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SAINTE ANNE, mère de la Vierge Marie, patronne de la Bretagne.

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On demandait un jour à un bon vieillard morbihannais : « A qui vous adresserez-vous Là-Haut, au ciel, puisque vous ne savez pas le français ? »« Je ne serai point embarrassé, répondit-il, j'irai trouver sainte Anne, celle-là me comprendra bien, car elle est du pays, elle est de chez nous ». Oui, elle est de chez nous la sainte aïeule du Christ, et l'on s'étonnerait, à juste titre, si l'on ne trouvait pas son nom au début de ce livre. Elle est la mam-goz, la grand'mère des Bretons, la patronne bénie de notre province, dont elle a voulu faire son pays d'adoption. Pour s'en convaincre il suffira de rappeler brièvement les péripéties merveilleuses de sa prise de possession. Cette histoire, nous le savons, est connue déjà, mais un fils ne se lasse pas de publier les gloires de sa mère, il ne se lasse pus non plus de murmurer à son oreille ce mot que « l'amour redit toujours sans le répéter jamais » (LACORDAIRE). Ce sera notre excuse.

A leur arrivée en Armorique, au Vème ou au VIème siècle, des émigrés construisirent au bord de la voie romaine de Vannes à Quimper, dans le champ du Bocenno, une chapelle qui abritait une statue de sainte Anne et qui lui fut dédiée. Au VIIIème siècle cette chapelle s'écroula, mais le peuple dans sa mémoire en garda le souvenir et le village qui s'était groupé autour de ses ruines continua d'être appelé Keranna, le village d'Anne. Ce ne fut qu'une éclipse. On sait que dans chaque rendez-vous de la piété bretonne, il existe une chapelle, une croix et une fontaine. Or, au commencement du XVIIème siècle, ces témoins, vestiges du culte primitif, se voyaient encore à Keranna. Le fermier du Bocenno avait, il est vrai, employé les pierres de la chapelle disparue pour rebâtir sa grange, mais, à la place où elle s'élevait jadis, on ne pouvait passer le soc de la charrue, et cela de temps immémorial, sans que l'attelage se rompit violemment. La croix se dressait à 600 mètres du village ; elle y est encore aujourd'hui. Enfin la fontaine coulait toujours dans le contre-bas du champ prédestiné.

Dans ce village il y avait un homme, fermier de la famille Cadio de Kerloguen, qui habitait une modeste chaumière avec sa sœur Yvonnette et sa femme Guillemette Le Roux. Il se nommait Yves Nicolazic, et avait quarante ans. En apparence rien ne le distinguait des autres laboureurs. Type achevé du vrai breton, il réunissait en lui toutes les qualités de sa race forte, franche, avisée, et en son âme semblait concentrée toute la piété des générations précédentes qui, pendant une interruption de neuf siècles, n'avait pas trouvé l'occasion de se manifester envers Celle que l'on considérait toujours comme la patronne de ce petit coin de terre.

Les apparitions de sainte Anne commencèrent et, ce qui est significatif, elles eurent lieu aux endroits où subsistaient encore les traces de l'ancienne dévotion. Un soir, Nicolazic était allé chercher ses bœufs dans une prairie voisine, quand il aperçut dans une auréole de lumière une Dame majestueuse, vêtue de blanc, et tenant à la main un flambeau allumé. Sans lui adresser la parole, par un geste, elle empêcha les bœufs de venir boire à la fontaine. Quelques mois plus tard, elle se montra près de la croix, appela le fermier par son nom, lui fit signe de la suivre et, elle le précédant, lui récitant son chapelet, ils allèrent ainsi jusqu'à la porte de la chaumière familiale, où la vision disparut. Troublé par ce qu'il venait de voir, le bon laboureur s'étendit sur la paille dans la grange restaurée — on s'en souvient — avec les pierres de l'ancienne chapelle. Vers onze heures, il croit entendre un bruit confus, comme si une immense multitude arrivait de tous côtés. Il se lève, ouvre la porte, regarde dehors, la campagne est silencieuse et déserte. Il venait de rentrer, quand tout à coup une vive lumière remplit le pauvre bâtiment et, plus resplendissante que jamais, apparaît la Dame qui lui dit : « Yves Nicolazic, ne craignez rien. Je suis Anne, mère de Marie. Dites à votre recteur qu'il y avait ici autrefois une chapelle dédiée en mon nom. Il y a 924 ans et six mois qu'elle a été ruinée ; je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin, Dieu veut que j'y sois honorée ». Puis la messagère céleste s'évanouit dans un nuage lumineux, et cette nuit-là, Nicolazic fut officiellement investi de sa mission.

