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TOMBEAU DU DUC JEAN Ier.

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Jean Ier de Bretagne, dit Le Roux. Maison capétienne de Dreux. Duc de Bretagne de 1221 à 1286. Né en 1217. Fils de Pierre Mauclerc et d’Alix de Thouars. Marié à Blanche de Navarre. Décédé le 8 octobre 1286 au château de L'Isle. Enterré dans l'abbaye de Prières (Billiers).

TOMBEAU DU DUC JEAN I.

L’abbaye de Prières ; état actuel du Tombeau de Jean Ier. — Le monument du duc en 1386. — 1ère et 2ème transformation ; la nouvelle église abbatiale. — La Terreur. — Restauration de la chapelle de Prières ; procès-verbal des découvertes faites en 1842.

L'ancienne abbaye de Prières, où sont encore les restes mortels de notre duc Jean Ier, est située tout à l'embouchure de la Vilaine, en face des grandes roches noires qui bordent les eaux sombres du fleuve. La tour carrée du monastère et les bois qui l'entourent se détachent seuls sur ce paysage morne et décoloré, bien différent des sites merveilleux que nos moines savaient si bien choisir pour aider leur pensée à s'élever vers le ciel. Mais peut-être aussi ne l'ont-ils pas choisi ; du moins une tradition rapporte que le duc Jean le Roux leur avait concédé ces terrains en dédommagement de Sucinio où ils avaient d'abord décidé de s'établir.

Maintenant, pour arriver à l'abbaye, on suit au dessous du bourg de Billiers, un petit chemin resserré entre les murs de l'enclos et un étier de marais salants, puis on arrive devant un large porche que la bienveillance des propriétaires laisse facilement franchir aux visiteurs. Dans le parc, gracieusement tracé et planté de beaux arbres, se trouve une chapelle dont les proportions grandioses surprennent tout d'abord : on dirait la travée d'une cathédrale abandonnée et restée inachevée.

C'est qu’en effet cette chapelle est la seule partie restée debout du somptueux édifice, élevé en 1716, sous l'abbé dom Melchior de Sérent.

Il est curieux de voir qu'un fait si facile à constater ait donné lieu jusqu'ici à des interprétations contradictoires et erronées. Cayot-Delandre et d'autres archéologues ont tour à tour voulu voir dans ce monument une construction nouvelle de 1842, ou les restes de l'ancienne sacristie. En réalité, la chapelle actuelle de Prières est formée du transept nord de l'église abbatiale dont Olivier de Lourme fut l'architecte. On a clos ce transept par un mur droit, décoré d'un fronton et de pilastres doriques pris dans les démolitions. Cette restauration fut terminée le 21 décembre 1842, et le travail de raccord y est parfaitement apparent.

Cette constatation, qu'il m’a été facile de faire, grâce aux plans de l'abbaye déposés à la Bibliothèque nationale, était utile pour le sujet qui nous occupe, car c'est dans cette partie de la chapelle, devant l'autel, du côté de l'épître, que fut déposé jadis le tombeau de Jean Ier.

Aujourd'hui, en pénétrant dans cette courte nef, on trouve quatre pierres tombales rangées devant le maître-autel. La première est celle de Jean Ier. Nous n'avons pas ici à nous occuper des trois autres, les savantes notices de M. l'abbé Piéderrière les ont suffisamment fait connaître.

Sous cette première tombe, près du mur droit de la chapelle, on a déposé, en 1842, les restes du duc Jean Ier et d'Isabelle de Castille, veuve de Jean III. Ces ossements sont renfermés dans une pierre de crasanne, qui mesure quatre pieds de long et un pied de large. Deux compartiments, creusés dans cette pierre, contiennent : le premier, les restes de Jean le Roux ; l'autre, ceux de la duchesse Isabelle. Cette châsse grossière date de la reconstruction de 1726. Vers 1843, le propriétaire de l'abbaye fit poser la dalle que nous voyons actuellement : c'est une pierre de calcaire blanc de 1m80, sur 0m90, bordée en mosaïque de marbre noir. Deux plaques de marbre de même couleur y sont incrustées et indiquent par leur position la place des ossements qu'elles recouvrent.

