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SAINT YVES, patron des professions de justice, de droit et d’avocat.

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En abordant la grande et belle figure de saint Yves, M. de la Borderie s'exprime en ces termes : « A la fin du XIIIème siècle, il n'y avait pas en Bretagne d'événements notables et peu d'hommes éminents, car ce sont les événements qui font surgir les hommes. Pourtant voyez, prenez garde. Voici qu'à cette époque une grande lueur se lève sur notre pays, illuminant tout son horizon. Entouré d'une foule qui le suit en rangs pressés, qui le poursuit de ses acclamations, un homme s'avance, plein d'humilité et rayonnant de gloire. Ce n'est ni un prince, ni un guerrier, ni un évêque, ni un moine, c'est un simple prêtre, un curé, ou, comme disent les Bretons, un recteur de campagne, mais ce simple prêtre sera désormais le grand patron, le puissant protecteur de la Bretagne. Il n'en est point, grâce à Dieu, le dernier saint dans l'ordre des temps, mais dans cet ordre il ferme ce que l'on peut appeler l'époque héroïque de l'hagiographie bretonne. Epoque où les vieux patrons de notre race se dressent devant nous dans leurs nimbes d'or, avec un rayonnement de force et de vertu grandiose, avec un rôle national si essentiel et si important que, sans eux, l'histoire de la nation ne serait point, ou serait incompréhensible. Saint Yves est le dernier de cette grande race ». (DE LA BORDERIE. — Loc. cit. III, p. 367).

Il naquit, le 17 Octobre 1253, à un quart de lieue de Tréguier, au manoir de Kermartin, maison d'un petit seigneur Trancoët Helori, son père, et de sa mère, Arzo du Quenquis. De bonne heure il s'adonna à la piété et dès ses plus tendres années sa plus chère occupation était de s'entretenir avec Dieu et d'en entendre parler. Son précepteur, Jean de Kerc'hoz s'étant rendu à Paris, où il devint professeur de droit à l'Université, Yves, âgé de quatorze ans, l'y suivit et ils y arrivèrent en 1267. On a conservé le nom des rues qu'étant écolier il habita successivement : la rue du Fouarre et la rue Saint-Jean-de-Beauvais. Après avoir terminé son cours de philosophie, il étudia le droit, la théologie, et reçut le grade de maître ès-arts. A l'âge de vingt-quatre ans, il alla à Orléans suivre les cours de droit civil et dans cette ville, comme à Paris, il consacrait ses jours et ses nuits à l'étude, dormant par terre sur un peu de paille, et ne mangeant pas de viande pour donner aux pauvres la portion qui lui était destinée.

Maurice, archidiacre de Rennes, qui le connaissait de réputation, l'appela près de lui et le nomma official, c'est-à-dire juge des causes ecclésiastiques. Les attributions de cette charge s'étendaient à cette époque fort loin par suite de la connexion de plusieurs affaires civiles avec les lois canoniques. Yves reçut à Rennes les ordres sacrés jusqu'à la prêtrise exclusivement. Sa prudence, sa sagacité, sa droiture, ainsi que ses autres qualités, engagèrent Alain de Bruc, évêque de Tréguier, à le demander à l'archidiacre de Rennes. Maurice ne pouvait repousser cette demande, il se sépara avec peine de son collaborateur et, pour son voyage, lui fit présent d'un cheval. Mais Yves le vendit pour en donner le prix aux pauvres et fit la route à pied. Official à Tréguier, dans son pays natal, il montra les mêmes talents et les mêmes vertus qu'à Rennes. Lorsque les malheureux, les veuves ou les orphelins qui avaient toute sa prédilection, venaient à son tribunal, il faisait leurs écritures, leur donnait des conseils sans vouloir recevoir aucune rétribution, ce qui lui acquit le glorieux surnom d' « avocat des pauvres » (Dom LOBINEAU. — Loc. cit. III, p. 8).

Ordonné prêtre en 1284, Yves, tout en conservant ses fonctions d'official, fut pourvu de la cure de Trédrez, qu'il ne quitta qu'en 1292, pour prendre, jusqu'en 1303, soin du troupeau qui lui fut confié à Louanec. Pratiquant toute espèce de mortifications, il ne quitta jamais le cilice qu'il cachait sous une grossière chemise de toile d'étoupe. Il ne voulait pour lit que la terre nue avec un peu de paille, pour couverture dans les grands froids qu'une misérable courte-pointe, pour oreiller qu'une pierre. Sa nourriture répondait à sa façon de se vêtir. Toutes les semaines étaient pour lui des Quatre-Temps, puisqu'il jeûnait tous les mercredis, vendredis et samedis. Pour que son pain fut moins bon, il le faisait faire exprès de seigle, d'avoine et d'orge. Il se plaisait dans les opprobes et acceptait avec un sourire toutes les injures. Il recherchait de préférence la compagnie des pauvres, les aimait et en eux aimait la pauvreté pour elle-même. Par affection pour les ordres mendiants, il prit au couvent de Guingamp l'habit du tiers-ordre de saint François.

