Pontblanc.

13.     Maurice du Parc.

14.     Geoffroi de Beaucorps.

15.     Geslin de Lanloup.

16.     Geoffroi de Mellon.

17.     Jehan ou Jehannot de Sérent.

18.     Guillaume de la Lande.

19.     Olivier de Monteville.

20.    Simon Richard.

Anglais :

1.      Richard Bembro, capitaine de Ploërmel.

2.      Robert Knoles.

3.      Hue de Caverley, surnommé le Hardy jovencel.

4.      Croquart, aventurier allemand.

5.      Messire Jean Plesanton.

6.       Ridèle, aliàs Ridart, aliàs Raoul, dit le Gaillard ou le Guerrier, suivant les besoins de la rime, dans le vieux poème du Combat des Trente.

7.       Hélecoq, aliàs Hugo, frère du précédent.

8.       Répefort, dit le Vaillant.

9.      Jeannequin Toigne, dit le Taillard.

10.     Richard de la Lande, Breton du parti de Montfort.

11.     Thomelin Hénefort.

12.     Hucheton Clamaban.

13.     Jeannequin Bétonchamp, alias Guénehoup.

14.     Gaule ou Gauthier, dit l'Allemand.

15.     Hennequin Hérouart.

16.     Hybinet, aliàs Hulbitée, dit le Villart, ou le Vilain.

17.     Hennequin le Mareschal.

18.     Thomelin Hualton.

19.     Robinet, dit le Mauléopart.

20.     Hélichon, dit le Musart.

21.     Messire Hervé de Lexualen.

22.     Guillaume Ysannay, dit le Hardi.

23.     Jean de Vuin, écuyer gallois, surnommé le Poursuivant d'amour.

24.     Jean, aliàs Robert, Troussel.

25.     Robin Adès.

26.     James d'Andelée.

27.     Agewort ou Edgeworth, nommé Dagorne dans le poème.

28.     Perrot de Comenan, Breton du parti de Montfort.

29.     Guillemin, aliàs Jean le Gaillard, Breton du parti de Montfort.

30.     Raoulet d'Apremont, Breton du parti de Montfort.

31.     D'Ardaine, Breton du parti de Montfort.

Les noms que nous donnons ici sont tirés de la notice de M. de Courcy sur le combat des Trente. Il pense que ces noms consignés dans un vieux poème contemporain sont les véritables. D. Morice et d'Argentré diffèrent d'opinion au sujet de quelques-uns de ces noms, touchant lesquels il y a incertitude, ce qui se conçoit, l'action s'étant passée à une époque où il n'existait aucun bulletin officiel, et où les chroniqueurs ne pouvaient écrire leurs histoires qu'en prenant des renseignements auprès des personnes qui leur paraissaient les mieux instruites des faits. Mais tous sont d'accord sur presque la totalité des noms, et les différences qui existent entre eux sont des garants de la vérité des faits, rapportés diversement par ceux qui en ont été les témoins.

Au reste, la plupart des combattants de la bataille des Trente, nous sont connus par des actes authentiques rapportés dans les Preuves de D. Morice.

Jean, sire de Beaumanoir, maréchal de Bretagne pour Charles de Blois, assista en 1352 au combat de Mauron et en 1364 à la bataille d'Auray. Il est qualifié chevalier dans plusieurs montres de l'an 1351. Il fut envoyé en Angleterre pour traiter de la rançon de Charles de Blois.

Jean de Tinténiac, chevalier, qui fut estimé le meilleur combattant de la journée, périt en 1352 au combat de Mauron.

Even Charnel, scella en 1338 l'acte de partage donné par Hervé de Léon à Amice du Refuge. Froissart parle de lui en ces termes : Et je vis à la table du roy Charles de France, un chevalier breton qui avait été au combat des Trente, messire Even Charuel ; mais il avait le viaire (visage) si détaillé et si découpé, qu'il montrait bien que la besongne fut bien combattue.

Guillaume de la Marche fut tué en 1352 au combat de Mauron, ainsi que le rapporte la chronique de Guillaume de Saint-André.

Robin ou Robert Raguenel, chevalier, donna le 22 mai 1352 quittance scellée de ses armes, de ses gages et de ceux de quatre écuyers et de 10 archers de sa compagnie. Son sceau représente un écartelé d'argent et de sable, au lambel de quatre pendants, l'un dans l'autre. Il était sr. de Châtel-Oger. De son mariage avec Jeanne de Dinan, vicomtesse de la Bellière, naquirent plusieurs enfants, entre autres Thiéfaine, qui épousa Bertrand du Guesclin, connétable de France. Un de ses descendants, Jean Raguenel, sr. de Malestroit, maréchal de Bretagne, fut créé chevalier de l'Hermine, en 1453.

Guy de Rochefort, Hugues Catus et Caro de Bodegat sont mentionnés dans une montre de juillet 1351. La famille de Catus, originaire du Poitou, était possessionnée en Bretagne. Elle remonte à Mathieu Catus, sénéchal de la Garnache, en 1185.

Huon de Saint-Hugeon n'est connu que par la chronique du combat des Trente. Il eut probablement pour fils Guillaume de Saint-Hugeon, qui vivait en 1395.

Olivier Arel se trouva avec Charles de Blois au combat de la Rochederien, en 1347. On trouve des chevaliers de ce nom, dès le XIIIème siècle.

Geoffroi du Bois, Alain de Kaerenrais, Louis Cloyon, aliàs Goueon, Olivier de Fontenay et Tristan de Pestivien, sont mentionnés dans une montre de Jean de Beaumanoir, du 22 juin 1351. Ce fut Geoffroi du Bois qui tua d'un coup de lance Bembro, et qui dit à Beaumanoir blessé, qui se plaignait de souffrir de la soif, ces paroles, qui sont devenues la devise de sa maison : Bois ton sang, Beaumanoir, et ta soif passera.

Geoffroi de la Roche fut armé chevalier par Beaumanoir pendant un instant de trêve accordé aux combattants. Voici comment en parle le vieux poème :

Mais Geffroy de la Roche requiert chevalerie

Un écuyer moult noble, de grande accessorie,

Et Beaumanoir lui donne, au nom sainte Marie,

Et lui dit : Beau doux fils, ores ne t'épargne mie ;

Membre-toi de celui qui, par chevalerie,

Fut à Constantinople o belle compagnie.

Et plus loin :

Et Geffroy de la Roche sera fait chevalier

Comme Eudes son bon père [aïeul], qui alla guerroyer

Jusqu'à Constantinople, pour grand honneur gaigner.

D'après ces vers, nous voyons que l'aïeul de Geoffroi de la Roche avait pris part à la conquête de Constantinople par les Français et les Vénitiens, en 1202. A la suite de cette expédition, Othon de la Roche, gentilhomme bourguignon, qui portait pour armes cinq points de gueules équipolés à quatre d'hermines, devint duc d'Athènes. Cette circonstance a été cause que plusieurs familles du nom de la Roche, appartenant à diverses provinces de France, ont réclamé l'honneur d'appartenir à la famille de ce seigneur. Nous ne discuterons point ces prétentions, qui ne peuvent paraître fondées que pour les familles de Bourgogne. Il existe en Bretagne plusieurs familles appelées la Roche ; mais nous ignorons quelle est celle à laquelle Geoffroi de la Roche appartient.

Jehan Rousselet, ou Rousselot, périt pendant le combat, d'après le vieux poème. Il était sr. de Limoëlan, et ne laissa qu'une fille unique, Jeanne, dame de Limoëlan, mariée à Louis de Dinan.

Guillaume de Montauban prit part au combat de Mauron, en 1352. La maison de Montauban était une branche de celle de Rohan.

Geoffroi Poulart fut tué à la fin de l'action. Il aurait pu être frère de Pierre Poulart, chevalier, sr. de Kerberseau, conseiller de Charles de Blois, et qui fut un des ambassadeurs envoyés en Angleterre, en 1357, pour obtenir la délivrance de ce prince.

Maurice de Treziguidy est qualifié écuyer dans une montre du 1er juillet 1363, et chevalier dans une quittance de ses gages du 20 septembre 1364 ainsi que dans une montre du connétable du Guesclin de l'an 1370. Le roi l'appelle son amé et féal chevalier et conseiller dans le brevet de capitaine de Paris qu'il lui donna le 2 février 1380. Il prit part en 1376 à l'expédition de Guyenne, et à la guerre de Flandre en 1382. Il eut l'honneur de porter la bannière de du Guesclin à la cérémonie des obsèques de ce grand homme, qui eut lieu à Saint-Denis.

Geslin de Lanloup n'est connu que par le poème. On trouve un Roland de Lanloup, qualifié chevalier dans une charte de Beanport, de 1266.

Il n'est fait mention de Guyon de Pontblanc que dans les chroniques. Parmi les personnages appartenant à cette famille, on trouve Pierre, compris dans le testament du duc Jean II, en 1304, pour un legs de 30 livres, et Geoffroi, maître d'hôtel de Charles de Blois, tué au sac de Lannion, en 1340.

Geoffroi de Beaucorps n'eut qu'une fille, mariée à Jean Goyon, sr. de Matignon, auteur de la branche des Goyon de Beaucorps.

Maurice du Parc, chambellan de Charles de Blois et capitaine de Quimper, figure comme témoin dans l'enquête qui eut lieu en 1371 pour la canonisation de Charles de Blois, enquête dans laquelle il est ainsi désigné : nobilis vir Mauricius de Parcu, miles, Parochianus de Roslohen. Trec. Dioc. AEtatis L annorum. Suivant D. Morice, il commandait avec Alain de Beaumont, l'aile gauche de l'armée du connétable du Guesclin, à la bataille de Chisey, en 1372. Il fut, en 1373, gouverneur de la Rochelle. C'est sans doute par erreur que l'enquête précitée indique la paroisse de Roslohen ou Rosnoën, comme étant du diocèse de Tréguier, car elle fait partie de celui de Cornouailles. C'est d'après cela que M. de Courcy attribue aux du Parc, srs. du dit lieu, dans la paroisse de Rosnoën, ce combattant de la bataille des Trente.

Geoffroi Mellon périt dans le combat.

Johannot de Sérent donna, en 1356, quittance scellée de ses armes de 80 écus d'or à lui comptés, par ordre de M. le duc Charles, pour acheter des chevaux et se mettre en équipage de guerre. Cette maison est une des plus anciennes de Bretagne. Mainguy, Judicaël et Pierre de Sérent, tous les trois frères, firent une fondation au prieuré de Redon, en 1108. Suivant Moréri, ces seigneurs prirent part à la première croisade.

D'après le même auteur, Josselin de Sérent suivit Philippe6Auguste en Palestine, en 1191, et Juhel, Gicquel et Guéténoch de Sérent se croisèrent en 1240. Cette maison s'est éteinte en 1822 dans la personne d'Armand-Louis, duc de Sérent, pair de France, lieutenant-général des armées du roi.

Guillaume de la Lande ratifia le traité de Guérande en 1365.

Simon-Richard, capitaine de Lesneven, paraît dans une montre d'Even Charuel en 1356, et dans une autre de Bertrand du Guesclin en 1370.

Robert Bembro, capitaine de Ploërmel, était chef des Anglais. Sa postérité s'établit en Bretagne. Jean Bembro paraît en équipage d'archer à cheval à la montre générale des nobles de 1481, et Henri à celle de 1536.

Robert Knoles, né vers 1317, dans le comté de Chester, fut fait prisonnier au combat des Trente. Il défit, l'année suivante, au pont d'Evran, du Guesclin, qui fut pris par Robin Adès, compagnon de Robert Knoles au combat des Trente. Robert Knoles se trouva à la bataille d'Auray, en 1364, et fut récompensé de ses services par Jean de Montfort, par le don des seigneuries de Derval et de Rougé.

Hue de Caverlay, qui fut aussi fait prisonnier au combat des Trente, combattit également à Auray en 1364. Il fut un des chefs des grandes compagnies qui passèrent en Espagne avec du Guesclin pour combattre Pierre le Cruel. Il était capitaine de Calais en 1378.

Croquart, aventurier allemand, prit, après la mort de Bembro, le commandement des Anglais. C'était un pillard de premier ordre, qui avait acquis une fortune immense en prenant nombre de châteaux et de villes qu'il mettait à rançon. On prétend que le roi de France voulut l'attacher à son service en lui offrant de le faire chevalier et de lui assurer 2.000 livres de rente, mais Croquart refusa, préférant à une position honorable son ancien métier de brigand. Il se rompit le cou en faisant sauter un fossé à son cheval.

Jehan Plesanton, Ridèle, Hélecoq, Répefort, ne sont connus que par le poème.

