|
Bienvenue ! |
LES COSTUMES BRETONS |
Les costumes bretons, dans leur bigarrure et leur variété, tant pour les couleurs que pour la forme, semblent néanmoins se rattacher presque tous à cinq types bien tranchés, par des variations et nuances souvent imperceptibles d'une paroisse à une autre, mais qui se modifient graduellement à mesure qu'ils s'éloignent du centre classique, et finissent par produire des sous-variétés bien distinctes.
1.° Ces types sont le costume de l'Armorique cornouaillaise, dit Kiz ar Glasiket.
2.° Celui des Morbihannais bretonnants, dit Kiz Gwenet.
3.° Des Cornouaillais de la montagne, dit Kiz Kerné.
4.° Le costume des Léonards, dit Kiz Leon.
5.° Enfin celui des Trégorrois, dit Kiz Treger.
Il faut y ajouter quelques costumes locaux qui n'offrent que peu ou point de rapprochement avec les types primitifs.
Reportons-nous par les souvenirs au commencement de ce siècle, époque où nous avons pu observer bien des specimens que l'on ne retrouve plus. — Alors le pantalon à la matelote et la coiffure à la Titus n'étaient adoptés que par les pécheurs, les mariniers, calfats et ouvriers des ports. Alors le cultivateur conservait sa longue chevelure et se chaussait de la culotte locale. Et certes la collection de costumes bretons, que l'on eût pu faire il y a quarante ans, aurait été plus curieuse et plus complète que celle que l'on pourrait faire aujourd'hui.
1.° Le costume des Glaziks, ainsi nommés parce que le drap de leur veste de dessus, tant pour les hommes que pour les femmes, est bleu un peu plus foncé que le bleu de ciel ; ce type avec ses variétés règne depuis Telgruc, le long de la côte de l'Océan, sauf quelques exceptions, jusqu'à la rivière de Quimperlé, et s'étend vers l'intérieur jusqu'à Briec, Elliant et Bannalec... Nous regarderons comme type l'ajusté des dimanches et fêtes, parce que les vêtements de noce et de solennités extraordinaires sont toutà-fait hors ligne. Par exemple, les Glaziks , hommes et femmes, voués habituellement au bleu, arborent pour se marier les couleurs les plus éclatantes.
La culotte large, à plis très-serrés, la guêtre de cuir boutonnée jusqu'à la cheville à partir du mollet, sont de rigueur. Le dimanche, cet antique bragou-bras ou bragou-ridet est de bure foncée, ou mieux de drap noir. La veste de dessus, très-courte, en drap bleu, piquée, est trop étroite pour fermer par devant ; elle laisse voir deux, trois et quatre vestes de dessous descendant par étages : la dernière, entièrement fermée, se termine au genou, et les franges qui la garnissent laissent à peine voir les derniers plis du bragou-bras. Cette veste n'est autre chose qu'un souvenir de la cote d'armes ou jupe d'armes de nos anciens preux.
Joignez-y le large ceinturon avec sa boucle en cuivre, et les broderies éclatantes du hausse-col, enfin la forme circulaire des emmanchures de la soubreveste, le chapeau à cuve ronde et bords très-étroits, vous aurez complété l'habillement du Glazik, et vous lui assignerez probablement une origine toute militaire, et sans doute une très-haute antiquité... On doit ajouter, pour en finir avec les Glaziks, qu'ils ont toujours porté leur chevelure telle qu'elle se donnait la peine de pousser.
S'il est difficile de suivre les nuances fugitives du costume des hommes, à quelque type principal qu'elles se rattachent, l'ajusté des femmes n'offre pas moins de difficultés ; chez les Glaziks on remarque néanmoins généralement la soubreveste ou pierrot bleu, avec un ou deux gilets de drap échancrés en rond ou en coeur et toujours brodés et galonnés. Elles portent rarement de fichus.
