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LES GRANDS SAINTS DE BRETAGNE.

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INTRODUCTION.

Les élus de Dieu, les saints, sont souvent pendant leur existence en ce monde ignorés ou méprisés ; ils y opèrent cependant de grandes choses et influent notablement sur les destinées, même temporelles, de leurs concitoyens. Cette vérité est évidente lorsqu'il s'agit par exemple des apôtres qui ont converti un peuple, des docteurs qui l'ont instruit, des illustres pénitents dont la vie mortifiée a tout à la fois servi d'expiation et de modèle. Quand la mort les a enlevés de cette terre, vallée de larmes, pour les introduire au ciel, séjour des bienheureux, la réparation que l'on doit à leurs vertus méconnues apparaît alors au grand jour : la haine s'éteint, l'indifférence disparaît, un culte pieux s'établit. Les grâces obtenues par leur intercession resserrent de plus en plus entre eux et les fidèles le double lien qui naît de la reconnaissance et d'une bienveillante protection.

Cette tendre dévotion que le peuple manifeste à l'égard des saints est surtout naturelle et se comprend mieux encore lorsque ceux-ci sont des saints nationaux. Pourquoi s'étonner des motifs spéciaux que nous avons de leur vouer une sympathique confiance ? Ils ont vécu avec nos pères, ils ont foulé le sol que nous habitons, ils ont respiré le même air que nous, ils ont, peut-être, prié dans les sanctuaires où nous nous prosternons à notre tour, ils sont de chez nous. Et chez nous ils sont plus nombreux que partout ailleurs ; il n'y a probablement pas de pays qui en compte autant que la Bretagne. Ils y sont innombrables et, comme nos compatriotes prétendent qu'ils doivent être « bons à quelque chose », ils attribuent à chacun d'eux une vertu curative : saint Kiriou guérit les furoncles, sainte Honora la fièvre, saint Urlou la goutte, saint Cado les sourds, saint Trémeur les névralgies, saint Eloi les chevaux, saint Cornély les bêtes à cornes, etc..., etc... Elle serait interminable la liste des sanctuaires qui leur sont consacrés, des fontaines qui leur sont dédiées. A tous les motifs que la piété nous suggère, nous en avons un autre d'honorer nos saints d'une manière toute particulière, car, « si en d'autres nations ils ont été les amis de Dieu par la charité, le modèle des hommes par leurs vertus sociales, ils n'ont pas pris une place prépondérante dans la vie publique de leur province ; tandis que chez nous, dans notre Bretagne, ils ont incarné en eux la grande idée de patrie, et leur rôle a été décisif dans la formation de notre race » (L'Abbé LUCAS. L'Hermine, 20 août 1893).
« S'il y a un pays qui fasse mentir le proverbe : " Il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints ", c'est bien celui-ci. On dirait que par un sentiment d'humilité touchante les Bretons n'osent s'adresser directement à la Puissance suprême. Plus familiers avec les saints, ils les chargent volontiers de leurs commissions près du Bon Dieu » (LE GOFFIC. L'âme bretonne, 1ère série, p. 59). Et pourtant, malgré leur autorité hautement reconnue et leur compassion ardemment invoquée, tous les détails de leur existence, les traits même les plus marquants de leur vie sont presque toujours ignorés. La crosse de bois doré qui accompagne la statue grossière dont est décoré l'autel du village, le modeste froc qui recouvre les épaules d'une autre image dont le front s'orne de la tonsure cléricale indiquent bien que celui-là fut un évêque, celui-ci un moine. Mais voilà tout. Le lieu de leur naissance, la noblesse ou l'humilité de leur origine, les miracles qui les ont illustrés, leurs actes de vertu les plus héroïques, leurs pérégrinations, leurs combats, les grands événements sociaux auxquels ils furent mêlés, tout en un mot, ou presque tout est enseveli dans un profond oubli.