Vêtu d'une robe de bure grise, symbole de la vie ascétique, avec un capuchon de même étoffe, des sandales aux pieds, il annonce la parole divine à toute heure, en tous lieux, dans les églises, les rues, sur les places publiques, en pleine campagne, prêchant deux et quelquefois trois fois par jour. Souvent il revient de ses prédications à jeûn, et si accablé de fatigue, qu'on est obligé de le porter. Pendant treize ans il parcourt ainsi les diocèses de Tréguier, de Saint-Brieuc, du Léon et de la Cornouaille. Comme il était né éloquent, et que son éloquence partait d'un cœur tout embrasé d'amour de Dieu, « les foules assiègent sa chaire, vingt fois, trente fois plus nombreuses pour lui que pour tout autre orateur, fût-ce un évêque, et, si charmées par sa parole, que pour l'entendre elles le suivent de paroisse en paroisse, partout où il lui plaît de porter sa prédication. Et bientôt, quand on voit ce prêcheur si éloquent, ce jurisconsulte si savant, promener dans les campagnes sa grande robe de bure, quand on sait que sa science, son éloquence ne sont pour ainsi dire rien au prix des merveilles incomparables de son austérité, alors l'admiration est sans bornes, tous les Bretons, nobles et roturiers, riches et pauvres, le vénèrent comme leur père et partout où il passe, ils se lèvent devant lui par respect » (DE LA BORDERIE. — Loc. cit. III, p. 367).

Mais, si l'on ose ainsi parler, toutes ses vertus étaient surpassées et comme couronnées par sa charité qui fut inépuisable. Il consacra aux pauvres la plus grande part de ses revenus, et maintes fois, vendant ou mettant en gage ses propres habits, il en donnait le prix pour les vêtir. Dans les grands froids de l'hiver, s'il achetait du bois, ce n'était pas pour lui qui ne voulut jamais se chauffer, mais pour eux. Il les servait de ses mains, leur rendait les services les plus humbles, et non content de soulager leur misère, il tint à laisser à ses chers privilégiés un monument de sa piété, en élevant à leur intention, auprès de sa maison de Kermartin, un asile, où ils seraient nourris, et une chapelle sous l'invocation de Notre-Dame. Il nous apprend lui-même, dans son testament, que ce fut en 1293 qu'il fit cette fondation (Dom LOBINEAU. — Loc. cit. III, p. 22).

La sainteté de la vie du recteur de Louanec fut reconnue et attestée par de nombreuses faveurs surnaturelles. En voici quelques-unes, telles qu'elles ont été racontées par des témoins oculaires à son procès de canonisation. Yves revenant un jour de Rennes à Tréguier, accompagné d'un seul domestique, trouva le passage d'une rivière impraticable par suite de la crue des eaux, qui avait couvert le pont, de telle façon qu'on ne pouvait le traverser sans exposer sa vie. Cependant le prêtre commença d'entrer dans l'eau, et s'engagea sur le pont. Son domestique, qui a lui-même rapporté ce fait, lui cria de ne pas avancer, mais Yves, le prenant par la main, lui dit en riant : « Certainement, avec l'aide de Dieu, nous passerons tous deux ensemble, ou nous serons noyés de compagnie. ». En achevant ces mots, il fit le signe de la croix sur les eaux qui se séparèrent pour laisser le passage libre et reprirent leur cours ordinaire quand ils furent de l'autre côté.

Un autre jour, Yves venait de distribuer dans son manoir de Kermartin une fournée entière de pain aux pauvres, quand il s'en présenta un, dégoûtant, hideux à voir, et a peine couvert de haillons. Le bienheureux le fit asseoir devant lui à sa table, et le fit manger avec lui dans son plat. Quand le pauvre eut un peu mangé, il se leva et, étant arrivé à la porte, se tourna vers Yves et lui dit en breton : « Adieu, que le Seigneur soit avec vous ». Aussitôt le même pauvre parut d'une beauté surprenante, et revêtu d'une robe blanche si lumineuse que toute la maison en fut éclairée. De tout le reste du jour Yves ne voulut pas manger à la même table, et, quand le pauvre eut disparu, il fondit en larmes et s'écria : « Je reconnais que le messager de Notre-Seigneur qui est venu nous rendre visite ».