Leur chemise se termine par une guimpe, ou fraise, ou collerette, selon la localité. La coiffe est à barbes larges qui se relèvent ordinairement sur la tête : mais quand les femmes se marient, qu'elles vont faire leurs pâques, ou assistent à un enterrement, le decorum exige que les barbes pendent verticalement sur la poitrine. Cette règle est sans exception. Les femmes de Penmarc'h, Loctudy et lieux circonvoisins, quoique comprises dans la circonscription des Glaziks, en ce qui regarde les hommes, portent une coiffure exceptionnelle, qu'on appelle bigouden ; c'est un petit bonnet tout-à-fait disgracieux ; elles l'ont sans doute adopté, ainsi que leurs gilets d'hommes boutonnés jusqu'au col, pour ne pas donner de prise au vent. Les environs de Quimper présentent encore une grande variété de coiffes à barbes fort petites ou même sans barbes, dont la différence principale tient au fond, qui se termine soit par une plaque de forme ronde, ovale, carrée ou triangulaire, soit par une pointe droite comme un fuseau, ou par une pointe recourbée en forme de soulier chinois. Il ne faut pas oublier la coiffe qui imite parfaitement un toit de mansarde. On la rencontre souvent au marché de Quimper ainsi que les coiffures bleu-ciel et jaune-saffran , signe de deuil, dit-on.
2.° Le costume du Morbihannais bretonnant, Kiz Gwenet, trouve ici sa place à cause de la forme du haut-de-chausse à plis serrés ; la veste a la taille fort courte descendant à peine sous les omoplates, d'où des ourlets saillants se dirigent vers le bas des basques formant des triangles allongés et imitant un peu des plaques métalliques ; tandis que les galons noirs qui dessinent la nuque et ceux qui simulent des hausse-cols sur le gilet semblent un souvenir des antiques armures. Le ceinturon de cuir est un appendice indispensable de la toilette du Breton morbihannais, ainsi que la guêtre brodée sur le gras de jambe. Le blanc est la couleur le plus généralement adoptée dans le Morbihan central jusqu'au pays Gallo. Là le cultivateur porte un habit carré à larges basques et de couleur foncée, quelquefois même à basques traînantes jusqu'aux talons. Les anciens avaient encore dernièrement conservé le bragou-bras et la guêtre avec couvre-pied. Les coiffes du Morbihan sont de diverses formes, mais généralement de petites dimensions. Les femmes ne font point taille, leurs jupes et tabliers sont absolument sous les aisselles.
3.° Les montagnards cornouaillais ont donné le nom au Kiz-Kerné qui s'étend avec ses diverses modifications dans le bassin de l'Aune. Les caractères saillants de ce costume sont : la culotte demi-large se jarretant au-dessous du genou, sans plis ; guêtres qui ne descendent pas plus bas que la cheville, boutonnant au bas seulement ; la ceinture de cuir et le gilet croisé. Leur chapeau de feutre ou de paille à cuve ronde avec des bords sensiblement plus larges que le petit pot-en-tête du glazik. La couleur et la forme du vêtement de dessus varie beaucoup dans un espace très-circonscrit ; mais court ou long, il a des basques et des poches extérieures, contrairement aux glaziks.... Carhaix et ses environs offrent une exception à la forme classique de la culotte du Kiz-Kerné, duquel on ne s'éloigne pas par ailleurs. Sur ce point, j'ai souvent vu le pantalon parfaitement collant, boutonné de quatre ou cinq boutons au-dessus de la cheville... Le cornouaillais de la montagne soigne sa chevelure : les uns la font pendre symétriquement de chaque côté de la figure, d'autres se taillent les cheveux sur le front, et ménagent des faces qui descendent jusqu'au bas de l'oreille. La coiffe des femmes de la Cornouaille centrale a les barbes longues et étroites. Quand elles sont relevées sur la tête, elles encadrent assez avantageusement la figure.
Au surplus, la coiffure des Bretonnes est, dans sa variété, une imitation de celles des dames de la cour à diverses époques, ainsi qu'on peut le reconnaître dans les galeries de tableaux. Nos paysannes ne montrent leur chevelure que sur la nuque, ou ils la relèvent en chignon sous la coiffe.... Les femmes d'Ouessant, par une exception qui leur est particulière, conservent des cheveux sur les deux côtés de la figure et les frisent en tire-bouchons.
De même que les femmes Glazik, celles du Kiz-Kerné ne portent point de fichu. La guimpe à collet montant ou rabattu se laisse voir par l'échancrure du gilet de dessous.
Au total le Kiz-Kerné, tant pour hommes que pour femmes, est plus dégagé et plus varié que celui des Glaziks.... Je serais tenté d'assigner à ce costume une plus haute antiquité qu'aux précédents, parce que la forme de la culotte ou caleçon se trouve, ainsi que leur petite guêtre, sur les bas reliefs d'anciens monuments égyptiens.