Cet oubli qui, à première vue, paraît étonnant, incompréhensible même, peut cependant s'expliquer, et les causes qui l'ont fait naître pourraient lui servir d'excuses. D'abord, nos saints sont pour la plupart vieux, très vieux ; tant de siècles se sont écoulés depuis l'époque où ils ont vécu ! Dans la mémoire des hommes quelques légendes ont çà et là surnagé ; mais peu à peu le temps destructeur a estompé leur physionomie dans les brumes du passé. L'histoire, leur véritable histoire, a disparu et il semble presque impossible de la reconstituer, car toutes les circonstances de leur vie, les dates, les faits ont été changés, bouleversés, transposés; leurs noms mêmes ont été modifiés : qui reconnaîtrait, par exemple, saint Budoc dans Juhel, Huec, Lizel et Widebote ? Comment s'étonner alors que de profondes ténèbres aient de plus en plus envahi et obscurci leur mémoire ? Et puis des astres nouveaux ont brillé au ciel de l'Eglise : Notre-Dame de Lourdes, notre grande sainte nationale Jeanne d'Arc, cette angélique sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, pour n'en citer que quelques-uns. Ces dévotions nouvelles auraient pu subsister auprès des anciennes sans leur nuire, mais, il faut bien l'avouer et disons-le franchement, on n'a pas fait tout ce que l'on aurait dû faire pour maintenir le culte de nos vieux saints. On les a descendus des autels qui jadis leur étaient dédiés, des fêtes célébrées en leur honneur ont été supprimées et surtout leurs statues, ces antiques statues de bois ou de pierre, sculptées avec une simplicité si naïve et si touchante, au pied desquelles tant de prières avaient été murmurées, tant de larmes avaient été versées, ont été trop souvent arrachées de leurs socles et, dans un but vénal, presque sacrilège, vendues à des brocanteurs, juifs pour la plupart, dont elles décorent maintenant les boutiques.

Enfin, il est une autre cause qui a contribué à rendre moins accessible l'histoire de nos saints nationaux, nous voulons parler — ce qui semble à première vue paradoxal — des ouvrages qui leur ont été consacrés. Le premier auteur qui s'en soit occupé est Albert Le Grand, dominicain, né à Morlaix à la fin du XVIème siècle, qui acheva ses études au couvent de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à Rennes, et y mourut vers 1644. La première édition de ses Vies des Saints de la Bretagne Armorique est de 1636, la seconde de 1659. Son style a une onction et un charme inimitables, mais « vivant à une époque où l'esprit d'examen n'avait pas encore pénétré dans notre pays, il reproduit naïvement, sans les altérer, ni les modifier, les croyances qui avaient cours en son temps » (LEVOT, Biographie bretonne, II, p. 242). Il se baigne avec délices dans le clair obscur de la légende, n'est jamais si à l'aise que dans le merveilleux, mais trop crédule, il lui manquait l'érudition nécessaire pour discerner le vrai du faux.

Dom Lobineau, moine bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, né à Rennes en 1666, mort à Saint-Jacut le 3 Juin 1727, publia ses Vies des Saints de Bretagne en 1725. On ne peut pas lui adresser les mêmes reproches qu'à Albert Le Grand, mais il ne possède pas ses qualités. Il a certes plus d'érudition, sa critique historique est plus solide, mieux contrôlée ; quant à son style, il est sans aucune poésie, sec, froid, et il n'a tenu aucun compte, il a même traité avec une sorte de dédain toutes les si délicieuses légendes de la tradition.

En 1894, M. de la Borderie fit paraître son Histoire de Bretagne. Nous n'avons pas à nous occuper ici de cette œuvre colossale, si impatiemment attendue, qui a légitimé et surpassé tous les espoirs. Pour le sujet qui nous intéresse, bornons-nous à dire qu'il a consacré à nos vieux saints la moitié au moins de son premier volume. Avec quelle tendre piété il les a étudiés ! Avec quel amour il a montré leur rôle religieux, politique et social ! Analysant les travaux de ses deux prédécesseurs, il les a passés au crible de sa critique rigoureuse certes, mais sagace, judicieuse, intelligente et sûre. Sa science incomparable a dissipé bien des préjugés, rectifié de nombreuses erreurs, et elle a fait briller sur ces époques reculées, jusque-là si obscures, la radieuse clarté de la vérité. Ou'il nous suffise pour apprécier son mérite de citer quelques phrases d'un autre historien, plus capable que quiconque de le juger : « M. de la Borderie a été pendant cinquante ans l'âme des études historiques en Bretagne ; il n'a pas relevé moins d'autels vénérables qu'il n'a brisé de fausses idoles, et il n'a cherché à bannir la fable de nos antiquités nationales que pour y faire entrer la poésie avec une vivacité de passion et une flamme d'imagination qui n'ont pas toujours trouvé grâce devant les sévérités de certains savants, mais pour lesquelles nous autres, Bretons, nous sommes d'autant plus portés à l'indulgence qu'il ne les a employées qu'à la défense et à l'embellissement de la patrie. Son oeuvre monumentale reste imposante et surtout solide le temps destructeur pourra bien effacer quelques inscriptions, marteler quelques fleurons, déplacer quelques statuettes, il respectera, j'en suis sûr, les hauts piliers et la puissante charpente à l'abri desquels les jeunes générations pourront à leur aise continuer les constructions si largement mises en train par ce maître architecte » (DE CALAN, Premier cours à la Faculté des Lettres de Rennes).