Jeannequin Toigne, dit le Taillard, fut fait prisonnier par Olivier de Mauny, dans une rencontre aux environs du Guildo, à laquelle prit part Bertrand du Guesclin. Jeannequin, qui était un homme de guerre et de coeur, rapporte d'Argentré, se taxa lui-même à 600 écus, et dit à du Guesclin qu'il espérait bien qu'il les lui rendrait. En effet, quelques temps après, ayant surpris du Guesclin entre Dinan et Bécherel, il lui en fit payer deux fois davantage.

Richard de la Lande, dit le Fier dans le poème, figure dans des montres d'Olivier de Clisson, de 1375 et années suivantes.

Thomas Hénefort fut fait prisonnier pendant le combat et conduit à Josselin. Il se trouva au siége de Nantes, en 1381, avec Knoles et Caverley. Il fut blessé dans un combat singulier que quatre gentilshommes de l'hôtel du duc de Bourbon soutinrent contre quatre Anglais. Le défi avait été porté par quinze gentilshommes français, mais cinq Anglais seulement acceptèrent le combat.

Guillaume Ysannai faisait partie, en 1363, des 300 Anglais conduits par Thomas Felletou au secours de Bécherel assiégé par Charles de Blois, et qui furent dispersés et battus par du Guesclin dans les landes de Combourg, près de Meillac.

Jean de Vuin, que d'Argentré nomme Valentin, était un écuyer gallois, surnommé le Poursuivant d'amour, et qui était parent d'Yvain de Galles, avec lequel il revint en France, en 1372.

Jean Troussel appartenait à une famille noble d'Angleterre.

James d'Andelée, dit le Couart, que la chronique de Jean de Saint-Paul nomme Adelé, se trouva avec Robert Knoles dans l'armée du duc de Lancastre, au siége de Rennes en 1356.

Thomas d'Agewort ou d'Egewort, nommé Dagorne dans le poème, fut capitaine général en Bretagne pour Edouard III.

Perrot de Comenan, dont le nom est orthographié aussi Camelan et Camaléon, appartenait à une famille noble de Bretagne, ainsi que Guillemin le Gaillard, Raoulet d'Apremont et d'Ardaine, qui combattaient dans l'armée du comte de Montfort.

Les historiens disent peu de chose des autres champions du parti des Anglais, qui, à l'exception d'Hervé de Lexualen, dont le nom est donné seulement par d'Argentré, étaient des soldats de la garnison de Ploërmel, dont on savait à peine les noms. Ceux de nos lecteurs qui voudraient avoir de plus amples détails sur le combat des Trente, peuvent consulter la notice de M. de Courcy.

Une fois arrivés sur le lieu du combat, situé à moitié chemin de Ploërmel et de Josselin, près d'un chêne appelé pour cette raison le chêne de mi-voie, Bembro, qui commençait à douter du succès de l'entreprise, voulut entrer en arrangement avec Beaumanoir, lui représentant qu'ils ne devraient peut-être pas combattre sans la permission de leurs souverains respectifs. « C'est grande folie, ajouta-t-il, car quand nous serons tous trépassés, oncques n'en trouvera t'on de semblables. — Sire, dit Beaumanoir, combien que Montfort, ne Laval, ne Lohéac, ne Rohan, ne Quintin, ne de Bretagne la grande baronnye ne soit ci-présente, si ai je noble chevallerie et de grande vaillance, léauté et ensessoance (race). — Adonc, dit Bembro à Beaumanoir, puisqu'il faut bataille vous livrer, en icelle ne t'occizeraye mie, mais je te lairay la vye, et, ainssis que je l'ai promiz, feray je de toi ung présent à ma mye. — Et Beaumanoir respond moult bien à Bembro : Je te forsclorrai (Je t'en empêcherai) ».

Les combattants étaient armés de cuirasses, de bacinets et de haubergeons. Ils avaient pour armes offensives des épées, des haches, des lances, des faucharts ou petites faulx à long manche, vulgairement appelés vouges, et même des maillets de fer. Aucune stipulation n'ayant été faite au sujet des armes, chacun s'était armé selon sa fantaisie. Ainsi Thomas Hénefort combattait avec un mail pesant vingt-cinq livres, et Hucheton Clamaban avec un long fauchart crochu.

Le commencement du combat ne fut pas favorable aux Bretons, car Geoffroi Mellon et Geoffroi Poulart furent tués ; Tristan de Pestivien, Yves Charruel et Jean Rousselot furent faits prisonniers. Caro de Bodegat tomba grièvement blessé d'un coup de mail. Beaumanoir, voyant cela, redoubla d'ardeur, ranima les siens, de sorte que le combat continua avec une furie telle, que les champions des deux partis, excédés de fatigue, convinrent d'une trève de quelques instants pour se reposer un peu et pour apaiser leur soif. Ce fut dans ce moment que Geoffroi de la Roche, émerveillé des belles paroles que Beaumanoir avait adressées à ses compagnons pour les exciter à remporter la victoire, le pria de le faire chevalier. Beaumanoir lui accorda sa demande en lui disant « Remembre-toi de la vaillance de ton prédécesseur, et de ce qu'il fit à Constantinople ».

Le combat recommença ensuite, et Bembro, s'élançant sur Beaumanoir, s'écria : « Rends-toi, je te laisserai la vie ». Alain de Kerenrais, ayant entendu ces paroles, se rua sur Bembro, et le frappa si rudement au visage de la pointe de sa lance, qu'il le jeta par terre. Messire Geoffroi du Bois lui coupa la tête aussitôt. Bembro, avant la bataille, avait promis aux Anglais la victoire, d'après une ancienne prophétie de Merlin, qui, disait-il, la leur assurait. Croquart, voyant Bembro mort, se tourna vers ses compagnons et leur dit que la prophétie de Merlin n'avait guère servi à Bembro, et qu'ils n'avaient qu'à se bien défendre. Les Bretons qui étaient prisonniers, Tristan de la Lande, Charuel et Caro de Bodegat, ayant trouvé l'occasion de s'échapper, ramassèrent des armes et furent rejoindre leurs compagnons.

La bataille recommença avec plus d'animation que jamais, Croquart, Thomas Hénefort, qui était fort et grand comme un géant, et monsieur Robin Knoles, faisaient des merveilles. Un Anglais, un Allemand et d'Ardaine furent tués.

Beaumanoir fut blessé et demanda à boire. Geoffroi du Bois, qui était à ses côtés, lui répondit : « Bois ton sang, Beaumanoir, et ta soif passera ». A ces mots, il recommença à combattre ; mais l'avantage n'était plus du côté des Anglais. Craignant d'être défaits en combattant corps à corps, ils se réunirent et formèrent une espèce de bataillon carré, changeant ainsi la nature du combat, qui devait être une véritable mêlée. Cette tactique suggéra alors à Montauban une action qu'on lui a à tort reprochée, puisqu'elle eût été très-naturelle dans un combat ordinaire, et qu'il paraît qu'il n'avait été fait aucune stipulation sur le choix des armes et sur la manière de combattre. Guillaume de Montauban, voyant les Anglais serrés les uns contre les autres et refusant pour ainsi dire de continuer le combat, monta sur son cheval et fit semblant de fuir ; ce dont s'apercevant Beaumanoir : « Faux et mauvais guerrier, lui cria-t-il, comment ! vous vous en allez ? Il vous sera à vous et à vos hoirs toujours reproché. — Besoigne bien de ta part, répondit Montauban, car je compte bien besoigner de la mienne ». Alors il éperonna son cheval, et se jetant à travers les Anglais, il en renversa sept, et en revenant à la charge, il en étendit encore trois par terre. « Adonc, s'écria Montauban, Beaumanoir, franc chevalier, la Marche, Charruel, et vous tous mes compagnons, vengez-vous des Anglais à vos volontés ». Les Anglais ne purent résister aux Bretons, chacun prit celui qu'il voulut et l'emmena prisonnier à Josselin.

On a accusé Montauban de déloyauté, mais, outre ce que nous avons dit à ce sujet et qui le lave de ce reproche, comment admettre que, si l'action de Montauban eût été déloyale et contraire aux stipulations du combat, elle eût été approuvée par Beaumanoir et par les chevaliers et écuyers qui étaient sous ses ordres, à une époque où on n'enfreignait pas en vain les lois de la chevalerie ? La meilleure preuve que Montauban ne fit qu'user de son droit, c'est que les auteurs anglais, ne trouvant rien à lui reprocher, ont préféré passer ce combat sous silence.

Sous la Restauration, on a élevé dans l'endroit où était le chêne de mi-voie, un obélisque, pour rappeler ce fait glorieux.

Du Guesclin s'était acquis une telle réputation par sa valeur dans une infinité de combats, que le duc de Lancastre fut désireux de le voir. En 1356, il fit donc prier du Guesclin de venir le trouver, et lui expédia un sauf-conduit. Le héraut qui en était porteur se présenta aux avant-postes bretons et demanda à être conduit en présence de du Guesclin. Les gardes lui montrèrent notre héros, qui se promenait simplement vêtu d'un jupon noir, accompagné de quelques-uns de ses compagnons, dont la toilette était en harmonie avec la sienne. Quand il les vit, rapporte d'Estouteville dans sa chronique, il dit « que ce semblayent bien brigants qui marchants espiassent. Et lors le capitaine Penhoët (il était capitaine de Rennes) pria au héraut qu'il ne deist à Bertran, fort que courtoisie. Et se il avait dist encore aucune villénie, il lui aurait tort donné de sa hache parmi la teste. Et il dist que Dieu  et la Vierge Marie l'en voulzissent garder. Adonc, le capitaine vint à Bertran et lui dist qu'il parla à ce héraut. Et Bertran lui demanda qu'il voulait sermonner (ce qu'il voulait dire). Lors s'inclina le héraut devant lui, et Bertran le fit relever et le salua, et demanda quelles nouvelles il voulait raconter. Et le héraut répondi que le duc de Lancastre lui priait que à luy vinst, et ses gens aussi ; et bon sauf-conduit lui apportait de venir et retourner, sauf allant et sauf venant, s'il y voulzist aller, car pas ne lui devait refuser. Et Bertran lui répondi qu'il était près de l'aler. Adonc prit le sauf-conduit et le bailla à lire, car rien ne savait de lettres, ne oncques n'avait trouvé maistre de qui il se laissât endoctriner, mais le voulait toujours férir et frapper ».

Le chevalier breton assura le héraut qu'il allait se rendre, ce matin même, auprès du duc de Lancastre, pour lui offrir ses respectueux hommages, mais avant de congédier le messager, il l'emmena à son logis, où il lui fit présent d'une belle robe et d'une bourse contenant cent florins. Le héraut, charmé d'une telle générosité, s'empressa, à son retour au camp, d'exalter hautement la courtoisie et la libéralité de Bertrand, auquel alors, malgré son jupon noir, sa figure basanée et sa hache pendue à son cou, il ne trouvait plus autant l'apparence d'un chef de brigands [Note : Histoire de Bertrand du Guesclin par M. de Fréminville].

Du Guesclin, revêtu de ses plus beaux habits, monté sur un superbe coursier et accompagné de trois de ses amis, s'avança vers le camp avec une contenance intrépide. A peine fut-il parvenu aux barrières, qu'une foule de soldats anglais l'entoura et le considéra avec une avide curiosité.

« Véez comme il est gros et court, et comme il a les poings carrés », se disaient-ils en se le montrant l'un à l'autre. Quatre chevaliers anglais vinrent au devant de du Guesclin , et le conduisirent avec cérémonie à la tente du prince. Introduit en sa présence, il fléchit le genou devant lui. Le duc l'ayant relevé sur-le-champ, le remercia avec des paroles gracieuses de la démarche qu'il avait bien voulu faire à sa prière, ajoutant que depuis longtemps il avait le désir de le connaître personnellement. Du Guesclin l'assura qu'en tout temps et en tout lieu, il s'honorerait d'être le serviteur d'un si grand prince, sauf la fidélité qu'il devait à celui qui était le chef de son parti. « Et quel est donc, lui demanda le duc de Lancastre, le chef de votre parti, auquel vous êtes si attaché ? — C'est, repartit Bertrand, Charles de Blois, auquel la Bretagne appartient légitimement, du chef de la duchesse, sa femme. — Vaillant Bertrand, dit alors le duc avec un peu de hauteur, avant que cette question soit jugée, il en coûtera la vie à plus de cent mille hommes. —. Eh bien ! Monseigneur, reprit Bertrand, on trouvera cent mille hommes et même davantage si vous voulez ; au moins ceux qui mourront les premiers laisseront leurs robes aux autres ». Le duc sourit à cette saillie, et après un moment de réflexion, il lui dit : « Bertrand, soyez des nôtres ; si vous voulez prendre parti dans mon armée, je vous y donnerai un rang distingué, et tant de biens que vous on serez satisfait ». Il savait que le chevalier breton était pauvre, et il espérait le séduire par ces brillantes promesses ; il se trompait. La proposition d'une telle trahison fit monter au visage de du Guesclin le pourpre de l'indignation. Il sut pourtant se modérer et répondit au prince anglais, avec une noble fierté, que rien ne pouvait être capable d'ébranler la foi qu'il devait à son légitime souverain.