Pour la remplir il eut à surmonter de multiples épreuves que nous ne pouvons que résumer. A plusieurs reprises il s'adressa au recteur de Pluneret, sa paroisse, qui l'accabla de railleries, de reproches, et ne voulut même pas l'écouter. On le menaça même de lui interdire les sacrements. Nicolazic fut profondément ému, mais non découragé. Il recourut alors à l'Evêque de Vannes, Mgr Sébastien de Rosmadec. Celui-ci, frappé de divers rapports qu'il avait reçus, nomma Dom Jacques Bullion, recteur de Moréac, pour examiner celui qu'on appelait le visionnaire. Cet examen eut lieu au presbytère de Pluneret, en présence du recteur et de son vicaire, adversaires acharnés du laboureur. Quelques jours plus tard, Mgr de Rosmadec voulut interroger lui-même Nicolazic. Il le vît à deux reprises différentes, à Kerguehennec d'abord, puis à Vannes, et le confia aux Capucins d'Auray qui pendant plusieurs semaines, dans leur couvent, lui posèrent les questions les plus insidieuses pour essayer de le faire se contredire, ou de l'ébranler. Tout fut inutile, et ils furent obligés de transmettre un rapport favorable. Enfin une dernière enquête eut lieu à Keranna, et elle fut confiée au P. Ambroise de Brest et au P. Gilles de Monay qui reconnurent que Nicolazic n'avait jamais varié dans ses dépositions (Dom LOBINEAU. - Vie des Saints de Bretagne, III, p. 359 et suiv. Edition de 1836). Tourné en dérision par les uns, traité de fou par les autres, il supporta tout par humilité, et puis il avait un défaut — défaut qui pourrait bien être une qualité et qui en fut une dans la circonstance — il était tenace, entêté, comme nous le sommes tous, et il ne céda pas.

Durant ces longs jours de crise, sainte Anne revenait sans cesse réconforter son fidèle serviteur ; elle le pressait d'agir, et lui de son côté la pressait de manifester sa puissance. Le 2 mars 1625 il se hasarda à lui dire : « Mais, ma bonne Maîtresse, faites donc un miracle pour que tout le monde connaisse votre volonté ». Elle lui promit alors qu'on verrait bientôt un témoignage incontestable de sa véracité. En effet, dans la nuit du 7 Mars, elle lui apparut et lui dit : « Yves Nicolazic, appelez vos voisins et menez-les avec vous au lieu où mon flambeau vous conduira ». Ravi, d'un bond il se lève et, raconte le chroniqueur qui vécut lui-même dans l'intimité du croyant (Le P. Hugues de S. François, premier prieur du couvent des Carmes à Sainte-Anne), « il va réveiller quatre laboureurs et leur crie : "Allons, mes amis, où Dieu et Madame Sainte Anne vont nous conduire ". Ils se mettent en marche, un flambeau mystérieux les précède jusqu'à ce qu'étant arrivé dans le champ de la chapelle, il s'arrête, monte et descend trois fois et disparaît. Nicolazic, après avoir marqué du pied l'endroit, appelle son beau-frère, fait donner cinq ou six coups de tranche, dont il sortit un bruit sourd qui fit connaître qu'il y avait là une pièce de bois et, chacun aidant, ils découvrirent le glorieux bois de l'ancienne image ». Enfouie en terre depuis 924 ans, cette statue avait trois pieds de haut ; bien que rongée par l'humidité, elle conservait des restes de peinture, et les plis de sa robe se dessinaient nettement sur le bois noirci. Il faut renoncer à décrire la joie des témoins de cette découverte qui restèrent longtemps agenouillés devant le talus où ils avaient déposé la sainte effigie. Pour l'abriter on construisit ensuite une cabane couverte de genêts et, un peu plus tard, une chapelle provisoire en planches de sapin.