Ces trois ouvrages, s'ils sont très appréciés des érudits, n'ont pas le même intérêt pour tous. Ils sont peu connus. Est-ce à cause de leur prix relativement élevé ? Peut-être, mais il y a une autre raison. Ils sont trop encombrés de détails, trop remplis, à propos des textes anciens, de discussions, de digressions savantes, de polémiques souvent passionnées pour ne pas rebuter beaucoup de lecteurs et être à leur portée. Il nous a donc semblé qu'il y avait dans l'hagiographie de notre pays une lacune à combler, et c'est ce qu'avec nos faibles moyens nous avons essayé de faire. Tout d'abord, dans l'innombrable multitude de nos saints Bretons, il fallait opérer une sélection. Nous n'en avons pris qu'un petit nombre, ne choisissant que les principaux, ceux qui par leurs vertus éminentes et leur rôle social ont eu sur leur époque une influence considérable et particulièrement bienfaisante. Puis nous avons raconté, résumé plutôt, leur vie, en laissant délibérément de côté les controverses qui ont si fréquemment divisé leurs biographes, mais en cueillant au passage, quand l'occasion s'en présentait, quelques légendes qui sont les fleurs parfumées de l'histoire. Appuyé sur l'autorité indiscutable de M. de la Borderie, à qui nous avons fait de fréquents emprunts, sans négliger Albert Le Grand, Dom Lobineau et quelques autres auteurs, nous avons voulu écrire un livre accessible non seulement à un plus grand-nombre de lecteurs, mais à tous, en un mot une oeuvre de vulgarisation. Et ce livre si modeste qu'il soit, nous l'avons composé en l'honneur de ces vieux saints auxquels nous devons tant de bienfaits et le plus grand de tous, la foi ; malgré ses lacunes et ses imperfections, il est un humble mais fervent témoignage de piété, de reconnaissance et de réparation.

AVANT-PROPOS.
Parce que la plupart des saints dont nous allons nous occuper sont venus de la Grande-Bretagne, et que quelques-uns d'entre eux ont été l'occasion d'un pèlerinage célèbre pendant tout le Moyen Age, il nous paraît utile de dire quelques mots des émigrations bretonnes et du Tro-Breiz.

I. Emigrations bretonnes. — Au Vème siècle, les Angles et les Saxons, païens barbares de race germanique, ravagèrent et occupèrent toute la partie orientale de l'île de Bretagne, que nous appelons aujourd'hui l'Angleterre. La partie occidentale du pays, la seule qui ne fut pas conquise, ne pouvant donner asile à tous les habitants, ceux-ci, pour conserver leur religion et leur indépendance, durent se résoudre à émigrer. Ils se dirigèrent presque tous vers notre province qui, elle aussi, à la même époque et pour des causes analogues, eut à subir une terrible crise.

Anémiée déjà par la longue occupation de ses vainqueurs, ayant perdu au contact des armées de César son originalité caractéristique, sa langue, sa vitalité propre, l'Armorique semblait condamnée à ne pouvoir jamais recouvrer son autonomie. Après les incursions des Alains et des Saxons elle dut abandonner tout espoir, et l'archéologue qui fouille les débris de cette civilisation agonisante rencontre à chaque pas les traces d'un linceul de mort. Elle devint un désert aride, desséché : là où avaient été des cités florissantes, quelques indigènes disputaient leur nourriture à d'immenses brasiers ; là où s'étaient étalées des campagnes fertiles, des moissons fécondes, la grande voix lugubre des orages plana seule sur des broussailles enchevêtrées, sur un amoncellement de ruines et de
cendres.

Quand un territoire et un peuple en sont réduits à cette extrémité, pour les ressusciter les moyens humains ne suffisent plus, il faut un miracle ; ce ne serait pas assez d'avoir des héros, il faut des saints. Dieu les accorda à notre petit coin de terre auquel il réservait de si glorieuses destinées. Le miracle fut, pendant près de deux siècles, cette émigration des Bretons d'outre-mer. Détachés du même rameau celtique que nos ancêtres, décimés eux aussi par les barbares, ils partirent à l'aventure et découvrirent des falaises noyées dans la brume où ils abordèrent, un pays à l'agonie auquel ils donnèrent le nom de Bretagne. Les saints, ce furent ces évêques, ces abbés, ces moines insulaires qui, comme nous allons le voir, avec une persévérance inlassable, au prix d'efforts inouïs, se consacrèrent à la tâche surhumaine de défricher, d'ensemencer, de cultiver et de sauver à la fois les champs stériles et les âmes païennes.