4.° Tout le monde a remarqué le beau et riche costume du Léonais emprunté à la cour de Henri IV et de Louis XIII jusqu'au moment assez rapproché de nous, où le pantalon a fait invasion chez eux comme chez les autres peuplades bretonnes ; et ne voilà-t-il pas qu'ils ont laissé couper leur belle chevelure flottante sur leurs épaules ou relevée avec élégance sous leur large sombrero. Ils ont fait ainsi à un peu de commodité, et surtout à la mode française, le sacrifice d'une partie de leur nationalité.
L'habit carré à larges basques, grandes poches extérieures, laissait voir un gilet ouvert sur le devant, dont les poches descendaient sur le milieu de la cuisse. La grande culotte bouffante s'attachait sous le genou avec un cordon à gros gland de laine : le tout était de drap noir. Les bas de même couleur, et les souliers à boucles d'argent terminaient le costume Léonais dit Kiz-Leon. En voyage, la grosse guêtre de cuir avec couvre-pied était de rigueur ; ces houziaux étaient retenus par des boucles. Les femmes avaient comme les hommes adopté le noir, avec des rubans bleus ou cramoisis qui dessinaient les épaules, les parements et les revers de leurs justins ainsi que l'échancrure de leur gilet de dessous. — Ce costume régnait depuis Ploudalmézeau jusque vers Lesneven et les environs, s'étendant jusqu'au versant Léonais de la montagne d'Arez. — On y remarquait bien des sous-variétés surtout pour la coiffure des femmes. Celles de Ploudiry, Saint-Thegonnec et environs ont une coiffe à barbes étroites, relevée carrément sur le sommet de la tête et ornée d'une queue étalée comme une queue de pigeon-paon. Cet appendice nommé Tintammant descend sur les épaules ; dans d'autres parties du pays du Kiz-Leon on retrouve la coiffe à larges barbes carrées que l'on a vue chez les Glaziks purs.
Le Léonais se ceint les reins avec un long morceau d'étoilé de serge bleue, jaune ou verte, les jours d'ouvrage ; mais le dimanche exige que la ceinture soit de coton à carreaux ordinairement bleu sur bleu, surtout si l'on est en deuil. — Cette ceinture se nomme turban ; nous tâcherons de deviner pourquoi, quand nous la rencontrerons encore … Au surplus, remarquons qu'elle constitue une différence bien saillante entre les costumes des peuplades bretonnes.... Le Glazik, le Kiz-Kerné, le Kiz-Gwenet n'admettent que le ceinturon de cuir, Gouriz-Loer, tandis que les populations situées au nord de la montagne d'Arez ne connaissent que la ceinture d'étoffe faisant deux ou trois fois le tour du corps.
5.° Le costume des Trégorrois dit Kis Treger (auquel ressemble un peu celui des Briochins), régnait sur la côte de la Manche ; depuis Morlaix jusqu'à Paimpol, et s'étendait vers l'intérieur jusqu'à la montagne d'Arez.
Il consistait dans l'habit à petit collet ; cet habit, qui pouvait se fermer sur le devant, avait des revers ou pattes de la forme de ceux des dragons. Le bas de la coupe verticale était échancré jusqu'à la naissance des basques. L'étoffe du demi-habillé était ordinairement de toile, légèrement couverte de laine gris-brun ou bleu de ciel, sur lequel la doublure et les pattes de drap vert ou rouge, tranchaient d'une manière assez avenante. Le gilet court et croisé, entouré d'une ceinture de mouchoirs à carreaux ne descendait qu'à la hanche. Enfin, la culotte courte et collante, boutonnée au genou, et la guêtre très-serrée boutonnant du haut en bas et garnie d'un couvre-pied, complétaient l'uniforme du Trégorrois. — Je dis l'uniforme, parce qu'en effet il imitait parfaitement celui des soldats de Fontenoy, pour la coupe et le jeu des couleurs. Je l'ai vu souvent blanc doublé de rouge.
Les femmes de Tréguier ont la coiffe à barbes longues et étroites, relevée carrément sur la tête, hormis dans les grandes solennités ; elles portent toujours le fichu ou mouchoir de cou.
Le costume de la haute Cornouaille (à savoir : le pays compris entre la Cornouaille centrale et méridionale d'une part, et de l'autre le versant sud des montagnes d'Arez, et enfin borné par le pays Vannetais et Gallo au levant), se rapproche beaucoup du costume Trégorrois, mais a emprunté quelques détails aux Kiz-Kerné et Kiz-Gwenet qui l'entourent. L'habit des Armoricains de Cleder-Siberil et Plouëscat se rapprochait un peu de celui de Tréguier par la culotte courte et la guêtre. Mais leur habit de tous les jours et souvent même des dimanches est un tout-rond descendant plus bas que les reins ; ils portent d'ailleurs le chapeau à haute cuve cylindrique ; ce costume s'étend vers Plouënan et Plouvarn.
