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SAINT TUGDUAL, un des 7 saints fondateurs de la Bretagne. |
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Né dans l'île de Bretagne en 490, Tugdual était de race royale. On ignore le nom de son père. Sa mère, appelée Pompaia, le confia dès son enfance au célèbre saint Iltut, sous la conduite duquel il fit ses études. Méprisant généreusement tous les avantages que sa naissance et ses qualités extérieures pouvaient lui offrir, après avoir vécu quelque temps en ermite, il embrassa la profession monastique et devint bientôt le chef d'une nombreuse communauté. Il y donna l'exemple de toutes les vertus, mais surtout d'une tendre compassion pour les malheureux. Il avait montré cette pitié dès sa première jeunesse et elle le portait à abandonner aux pauvres tout ce dont il pouvait disposer. Sans inquiétude pour le lendemain, il soulageait toutes les misères qu'il connaissait. Par suite des relations fréquentes et pacifiques qui, surtout dans l'ordre religieux, existaient alors entre la Grande-Bretagne et l'Irlande, il visita ce dernier pays, et y séjourna assez longtemps pour avoir été regardé à tort comme un Irlandais. Il s'y trouvait sans doute encore en 515, quand commença à se produire la grande émigration bretonne en Armorique, qui avait à sa tête les chefs de sa famille. Cet exode et la continuation des hostilités anglo-saxonnes le déterminèrent, vers 525 ou 530, à aller lui aussi rejoindre ses compatriotes sur le continent.
Il emmena avec lui une grande partie de ses moines, environ soixante-dix, sans compter les serviteurs du monastère et les laïques qui se joignirent à eux. On ne nous en dit pas le nombre, mais on donne le nom de trois femmes faisant partie de la troupe sacrée de Tugdual : sa mère Pompaia, sa soeur Seva et une pieuse veuve, appelée Maëlhen, qui lavait le linge et les habits des religieux.
Quant aux circonstances de la traversée, laissons parler la légende : « Ils se rendirent au havre prochain, et y trouvèrent un vaisseau équipé de tout ce qui lui était requis, et dedans y avait des jeunes gens de bonne façon, l'un desquels qui semblait être le maître et capitaine des autres, saluant Trugdual, lui dit : " Dieu vous garde, homme de Dieu, et toute votre compagnie ; montez à la bonne heure dans le vaisseau. Sinon que nous vous attendions, il y a longtemps que nous serions portés en la Bretagne Armorique ". Les saints entrèrent dedans et, les ancres levées, on mit les voiles au vent qui fut si favorable que le lendemain, à trois heures après-midi, ils furent rendus sains et saufs à la côte de Léon, et y mirent pied à terre, et aussitôt le vaisseau qui les avait apportés disparut avec tout son attirail et équipage, si soudainement qu'ils ne s'en purent apercevoir, ce qui leur fit connaître que c'était une faveur spéciale de Dieu qui les avait miraculeusement passés à travers l'Océan, dont ils rendirent grâces à sa divine Majesté » (Albert LE GRAND. — Loc. cit. I, p. 670).
Les barques émigrantes abordèrent vers la pointe Sud-Ouest du Léonais dans l'anse des Blancs-Sablons et, sans s'en écarter beaucoup, à une demi-lieue tout au plus vers l'Est, Tugdual établit son lann, qu'on appela Lann-Pabu, le monastère du Père (en breton Pab veut dire père), au bord d'une des petites rivières qui tombent dans le port actuel du Conquet. A ce moment tout le pays était sous l'autorité de Deroch, second roi de la Domnonée armoricaine. Le roi confirma la possession de ce monastère à son cousin Tugdual, mais celui-ci n'y resta pas longtemps. Quand ce couvent qui devait être en quelque sorte la base de ses opérations fut bien assis, il conçut le projet de parcourir tout le territoire sur lequel, depuis dix à quinze ans, s'était répandue l'émigration, pour en étudier la situation religieuse, y propager de plus en plus l'instinct monastique, et surtout pour y répandre, là où elle n'avait pas encore pénétré, la lumière de l'Evangile. Dans le pays de Léon l'œuvre évangélique, confiée à un ouvrier vaillant Pol-Aurélien, n'avait pas besoin de son aide. Aussi Tugdual se borna-t-il à accepter dans ce pays le don de quelques domaines pour la dotation de son monastère. Mais, quand il eut passé sur la rive droite du Kefleut, il se livra tout entier à la mission qu'il s'était donnée, et dont un de ses biographes, qui vivait au XIème siècle, nous a tracé l'esquisse:
« Accompagné d'une troupe de saints hommes, écrit-il, Tugdual, semant partout la parole de Dieu, parcourut presque toutes les provinces de la région armoricaine, et y devint célèbre par les nombreux miracles que Dieu daigna faire par lui. En vaillant soldat du Christ, il se dépensa bravement à remplir le ministère qui lui était confié ; aussi les puissants de la petite Bretagne, éclairés des lumières de la foi par sa parole, frappés d'étonnement par ses miracles, lui donnèrent-ils en aumône d'innombrables domaines, et dans tous il construisait des monastères, et il installait des moines, en sorte que par toute cette contrée, de l'Orient à l'Occident, il n'y avait guère de paroisse où l'on ne trouvât des disciples de Tugdual. Enfin, par la volonté de Dieu, il revint dans le lieu, appelé la Vallée de Trecor, et y bâtit un grand monastère, où beaucoup de fidèles, renonçant aux séductions du monde, se consacrèrent à la vie religieuse sous la conduite de Tugdual » (Vita III Sancti Tuduali, VI, p. 27).