Cette réponse, loin de blesser le duc de Lancastre, augmenta au contraire l'estime qu'il avait pour du Guesclin. Il le combla de politesses et de marques de bienveillance et le fit souper avec lui. Parmi les assistants, il se trouva un chevalier anglais assez sot pour s'offenser de toutes les caresses que le duc faisait à du Guesclin, et assez discourtois pour oublier le respect qu'il  devait à la présence de son prince. Ce chevalier se nommait Guillaume Bembro. Il était parent de Richard Bembro, qui avait commandé les Anglais au combat des Trente, et de Robert Bembro, qui avait été tué par du Guesclin, à l'attaque du château de Fougeray. Prenant donc la parole, il dit arrogamment à du Guesclin et sans autre préambule : « Messire Bertrand, j'ai une demande à vous faire, que vous ne me refuserez sûrement pas, si vous êtes aussi brave qu'on le dit. Vous avez surpris le château du Fougeray et tué de votre main Robert, mon parent, qui en était capitaine. Je veux le venger, et pour cela, je vous défie pour faire ensemble trois coups d'épée en combat singulier ». Du Guesclin, lui prenant vivement la main, lui répondit : « Je n'ai jamais refusé personne, ainsi donc je vous accorde de grand cœur les trois coups d'épée que vous me demandez, et trois autres, en outre, pour peu que cela vous fasse plaisir ».

Le duc de Lancastre fut très offensé de la hardiesse de Bembro, qui avait osé faire insolemment un tel défi en sa présence, à un guerrier venu sous la foi d'un sauf-conduit. Il voulut le faire punir et s'opposer au combat, dans la crainte qu'on lui reprochât d'avoir voulu attirer du Guesclin dans un guet-à-pens. Mais celui-ci le supplia de lui laisser achever sa querelle et de lui laisser le champ libre, disant que quand on lui compterait son poids d'argent, il ne voudrait pas renoncer à un combat qui lui donnait l'occasion de faire voir, en si bonne compagnie, jusqu'où pouvait aller la valeur d'un chevalier breton, contre celle d'un chevalier anglais.

Le duc, voyant la résolution de du Guesclin, consentit, quoique à regret, à lui permettre le combat contre Bembro, et lui assigna le champ pour le lendemain dans l'espace qui séparait le camp des fossés de la ville de Rennes.

Sur ces entrefaites, le héraut qui le matin avait été cherché notre chevalier, entra dans la tente du duc, et, se prosternant devant lui, lui fit un récit exact du bon accueil et des présents qu'il avait revus. La courtoisie de du Guesclin toucha tellement le prince, qu'il ordonna qu'on fût choisir sur-le-champ le plus beau coursier de son écurie, et qu'il lui en fit don généreusement. Notre chevalier. transporté de joie, le remercia en lui disant : « Sire, Dieu vous garde d'encombrer, car oncques ne trouvay comte ou prince qui me donnât vaillant un seul denier ; le cheval est bel, si le chevaucheray demain devant vous pour acquitter mon convenant » ; puis, prenant congé du duc, il retourna à Rennes.

Le capitaine de cette ville, Penhoët, impatient de connaître la réception qu'on lui avait faite dans le camp anglais, accourut au devant de lui avec les principaux chefs de la garnison, et le questionna avec empressement sur les événements de la journée. Bertrand lui en rendit un compte détaillé et termina son récit en l'instruisant du défi que lui avait adressé Bembro, et de la convention faite entre eux de combattre l'un contre l'autre le lendemain.

Cette nouvelle fut loin de satisfaire Penhoët : la vie de du Guesclin lui était trop précieuse, ainsi qu'à tous les habitants de Rennes, qui le considéraient comme le gage de leur salut, pour qu'il pût consentir à le voir s'exposer dans un duel dont le motif lui paraissait peu important. Il craignait même que la provocation de Bembro ne cachât quelque perfidie, car il connaissait depuis longtemps la politique des Anglais. Bref, il déclara à du Guesclin qu'il s'opposait à ce combat, et qu'il ne laisserait le lendemain ouvrir aucune des portes de la ville, dans laquelle il le consignait.

Bertrand lui répondit que son honneur était engagé et qu'il n'y avait plus à reculer ; il lui peignit ensuite le duc de Lancastre comme un guerrier loyal et magnanime avec lequel il n'y avait à craindre ni perfidie, ni trahison. Penhoët enfin, persuadé plutôt que convaincu par les raisonnements de du Guesclin, lui accorda la liberté de sortir pour le lendemain ; mais il prit secrètement toutes les mesures que lui suggéra la prudence pour mettre du Guesclin à l'abri de toute tentative de la part des Anglais.

Le lendemain, revêtu de ses armes, du Guesclin se rendit à la plus prochaine église, afin d'y entendre la messe, et de demander l'assistance du ciel pour le triomphe de sa cause. Il voulut aussi aller à l'offrande, et fit voeu, s'il était vainqueur de Bembro, de se consacrer tout entier à la défense de la religion chrétienne contre les infidèles. Ayant terminé cet acte d'une piété sincère, il revint au logis, où il prit trois soupes au vin (trois tranches de pain trempées dans du vin), en l'honneur de la sainte Trinité. La tante de notre héros, qui craignait pour ses jours, employa les prières et même les larmes, pour le dissuader de combattre l'Anglais. Ne pouvant rien obtenir, elle le pria au moins d'ôter son casque, afin qu'elle eût le plaisir de l'embrasser, peut-être pour la dernière fois. Bertrand, insensible à tous ses mouvements de tendresse, lui dit : « Allez à l'hôtel baiser votre mari, et songez à faire préparer le dîner, car je serai de retour avant qu'il soit prêt ».

Il éprouva un obstacle lorsqu'il voulut sortir de la ville : le peuple, rassemblé en foule, et qui voyait en lui son plus ferme appui, ne voulait pas qu'il s'exposât dans un combat singulier. Cette foule le pressait l'entourait et le conjurait de demeurer. Il fut inébranlable, il franchit la porte, accompagné de plusieurs chevaliers et écuyers. Penhoët l'embrassa à plusieurs reprises, en lui disant : « Allez donc, brave Bertrand, personne n'est plus capable que vous de faire voir que les Bretons sont invincibles ».

Du Guesclin s'avança ensuite vers l'emplacement choisi pour le combat. Dès qu'il y fut arrivé, le duc de Lancastre fit publier la défense, sous peine de vie, d'approcher les deux combattants de plus de vingt lances. Le champ ayant été ouvert, les deux champions y entrèrent en présence du duc, du comte de Pembrok, et de tout ce qu'il y avait de plus distingué dans l'armée anglaise. Les trompettes ayant sonné le signal du combat, les deux adversaires coururent l'un sur l'autre. Cette première course fut à l'avantage de Bertrand, qui porta un coup d'estoc si violent à Bembro, qu'il perça son écu, sa cuirasse, et pénétra jusqu'à la casaque rembourée de coton que l'Anglais portait sous son armure.

A la seconde course, celui-ci, irrité du désavantage qu'il avait eu à la première, donna un si violent coup de taille au casque de du Guesclin, qu'il l'entama ; mais cette rude atteinte ne le blessa, ni ne l'ébranla. A la troisième course, les deux adversaires se frappèrent si vigoureusement, que les étincelles jaillissaient de leurs armures ; mais ils ne se blessèrent point et eurent un égal avantage.

D'après les conventions arrêtées, le Combat devait en finir là, mais du Guesclin dit à Bembro qu'il l'avait ménagé jusqu'alors, à la considération de son maître, mais que s'il voulait fournir une quatrième course, en l'honneur des dames, il lui montrerait ce qu'il savait faire. Bembro accepta le défi. Le duc ayant donné son assentiment pour le quatrième assaut, les trompettes sonnèrent, et les deux combattants se précipitèrent l'un sur l'autre.

Bembro courut avec tant de fureur, que son épée perça l'écu de Bertrand, et y entra si avant, qu'il ne put la retirer. Celui-ci profita de l'événement et lui porta un coup si violent au défaut de ses armes, qu'il lui passa l'épée au travers du corps. Bembro chancela sur son cheval et tomba à terre dangereusement blessé. Du Guesclin ne voulut pas le tuer par considération pour le duc, mais il s'empara du cheval, et ayant encore l'épée de Bembro passée dans son écu, il fit un tour au devant du prince, le remercia de lui avoir accordé le combat, de l'avoir honoré de sa présence, puis il ajouta : « Monseigneur, je suis venu avec un cheval et avec une épée, et j'en ai deux maintenant ». Le prince le félicita du succès qu'il avait obtenu et le combla d'éloges, car c'était un prince généreux, qui estimait les vaillants hommes, quel que fût le parti auquel ils appartinssent [Note : D'Argentré et D. Morice rapportent que ce combat eut lieu à la lance et non à l'épée, comme le dit M. de Fréminville, auquel nous avons en partie emprunté ce récit. La lance, an XIVème siècle, portait aussi le nom de glaive, expression qui a pu causer une confusion dans l'indication des armes employées dans ce combat, à cela près, rapporté par les historiens de la même manière].

Malgré les défenses que le duc de Lancastre avait faites aux capitaines anglais de se battre contre Bertrand du Guesclin, ils cherchaient toujours l'occasion de faire périr ce brave capitaine, dont la valeur leur faisait ombrage, Bertrand ayant fait prisonnier un des parents de Guillaume Troussel, gentilhomme anglais, ce dernier lui écrivit pour le prier de le mettre en liberté, et lui envoya une obligation pour la sûreté de sa rançon. Bertrand ne jugea pas à propos de lui accorder cette grâce. Troussel, piqué de ce refus, l'envoya défier à Pontorson, et lui demanda trois coups de lance et deux coups d'épée. Bertrand accepta le cartel à condition que le vaincu donnerait cent écus pour régaler les témoins du combat. Le maréchal d'Andrehan assigna Pontorson pour champ de bataille, et indiqua le jour où aurait lieu l'action. Comme Bertrand avait alors la fièvre, le duc de Lancastre blâma Troussel d'avoir provoqué un homme malade. Troussel prétexta cause d'ignorance et envoya dire à du Guesclin qu'il attendrait volontiers qu'il fût guéri pour terminer le combat dont ils étaient convenus. La réponse de Bertrand fut qu'il avait encore assez de santé et de vigueur pour s'acquitter de sa promesse, et qu'il n'était pas permis à un chevalier de retirer son gage de bataille, lorsqu'il l'avait une fois donné. Les deux champions se rendirent à Pontorson, au jour indiqué, et entrèrent en lice avec leurs écuyers. Troussel, du premier coup de lance, fit vider les arçons à Bertrand, ce qui fit beaucoup de peine à ses amis. Mais il se remit bientôt et porta un coup si violent à Troussel, qu'il lui perça l'épaule de part en part. Troussel tomba par terre, se rendit et paya les cent écus.

Trois ans après, en 1359, du Guesclin eut un duel avec un chevalier anglais, nommé Thomas de Cantorbéry. Voici à quelle occasion Cantorbéry, parent du primat d'Angleterre, pendant une trêve qui avait été conclue entre Charles de Blois et Jean de Montfort, avait, contre le droit des gens, fait prisonnier Olivier du Guesclin, frère de Bertrand. Dès que celui-ci apprit cette nouvelle, furieux, il monta à cheval, et se rendit aussitôt au camp anglais, situé près de Dinan, où il fut parfaitement accueilli par la foule des chevaliers anglais, charmés de voir arriver au milieu d'eux un guerrier si renommé. Mais du Guesclin, quoique sensible à leurs politesses, brûlant d'obtenir vengeance de Cantorbéry, demanda à être immédiatement conduit auprès du duc de Lancastre. Il trouva ce prince jouant aux échecs avec Chandos, en compagnie du jeune comte de Montfort, du comte de Pembrok, de Robert Knoles et des principaux chefs de l'armée. Tous l'accueillirent avec empressement. Le duc, en l'apercevant, quitta la partie, l'embrassa et lui dit que, quelles que fussent les affaires qui l'amenaient au camp, il s'en félicitait, puis qu'elles lui procuraient l'occasion de voir un guerrier pour lequel il avait tant d'estime. Chandos, qui avait pour lui les mêmes sentiments, l'invita à souper avec lui ; mais du Guesclin, encore tout ému de colère, dit qu'il ne boirait ni ne mangerait avant d'avoir obtenu réparation de l'outrage qu'il avait reçu. Le duc de Lancastre, prenant alors la parole, dit à Bertrand que si quelqu'un de son armée lui avait fait le moindre tort, il lui en ferait assurément raison, puis il lui demanda de quoi il s'agissait.