Après cette nuit qui fut vraiment la nuit de la résurrection, les obstacles, si nombreux et qui paraissaient insurmontables qui s'étaient multipliés jusque-là, tombèrent comme par enchantement, et la grande nouvelle se répandit avec une rapidité qui tient du prodige. Mgr de Rosmadec, dont la prudence était allée jusqu'au scrupule, s'étant assuré que Nicolazic avait amassé une somme de 1.800 écus, l'autorisa à commencer les travaux d'une chapelle, dont la première pierre fut bénite le 26 Juillet 1625. Les Carmes s'établirent à proximité et en poussèrent activement la construction qui fut terminée quelques années plus tard. Des édifices ne tardèrent pas à s'élever autour de l'humble village, et sainte Anne, qui faisait sa réapparition dans sa province en Souveraine, marquait sa bienvenue par d'incomparables faveurs. « Tous les trésors du ciel sont entre mes mains » avait-elle dit à Nicolazic, et voici qu'en effet des procès-verbaux de cette époque, rédigés avec soin et sévèrement contrôlés, détaillent des miracles aussi nombreux qu'extraordinaires : guérisons subites de maladies incurables, résurrections de morts, peste écartée, navires sauvés d'un naufrage certain, conversions éclatantes, etc..., etc...

Le premier de ces dons de joyeux avènement fut accordé à Nicolazic lui-même : il était marié depuis quinze ans et, quelque temps après la manifestation du 7 Mars 1625, naissait son premier enfant. Le pieux laboureur avait obtenu la récompense de sa fidélité sur la terre, il ne lui restait plus qu'à aller recevoir celle qui l'attendait au ciel. Il s'était retiré près du bourg de Pluneret et, quand il sentit les atteintes d'une maladie qui devait être pour lui la dernière, il se fit transporter dans une chambre de l'infirmerie du couvent des Carmes. « A l'heure de sa mort, on lui apporta l'image miraculeuse, en lui recommandant de déclarer encore une fois, dans ce moment décisif pour l'éternité, s'il persistait à maintenir tout ce qu'il avait dit de l'origine de cette dévotion. Il assura que tout était vrai, baisa avec une grande tendresse les pieds de l'image, il expira doucement vers midi, le 12 Mai 1645, âgé de 63 ans, en présence de tous les religieux » (Dom LOBINEAU. — loc. cit. III, p. 375). Comme il l'avait souhaité et très instamment demandé, il fut enterré à l'endroit même où avait été découverte la statue de sa « bonne Maîtresse ». Bientôt le petit village qui s'agrandissait chaque jour devint un des plus célèbres rendez-vous de la piété catholique. Des foules immenses y accoururent, non seulement de tous les coins de la Bretagne, mais de toutes les provinces de France. En vertu de cette loi divine qui veut que presque toujours les pauvres bénéficient des bienfaits célestes avant les riches — les bergers n'ont-ils pas été appelés les premiers, avant les Mages, à la crèche de Bethléem — ce ne furent d'abord que de modestes villageois qui vinrent offrir à leur bonne Mère les trésors de leur cœur. Mais bientôt les heureux de la terre y arrivèrent à leur tour, les têtes couronnées elles-mêmes revendiquèrent l'honneur de lui présenter leurs hommags. Anne d'Autriche, reine de France, envoie un ambassadeur auprès de sa patronne pour obtenir d'elle la grâce d'avoir un fils, sa prière est exaucée et, quelques mois après, naissait celui qui devait être Louis XIV. Henriette de France, reine d'Angleterre, la mère du duc de Valois, la grande Dauphine, la reine Marie Leczinska entre autres viennent s'agenouiller sur la lande bénie du Morbihan.