Il dînait un vendredi au Boulouy, chez Geoffroy de Tournemine et comme à son ordinaire, n'usait que de pain et d'eau. La dame de Tournemine était gravement malade. Yves lui présenta une soupe de pain trempée dans l'eau ; après l'avoir bénite, il la lui fit boire, et elle fut subitement guérie. Ce même jour il retournait à Louanec, quand le feu prit à la maison d'un de ses paroissiens. Le saint pasteur fit le signe de la croix, en disant : « Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit », jeta un peu de lait sur les flammes qui immédiatement s'apaisèrent et l'incendie cessa aussitôt (Dom LOBINEAU. — Loc cit. III, p. 23, 24 et 26).

S'entretenant un jour avec Tiphaine de Pestivien, dame d'une haute naissance et d'une grande piété, il lui confia qu'il avait le pressentiment de sa fin prochaine. Comme celle-ci lui représentait que sa mort serait une grande perte et priverait beaucoup d'âmes de ses exemples : « Laissons les exemples, Madame, reprit-il, et, pour ce qui est de votre intérêt, souffrez que je pense à moi. La satisfaction que vous auriez d'avoir vaincu un ennemi, je la ressens en ce moment, car je reconnais que par la grâce de Dieu j'ai vaincu le mien ». Quinze jours après, le 13 Mai 1303, il fit au recteur du Milnihi une confession générale. La veille de l'Ascension il dit sa messe avec peine, ce qui ne l'empêcha pas d'entendre des confessions. Ce travail acheva d'épuiser ses forces. On le coucha sur une claie et on ne put obtenir de lui qu'on lui mit sous la tête un oreiller. Le lendemain, comme on voulait aller chercher un médecin, il répondit qu'il n'en aurait jamais d'autre que Notre-Seigneur, et il ne cessait de regarder la croix placée devant lui. Le samedi soir, sentant que de plus en plus les forces lui manquaient, il reçut avec une ardente dévotion le saint viatique et l'extrême-onction. Il répondit à toutes les prières et n'ayant plus rien à dire aux hommes qu'il avait depuis si longtemps évangélisés, il perdit la parole jusqu'au matin du dimanche 19 Mai 1303, où il rendit l'esprit sans aucun effort, comme s'il se fut endormi (Dom LOBINEAU. — Loc. cit. III, p. 29 à 32).

Dieu glorifia son serviteur après son décès par de si nombreux miracles que la Bretagne tout entière s'émut pour avoir au ciel un protecteur officiellement reconnu. Son duc, ses prélats, interprètes du vœu populaire, réclamèrent près du Saint Siège la canonisation de leur illustre compatriote. De leur côté, le roi et la reine de France, l'Université de Paris, fière de l'avoir vu s'asseoir sur ses bancs, s'associèrent avec empressement à ces pieuses instances. Une enquête, ouverte le 23 Juin 1330 et close le 4 Août suivant, où trois cents témoins furent entendus, donna les résultats les plus favorables. Eclairé par des informations si sérieuses et si probantes, le pape Clément VI prononça, le 19 Mai 1347, quarante-quatrième anniversaire de la mort du bienheureux, l'arrêt solennel de sa canonisation (Roumain DE LA RALLAYE. — Vies des Saints en Bretagne, p. 320).

La mort qui défigure tous les hommes laissa souple et intact le corps de saint Yves. Le lendemain de son trépas, le 20 Mai, il fut porté à la cathédrale, où une foule immense vint l'honorer. Sorti de terre le 27 Octobre 1347, il fut placé dans un magnifique tombeau que le duc Jean V, si dévôt à sa mémoire, lui fit élever à l'endroit de sa première sépulture. Ce tombeau fut brisé en 1793 par les soldats révolutionnaires, mais les précieuses reliques, cachées dans un des caveaux de l'église, purent être heureusement conservées. Quand, après la tourmente, on les retrouva, elles furent vérifiées par l'abbé de Saint-Priest, vicaire général du diocèse. La tête fut renfermée dans un buste d'argent, quelques ossements dans un bras du même métal, le reste fut laissé dans le tombeau (Dom L0BINEAU. — Loc. cit. III, p. 46).