Le chevalier breton l'informa alors de l'aventure qui venait d'arriver à son frère, qui, malgré la trêve, avait été fait prisonnier par Thomas de Cantorbéry. Le duc, à cette nouvelle, fut outré d'indignation et ordonna qu'on allât chercher Cantorbéry à l'instant même. Cantorbéry, que sa haute naissance et sa parenté avec le primat d'Angleterre rendaient insolent, se présenta devant le prince, et poussant jusqu'à l'extrême l'effronterie, refusa, malgré l'ordre du prince, de remettre Olivier du Guesclin en liberté, et il osa même dire que c'était justement qu'il l'avait fait prisonnier, qu'il soutiendrait ses paroles les armes à la main, et pour preuve, il jeta en même temps son gantelet, comme gage de bataille, au milieu de l'assemblée.

Bertrand se précipita dessus, le releva, puis serrant violemment la main de Cantorbéry, il lui dit qu'il allait lui prouver qu'il était un traître et un homme déloyal, et que sa conduite envers son frère était celle d'un lâche. Comme du Guesclin était sans armes, le brave Chandos lui offrit un bon destrier et une excellente armure. Mais déjà le bruit de cet événement s'était répandu dans la ville de Dinan et y avait jeté le trouble et l'inquiétude. Le sire de Penhoët, qui en était capitaine, voyant que les Anglais cherchaient chaque jour de mauvaises querelles à du Guesclin, dans l'espoir qu'enfin il succomberait dans un de ces combats singuliers, craignit encore cette fois qu'ils n'usassent de trahison à son égard et qu'ils ne lui tendissent un piège, si le combat avait lieu au milieu de leur camp.

Il envoya donc un héraut au duc de Lancastre pour le prier de vouloir bien permettre que le duel fût remis au lendemain et qu'il eût lieu dans la ville de Dinan, le priant en même temps de vouloir bien honorer le combat de sa présence. Le duc, prince généreux et loyal, accéda à sa demande, et se rendit le lendemain à Dinan, où il fut reçu avec les honneurs dignes de son caractère et de sa naissance.

Dès qu'il eut pris place sur l'estrade qui lui avait été préparée, les deux champions, à cheval et armés de toutes pièces, se placèrent vis-à-vis l'un de l'autre à l'extrémité du camp. Les abords de la place étaient encombrés d'une foule avide de voir quelle serait l'issue du combat entre deux chevaliers si renommés, car Cantorbéry passait pour un vaillant homme d'armes. Tous faisaient des voeux pour Bertrand et se confiaient dans son bon droit et dans son courage.

Celui-ci attendait le moment de combattre avec impatience ; mais il n'en était pas de même de Cantorbéry, auquel sa conscience faisait de secrets reproches sur la trahison dont il avait usé envers un jeune homme à peine capable de se défendre et qui s'était confié à la foi jurée. Il chargea Robert Knoles et Thomas de Granson de tenter avec du Guesclin un accommodement ; Chandos même et le comte de Pembrok se joignirent à eux, et représentèrent à du Guesclin que la conduite de Cantorbéry envers son frère avait été plutôt l'effet d'un emportement irréfléchi que d'une méchanceté préméditée ; qu'il en éprouvait du regret et qu'il était prêt à lui rendre son jeune frère sans rançon. Le chevalier breton, encore tout irrité des injures que l'Anglais lui avait adressées la veille, refusa tout accommodement et répondit que les choses en étaient au point de ne pouvoir plus s'en dédire. « Je jure à Dieu tout-puissant, ajouta-t-il, que le faux chevalier qui m'a fait vilenie n'échappera jusqu'au temps que son tort luy ay montré, ou il me détruira, ce voyant la baronnie ». Toutefois, du Guesclin dit aux amis de Cantorbéry que s'il ne voulait pas combattre, il y consentirait, à condition qu'il vint lui-même se rendre à discrétion en lui remettant son épée la tenant par la pointe.

Les chevaliers anglais répondirent que Cantorbéry préférerait mourir plutôt que de se rendre à de si humiliantes conditions.

Le duc de Lancastre et le sire de Penhoët, voyant que toute intervention était inutile, firent donner le signal du combat. Les deux adversaires se précipitèrent aussitôt l'un sur l'autre, l'épée à la main, et se chargèrent si furieusement que mille étincelles jaillirent de leurs armures, dont les pièces volèrent bientôt en éclats. Le combat dura longtemps, laissant les spectateurs indécis sur le côté où pencherait la victoire, lorsque Cantorbéry, faisant un effort désespéré, prit son épée à deux mains et en déchargea un coup terrible sur le casque de son ennemi. Mais son épée porta à faux et lui échappa des mains. Du Guesclin, profitant de cet incident, sauta à terre aussitôt, et ramassant l'épée de Cantorbéry, il la jeta hors du camp, mais il ne put retrouver le moment de remonter à cheval, poursuivi qu'il était par Cantorbéry. Celui-ci faisait les plus grands efforts pour faire passer son cheval sur son ennemi, qui, embarrassé par son armure, ne semblait pas pouvoir lui échapper. Pour déjouer cette tactique, du Guesclin s'assit au milieu du champ et se débarrassa le plus vite qu'il put de ses grèves et de ses genouillères, puis, profitant du moment où l'Anglais venait de s'éloigner pour fondre sur lui avec plus de force, il se releva prestement, attendit le cheval de Cantorbéry au passage et lui enfonça son épée dans le poitrail. L'animal, blessé, se cabra et renversa son maître par terre. Du Guesclin se précipita aussitôt sur lui, lui arracha son casque, et lui mettant son épée sur la gorge, le somma de se rendre. Comme l'Anglais ne voulait rien répondre, du Guesclin, furieux, lui mit le visage en sang en le frappant de ses gantelets de fer, lui répétant que s'il ne voulait pas se rendre, il le tuerait sans merci. C'était son droit, car dans les combats à outrance, le vaincu était à la merci du vainqueur. En ce moment, des seigneurs anglais, voyant la position désespérée de Cantorbéry, accoururent vers lui et prièrent du Guesclin de lui laisser la vie ; mais Bertrand leur répondit : « Seigneurs, laissez-moi ma bataille achever, car par la foi que je dois à Dieu, ou il se rendra à moi comme mon prisonnier, ainsi comme il a fait à mon frère, ou je le tuerai tout mort ». Les Anglais redoublèrent leurs instances, mais du Guesclin fut inflexible, et dit qu'il ne consentirait à laisser la vie à Cantorbéry que sur la prière du duc de Lancastre.

Alors le sire de Penhoët vint de la part de ce prince lui demander la vie de Cantorbéry, quoiqu'il convint que sa conduite ne méritait aucune grâce. Du Guesclin, satisfait, abandonna alors le vaincu, qui était sans connaissance et qui fut emporté sur une claie par-dessus les barrières du camp, marque d'ignominie par laquelle, suivant les règles des combats à outrance accordés pour injures graves ou déni de justice, on flétrissait le vaincu, qui était censé soutenir une mauvaise cause.

Le vainqueur au contraire sortit de la lice au bruit des fanfares et des trompettes et des acclamations de tous les spectateurs. Le duc de Lancastre, admirant la valeur de notre héros, le reçut gracieusement et lui dit : Messire Bertrand, vous avez vaillamment soutenu votre droit, heureux est le prince qui a un serviteur aussi brave que vous, car il ne peut manquer d'obtenir sur ses ennemis de grands avantages. Il fit délivrer ensuite le jeune Olivier du Guesclin, auquel on rendit son cheval et son équipage.

Les soins qu'on avait donnés à Cantorbéry lui avaient fait recouvrer l'usage de ses sens. Le duc ordonna qu'il fût amené en sa présence, et là, devant les chevaliers des deux partis, il lui témoigna hautement son indignation de son infraction à une trêve qu'il avait solennellement jurée. Il le condamna à payer à Olivier du Guesclin les mille florins auxquels il l'avait taxé pour sa rançon, et le chassa de sa cour [Note : Histoire de Bertrand du Guesclin, par M. de Fréminville].

Du Guesclin se battit encore à Dinan, en 1360, contre un antre Anglais, en combat singulier. Voici à quel sujet, au rapport de d'Argentré. Du Guesclin avait fait prisonnier, dans un combat livré près de Pontorson, Richard de Grevaques. Celui-ci, sur un propos tenu par messire Fraslin de Husson, beau-frère de du Guesclin, appela Bertrand en combat singulier. Cette rencontre eut lieu près de Dinan, mais après avoir combattu vaillamment, Grevaques se départit de sa querelle.

Nous terminerons notre article sur du Guesclin par le récit du démêlé qu'il eut avec Guillaume Felleton, sénéchal de Saintonge. Après le traité d'Evran, passé en 1363 entre Charles de Blois et Jean de Montfort, des otages furent donnés de part et d'autre. Charles de Blois mit Bertrand du Guesclin au nombre des siens ; Bertrand y consentit volontiers, mais en faisant observer que, s'étant engagé au service du duc d'Orléans, il ne pouvait servir d'otage que pendant un mois. Le comte de Montfort l'accepta sur ce pied-là, et le remit entre les mains de Robert Knoles, fameux capitaine anglais, qui eut pour du Guesclin tous les égards qu'il méritait, et lui donna une entière liberté dans sa maison. Aussitôt que Bertrand eut rempli son engagement, il remercia son hôte de toutes les attentions qu'il avait eues pour lui, et se retira à Vitré. Il fut accompagné dans ce voyage par quelques chevaliers qui étaient venus le chercher, et par un des écuyers de Knoles. Guillaume Felleton ayant appris cette nouvelle, écrivit à du Guesclin, le 20 décembre 1363, et lui manda qu'il était fort surpris qu'un chevalier dont la conduite avait toujours été irréprochable eût manqué à sa parole et se fût évadé furtivement de chez son hôte ; qu'il devait se ressouvenir qu'il avait promis de servir d'otage jusqu'à ce que la ville de Nantes eût été livrée au comte de Montfort, et que, dans le cas où il niât le fait, il soutiendrait par son corps la vérité de ce qu'il avançait, comme tout chevalier devait le faire en pareil cas.

Quelque assurance qu'eût Bertrand de la justice de sa cause, il ne crut pas qu'elle pût être décidée par le duel, comme le prétendait Felleton. Il savait d'abord que la loi de Dieu défend le duel, et il avait appris, dans une multitude d'affaires que ses envieux lui avaient suscitées, quels étaient les cas où les lois permettaient les duels. Pour n'avoir donc rien à se reprocher, et venger son honneur d'une manière irréfutable, il prit le sage parti de faire plaider son affaire devant le roi ou le dauphin, et de se soumettre entièrement à leur décision. Il se rendit à Paris le jour indiqué et comparut devant le dauphin de Viennois. Felleton s'y trouva aussi ; c'était le mardi avant la mi-carême, qui, cette année-là, tombait le 26 février. Le dauphin assembla le parlement et fit plaider l'affaire en présence du roi de Chypre, des pairs de France et d'un grand nombre de barons, de chevaliers, d'écuyers, de clercs et autres personnes que la curiosité avait rassemblés. La cour, après avoir entendu l'exposé du différend et les raisons alléguées de part et d'autre, déclara, le 28 février, que le gage de duel ou de guerre ne pouvait être donné dans une affaire de cette nature. Le motif de l'arrêt fut la loi, qui ne permettait les duels qu'au défaut de preuves testimoniales ; or, Bertrand du Guesclin avait déclaré, en présence de plus de deux cents chevaliers et écuyers, qu'il ne pouvait servir d'otage que pendant un mois, et qu'il avait rempli sa promesse, comme en faisaient foi les chevaliers qui étaient venus le prendre chez Robert Knoles ; Guillaume Felleton avait donc tort de l'appeler en duel, pour prouver un fait attesté par plus de deux cents personnes vivantes. Au surplus, la cour rejeta la demande de cent mille francs faite par Bertrand pour ses frais, dommages et intérêts. Telle fut la fin de ce fameux différend sur lequel plusieurs historiens anciens et modernes se sont trompés, faute d'avoir lu l'arrêt dont nous venons de parler.