Il fut essentiellement l'apôtre, l'organisateur religieux de la Domnonée ; c'est là son caractère, sa mission propre, mission qu'il tint de son zèle, et dans laquelle il fut aussi confirmé par le chef de ce nouveau royaume breton, son cousin Deroch. Les nombreuses paroisses qu'on lui donna étaient pour la plupart des plou, fondés récemment par la grande émigration, où le service religieux n'était pas encore organisé, et dans lesquels, avec les dons en argent et en terres qu'on lui fit, il bâtit des églises, de petits monastères, et y installa quelques-uns de ses moines pour entretenir le culte et subvenir aux besoins spirituels de la population. Lui-même dans les domaines mis à sa disposition fonda souvent de nouvelles paroisses, de nouvelles agglomérations chrétiennes, surtout au profit des indigènes armoricains arrachés par lui au paganisme. Bref, il nous apparaît comme le véritable créateur de l'organisation religieuse, non pas seulement dans le pays de Tréguier, mais depuis la rivière de Morlaix jusqu'à la Rance. Son œuvre est la plus grande, la plus étendue et la plus importante de toutes celles de ce genre dévolues à nos saints bretons (DE LA BORDERIE. — Loc. cit. I, p. 358).
La plus importante des fondations de Tugdual fut son grand monastère du Val-Trecor, en breton Traoun-Trecor, aujourd'hui Tréguier. Pour avoir plus d'autorité dans le pays, il se décida à aller invoquer la protection du roi Childebert. Voici en quels termes un de ses disciples, Louénan, nous raconte sa démarche : « Tugdual se rendit à Paris au palais du roi, avec lui douze disciples par lui choisis entre les siens, et là il fit plusieurs miracles. Il ressuscita un mort. Et l'on annonça au roi qu'il y avait un tel homme dans son palais, et le roi lui envoya un messager. Tugdual vint, ses compagnons avec lui. Et pendant qu'ils se tenaient debout, une colombe d'une nature angélique descendit du ciel sur l'épaule droite de Tugdual. Alors le roi comprit que cet homme était un saint, et devant lui se prosternèrent le roi, la reine et les autres hommes qui étaient là. Et Childebert lui demanda ce qu'il voulait. Et Tugdual dit " Je ne veux rien qu'obtenir ton agrément pour conserver les paroisses que les comtes et les nobles hommes m'ont données à moi et à mes moines venus avec moi ". Alors le roi lui donna à lui et aux religieux venus avec lui tout ce qui lui était demandé. Puis il le fit ordonner évêque et, le jour même, Tugdual chanta la messe. Alors le roi lui fit beaucoup de présents et d'honneurs, il lui offrit un bloc de cristal, un calice et sa couronne d'or » (Mémoires de la Société archéologique des Côtes-du-Nord, 2ème série, II, p. 88).
Sans qu'on ait de preuves positives sur ce point, on peut placer l'ordination de Tugdual vers l'an 552. Sa nouvelle dignité, lui donnant une autorité plus grande, lui inspira en même temps un redoublement de zèle pour rétablir dans son diocèse la discipline, le bon ordre et la piété. Il y employa et les prédications et les exemples et les miracles. A cette époque le pays fut affligé d'une effrayante mortalité qui enleva un nombre prodigieux d'habitants. Pour fléchir la colère du ciel, Pol-Aurélien, son voisin, ordonna une procession solennelle, et invita Tugdual à venir la présider. Celui-ci se rendit à cet appel, prononça un discours pathétique, et aussitôt la mortalité cessa.
