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FORMULE D'EXCOMMUNICATION D'UN ÉVÊQUE BRETON

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FORMULE D'EXCOMMUNICATION AU IXème SIÈCLE. Le pontifical d’Alet. — Il n'est personne qui ne connaisse de nom les armes spirituelles à l'aide desquelles l'Eglise catholique, pendant toute la durée du moyen âge, lutta contre les violences inouïes et les attaques incessantes du pouvoir séculier. C'est grâce aux excommunications qu'aux plus mauvais jours de la barbarie elle put défendre avec son propre patrimoine l'asile de la société et de la civilisation ; mais les termes précis dans lesquels ces excommunications étaient fulminées sont oubliés depuis des siècles. L’examen des anciens monuments liturgiques nous montre qu'il n'y eut point de formule sacramentelle uniformément adoptée pour ces anathèmes solennels. Mais si les expressions variaient suivant les lieux, la pensée était partout la même, et certaines imprécations plus terribles et plus caractéristiques que les autres se rencontrent presque constamment. Voici une de ces formules que j'ai extraite d'un pontifical anglo-saxon de la bibliothèque publique de Rouen, provenant de la célèbre abbaye de Jumièges. Elle offre pour nous cet intérêt particulier d'avoir été rédigée à l'usage de l'évêque d'Alet, aujourd'hui Saint-Malo, soit que le volume qui la renferme puisse réclamer une origine bretonne, soit qu'il ait été en partie formé d'emprunts faits à un manuscrit breton. Cette seconde explication est préférable, car il n'est pas douteux que la première moitié de ce pontifical n'ait été écrite pour l'Angleterre : l'absence dans les litanies du nom des saints de Bretagne, la présence de ceux des saints Birin, Ercenwald et Cutbert le prouve suffisamment. Pour expliquer la présence des pièces qui forment la dernière partie du volume, on peut admettre soit qu'il est venu aux mains de l'évêque de Saint-Malo à une époque très-rapprochée de son exécution, soit qu'il a emprunté an pontifical d'Alet quelques-unes de ses formules sans leur faire subir la moindre modification. C'est un manuscrit très-précieux par sa date, qui nous reporte au temps de Charlemagne ; les Bénédictins en ont fait souvent usage pour leurs travaux liturgiques, et ils le faisaient remonter au VIIIème ou au IXème siècle. Il ne saurait toutefois avoir une date plus ancienne que l'année 766, puisqu'il contient un extrait des canons d'Egbert, archevêque d'York. On y remarque deux grands dessins au trait, représentant la consécration d'une église et le portrait d'un évêque, qui fournissent d'importants détails sur le costume ecclésiastique à cette époque reculée.

Le f° 183 est occupé par la pièce dont je donne ici la traduction. On remarquera le titre que prend le prélat. « Lanaletensis monasterii episcopus ». LAN (église) est une particule entrant comme préfixe dans la composition d'un grand nombre de noms de lieux bretons, soient qu'ils l'aient conservé comme Lan Meur, Lan Leff, Lan Modez, soit qu'ils l'aient perdu comme Lan Treguier, aujourd'hui Tréguier, ce qui est pareillement arrivé d'Alet.

« Ainsi sera maudit par la bouche du bienheureux apôtre Pierre, prince des Apôtres, et de tous les saints évêques ses successeurs, quiconque résistera à la volonté du Dieu tout-puissant et à la sainte Eglise de Dieu.

N..... par la grâce de Dieu, évêque du monastère de Lanalet, à tous les fidèles de la sainte Eglise de Dieu fait savoir ce qui suit : il y a des ravisseurs qui, poussés par une cupidité criminelle et oublieux de la crainte du Seigneur, ont osé s'emparer des biens de presque tontes les églises ; à plusieurs reprises nous leur avons interdit, ainsi qu'à leurs fauteurs, de continuer l'usurpation desdits biens ; nous avons accompagné cette défense des menaces les plus propres à les engager à se désister d'une entreprise aussi condamnable. Mais loin d'avoir égard à nos exhortations et à nos menaces, ils ne cessent, comme des loups dévorants, de ravir les biens de la sainte Eglise. Décidés à opposer la patience à de tels excès, nous avons à plusieurs reprises engagé les auteurs de ces crimes à s'amender, et nous leur avons enjoint de venir à résipiscence. Puis donc que sommés à deux et trois reprises de comparaître devant nous, ils n'ont pas craint d'outrager le Seigneur, de mépriser les prescriptions des canons et de persévérer dans leur révolte, Nous, en vertu de l'autorité que nous tenons du Seigneur, au nom de Dieu le Père, de son Fils et du Saint-Esprit, par les vertus de la Sainte Vierge Marie, les suffrages des anges, l'assistance des apôtres et des prophètes, les mérites des martyrs, des confesseurs et des vierges, conformément à l'usage de tous les évêques et aux prescriptions des canons, déclarons N… et N …, et tous les fauteurs de leurs désordres, excommuniés, bannis du seuil de la sainte Eglise de Dieu et séparés de la société des chrétiens. Que s'ils ne viennent au plus vite à résipiscence, et ne donnent satisfaction à notre médiocrité qu'ils ont offensée, nous les accablons sous le poids d'une malédiction éternelle et nous les condamnons par un anathème irrévocable. Qu'ils soient en butte à la colère du Souverain Juge, qu'ils soient déchus de l'héritage de Dieu et de ses élus ; que dans ce monde ils soient retranchés de la communion des chrétiens, et que dans l'autre ils n'aient point de part au royaume de Dieu et de ses saints, mais qu'unis au diable et à ses suppôts ils demeurent voués aux flammes vengeresses et qu'ils soient en proie dès ce monde aux tortures de l'enfer. Maudits soient-ils dans leur maison, maudits dans leurs champs, maudits dans la nourriture de leur ventre et dans le fruit de leurs entrailles ; maudites soient toutes les choses qu'ils possèdent, depuis leur chien qui hurlera à leur aspect jusqu'à leur coq qui les insultera par ses chants. Qu'ils partagent le sort de Dathan et d'Abiron, que l'enfer engloutit tout vivants ; le sort d'Ananias et de Saphira, qui mentirent aux apôtres du Seigneur et furent frappés d'une mort instantanée ; le sort de Pilate et de Judas, traîtres à Dieu. Qu'ils n'aient d'autre sépulture que celle des ânes, et que ces cierges qui s'éteignent soient l'image des ténèbres auxquelles leur âme est condamnée. Amen ».