Les détails précédents, que donne D. Morice dans son Histoire de Bretagne sont appuyés sur le texte même du jugement rendu au sujet de cette affaire par le dauphin de Viennois, et qu'il a inséré dans le premier volume de ses Preuves.

La haine de Felleton contre du Guesclin provenait d'une suite de mésaventures qu'il avait éprouvées de la part de du Guesclin et de quelques gentilshommes bretons. On en trouvera le récit dans l'Histoire de du Guesclin, par M. de Fréminville.

Pendant que le duc de Lancastre assiégeait Rennes, en 1356, un combat singulier eut lieu entre Olivier de Mauny [Note : Il ne faut pas confondre la maison de Mauny de Bretagne, avec une autre maison du même nom, originaire du Hainaut, à laquelle appartenait Gautier de Mauny, fameux capitaine au service du roi d'Angleterre, qui joua un rôle considérable dans la guerre qui eut lieu pour la succession au duché de Bretagne], cousin germain de du Guesclin, et un chevalier anglais nommé Jean de Bolleton. Voici, suivant Froissart, à quelle occasion : « Or avint un jour, le siége durant, que un chevaliez anglois, qui s'appeloit monseigneur Jean de Bolleton, appert homme d'armes durement, avoit été déduire aux champs atout son épervier et pris six perdrix. Si monta tantôt à cheval, armé de toutes pièces, ses perdrix en sa main, et vint devant les barrières de la cité et commença à écrier à ceux de la ville que il vouloit parler à monseigneur Bertrand du Guesclin. Or avint ainsi que d'aventure Olivier de Mauny étoit sur la porte de la ville venu voir comment l'ost des Anglois se portoit. Si avisa et choisit cet anglois atout ses perdrix et lui demanda tantôt qu'il vouloit, et s'il vouloit vendre ou donner ses perdrix aux dames qui là dedans étoient encloses. " Par ma foi, répondit l'Anglois à Olivier, si vous osiez marchander de plus près et venir jusqu'à moi combattre, vous avez trouvé marchand ". " Et à Dieu le veut, répondit ledit Olivier, ouil, attendez-moi et je vous paierai tout sec ". Adoncques descendit des murs sur les fossés qui étoient tout pleins d'eau et se mit à nager et passa tout outre armé de toutes pièces, fors du harnais de jambes et des gantelets, et vint à son marchand qui l'attendoit d'autre part. Et se combattirent moult vaillamment l'un et l'autre, longuement et assez près de l'ost du duc de Lancastre, qui les regarda et vit moult volontiers et défendit que nul n'y allât au-devant ; et aussi ceux de la ville, et les dames qui là dedans étoient, prirent grand plaisir à eux regarder. Toutefois tant se combattirent ces deux vaillants hommes et tant firent d'armes que ledit Olivier de Mauny conquit monseigneur Jean de Bolleton son marchand atout les perdrix ; et voulsit ou non, il l'emmena, moult durement blessé, parmi les fossés dedans la cité, et le présenta aux dames atout les dites perdrix, qui les reçurent moult liement et l'honorèrent moult grandement. Ne demeura mie grandement après que ledit olivier, qui se sentoit blessé durement et ne pouvoit finer d'aucunes herbes qu'il connoissoit bien pour lui guérir, si appela son prisonnier moult courtoisement et lui dit : Monseigneur Jean, je me sens blessé durement ; si connois là dehors aucunes herbes par lesquelles, à l'aide de Dieu, je pourrois légèrement recouvrer santé et guérir de mes plaies ; si vous dirai que vous ferez : vous partirez de cy et irez par devers le duc de Lancastre, votre seigneur, et m'apporterez un sauf-conduit pour moi quatrième durant un mois, tant que je sois guéri ; et si vous me le pouvez impétrer, je vous quitterai de votre prison ; et au cas que ainsi ne le ferez, vous retournerez céans mon prisonnier comme devant.

De ces nouvelles fut le dessusdit monseigneur Jean de Bolleton moult joyeux, et partit de céans et vint en l'ost où il fut reçu à grand'joie de tous et mêmement du duc de Lancastre qui assez le rigola des perdrix. Et puis fit sa requête au duc, laquelle la lui accorda moult bonnement, et tantôt commanda que le sauf-conduit fût écrit et scellé. Ainsi fut fait. Tantôt le dit monseigneur Jean partit du duc atout le sauf-conduit, et revint en la cité et le bailla à son maître Olivier de Mauny, qui lui dit qu'il avoit moult bien exploité et tantôt le quitta de sa prison. Et partirent ensemble de la bonne cité de Rennes et vinrent en l'ost du duc de Lancastre, lequel les vit moult volontiers, et fit grand'chère et montra grand signe d'amour au dit Olivier. Et dit bien le dit duc qu'en lui avoit noble coeur et montroit bien qu'il seroit encore moult vaillant homme et de grande prouesse, quand pour avoir son sauf-conduit et un peu d'herbes, il avoit quitté un tel prisonnier, qui pouvoit payer dix mille moutons d'or. Après ces choses ainsi faites, le duc de Lancastre ordonna une chambre pour Olivier de Mauny et commanda qu'elle fût tendue et parée moult richement, et que on lui baillât et délivrât tout ce qui besoin lui seroit. Ainsi que le duc commanda, ainsi fut fait. Là fut le dit Olivier logé en l'ost du duc et lui bailla-t-on les cerurgiens et médecins du duc, qui le visitoient tous les jours ; et aussi le duc l'alloit voir et conforter moult souvent. Et tant fut illecques qu'il fut guéri de ses plaies ; et tantôt prit-il congé du duc de Lancastre, et le remercia moult grandement de la très-grand honneur qu'il lui avoit faite ; et aussi prit-il congé aux autres seigneurs et à son prisonnier qui avoit été monseigneur Jean de Bolleton. Mais au départir le duc de Lancastre lui donna moult belle vaisselle et lui dit : " Mauny, je vous prie que vous me recommandez aux dames et damoiselles, et leur dites que nous leur avons souhaité souvent perdrix ". A ces paroles se partit Olivier de Mauny et puis s'en revint en la cité de Rennes, où il fut reçu joyeusement de tous grands et petits et des dames auxquelles il conta moult de ses nouvelles ; et par espécial à son cousin Bertran du Guesclin conta-t-il comment il avoit exploité ; et s'entrefirent grand'joie, car moult s'entraimoient et firent jusqu'à la mort, ainsi comme vous orrez conter ci-avant en l'histoire ».

En 1364, au moment où les armées françaises et anglaises, rangées en bataille auprès de Cocherel, allaient commencer le combat, un chevalier anglais sortit des rangs et envoya son écuyer demander de sa part à faire un coup de lance contre le plus vaillant de l'armée française. Tous ambitionnaient l'honneur de combattre, mais du Guesclin donna la préférence et la permission à Roland du Bois, gentilhomme breton, dont l'adresse et la force lui étaient connues. Le combat ne fut pas long ; l'Anglais, dès le début, reçut un si violent coup de lance dans le corps qu'il tomba percé de part en part. Déjà Roland du Bois tenait le cheval du vainqueur par la bride et commençait à marcher vers le camp français, lorsque les chevaliers anglais vinrent, bride abattue, pour lui enlever le cheval des mains et ramasser le mort. A l'instant, six Bretons vont à leur rencontre en toute diligence, les joignent, les attaquent, en tuent deux, font autant de prisonniers et mettent les autres en fuite [Note : Guyard de Berville, Vie de du Guesclin. Fréminville, etc.].

Dans cette bataille, un chevalier breton, Thibaut du Pont, fit des prodiges de valeur. Il combattait avec une épée de six pieds, pesant douze livres, avec laquelle il faisait voler les têtes et les bras de tous ceux qu'il attaquait. A force de frapper, il rompit son épée ; saisissant alors une grande hache pendue à son côté, en trois coups il abattit trois têtes. Mais c'est à tort que M. de Fréminville, auquel nous empruntons ce récit, prétend que ce fut Thibaud du Pont qui saisit si fortement le captal de Bach [Note : Jean de Grailly, captal ou seigneur de Buch] par son casque, que celui-ci, ne pouvant se débarrasser de ses mains, fut obligé de remettre son épée à du Guesclin, qui était accouru sur les lieux et qui le menaçait de le tuer s'il ne se rendait à lui.

Une note insérée dans les Chroniques de Froissart, édition Buchon, tome I, col. 483, nous apprend qu'une pièce conservée au trésor des Chartes, et qui a été publiée dans les Mémoires de Charles le Mauvais, constate que ce fut Roland Bodin, écuyer breton, qui fit prisonnier le captal et qui le céda ensuite au roi.

D'Argentré rapporte aussi, que c'est à Roland Bodin que doit être attribué l'honneur de la capture du captal. « Le captal, dit-il, rencontra un homme d'armes, nommé Roland Bodin, vaillant écuyer breton, duquel nous avons parlé cy-dessus, et luy donna un tel coup de lance qu'il le renversa par terre, et d'un autre coup rompit la visière du bacinet de Bertrand du Guesclin. Bodin se releva, chargea le captal, d'un coup de lance le jeta par terre, et le contraignit de se rendre son prisonnier, le baillant en garde à un sien compagnon, nommé Bertrand Guyart, pour retourner à la charge, lequel le mena en un bosquet hors de l'armée, où le captal lui offrit une grande somme d'argent pour le mener en un lieu d'où il put voir le combat, cuydant se faire recourre, Mais il ne put l'obtenir ».

Ce fut aussi Roland Bodin qui, dans un combat livré près de Pontorson, jeta par terre d'un coup de lance Guillaume Felleton, dont nous avons déjà parlé, et le fit prisonnier.

Dans cette bataille de Cocherel, suivant Froissart, monseigneur Jean Juviel, ou Jouel, un des chefs de l'armée anglaise, vaillant chevalier qu'on n'avait jamais vu reculer dans un combat, fut fait prisonnier par un écuyer breton qui combattait sous la bannière de Bertrand du Guesclin, mais cette prise ne lui profita guère, car Juviel mourut des blessures qu'il avait reçues.

Peu de temps après la bataille de Cocherel, l'armée de Charles de Blois et celle de Jean de Montfort étaient en présence près d'Auray. La veille de la bataille, un chevalier anglais, nommé Gauthier Huet, impatient de signaler sa bravoure, sortit des rangs, franchit la petite rivière qui séparait les deux armées, et, s'avançant dans la prairie, défia le chevalier breton le plus adroit à venir rompre une lance avec lui, en l'honneur des dames, à condition cependant que le vaincu demeurerait prisonnier. Aussitôt Hervé de Kergoët [Note : Il existe sept familles de ce nom, en Bretagne – Voir Nobiliaire de Courcy] s'avança pour répondre à ce défi ; les champions coururent l'un sur l'autre, et l'Anglais, jeté par terre, fut obligé de se rendre. Comme il déplorait ce malheur, qui allait le priver de prendre part à l'action du lendemain, le brave et généreux Kergoët lui rendit sur-le-champ la liberté et lui laissa même son cheval et ses armes, qui, d'après les lois des combats singuliers de cette époque, devaient appartenir au vainqueur [Voir Histoire de Bertrand du Guesclin, par Fréminville].

Ce fat un écuyer breton, Jacques de Saint-Martin, qui tua le fameux Chandos dans un combat livré en 1369 aux Anglais, près du pont de Lussac, bourg situé sur la Vienne. Froissart, qui rapporte ce fait, ne nomme pas, il est vrai, la patrie de Jacques de Saint-Martin, mais comme il existe une maison de ce nom en Bretagne, et que la troupe à laquelle avait affaire Chandos était presque toute composée de Bretons, nous présumons que Jacques de Saint-Martin appartenait à cette nation. Voici le récit de Froissart :

« Messire Jean Chandos, qui étoit grand chevalier fort et hardi, et conforté en toutes ses besognes, sa bannière devant lui, environné des siens, et vêtu dessus ses armures d'un grand vêtement qui lui battoit jusqu'à terre, armoyé de son armoirie, d'un blanc samit à deux pels (pals) aguisés de gueules, l'un devant et l'autre derrière, et bien sembloit suffisant homme et entreprenant, en cet état, pied avant autre, le glaive au poing, s'en vint sur ses ennemis. Or faisoit à ce matin un petit reslet : si estoit la voie mouillée ; si que en passant, il s'entortilla en son parement qui étoit sur le plus long, tant que un petit il trébucha. Et veci un coup qui vint sur lui lancé d'un écuyer qui s'appeloit Jacques de Saint-Martin, qui étoit fort homme et appert durement ; et fut le coup d'un glaive qui le prit en chair, et s'arrêta dessous l'œil, entre le nez et le front ; et ne vit point messire Jean Chandos le coup venir sur lui de ce lez-là, car il avoit l'oeil éteint ; et avoit bien cinq ans qu'il l'avoit perdu ès landes de Bordeaux en chassant un cerf. Avec tout ce meschef, messire Jean Chandos ne porta, point oncques de visière. Si que en trébuchant, il s'appuya sur le coup, qui étoit lancé de bras roide ; si lui entra le fer là-dedans, qui s'encousit jusqu'au cervel ; et puis retira cil son glaive à lui. Messire Jean Chandos, pour la douleur qu'il sentit, ne se put tenir en estant ; mais chey à terre et tourna deux tours moult douloureusement, ainsi que cil qui étoit féru à mort ; car oncques, depuis le coup, ne parla.