Un costume qui semblerait emprunté aux Africains se trouve dans les communes maritimes de Trefflez, Goulven, Plounéour-Trez, Kerlouan et Guisseny ; il mérite d'autant plus une mention particulière, qu'il a un nom breton ; c'est le Kiz-pagan. Il consiste d'abord dans l'absence du chapeau, du moins les jours ouvrables, et même pour fréquenter les foires et marchés.
Vous voyez ces robustes Armoricains venir en ville, coiffés du petit bonnet de laine bleue, à rebords cylindriques et cuve aplatie, ornée d'un gland rouge. Si le temps est froid et pluvieux, ils se couvrent par dessus le bonnet d'un capuchon de drap bleu avec galons verts ou jaunes, visière triangulaire doublée d'écarlate, couvre-nuque et gorgerin ; le tout a exactement la forme d'un casque, et se nomme Casketen. D'autres se revêtent de la tunique fermée par devant et portant d'attache sur la nuque un capuchon qui se relève à volonté. — Cette tunique en bure feutrée d'un blanc terne, est ou paraît être imitée du burnous algérien, munie sur le devant d'une poche-manchon.
Le caleçon du pagan est ouvert au genou et laisse voir la rotule. Il montre également toujours ses jambes nues, ne se servant de bas que pour aller à l'église. Il se serre les reins avec le turban d'étoffe de laine ou de coton. S'il entourait de cette étoffe son petit bonnet ou calotte, il aurait alors le vrai turban. Peut-être a-t-il pris le nom de la partie pour le tout. — Une autre particularité, non pas de costumes mais de moeurs, mérite d'être signalée ici. Les peuplades dont nous venons de parler, ont, comme les Africains, l'habitude de s'accroupir les jambes croisées... il n'y a pas longtemps que, dans les paroisses précitées, les hommes se tenaient dans cette position à l'église pendant le sermon ; au lieu que dans le reste de la Bretagne les hommes l'entendent debout.
Je laisse ces deux objets à l'investigation des archéologues.
Les pêcheurs de Taulé, Carantec et Locquénolé sur la rade de Morlaix, ne se distinguaient des hommes de Plouënan que par une culotte large ouverte au genou, et faisant l'effet d'un jupon comme celui des pécheurs de morue. Ils y joignaient une paire de guêtres en drap, qui remontait au-dessus du genou, comme la haute botte à genouillère des baleiniers. Leur ceinture fort large en tapisserie s'agrafait avec deux ou trois boucles.
Il y a peu de choses à dire de l'ajusté des hommes du Bas-Léon, c'est-à-dire, de Guipavas au Conquet, si ce n'est que c'est un costume bâtard, tenant à la fois de celui des marins et des ouvriers et artisans de la ville, sauf néanmoins le chapeau à larges bords.
Nous consacrons un dernier article aux habitants de Plougastel-Daoulas et de Loperhet, commune adjacente. Toujours, excepté pour les noces et le jour de Pâques, ils ne portent que le bonnet de laine phrygien, pointu et retombant ; il est invariablement brun, violet, rougeâtre ou amaranthe. L'habit ordinaire est un tout-rond de bure brune ou gris-blanc. Le gilet de drap bleu est serré par la ceinture-turban. Leur pantalon de bure brune est large et flottant ; il descend jusqu'au cou-de-pied. Ces mariniers (car ils le sont presque tous) portent la cravate. Ils ont aussi une veste de toile, doublée de drap avec capuchon-burnous. Voilà pour les jours d'ouvrage ou des lacs ordinaires.
L'habit de noces des anciens consistait en un habit carré à larges basques, un gilet de drap ou de piqué blanc et une culotte ample ou plutôt un pantalon noué au genou, mais retombant en draperie sur le mollet : leurs bas de flanelle blanche cousus derrière avaient un gousson pointu formant couvre-pied. Les bas et le pantalon paraissent évidemment un emprunt fait au costume turc. L'habit et le pantalon de noces sont de drap amaranthe. Les femmes portent le caraco ou justin à trois pièces, rouge sur bleu, ou rouge sur vert, ou enfin jaune sur bleu. Elles ont toujours le fichu de toile unie et la grande coiffe de la déesse Isis (DE GOEBRIAND)
Voir aussi " Notice sur les costumes bretons ".
© Copyright - Tous droits réservés.