La première, la plus rapprochée de l'autel, est celle de Jean Ier ; on y lit l'inscription suivante gravée en lettres d'or :

CI GIST. JEAN I — DUC DE BRETAGNE. — FONDATEUR. — DE L'ABBAYE DE PRIÈRES — EN 1250 — MORT EN 1286.

Voyons par quelle suite de transformations le monument du compagnon de saint Louis en est arrivé à cette simple tombe moderne.

Jean Ier mourut au château de l'Isle le 8 octobre 1286. Suivant ses dernières volontés, son corps fut déposé dans l'église de l'abbaye de Prières, fondée par Blanche de Champagne son épouse, et dont il était le premier bienfaiteur. L'épitaphe suivante fut gravée sur une plaque de marbre blanc placée devant son tombeau :

Hic jacet in annis dux quinquaginta Britonnis

Dextera robusta, fuit ejus forma venusta

Hec loca fundavit, prudens hostes superavit

Pervigil cura juste dupplans sua jura.

Hic fidei culto, scelerum justissimus ultor

Pauperis et miseri custos, defensio cleri,

Pacificans gentem, domuit quemque tumentem

Anno milleno, bis c, sex octuageno

Sub dena lute citra solemnia Luce

Migravit iste, tecum sit sine fine.

Cette inscription se trouve reproduite dans un ancien manuscrit de l'église de Nantes et nous a été ainsi conservée. Nous la trouvons dans dom Morice (Preuves, t. I, c. 1078) et dans le recueil d'inscriptions funéraires de P.-M. Fournier (2ème partie, p. 9) ; mais la copie du véridique lapidaire est un tissu de fautes de latin complètement incompréhensible.

Le monument élevé à Jean Ier devait se composer d'un socle et d'une statue couchée. Sans doute, les angles de ce mausolée maltraitaient cruellement les religieux pendant leurs processions. Toutefois, tant que les Bernardins furent peu nombreux au monastère, ils supportèrent tant bien que mal le contact de leur dur compagnon. Mais, à la fin du XVIIème siècle, leur nombre s'était élevé à soixante et la place manquait dans l'étroite nef gothique.

Dans cette nef, élevée sous les belles années de l'art chrétien, au milieu de ce chœur dont les grilles ouvragées dessinaient des réseaux d'ombre et de lumière, la blanche image de ce chevalier, étendu, les mains jointes, sur un lit de marbre noir, semblait reposer dans une éternelle prière.

Vers le commencement du XVIIIème siècle, les religieux de Prières, tome III 1880, trouvant que la tombe du souverain fondateur de l'abbaye gênait les cérémonies du culte, jugèrent à propos de la faire démolir. Ce peu de respect et cette ingratitude envers le duc, leur bienfaiteur, n'indignent pas du tout dom Lobineau ; il dit simplement : « Le tombeau de la duchesse, aussi bien que celui de Jean le Roux ont été démolis pour la commodité des religieux ».

On ne peut confondre cette seconde phase du tombeau ducal avec la transaction qui eut lieu quelques années plus tard, lors de la reconstruction de l'église. Lobineau écrivait en 1707, et le marché passé avec l'architecte est du 29 mai 1715.

Quelle fut la forme du tombeau pendant ce laps de temps ? Nous n’avons aucun indice pour le savoir. Peut-être se borna-t-on à enfouir la statue en la retournant, de façon à conserver la base du tombeau formant dalle, au niveau du sol ; c’est du moins ce qui se pratiqua, vers le même temps, à l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuis, pour le tombeau de Jeanne de Bretagne, fille de Jean IV. L'inscription que nous avons donnée précédemment fut conservée, pendant cette période, puisque nous la trouvons traduite dans l'histoire de Bretagne (D. Lobineau, page 277).