Cil Jacques de Saint-Martin, qui avoit donné ce coup, fut avisé d'un écuyer de monseigneur Jean Chandos : si vint sur lui moult arréement, et le férit en encousant de son glaive, et le traperça tout outre parmi les deux cuisses, et puis retraist son glaive. Pour ce ne laissa mie encore cil Jacques de Saint-Martin de combattre, si entendis qu'il fut conduit à Poitiers et si mal visité de ses plaies qu'il mourut ».

Suivant M. de Fréminville, ce serait Guillaume Boistel, célèbre chevalier breton, qui aurait tué Chandos à l'attaque du pont de Lussac. D'Argentré, d'un autre côté, rapporte que Chandos, après avoir reçu un coup de flèche d'un archer breton, Alain de Guingamp, aurait eu la poitrine traversée par la lance d'un autre Breton, qu'il appelle Aymery. Quoi qu'il en soit, il est certain que Jean Chandos fut tué par les Bretons qui combattaient sons l'enseigne du fameux capitaine Jean de Keranlouët.

Au combat de Pont-Valain, Thomas de Granson, célèbre capitaine anglais, voyant la victoire lui échapper, s'élança sur Bertrand du Guesclin, sa hache d'armes à la main, et allait lui en décharger sur la tête un coup terrible, mais du Guesclin esquiva son atteinte en s'inclinant légèrement, et saisissant Granson corps à corps, il le jeta par terre et lui arracha sa hache en lui disant de se rendre à l'instant, ou qu'il allait le tuer avec son arme même. Granson n'hésita pas et donna sa parole à du Guesclin, dont il devint le captif, au lieu de l'emmener prisonnier à Londres comme il s'en était vanté.

Dans ce combat, Thomas Folisset, autre capitaine anglais, refusait de se rendre. Uniquement armé d'une double masse ou bâton à deux bouts ferrés, dont il se servait avec une adresse remarquable, non-seulement il s'en couvrait contre tous les coups qu'on lui portait, mais en frappait lui-même mortellement tous ceux qui osaient l'approcher. Regnier de Sussanville fut un de ceux qu'il assomma ainsi. Ce chevalier était grandement affectionné par Clisson. La mort de son ami le mit en fureur ; il se rua sur Thomas, et du premier coup de sa redoutable hache, il coupa en deux le bâton à deux bouts. L'Anglais mit aussitôt l'épée à la main, et en porta un coup d'estoc dont il croyait percer Clisson de part en part ; malheureusement pour lui ce coup n'eut aucun effet, car son épée se brisa contre l'armure du chevalier breton. Ainsi désarmé, il se jeta à genoux et lui demanda la vie en le priant de le recevoir prisonnier [Voir Histoire de du Guesclin, par Fréminville].

On lit dans l'enquête qui eut lieu en 1371, pour la canonisation de Charles de Blois, qu'un écuyer du diocèse de Léon, nommé Yves de Launay, rapporte qu'étant à Poitiers prisonnier, il entendit un écuyer gascon appelé Le Bourt de Caumont, fils naturel du seigneur de Caumont, dire que les Gascons étaient meilleurs hommes d'armes que les Bretons, paroles auxquelles lui, de Launay, donna un démenti. Caumont, furieux, l'appela en duel en jetant ses gantelets par terre. De Launay, à son tour, jeta son bonnet devant Thomas de Perthuys, sénéchal du Poitou, qui permit le combat. De Launay ajoute, qu'après avoir invoqué Charles de Blois, il tua son adversaire.

En 1377, pendant que Sylvestre Budes, célèbre capitaine breton, devenu gonfalonnier de l'Eglise romaine, occupait avec ses compagnies bretonnes une partie de la ville de Rome, un combat singulier eut lieu entre dix Bretons et dix Allemands. Voici à quelle occasion. Un Allemand avait annoncé dans une compagnie que la ligue valait beaucoup mieux que l'Eglise. Yvon de Trémigon, gentilhomme breton, qui était présent, lui répondit hardiment qu'il avait menti, et qu'il le lui prouverait par son corps. Ce différend devint bientôt public et mit en mouvement les Bretons et les Allemands qui étaient à Rome. Pour éviter une plus grande effusion de sang, on convint que dix Bretons se battraient contre dix Allemands. Les Bretons qui furent choisis pour soutenir l'honneur de leur nation furent : Yvon de Trémigon, Hamon de Treffily, Bourdat, Cavaleric, Lochrist, le Carrias, Jacques le Noir, le sire de Talvern, Chiquet et Hervé de Kerouartz. La victoire se déclara pour les Bretons ; cinq Allemands furent tués et les autres sortirent de la lice dans un état pitoyable. Cette journée fit beaucoup d'honneur aux Bretons, et donna un grand relief au parti de l'Eglise qu'ils soutenaient [Note : D. Morice, Histoire de Bretagne et Preuves, T. I].

Un trouvère de Quimper, Guillaume de Perenno, chevalier, cite le nom de ces vainqueurs dans un poème qu'il composa à Avignon en 1390, sur les gestes des Bretons en Italie. Les noms de Bourdat, Cavaleric, Carias et Chiquet nous sont inconnus ; les autres appartiennent à d'anciennes maisons de Bretagne. Yvon de Trémigon était chevalier dès l'an 1370, ainsi que nous l'apprend une montre reçue à Caen le 16 novembre de la même année, et dans laquelle il figure avec 28 écuyers et 15 archers de sa compagnie.

Sous le règne de Charles VII, en 1402, sept chevaliers anglais très-renommés pour leur valeur, se trouvant en Guyenne, envoyèrent des hérauts d'armes par toute la France, pour publier un défi contre pareil nombre de chevaliers français, offrant de se battre contre eux à outrance et pour l'amour de leurs maîtresses, avec la lance et la hache d'armes. Les noms des Anglais sont les seigneurs de l'Escale, Aymon Cloyet, Jean Héron, Richard Witeaale, Jean Fleury et Thomas Trays. Plusieurs Français se présentèrent aussitôt : ce furent Arnaud Guillen, sr. de Barbazan, Archambaud de Villars, Collinet de Brabant, Carouis, Champagne, Guillaume du Chastel et Guillaume Bataille, ces deux derniers Bretons.

Tous ensemble, après avoir obtenu du roi et du duc de Bourgogne la permission de combattre les Anglais, partirent de Paris pour se rendre au château de Montendre, près duquel le combat devait avoir lieu le 19 mai suivant.

L'avantage fut du côté des Français, qui déconfirent les Anglais. Le seigneur de l'Escalle ou de Scalle [Note : Il appartenait à la maison de Talbot], leur chef, fut tué, et les autres furent blessés et obligés de se rendre à discrétion.

Octavien de Saint-Gelais, évêque d'Angoulême, en parle ainsi dans le joli livre en prose et en vers composé par lui et intitulé : le Séjour de l'Honneur.

Après je vis sept nobles preux français

Armés à blanc, ayant au poing la hache,

Qui déconfirent sept arrogants Anglais,

Où pas un d'eux si ne se montra lâche,

Car si très-bien firent sans s'épargner

Qu'assez Montendre ne le peut témoigner ;

Château cogneu où fut l'emprise faite

Et des Anglais honteuse la défaite.

(Voir Théâtre d'Honneur et de Chevalerie, par W. de la Colombière).

Le même Guillaume Bataille fut encore le héros d'un duel qu'il soutint contre un Anglais, messire Jean de Carmien, en 1409. Ce combat eut lieu à Paris, derrière Saint-Martin-des-Champs, en présence du roi, des ducs de Berry, de Bourbon et de Bourgogne. La cause du duel fut que l'un avait accusé l'autre de foi mentie. Quand Montejoie, le roi d'armes, après avoir fait les cris et les défenses accoutumés, eut crié par trois fois qu'ils eussent à faire leur devoir, messire Guillaume Bataille, qui était appelant, sortit le premier de son pavillon et marcha fièrement contre son adversaire, qui, de son côté, s'avança résolument contre lui. Après s'être porté quelques coups de lance sans résultat, ils en vinrent aux épées, mais l'Anglais ayant été blessé, le roi fit cesser le combat, et ils furent ramenés honorablement à leurs hôtels.

Guillaume Bataille était sénéchal d'Angoulême. Tous les historiens le représentent comme un des plus vaillants capitaines bretons du XVème siècle.

Guillaume du Chastel, qui prit part au combat des sept gentilshommes français contre autant d'anglais, fut tué en 1404, dans un combat livré près de Yarmouth aux Anglais. Il était frère du fameux Tanneguy du Chastel, prévôt de Paris, qui, pour venger sa mort, rassembla quatre cents gentilshommes, équipa une flotte, prit la ville de Yarmouth et la réduisit en cendres.

Le XVème siècle offre une recrudescence incroyable de chevalerie errante. Semblable à une lampe prête à s'éteindre, la chevalerie brillait de son dernier éclat. Les routes étaient pleines de chevaliers français, anglais, espagnols et portugais, munis de sauf-conduits, et qui se rendaient dans des lieux fixés à l'avance pour se battre à outrance contre tous venants, pourvu qu'ils fussent gentilshommes de nom et d'armes.

Ainsi en 1414, vingt seigneurs portugais d'une naissance illustre, vinrent en France dans un pompeux équipage, prier le roi de France de leur permettre de s'éprouver contre autant de Français, à toutes sortes d'armes, soit en duel d'un contre un, soit en nombre égal, à condition que le vainqueur eût le droit de tuer le vaincu, s'il ne se rendait pas à rançon ; ils dirent l'avoir ainsi juré entre eux, et quoique les plus sages jugeassent qu'il y avait d'autant plus de cruauté en ce défi, que c'était fomenter une inimitié gratuite entre des gens qui n'avaient aucun sujet de haine, il ne fut pas possible de les en détourner, et il fut aussi bien difficile au roi de refuser à des Français la permission d'accomplir un défi dans lequel il s'agissait de l'honneur de la nation, contre des gens dont il fallait rabattre l'orgueil, et qui se vanteraient éternellement de leur avoir fait peur. Il leur échappa même fort galamment de dire au roi, que l'honneur de la France était si cher à ses enfants, que si le diable lui-même sortait de l'enfer pour un défi de valeur, il se trouverait des gens pour le combattre. Quelque expérience à toutes sortes d'armes et quelque valeur que montrassent les Portugais, l'avantage demeura aux Français [Note : Mémoires sur l'ancienne Chevalerie, par Lacurne de Sainte-Palaye. — Monstrelet].

Vers l'an 1404, Tanneguy du Chastel, chevalier breton, dont nous avons parlé précédemment et qui fut prévôt de Paris, accompagné du sénéchal de Hainaut et de deux autres chevaliers, passa en Aragon, pour se battre contre des chevaliers aragonais. Ce sénéchal du Hainaut était Jean de Varechin, chevalier, qui prend ces qualités dans un cartel , qu'il envoya en 1402, en France, en Navarre, en Castille, en Aragon, en Catalogne et dans le royaume de Valence, offrant de se battre contre tous venants, pourvu qu'ils fussent gentilshommes de nom et d'armes.

« Ce fut de ce même temps, ou peu auparavant, rapporte d'Argentré, que Messire Tanneguy du Chastel, accompagné du sénéchal de Hainaut et de deux autres chevaliers, entreprindrent de combattre quatre contre quatre, au royaume d'Aragon, devant le roi, à l'encontre de Toulemach, Aragonais. Et à cette fin partirent du royaume de France exprès, se transportèrent en Aragon et appelèrent Toulemach devant le roy, qui leur donna champ, auquel ils entrèrent et combattirent vaillamment en la présence du roy, des princes et seigneurs du pays, mais comme ils entrèrent à s'enfoncer les uns les autres, et ayant apparence que les Aragonais n'eussent pas de meilleur, le roy descendit de son siège, qui estoit sur un grand échafaud, priant avec instance le sénéchal de Hainaut et Toulmach de remettre leur différend sur luy et son conseil, lui promettant de faire tant, qu'ils seraient contents. Le sénéchal mist le genoil à terre et pria très humblement le roy de luy vouloir permettre et à ses compagnons de parfaire leurs armes, luy remonstrant qu'à cette fin ils étaient venus de loingtain pays et à grands frais. Le roy persista de les presser de remettre leur différend sur luy, ce qu'ils firent avec grande peine, et ayant ce fait, il les sépara et travailla tant par le temps de quatre jours, que finalement il les accorda, et finalement s'en retournèrent lesdits sénéchal de Hainaut et du Chastel et autres en France ; mais l'occasion de leur querelle ne s'escrit point ».