II. Tro-Breiz. — On lit dans Dom Lobineau cette-phrase : « Ce voyage était une dévotion si en usage autrefois qu'il y avait un chemin tout au travers de la Bretagne, empierré exprès, que l'on appelait pour ce sujet le chemin des Sept-Saints ». De quel voyage, de quelle dévotion s'agit il ? Presque au lendemain des incursions normandes, nos pères conçurent le projet d'honorer d'une façon spéciale les saints, fondateurs de leurs villes épiscopales. En conséquence, ils décidèrent qu'avant de mourir tout chrétien devait visiter saint Corentin de Quimper, saint Pol de Léon. saint Tugdual de Tréguier, saint Brieuc, saint Malo, saint Samson de Dol et saint Patern de Vannes. Cette idée ne prit point naissance dans le penchant éminemment pratique et le plus souvent intéressé de leurs invocations ; son but ne fut pas d'obtenir des secours célestes, de conjurer telle ou telle oelamité, mais seulement, en s'agenouillant sur des tombeaux, de s'acquitter d'une dette ancienne de reconnaissance envers les sept fondateurs des sièges épiscopaux bretons, que le langage populaire, pour bien marquer l'unité de race, nommait les Sept Frères.

Ainsi s'établit ce pèlerinage que l'on effectuait, non au travers, comme dit Lobineau, mais autour de la province. Les pèlerins se servaient pour l'accomplissement de ce voeu d'une route circulaire qu'on avait baptisée le Chemin Pavé, ce qui indique assez clairement son origine romaine. On partait de Vannes pour se rendre à Quimper, en passant par Hennebont, Quimperlé, Bannalec. Après Quimper on se dirigeait par la route de Pleyben et de Morlaix vers Saint-Pol-de-Léon, d'où l'on gagnait Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo et Dol, en suivant la voie romaine la plus voisine du littoral. L'itinéraire comprenait à vol d'oiseau 550 kilomètres, qu'on devait parcourir à pied, sauf exception bien entendu, pour les malades et les infirmes. D'après M. Trévédy (Bulletin de l'Association Bretonne, 1897. p. 129) la coutume avait choisi pour ces pérégrinations Noël, Pâques, la Pentecôte et la Saint-Michel qu'on appelait les quatre Temporaux. Le terme de chaque Temporal était de trente jours, quinze avant et quinze après chacune aes fêtes.

Les voyageurs ne redoutaient pas la fatigue, mais, forcés de se prémunir contre les dangers, les attaques, ils se réunissaient par petites bandes, sous la conduite d'un prêtre, ou de quelqu'un habitué à diriger ces circuits. On peut se les figurer en marche, dès le matin, égrenant leur rosaire. Apercevaient-ils une chapelle ?... ils y entraient pour réciter une prière. Un calvaire se dressait-il sur leur passage ?... ils l'entouraient pour chanter un cantique. A leur approche les clochers s'emplissaient d'harmonies, les habitants des bourgades leur offraient vivres et provisions, les cathédrales s'ouvraient, les sanctuaires exposaient leurs reliques. Ils allaient, semant les aumônes, apportant partout un rayon de joie, et, le soir, goûtaient un repos bien gagné dans une de ces nombreuses « hostelleries » qui d'elles-mêmes s'étaient construites au bord de la voie sacrée.

Voilà ce que fut ce Tro-Breiz — tour de Bretagne, ce pèlerinage si touchant qui dura pendant tout le Moyen Age jusqu'au XVIIème siècle en l'honneur des Sept Saints. Mais ce vocable, hélas ! n'est plus maintenant qu'un vague souvenir. Il n'y a plus guère qu'à Quimper, à Erquy et à Vannes qu'un monument rappelle leur culte collectif. Il serait à souhaiter que cet exemple se généralisât et surtout que revive cette croisade nationale si pieuse qui naguère, dans les époques de foi, mettait en marche tant de croyants qu'à la fin du XIVème siècle 35.000 pèlerins visitèrent en une seule année l'église Saint-Patern de Vannes.

 

Voir Les grands saints de Bretagne "Sainte Anne"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Brieuc"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Patern"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Melaine"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Corentin"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Guénolé"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Pol-Aurélien"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Samson"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Tugdual"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Gildas"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Malo"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Méen"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Judicaël"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Convoïon"

Voir Les grands saints de Bretagne "Saint Yves"

 

CONCLUSION.