Les arceaux gothiques du vieux moustier breton ne devaient pas abriter longtemps la tombe ruinée de leur fondateur. Nous voyons que par un marché passé le 15 mai 1715 entre dom Melchior de Sérent, abbé de Prières, et Olivier de Lourme, architecte vannetais, l'église abbatiale du XIIIème siècle devait être détruite. On éleva un somptueux édifice dans le style du temps, c’est-à-dire froid et régulier comme un palais. La sève de l'art national et chrétien était alors épuisée ; on empruntait aux ordres grecs leurs lignes rigides, accommodées à la française. Ainsi, de nos jours, voyons-nous s'élever ces pâles copies de nos églises gothiques qui rappellent nos siècles de foi comme les figurants de théâtre ressemblent aux chevaliers du moyen-âge. Ce temple chrétien fut achevé en 1726 ; j'en ai trouvé le plan au cabinet des Estampes (Topographie de la France, MORBIHAN, tome I).

Lorsque les travaux furent terminés, les religieux transportèrent dans la nouvelle église ce qui restait des ossements de Jean Ier et d'Isabelle de Champagne. Par une combinaison économique, ils réunirent dans la même pierre, à double cavité, les ossements du duc et de la femme de son petit-fils. Une seule épitaphe servit à désigner cet incestueux rapprochement :

Hic jacet :

Illustris Britanniœ princeps

Johannes dictus Rufus

Vir decorus facie, dextera robustissimus

Iinimicis formidandus

Religionis amator, scelerum vendez œquissimus

Cleri pauperumque defensor

Cœnobii hujus fundator et praecipuus benefactor

Qui obiit die VIII mensis Octobris

Anno reparatae salutis humanae M.CC.LXXXVI

Marmore sub eodem

Requiescunt ossa D Isabellis de Castillâ

Uxoris quondam Seren. principis

Johannis hujus nominis III. Ducis Britanniae

Luce obiit die XXIV mensis julii

Anno M.CCC.XXVIII. Requiescant in pace. Amen.

Les choses restèrent en cet état jusqu'à la Révolution.

A première vue, l'oeuvre de destruction de cette époque semble accomplie par des bandes de forcenés sans frein ni loi. En l'étudiant de plus près, on y retrouve un enchaînement de mesures administratives ; la légalité partout : l'infamie agissant au nom de la loi.

Ainsi on procéda méthodiquement pour Prières : — 1° du 11 au 13 avril 1790, visite des directeurs de la Roche-Bernard. — 2° du 4 au 20 août 1791, second inventaire de l'abbaye. Puis la position de Prières est jugée favorable pour la défense des côtes. Enfin, en avril 1792, des soulèvements ayant eu lieu dans l'Ouest, on envoya un détachement de cavalerie occuper l'abbaye.

L'église servit d'écurie et de grenier à foin, les tombeaux et les dalles furent en partie brisés sous les pieds des chevaux ou le marteau des démolisseurs.

En 1837, le propriétaire de Prières mit en adjudication, chez M. Carrié, notaire à Nantes, les matériaux provenant de la démolition de l'église conventuelle. Puis, en 1841 , le recteur de Billiers fut appelé pour constater la découverte du tombeau de Jean Ier. Voici le procès-verbal tel qu’il existe actuellement :

« Je soussigné, recteur de la paroisse de Billiers, déclare que, mandé par M. J.-Bte L. M., propriétaire de Prières, me suis transporté, ce 23 septembre 1841, sur les quatre heures de l'après-midi, sur les lieux de l'ancienne abbaye. J'y ai vu une pierre de crasanne, longue de 1 mètre 33 centimètres, large de 33 centimètres, qu'on venait de découvrir dans le choeur de l'église en démolition et au milieu des décombres.

Cette pierre se trouvait du côté de l'évangile, était recouverte par le pavé et les morceaux de marbre d'une épitaphe brisée, en 1793, par des soldats alors en garnison à l'abbaye :

HIC JAC … 

ILLUSTRIS BRITA …

JOHANNE …

VIR DECORUS FAC …

INIMIC …

RELIGIONIS AMATOR …

CLERI PAU …

COENOBII HUJUS FUND …

QUI OBIIT …

ANNO REPARA …

……

REQUIESCUNT …

Les morceaux qui recouvraient la pierre de crasanne ont été levés devant nous et nous avons vu qu'elle se composait de compartiments creusés qui renfermaient chacun les ossements incomplets d'un individu.