On comprendrait mal l'émotion et la terreur qu'inspiraient ces anathèmes solennels, où l'imagination sombre des hommes du IXème siècle avait accumulé les images les plus redoutables, si on ne se représentait l'évêque debout sur le jubé de son église, écrasant sous son pied la flamme du cierge qu'il tenait à la main au moment des dernières paroles de l'anathème ; les prêtres placés autour de lui en faisaient autant, et un diacre traduisait en langue vulgaire à l'assistance la sentence d'excommunication. Mais, comme on le voit par la formule précédente, l'Eglise, qui ne veut pas la mort du pécheur, mais seulement qu'il se convertisse, ne recourait à cette mesure extrême qu'après avoir épuisé les avertissements et les exhortations. Les actes de Bretagne nous offrent, à une date voisine de celle du pontifical anglo-saxon, un exemple d'excommunication solennelle : c'est l'anathème nominativement prononcé par le pape Jean XIII en 970, contre le duc de Bretagne Béranger et son fils Conan, Hoël et son frère Guerech. (D. Morice, I, 347). La formule d'excommunication prononcée en 1252 contre le duc Jean Le Roux, montre qu'avec le temps, si la sentence continuait de produire les mêmes effets, les termes avaient perdu beaucoup de leur énergie primitive (Alfred Ramé).

 

Note : L'abbé-évêque de Lann-Aleth (Saint-Malo), après avoir rappelé que certains hommes « possédés de l'esprit de rapine » ont envahi les possessions des églises du diocèse, et qu'ils ravagent ces biens « avec une férocité comparable à celle des loups », malgré les sommations épiscopales, proclame ces hommes « eux et tous les fauteurs de leurs crimes, excommuniés ».

Nous les bannissons de la sainte Eglise de Dieu ; nous les chassons de la société des chrétiens !

« Et s'ils ne se hâtent au plus tôt de venir à résipiscence et de donner satisfaction à notre médiocrité qu'ils ont offensée, nous les frappons d'une malédiction éternelle, et par un perpétuel anathème nous les condamnons.

Que sur eux tombe la colère du souverain Juge ! Qu'ils perdent tout droit à l'héritage de Dieu et de ses élus ! Qu'ils soient en ce monde exclus de la communion des chrétiens, et en l'autre de celle de Dieu et de ses saints ! Que le diable et ses suppôts soient leur société, les tourments de la flamme vengeresse et les sanglots éternels leur jouissance ! Qu'ils soient en exécration au ciel et à la terre, et dès ce monde-ci en proie au supplice de la géhenne !

Maudits soient-ils dans leur maison, maudits dans leurs champs ! Maudite la nourriture ! Maudit soit tout ce qu'ils possèdent, depuis le chien qui aboie pour eux jusqu'au coq qui pour eux chante ! Qu'ils partagent la destinée de Dathan et d'Abiron que l'enfer engloutit vifs ! Celle de Saphira et d'Ananias, qui ayant osé mentir aux apôtres du Seigneur, périrent sur le champ ! Et celle encore de Pilate et celle de Judas qui trahit Notre-Seigneur !

Qu'ils n'aient d'autres sépultures que celles des ânes, et qu'au milieu des ténèbres ainsi s'éteigne leur flambeau ! ».

Et l'évêque, prenant une torche des mains d'un clerc en écrasait la flamme sous ses pieds, et tous ses moines armés de torches formant cercle autour de lui en faisaient autant, criant : Amen !  (Traduction de A. DE LA BORDERIE).

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