Le résumé, si incomplet et si imparfait qu'il soit, que nous venons de faire de la vie de nos vieux saints bretons, suffit, nous semble-t-il, à montrer quel a été leur rôle, quelle a été leur influence. Quand aux Vème et VIème siècles ils arrivèrent en Armorique, la sainteté était un des plus importants ressorts de la machine sociale, la plus grande puissance morale de l'époque. Si elle ne garantissait pas toujours de la violence et de l'outrage, elle inspirait du moins aux chefs barbares un respect salutaire, qui leur faisait courber la tête devant les exigences de la justice et de l'humanité. Un saint représentait l'Eglise, les pauvres, les petits, il en faisait valoir les droits et les griefs avec une fermeté que toujours tempérait à propos une sage mansuétude.

Or, dans l'œuvre civilisatrice qui fonda la nation bretonne, la première part revient à l'idée chrétienne et à la discipline monastique ; les promoteurs, les conducteurs, les actifs agents de cette œuvre furent ces évêques, ces moines venus d'outre-mer. Contemplatifs à leurs heures, mais sans cesse combattant et militant contre les restes encore si puissants du paganisme, ce sont eux qui ont lutté contre les passions barbares et sur leurs ruines ont fait briller la pure morale de l'Evangile. L'idéal évangélique, retranché dans les forteresses inexpugnables, de leurs monastères, rayonna sur toute la péninsule, triomphant, vainqueur, exalté devant ce peuple converti, comme un phare qui ne cessera de le guider pendant toute sa carrière. Aussi, grâce à eux, à leurs efforts incessants, à leurs prédications, à leurs exemples, à leurs vertus, le signe divin de la Croix a été gravé dans la nation bretonne à une telle profondeur que, depuis plusieurs siècles, toutes les révolutions qui ont passé sur elle, toutes les vicissitudes qui l'ont assaillie n'ont pu affaiblir son empreinte sacrée. A nos vieux saints nous devons la foi.

Mais à leur œuvre spirituelle ils en ajoutèrent une autre, non moins ardue, non moins difficile. Quand ils abordèrent en Armorique, ils se trouvèrent en face d'une immense contrée presque déserte, inculte, couverte de forêts impénétrables. Ces forêts, au prix de fatigues inouïes, ils les ont renversées, ce sol stérile ils l'ont défriché, labouré, ensemencé pour en tirer leur pain et celui des pauvres émigrés. Nos campagnes furent couvertes de plantureuses prairies, de champs féconds, d'arbres fruitiers, et les animaux domestiques soumis par eux à l'empire de l'homme. Non pas certes qu'ils aient tout fait ; mais, établis d'abord sur tout le littoral, dont nos plus vieilles paroisses portent encore leur nom, ensuite dans l'intérieur, ils prirent l'initiative, donnèrent une vigoureuse impulsion que les laïques suivirent. Chacun de leur monastère transformé en grenier d'abondance devint le centre d'un village, d'une colonie agricole, et ainsi la majeure partie des solitudes armoricaines se trouva défrichée et remise en culture. A nos vieux saints nous devons la fondation du peuple breton.

O vous qui, pénétrés des plus hautes vertus chrétiennes et des plus actives vertus sociales, avez pendant toute votre vie souffert, prié, parlé, agi, lutté pour apporter à nos ancêtres l'inestimable bienfait de la foi ; ô vous qui par vos rudes labeurs avez ressuscité et vivifié cette vieille terre d'Armor, que nous aimons tant ; vénérables évêques, pauvres moines qui, en récitant vos rosaires, avez promené vos pieuses rêveries sur nos rivages et sous l'ombre mystérieuse de nos forêts, dont les pieds ont été ensanglantés par les ronces et les épines, qui avez arrosé de vos sueurs et peut-être de vos larmes nos falaises et nos vallées, dont les corps courbés vers la terre, se sont usés et ont été meutris, mais dont les âmes sont restées inébranlables et fières, à jamais fixées sur la justice, le devoir et la vertu, soyez bénis, chaque jour, à toute heure, jusqu'à la fin des âges, soyez bénis ! Dans l'histoire des choses humaines votre œuvre vous assure une gloire ineffaçable, dans le cœur de tout breton elle doit vous mériter une reconnaissance mêlée de respect et de tendresse. Puissent ces pages raviver votre souvenir dans l'esprit de ceux qui l'auraient oublié ; puissent-elles surtout ranimer leur amour, le rendre plus vivace, de plus en plus efficace, afin de vous prouver que, si les Bretons malgré leurs défauts n'ont jamais été des traîtres, ils ne sont pas non plus des ingrats.

(abbé Millon).

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