Ces reliques furent de nouveau examinées par une commission le 20 Floréal, an IX de la République. En 1820, elles furent placées dans un reliquaire en bronze doré, don de Mgr de Quélen, archevêque de Paris. Le 18 Mai 1874, Mgr David fit ouvrir le reliquaire pour placer sur la tête du saint une couronne de vermeil, enrichie de pierreries, qu'il avait offerte. Au mois d'Août 1896, le docteur Le Bec, chirurgien de l'hôpital Saint-Joseph à Paris, s'aperçut « d'une certaine altération, due à un champignon, qui rendait les os friables et menaçait le chef de saint Yves de s'effriter ». Ces altérations étant dues à l'humidité, il était urgent d'employer un moyen pour qu'elles ne se renouvellent pas à l'avenir. Le 20 Août 1897, on procéda soigneusement à un lavage antiseptique des reliques, à savoir : le chef du saint, la moitié supérieure de son tibia gauche et un fragment volumineux de la diaphyse de l'humérus. On a fait de nombreuses distributions de ses ossements Charles de Blois obtint la portion d'une côte ; on en trouve à la cathédrale et à l'église Notre-Dame de Rennes, à Paris à la chapelle qui lui fut dédiée et chez les Bénédictins du Val-de-Grâce, à la paroisse du Minihi près de Tréguier, enfin dans celle de Landudal, doyenné de Briec, dans la chapelle Saint-Yves du manoir de Trémarec, où un pouce du bienheureux est l'objet d'une dévotion particulière (Albert LE GRAND. — Loc. cit. Annotations, p. 182).

« Une autre relique existait encore, il y a quelques années, c'était la nef romane de l'église de Louanec, qui avait entendu pendant onze ans l'illustre patron de la Bretagne proclamer de sa voix puissante la doctrine évangélique, qui dans son enceinte l'avait vu tous les jours accomplir les rites sacrés, consacrer toutes ses pierres par ses prières, les arroser de ses bénédictions, et embaumer tout l'édifice de sa vertu, de sa charité incomparables. On l'a détruite, démolie comme une vulgaire baraque. Ce n'est pas là seulement du vandalisme, c'est un vrai sacrilège. Ceux qui l'ont commis ou qui, pouvant l'empêcher, l'ont laissé commettre n'eurent jamais le cœur breton. Et nous, ce n'est point comme historien, ni comme archéologue, c'est avant tout comme breton, que nous stigmatisons une telle impiété » (DE LA BORDERIE. — Loc. cit. III, p. 370). Dans cette église, hélas neuve, on garde la chasuble d'étoffe bysantine, dont saint Yves se servit dans les onze dernières années de sa vie, planeta ample dans la forme du Moyen Age, qui se relevait sur les bras. Elle est faite d'un tissu ancien, où l'on voit des griffons ailés affrontés, chacun des rangs étant séparé par une bande étroite ornée de zig-zags, et chacun des griffons par un losange ou une macle héraldique. Enfin, dans la sacristie du Minihi-Tréguier sont conservés quelques fragments de son bréviaire, d'une jolie écriture du XIIIème siècle.

Le manoir de Kermartin, où naquit saint Yves, a eu le même sort que l'ancienne église de Louannec. Il a passé dans le cours des âges aux familles de la Rivière, de La Fayette et Quélen. On voudrait espérer, qu'en donnant un reliquaire pour les ossements du saint, Mgr de Quélen voulait lui faire amende honorable. Propriétaire du manoir, au lieu de le restaurer, il ne trouva en effet rien de mieux à faire que de le démolir et de le remplacer par une banale maison de fermier. Et, pour comble, au-dessus de la porte de cette ferme, une plaque commémorative proclame cet acte de piété ! ! !

Le tombeau érigé par le duc Jean V ayant été démoli en 1793, Mgr Bouché, évêque de Saint-Brieuc, de 1884 à 1888, songea à le rétablir, grâce à une souscription de tous les prêtres bretons et de tous les dévôts de saint Yves. Il en chargea l'éminent historien M. de la Borderie qui, mieux que personne, était qualifié pour accomplir cette tâche. Les 7, 8 et 9 Septembre 1890, pendant l'épiscopat de Mgr Fallières, des fêtes solennelles, présidées par le cardinal Place, entouré de nombreux évêques, eurent lieu pour l'érection dans la cathédrale de Tréguier de ce splendide monument. Sur trois marches de granit bleu et un soubassement de granit poli s'élève un sarcophage, couronné par une table, sur laquelle est couchée la statue du saint en marbre blanc. Autour du sarcophage, dans des niches gothiques, sont quatorze statuettes, représentant les parents et les amis de saint Yves. Au-dessus du sarcophage s'élève un dais magnifique, porté par six contreforts ou pilastres, soutenant des arcades sculptées. Dans les niches de ces pilastres on a placé les statues des principaux saints bretons (Albert LE GRAND. — Loc. cit. Annotations, p. 188).