Mais ceux qui l'avaient admiré et aimé tant qu'il n'avait fait que prêcher et pratiquer l'Evangile ne purent le souffrir, quand il voulut rappeler à ces mauvais chrétiens leur devoir. Son zèle passa pour une dureté insupportable, sa fermeté pour une tyrannie, ses exhortations pour une persécution. On se mutina et les rebelles le persécutèrent comme l'ennemi de leurs joies et de leur liberté. Contraint de céder à l'orage, le vieil évêque se retira pendant quelque temps, avec quelques-uns de ses religieux, dans une solitude de son diocèse. Pendant son absence, la disette et la misère ouvrirent les yeux de ses diocésains qui le rappelèrent. Les calomnies s'étant dissipées et éteintes, il revint dans son monastère de Trécor, au milieu de son peuple plus docile et plus soumis (Dom LOBINEAU. — Loc. cit., I, p. 183).
Il sut profiter de ces bonnes dispositions pour le service de Dieu et l'avancement spirituel de son troupeau, pendant trois ou quatre ans qu'il vécut encore, après lesquels il alla recevoir la couronne de gloire, un Dimanche, dernier jour de Novembre de l'an 564. Son corps fut inhumé dans son monastère.
Il y resta jusqu'aux invasions normandes, qui exilèrent de la Bretagne la plupart des reliques qu'elle possédait. Celles de saint Tugdual furent portées en 878 par un de ses successeurs à Chartres. Mais, en passant à Laval, le bon accueil qu'il reçut des habitants lui fit leur donner une partie considérable de ce précieux trésor. Il consistait en fragments de tibias et de fémurs, qui y sont toujours pieusement conservés. Quelques ossements, déposés à Saint-Aubin de Crépy et à Château-Landon, ont été perdus, ou détruits, à l'époque de la Révolution. Ceux de Chartres ont aussi en majeure partie disparu ; pourtant un évêque de Tréguier put en obtenir pour sa cathédrale deux os du bras du saint. Ces ossements, enfermés jusqu'en 1793 dans un reliquaire en argent, et qui échappèrent, on ne sait comment, à la rage des sans-culottes, furent examinés et vérifiés le 25 Août 1809 par Mgr Jean-Baptiste Caffarelli, le 8 Août 1811 par M. de la Motterouge, chanoine de Tréguier, et le 24 Novembre 1820 par M. Riou, curé de Tréguier et vicaire général. Ces reliques sont aujourd'hui réunies à celles de saint Yves dans une châsse en bronze doré, donnée par Mgr de Quélen, archevêque de Paris.
La cathédrale de Tréguier, primitivement dédiée à l'apôtre saint André, a été reconstruite à la fin du XIIIème siècle, et mise sous le vocable de saint Tugdual. La partie la plus ancienne de l'édifice est la tour du XIIIème siècle, qui se trouve à l'extrémité du transept Nord, et que l'on désigne sous le nom de Tour d'Hasting. Saint Yves, en 1296, travailla à l'édification de la nef et, en 1337, on posait la première pierre du chœur. Le 7 Octobre 1420, Jean V fonda le long du collatéral Nord la chapelle, appelée Chapelle du Duc, et c'est à l'entrée de cette chapelle qu'il érigea un tombeau à saint Yves, tombeau qui a été remplacé depuis, comme nous le verrons plus loin, par un autre beaucoup plus monumental et plus riche.
Saint Tugdual est patron de la ville de Tréguier, de Combrit, Grand-Champ, Lababan, Landudal, Langoat, Pabu, Plouray, Saint-Pabu, Saint-Thual, Saint-Tugdual et Trébabu. Il a des chapelles à Bégard, Brélidy, Cléden-Cap-Sizun, Erquy, Gurunhuel, Loguivy-Plougras, Plestin, Plouaret, Plougasnou, Plougonver, Plouhinec, etc... Il a des statues à Landudal, à Saint-Melaine de Morlaix et à l'église consacrée à sa sœur sainte Sève, près de Morlaix.
Les Trégorois exaltent si bien leur apôtre, et en sont si fiers, qu'il ne leur suffit pas d'en avoir fait un pape, Un vieux dicton populaire a été admirablement traduit par Brizeux qui le met dans la bouche d'un paysan, comparant son grand saint de Tréguier à ceux de Cornouaille, de Léon et du pays de Vannes: « Notre grand saint Tugdual est roi du peuple élu ; S'il n'est pas Dieu le Père, il ne l'a pas voulu ! » (Les Bretons. — Chant 12ème).
(A. Millon).
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