Les rois, autant que cela leur était possible, s'opposaient à cette fureur de duels qui s'était emparée de la noblesse, et qui la décimait sans profit pour l'État. Un grand seigneur anglais, beau-frère du roi d'Angleterre, nommé Jean de Cornouailles, étant venu en France en 1411, pour se battre contre le sénéchal du Hainaut, sans autre motif que celui de montrer sa valeur, ne put obtenir du roi la permission de combattre. Le roi même, à cette occasion, fit une ordonnance, qui interdisait tout combat singulier sans cause raisonnable, et sans qu'il eût été permis par lui, après avoir pris l'avis de son parlement.

Ce Jean de Cornouailles était venu en France dans un magnifique équipage. Il était suivi de six pages somptueusement vêtus, montés sur des coursiers caparaçonnés de drap d'or. Sa lance et ses armes étaient portées par de grands seigneurs. Tanneguy du Chastel, ne pouvant se battre en France à cause de la défense du roi, passa en 1412 en Angleterre pour y combattre Jean de Cornouailles. Il y fut suivi par un écuyer breton nommé Jean de Kernéan, qui de son côté désirait se mesurer avec un chevalier anglais, nommé Richard d'Arundel. Ils obtinrent du roi d'Angleterre des saufs-conduits dont nous rapporterons la teneur, parce qu'ils font connaître les usages et les mœurs de cette époque (Voir Histoire de Bretagne et Preuves de Dom Morice).

Sauf-conduit pour Tanneguy du Chastel.

« Le Roy à toulz noz admiralx, capiteins, chastelleins, et à lour lientenantz, custumers, gardeins des portes de meer, viscontz, mairs, baillifs, constables et à toutz noz autres ministres et foialx, si bien deinz notre Roialms d'Engleterre, come en nos marches de Picardie et aillours, tant par terre come par meer, as queux cestes présentes lettres viendronts saluts. Come à ce que nous fûmes infourmés Thenneguy du Chastell, chivaler, ad entention et volunté de vernir en nostre Roiaulme pour combattre en notre présence, à l'encontre nostre bien amé chivaler, Jean de Cornowaille ; nous, cestes choses considérez, avons granté et grantons nostre seure et sauf-conduit audit Thenneguy et cent persones en sa compaignie... Don soubz nostre grand sceal à nostre paloys de Weestm. Le 14 jour d'averiil 1412 ».

Un sauf-conduit semblable fut délivré à Jean Kernéan, écuyer, qui voulait combattre Richard d'Arundel. Nous ignorons quel fut le résultat de leur voyage.

En 1414, un gentilhomme breton, nommé Guillaume de la Haye, se battit en combat singulier avec un seigneur portugais, en présence du roi, de toute sa cour et d'un grand nombre de seigneurs de France et d'Angleterre. Le combat eut lieu avec toutes les cérémonies accoutumées. Les champions s'avancèrent l'un contre l'autre et rompirent leurs piques au jet qu'on nomme pous de la lance, car au quinzième siècle, la plupart des combats singuliers avaient lieu à pied. Ils en vinrent ensuite aux haches. Le Portugais assaillait toujours le Breton, qui ne faisait que parer les coups, ce dont s'émerveillaient les assistants. Au bout de quelque temps, le Portugais fatigué leva sa visière, demanda une trêve de quelques instants, et pria La Haye de lever sa visière, ce qu'il fit ; mais le Portugais, après quelques instants de combat, ayant voulu une seconde fois se reposer, et ayant de nouveau engagé le gentilhomme breton à lever sa visière, celui-ci ne voulut pas y consentir ; mais, assaillant vigoureusement son adversaire à son tour, il lui porta la pointe de sa hache au visage, ce qui obligea le Portugais à reculer, et comme La Haye le poussait si violemment, qu'on craignait qu'il ne le blessât grièvement, on cria par trois fois : Ho ! ho ! ho ! pour les séparer, heureusement pour le Portugais qui était hors d'haleine, et qui ne pouvait plus résister. Ils furent par commandement du roi également honorés, quoique la Haye eût obtenu l'avantage (Voir Théâtre d'honneur et de chevalerie, par W. de la Colombière). Il existe en Bretagne beaucoup de familles de ce nom.

En 1431, rapporte d'Argentré, eut lieu un combat singulier entre Hervé de Cargadiou (Kergadiou), Breton, et Thomas Mathieu, Anglais, devant messire Jacques de Dinan, sr. de Beaumanoir, à Sablé, au pays da Maine, et fut ledit Cargadiou vaincu. Il ne faut pas confondre la famille de Kergadiou avec celle de Kergariou, à laquelle M. de la Grasserie, dans son Armorial de Bretagne attribue l'un des champions de ce combat en champ clos ; sans doute par erreur, car son récit nous paraît emprunté à d'Argentré.

Hervé de Mériadec, gentilhomme breton, se distingua en 1446, en Écosse, dans un combat singulier. Ce seigneur, qui avait pris du service à la cour du duc de Bourgogne, porta l'étendard de ce prince à la bataille de Rupelmonde, en 1451. Le duc de Bretagne créa en 1454, Hervé de Mériadec chevalier de l'Hermine.

Olivier de la Marche appelle, dans ses Chroniques, Hervé de Mériadec un escuyer breton, moult bon corps, sage et adextré aux armes. Voici comment il raconte les faits d'armes, en Écosse, de Jacques de Lalain, seigneur bourguignon, et d'Hervé de Mériadec : « Quand messire Jacques de Lalain veit qu'il ne trouverait plus à besoigner par de là, il s'en revinst et trouva le duc de Bourgogne à sa ville d'Isle, qui le receut moult liement et de grand cueur. Mais il ne tarda guère qu'il prit congé du duc, et par mer se tira au royaume d'Écosse. Et l'accompagna messire Simon de Lalain, son oncle, et Hervé de Mériadec et plusieurs gens de bien. Et à ce que j'entendy, messire Jacques de Douglas, frère du comte de Douglas, et ledict messire Jacques de Lalain avaient anciennement assenti du vouloir l'un de l'autre, et se quéroyent et requeroyent l'un l'autre pour s'entre rencontrer : et tant fist ledict messire Douglas que la bataille fut accordée entre lui et messire Jacques de Lalain. Mais la matière creut et multipla tellement, qu'une bataille à outrance fut conclue, de trois nobles hommes escossais à l'encontre de messire Simon de Lalain, de messire Jacques de Lalain, et de Hervé de Mériadec, et ce devaient faire icelles armes à une fois devant le Roy d'Écoce. Et quand vint le jour de la bataille, le Roi les receut en lices closes moult honorablement, et combien que je ne veisse point icelles armes, si m'est-il force de ramentevoir aucunes cérémonies qui là advinrent, pour exemple au temps à venir.

Car il y eut trois choses mémorables dans la bataille, qui fut moult fièrement combattue d'un costé et d'autre. La première fut que quand les trois de l'hostel du duc de Bourgogne furent armés, chacun sa cotte d'armes en son dos, et prêts pour partir, et pour entrer en la bataille, messire Jacques de Lalain parla à messire Simon de Lalain, son oncle, et à Mériadec, et leur dit : " Messieurs et mes frères, en ceste belle journée vous savez que c'est à mon emprise que sommes venus en ce royaume, et que de pieça a esté la bataille accordée à messire Jacques de Douglas, et combien que chacun de nous peut aider à son compaignon, je vous prie et requier que, pour chose qui aujourd'hui m'advienne, nul de vous ne s'entremette de me secourir : car il semblerait qu'eussiez passé la mer, et que fussiez entrez en ceste bataille seulement pour moy aider, et que vous ne me teinssiez ou cognussiez pas homme pour soutenir l'assaut et la bataille d'un seul chevalier : et on tiendrait chacun moins compte de moy et de ma chevalerie ". Sur ceste requeste saillirent de leurs pavillons les champions armés et embatonnés de haches, de lances, d'épées et de dagues : et pouvaient des lances getter et pousser chacun à son choix.

Les deux messieurs Jacques de Douglas et de Lalain estaient au milieu pour eux entre rencontrer, ce qu'ils feirent ; et à la main dextre estait messire Simon de Lalain, qui devait rencontrer à l'encontre d'un escuyer escoçais, et Mériadec à l'encontre d'un chevalier moult puissant homme et renommé ; mais ils se trouvèrent au rebours, tellement que le chevalier était à l'endroit de messire Simon ; et alors Mériadec (qui désirait d'aborder à celui à qui il estait sorti sans avoir regard à la force ni à la renommée d'iceluy) traversa pour soy venir mettre devant ledict messire Simon, à l'encontre de son homme. Mais le bon chevalier froidement et assurément se retourna devant Mériadec, et lui dit : Frère, chacun se tienne à ce qu'il rencontre, et je feray bien, si Dieu plaist. Et se rendit ledict Mériadec devant son homme ; et est la seconde chose que je désiraye à rementevoir.

Les champions se mirent à marcher les uns contre les autres, et pour ce que les trois du parti de Bourgogne doutèrent que la place ne fust fort empeschée de tant de de lances, tous trois à une fois gettèrent leurs lances derrière eux (qui est la troisième cause de mon récit) et prirent les haches et coururent sus aux Escoçois, qui venoient de poux de lance ; mais rien n'y profitèrent, et combien que tous combattissent à une fois, si ne puis je parler des adventures que de l'un après l'autre.

Les deux messieurs Jacques de Douglas et de Lalain abordèrent l'un à l'autre, et tellement s'approchèrent et se pressèrent de si près, que de tous leurs bâtons n'en demeura nuls, n'a l'un n'a l'autre, fors une dague que tenoit l'Escoçois, et ledit messire Jacques de Lalain le tenoit par le bras près de la main dont il tenoit ladite dague, de si court que l'escoçois ne se pouvoit aider de sa dague, et le tenoit de l'autre main par-dessous les aisselles, tellement qu'ils se tournoyoient l'un l'autre parmi la lice à force de bras : et dura longuement. Messire Simon de Lalain et le chevalier escoçois étoient deux puissants chevaliers, et n'estoient tous deux guères duits de soubtiveté de jeu de hache : et comme deux chevaliers vaillants et hardis se queroyoient l'un l'autre, et se trouvoyent si souvent qu'en peu d'heures ils empirèrent les visières de leurs bassinets, et leurs battons et leurs harnois, des coups qu'ils avoient donnés et receus, et perdoient peu de terre l'un sur l'autre.

De l'autre part aborda Hervé de Mériadec et vint l'Escoçois pour atteindre ledict de Mériadec de poux de lance ; mais Mériadec détourna le coup de la queue de sa hache, tellement que la lance cheut à l'Escoçois hors de ses mains, et le poursuivit Mériadec se asprement qu'avant que l'Escoçois eust détroussé sa hache, il entra dedans luy, et d'une attrappe le porta par terre : et démarcha ledict de Mériadec pour laisser relever l'Escoçois qui fut viste, léger et de grand courage, et se leva vistement, et courut sus audict de Mériadec pour la seconde fois : et Mériadec (qui fust homme et l'un des à redouter escuyers de son temps, de force et de légèreté, froid et adextre en armes et en luitte) receut l'Escoçois froidement et de grant aguet, et tost après fist une entrée sur l'Escoçois ; et de ceste entrée lui donna un si grand coup de hache, qu'il le porta par terre, et prestement se cuida l'Escoçois relever. Mais Mériadec lui donna de la palme et du genouil contre le derrière, et derechef le fit choir à bouchon contre le sablon : et nonobstant la requeste que luy eust faicte messire Jacques de Lalain ledict Mériadec voyant la luitte des deux chevaliers, marcha pour aider ledict messire Jacques ; mais le Roy d'Escoce getta son batton et furent départis ledict Mériadec franc en sa bataille, pour secourir ses compagnons à son plaisir. Or combien que ce soit contre mon ordre commencé, et que j'écris cette bataille sans l'avoir personnellement veue, je l'écris maintenant à la vérité par le rapport de l'Escoçois, et de ceux de notre parti, et si le puis ramentevoir sans méprendre, car je vis charger audict messire Jacques de Lalain, l'emprise dont cette belle adventure et autres sont advenues ».