Après l'avoir recouverte, nous l'avons fait enlever et mettre en sûreté, ainsi que les débris de l'épitaphe, afin de déposer le tout, plus tard, dans la nouvelle chapelle de la maison quand elle sera finie.

Le tout pour servir ce que de droit. Fait en triple expédition, à Prières, ce 23 septembre 1841.

Guyot, desservant de Billiers ».

M. l’abbé Piéderrière, qui a reproduit ce texte, ajoute en note, à propos de l'épithète robustissimus donnée à Jean Ier dans son épitaphe : « Le crâne et le tibia, ainsi que d'autres fragments des restes de Jean Ier, trouvés dans la circonstance dont il est question, surprirent les assistants par leur ampleur fort peu ordinaire ».

Lorsque la restauration de la chapelle de Prières fut terminée, on plaça les sépultures dans l'ordre suivant, mentionné dans un deuxième procès-verbal du 21 décembre 1842. « Nous certifions que tous ces restes ont été placés dans la chapelle comme il suit : 1° Ceux du duc fondateur et d'Isabelle de Castille, du côté de l'évangile, dans la même pierre creusée, dans laquelle on les avait trouvés et de la même manière, c’est-à-dire les ossements de Jean Ier, au haut et près de l'autel, ceux d'Isabelle à l'opposé, dans l'autre compartiment de la dite pierre. En foi de quoi nous avons signé : Guyot, recteur de Billiers..., dom Louis Morel, prêtre, ancien et dernier religieux de Prières ».

Ces différentes transformations du tombeau de Jean Ier ont dû laisser quelques traces, et peut-être ces notes aideront-elles à les faire retrouver.

De petits chapiteaux gothiques, que j'ai découverts dans un enclos, derrière le choeur de la chapelle, servaient peut-être à soutenir la table de ce tombeau : telle était du moins la forme de ces monuments à l'époque où l'on a élevé celui-ci. Ces chapiteaux sont décorés de feuillages de chêne et réunis deux à deux. Ils semblent si bien faits pour cette destination, que l'on a placé dessus dernièrement l'énorme table en pierre qui servait autrefois à déposer les poissons destinés à la provision du couvent. Cette pierre, de 2m70 sur 1m25, était jadis à la porte du monastère, et les formes de soles qui y sont tracées servaient à donner la mesure des poissons qui pouvaient figurer sur la table des religieux. Les plus petits étaient seuls admis à cet honneur, si l'on en croit la tradition.

Quoi qu'il en soit de ces chapiteaux et de leur usage supposé, des recherches, qu'il serait facile de faire, mettraient certainement à jour de nouveaux restes de ce monument. La place est libre devant la chapelle. En ayant sous les yeux notre plan de 1715, il serait facile de chercher dans le choeur, devant l'Epître, à l'endroit où fut déposé, en 1716, le tombeau du duc.

En résumé, la tombe de Jean Ier existe encore, sous une forme bien dégénérée, il est vrai. Mais la dépouille mortelle du vieux duc, malgré tant de vicissitudes et de révolutions, est restée là, au lieu qu'il avait choisi.

En plusieurs siècles, de 1286 à nos jours, elle a reçu trois formes différentes ; trois épitaphes ont été successivement placées sur ses restes, et sans doute des recherches bien dirigées nous donneraient des fragments importants de ce mausolée et des inscriptions qui l'accompagnaient.

Il semble bien étonnant qu'une découverte aussi importante que celle de l'épitaphe du tombeau de Jean Ier, minutieusement consignée dans le procès-verbal de 1841, n’ait abouti, en définitive, qu'à la destruction ou à la perte de cette pierre. Une table de 4 pieds de haut ne s'égare pas aisément, et nous souhaitons que de nouvelles recherches la mettent désormais en sûreté [Note : Le Musée archéologique de Nantes possède les fragments d'une très belle pierre tombale de l'abbaye de Prières, celle de l'abbé Jean Raoul, mort en 1439. Elle a été donnée au Musée par M. Le Masne, en 1849. Peut-être l'inscription de Jean Ier a-t-elle été également placée dans quelque musée ou collection particulière] (P. de Lisle du Dréneuc).

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