Un littérateur de notre province a écrit ceci : « C'est une tradition en Bretagne que chaque saint a une spécialité curative. Yves, lui, est, selon l'expression populaire, " bon à tout ". De là sa supériorité. On peut s'adresser à lui en n'importe quelle occurence. Lorsque saint Yves s'est mis une chose dans la tête, il en vient toujours à bout. Telle est la conviction générale. Comme me disait une vieille " il dépasse tous les autres saints de son bonnet carré ". Il est aux yeux des Bretons le savant, le docteur par excellence, et ils ont une foi invincible dans ses lumières, certains d'ailleurs qu'il n'en usera jamais pour les tromper. Car il n'est pas seulement la science même, il est encore la droiture incarnée. C'est le grand justicier, l'arbitre impeccable et incorruptible. » (LE BRAZ. — Au pays des Pardons, p. 6).

Une confiance si justifiée et nullement exagérée explique l'universalité du culte dont saint Yves est l'objet. En Bretagne, les églises et les chapelles qui lui sont dédiées sont si nombreuses qu'il est impossible de les citer toutes. M. Gaultier du Mottay indique treize paroisses et quarante-quatre chapelles, en mettant des etc., à la fin de sa liste, car elle est loin d'être complète. La chapelle du Minihi-Tréguier, fondée par le saint en 1293, a été plus richement et plus grandiosement rebâtie en 1480. En France, où les jurisconsultes l'ont pris pour patron, presque tous les diocèses honorent sa mémoire. Il existait naguère à Paris, au coin de la rue Saint-Jacques et de la rue des Noyers, une chapelle construite sous son invocation, où se réunissait une confrérie qui l'avait choisi pour protecteur. L'Université de Nantes l'avait jadis pour patron. L'ancien Hôtel-Dieu de Rennes portait autrefois son nom si populaire, que les religieuses Augustines dans leur hôpital ont conservé. En dehors de notre pays, il faut mentionner une église à Naples, où il est particulièrement vénéré, et celle de Saint-Yves-des-Bretons à Rome qui datait du XIIème siècle. Elle a été démolie pour cause de voirie en 1875, et remplacée par une autre plus petite de style différent.

Innombrables aussi sont ses statues. Il y en a plus de quarante dans le seul diocèse de Quimper, elles ne doivent pas être moins nombreuses dans ceux de Rennes, de Vannes et surtout de Saint-Brieuc. Tantôt le saint est représenté seul, tantôt en groupe entre le riche et le pauvre, insensible à l'offre d'argent que lui fait le riche, et se tournant vers le pauvre dont il prend la défense. Après ces représentations sculptées, signalons le beau vitrail de saint Yves à Moncontour, dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), un autre à Montfort-l'Amaury en Seine-et-Oise, et la grande verrière moderne de Plougonver, où la vie du saint est décrite en huit tableaux. Enfin il convient de noter la plus grande et la plus belle inconographie qui existe de saint Yves à la porte latérale gauche de la cathédrale de Nantes (Albert LE GRAND. — Loc. cit. Annotations, p. 190).

Et si, en terminant, nous voulons évoquer la ville où reposent les ossements du glorieux patron de notre pays, retraçons l'impression qu'elle a produite à un de nos écrivains : « Encore maintenant, dit-il, dépossédé de la mître et de la croisse que lui avait léguées son grand apôtre Tugdual, Tréguier est toujours la cité sainte de Bretagne. On y vient en pèlerinage des extrémités du Léon et de la Cornouaille. Dans ses rues silencieuses, où l'herbe pousse entre les fentes d'un pavé qui date de la duchesse Anne, l'ombre des hauts murs de ses communautés monastiques accompagne le voyageur pendant près de la moitié du chemin. La cathédrale, merveille du pur gothique au cœur de la cité, semble absorber sa vie, la concentrer tout en elle. Seule dans la langueur générale, elle garde une vertu agissante, sa mystérieuse énergie d'autrefois. Elle est restée un foyer d'âmes. » (LE GOFFIC. — L'âme bretonne, p. 109).

(A. Millon).

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