Georges Chatelain, dans sa chronique de Jacques de Lalain, raconte de la même manière le combat de l'Écossais avec Hervé de Mériadec, qu'il appelle un vaillant et noble écuyer breton.

Nous terminerons ce chapitre par le récit d'un combat singulier qui eut lieu en 1497 entre un chevalier breton, nommé Jacques de Romelin, sr. de la Lande, dit le petit capitaine la Lande, et un seigneur milanais, homme d'armes renommé, appelé Hiacinto Simonetta. Jacques de Romelin, sr. de la Lande, faisait partie, en 1498, des gentilshommes, hommes d'armes de la garde de la duchesse Anne de Bretagne, reine de France.

M. Mellinet, dans son Histoire de la commune et de la milice de Nantes, fait raconter ce duel d'une manière très-pittoresque par une dame de la cour, qui en aurait été témoin ; mais comme, suivant son habitude, il n'indique point la source dont il a tiré ce récit, nous le passerons sous silence et donnerons celui de l'historien breton d'Argentré, qui s'appuie sur des faits certains.

« Je ne dois par raison oublier, dit-il, le remarquable fait d'armes exécuté en ce temps par un vaillant capitaine breton en Italie, et de tant moins l'obmettre qu'on a cuidé dérober l'honneur de cette vaillance au pays de Bretagne, disant maître Arnoul Ferron, conseiller de Bordeaux, qui escrivit l'histoire des faits de Charles huitième, que celui qui l'exploita étoit de Bordeaux, chose bien fausse, comme presque tout le reste qu'il escrivit sur cela, et il se vérifiera par bon témoignage.  Ce fait fut ainsi : Le roi Charles huitième, retournant de Naples, en l'an mil quatre cent quatre-vingt-quinze, du commencement de l'an, laissa messire Jean-Jacques Trévoux (Trivulzio ou Trivulce), son lieutenant, en l'Artesan et pays circonvoisin, pour faire teste au duc Ludovic de Milan. Il advint que, faisant la guerre, un chevalier de Bretagne, gentilhomme, nommé Jacques de  Romelin, appelé entre les gens de guerre le petit capitaine la Lande, à cause qu'il estoit puîné de la maison de la Lande, près de Rennes, et lieutenant de la compagnie du sénéchal d'Armagnac, rencontrant à la campagne, combattit et print prisonnier un capitaine milanais, appelé messer Hyacinthe Simonetta, homme vaillant de sa personne et fort estimé entre les premiers hommes de guerre du pays milanais, et l'emmena en Ast, où il fust quelque temps, puis ayant payé sa rançon, il se retira. Comme il se veid en liberté, il fist plaincte de la Lande, auquel finalement envoya ledict Simonetta un cartel de combat : lequel, en ayant communiqué à messire Jean-Jacques de Trévoux (Trivulce), accepta le combat, qui fut accordé, tant par Lucio Malvetio, lieutenant du duc de Milan, que par ledit de Trévoux, pour être faict en la ville d'Anon, située entre Milan et est vis-à-vis de Garesso, sur la rivière de Tanare, à cinq mil dudit Ast, duquel combat ayant recouvert le minu et particularitez par le procès-verbal et attestation qui en fut faict, et signé de ce tant fameux capitaine Trivulce, entre les mains des parents dudict de la Lande, en forme véritable, ie l'ay voulu icy insérer pour convaincre la vanité des écrivains, quoyqu'ils fussent hommes de qualité, ayant pris les choses pour les avoir ouy dire, contre le vray toutesfois. La teneur est : Jean-Jacques Trévoux [Note : Giacomo Trivulzio ou Trivulce, depuis maréchal de France], comte de Pezenas, baron du chasteau du Loir, chevalier de l'ordre, chambellan et lieutenant-général du roy nostre sire ès pays d'Italie, à tous ceux qui ces présentes lettres verront salut et dilection.

Sçavoir faisons comme il soit ainsi que l'année passée pour les guerres et divisions qui ont esté entre le Roy nostre Sire, et le seigneur Ludovic, duc de Milan, un certain jour monsieur Jacques de Romelin, sieur de la Lande, lieutenant de la compagnie de monsieur le sénéchal d'Armignac, estant à celle heure en garnison en ceste ville d'Ast, eut pris un nommé monsieur Hyacinthe Simonetta escuyer citoyen de Milan sur le camp tenant le party contraire du Roy, nostre Sire, comme prisonnier de bonne guerre, et l'eust tenu en ceste ville et bien traicté, et après que ledit Hyacinthe eut faict sa rançon de la somme de sept cent cinquante escus au soleil, et qu'il fut retourné audit Milan, ledit Hyacinthe a voulu dire que ledit seigneur de la Lande a dit aucunes paroles de luy, sur quoy il portoit sa querelle à l'encontre dudit la Lande, et après grand procès de lettres escrites d'un costé et d'autre, lesdits de la Lande et Hyacinthe ont ordonné de combattre ladite querelle à cheval en armes dont sur ce ont été faits plusieurs chapitres annexés à ces présentes, lesquelles par nous d'un costé, et le seigneur Lucio Malvetio, lieutenant dudit duc de Milan du consentement desdits Hyacinthe et la Lande ont été accordés moyennant aussi que le camp dudit combat serait entre les finages d'Ast et de la ville d'Anon ; et après ce, désirant ledit la Lande venir au poinct dudit combat, il nous a requis envoyer quatre gentilshommes français en ostages audit sieur lieutenant du duché, pour observer de nostre costé ce qu'avons promis par ledit chapitre, ce que volontiers lui avons accordé, et avons envoyé audit seigneur lieutenant de Milan, lesdicts quatre gentilshommes : c'est à sçavoir, Gilles de la Chasse , homme d'armes de la compagnie de monsieur d'Orléans, Antoine de Gaupannes, homme d'armes de la compagnie de monsieur de Sandricourt, le Noble, homme d'armes de la compagnie de monsieur d'Asparraut, Raymonnet de Verrières, homme d'armes de la compagnie de monsieur le sénéchal d'Armignac, lesquels, deux heures devant le combat susdit, luy avons fait présenter en la ville d'Anon par maistre Constant Ferrier, secrétaire de Monseigneur d'Orléans, ainsi qu'il apert par la certification dudit lieutenant. et venant l'heure ordonnée audit combat, ledit la Lande à cheval et en armes s'est présenté tout habillé de blanc [Note : C'est-à-dire armé à blanc, ou de toutes pièces] sur le lieu du combat où il avait fait tendre deux pavillons, et depuis après ledit Hyacinthe de l'autre costé en la présence dudit lieutenant de Milan, et après plusieurs paroles rapportées d'un costé et d'autre tant pour le différent des lances, que pour les rondelles [Note : Espèce de petits boucliers garantissant la main, dont était armée la lance] ; et sur ce que ledit Hyacinthe vouloit qu'un chacun se chargeast de lances de soy-mesme, ce que ledit la Lande a tout bien consenty audit Hyacinthe, afin qu'il n'eust cause de refuser ledit combat ; et ce fait, ledit la Lande premièrement d'un costé, et ledit Hyacinthe de l'autre, après l'entrée du camp en armes comme dessus, se sont assaillis de leurs lances courant l'un contre l'autre, et depuis de masse ledit la Lande ayant blessé ledit Simonette sur le visage, et plusieurs coups baillez d'un costé et d'autre, ledit Hyacinthe a été contraint de descendre de cheval, et en descendant est cheut, et ne pouvant se lever de terre, à cause que ledit la Lande le pressait : dont ledit Hyacinthe voyant qu'il estoit mort, s'il ne se rendoit audit la Lande, s'est rendu et a commencé à dire à haute voix : ie me rends, en jettant les gantelets en signe qu'il se rendoit, dont ledit la Lande retira son cheval. Après ce, les huit gentilshommes, c'est à sçavoir le comte de Musoco nostre fils, et le capitaine Alphonse de Dissipat, le baron de Biere, lieutenant en la compagnie de monsieur de Foix, le seigneur Griffy, lieutenant en la compagnie de monsieur de Miollans, députez de nostre costé, et les seigneurs marquis Arigal, Francesco Nigio, députez par l'adverse partie, sont incontinent allez où estoit ledit Hyacinthe, et l'ont relevé de terre, et porté dedans le pavillon que ledit Hyacinthe avoit fait tendre au bout dudit camp, dont en avons fait sonner trompettes, et y avoit grand peuple présent d'un costé et d'autre, et autres étrangers tant de Montferrat que d'autres, et celuy comte de nostre costé criant à haute voix : France, France, et faisant grande joye ; auquel sieur de la Lande après ce, avons fait rendre et restituer les sept cent cinquante escus déposez par ledit Hyacinthe ès mains du capitaine Cottin nommé ès dicts chapitres. Et pource qu'audictes choses de poinct en poinct, comme dessus sommes estés présents, certifions à tous ceux que ces présentes lettres verront, la vérité dudit combat estre comme dessus, et que ledict la Lande par sa hardiesse preud'hommie et vaillantise a été vainqueur dudit Hyacinthe, comme dessus ; ayant la garde dudit camp monsieur de Chandee, et le sieur de Harcourt, commis en la compagnie de monsieur d'Orléans. Et en témoin de ce, avons scellé les présentes de nostre main, et fait sceller de nostre scel. Donné en la ville d'Ast ce dixhuitième jour de mars, l'an de grâce MCCCCXCVII, avant Pasques. Ainsi signé en l'original IOANNES IACOBUS TRIVVLTIUS : et sur le reply, par monsieur le lieutenant C. Ferrier, et scellé en cire rouge ».

Tels sont les mots formels du procès-verbal, avec le seing et scel dudict sieur de Trevoux, qui me fait, continue toujours d'Argentré, esmerveiller que Ferron ayt osé dire que ce gentilhomme fut Bordelois et de qualité bourgeoise, car il estoit véritablement Breton, et sa maison et parents sont près de la ville de Rennes, presque aux fauxbourgs, qui encore gardent ceste attestation, comme aussi peu est véritable que le Roy fast présent ; car cecy se date de l'an mille quatre cent quatre vingt dix sept. Et le Roy estoit en France retourné dès l'an mil quatre cent quatre vingt quinze, ny le combattu n'avait nom Zerbulo, Gennevois, comme l'appelle ledit Ferron, et fut le combat à cheval, duquel faict aussi mention Symphorian Champier, médecin, en la vie de Charles huictième qu'il escrivit, s'émerveillant comme Sabellic s'estant meslé d'escrire les affaires d'Italie, avait célé un si vaillant acte, pour ne vouloir en cela honourer la nation française ; en mémoire duquel il dist qu'il fut planté une colonne au lieu du combat. Et parce que l'on voit raporté par ladite attestation, que Simonetta fut blessé au visage, en sorte qu'il fut contraint de descendre, et qu'il tomba sans pouvoir estre relevé, estant pressé par ledit la Lande. Je ne veux pas passer que de cela mesme parle André Alciat, très fameux docteur des loix, Milanois, qui estoit pour lors lisant le droit civil à Milan, en un livre qu'il a fait de Duello, auquel escrivant des combats singuliers, et de la forme de s'en ayder, dit qu'il n'est pas bon à un homme d'armes, venant au combat, d'estre trop serré dans son harnois, ne avoir les pièces trop justes, ayant esté pour tel inconvénient ledit Hyacinthe Simonetta vaincu et surmonté, parlant de ce même combat, que l'on fit fort résonner en Italie et en Lombardie, tant pour la vaillance des parties que pour la renommée des Simonettes, qui estoit une bonne maison de gentilshommes de Milan, et vola fort loing la réputation de ce faict et des Français : car Hyacinthe avait aquis un très grand bruit par les armes, mais il le perdit là. Et estoit homme grand, bien formé et fort, et au contraire la Lande fort petit homme. Alciat raporte ce combat faict avec le capitaine Bayard, disant que ce fust un présage de la fortune mauvaise du duc Ludovic Sforce de Milan ; car tost après il fut pris prisonnier, et perdit son estat, en quoy il se trompe, le vray est qu'il en fut fait un par ledit capitaine Bayard, lequel combattit pour semblable cause et vainquit un grand Espagnol appelé Dom Alphonse de Sottomaiore : mais ce docteur a pris l'un pour l'autre, et sont raportés par ledit Symphorian les cartels de ce combat avec Sottomaiore, lequel fut en l'an mil cinq cent trois, qui sont six ans après le précédent (A. de Couffon de Kerdellech).

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