Les années passaient et la Révolution arriva avec son cortège de sacrilèges, de meurtres et de ruines. Pendant cette lamentable période les fidèles, sans souci des menaces, n'interrompirent pas leur pieux pèlerinage. Nous en avons un témoignage singulièrement suggestif dans ce qu'écrivait en 1796 le commissaire du gouvernement ; « Le peuple est toujours affamé de miracles ; on n'a jamais vu une affluence aussi grande que cette année à Sainte-Anne ».

De son côté le citoyen Guillon, commissaire cantonal, traçait, le 28 Octobre 1797, ces lignes inspirées par le spectacle qu'il avait sous les yeux, et que devraient bien méditer les sectaires de notre époque : « La persécution ne fait qu'irriter, rarement elle corrige. Si donc nos paysans ont le malheur de se tromper dans leurs préjugés, ce ne sera certainement pas la violence qui les dissuadera de leurs erreurs. Il faudrait des siècles pour faire adopter au peuple breton d'autres principes que ceux de sa religion » (Archives de Pluneret). Pourtant que les temps sont changés ! Plus de chants, plus de carillons de fête, plus de feux de joie ! N'importe ; à certains jours ils sont là plus de 20.000 pèlerins priant, groupés et agenouillés devant les portes closes de la chapelle. Leur nombre et leur foi en imposent aux représentants de la Convention qui n'osent ni inquiéter, ni empêcher leurs manifestations pacifiques. En 1793, la statue miraculeuse fut, il est vrai, arrachée de son piédestal et brûlée sur la place publique, mais un habitant de Vannes sauva des flammes, au péril de sa vie, un fragment de la tête qui est enchâssé dans le socle de la statue actuelle.

Cependant la chapelle du XVIIème siècle ne suffisait plus à recevoir les populations qui y venaient de plus en plus nombreuses de la France, de la Belgique, de l'Italie. Comment aurait-elle pu contenir les 30.000 ou 40.000 pèlerins qui parfois s'y trouvaient réunis ? Nicolazic avait dit qu'il aurait voulu bâtir en l'honneur de sa bonne Maîtresse « une église grande comme une cathédrale ». Son désir allait être réalisé. Un prêtre se rencontra pour cette œuvre ; il s'appelait l'abbé Guillouzo. Devenu l'humble mendiant de sainte Anne, il se met en marche, son chapelet à la main, allant de paroisse en paroisse, frappant à toutes les portes, recevant avec le même sourire le sou du pauvre et l'or du riche. Et cela dura plusieurs années. Il réussit à transporter une montagne de pierres, de pierres qui furent taillées, sculptées, ajourées comme pour un palais, et il fit appel aux plus grands artistes pour les mettre en place. Aux hésitations de son évêque il répondait par ces paroles de sa douce Patronne à Nicolazic : « Ne craignez rien, rien ne manquera ici ; non seulement pour bâtir, mais pour faire des choses qui étonneront le monde ». Et jamais rien ne manqua ; il espérait obtenir 300.000 fr., il recueillit plus de deux millions, et le 4 Septembre 1866, Mgr Saint-Marc, archevêque de Rennes, en bénissait la première pierre. Deux ans après elle était achevée.

Dominée par une tour qui dresse à soixante-dix mètres dans les airs la statue dorée de sainte Anne, cette basilique est une œuvre d'art autant qu'une œuvre de foi. La fusion harmonieuse de l'élément classique et de l'élément ogival lui imprime d'une part une solidité, une majesté, une force contenue et pourtant souveraine ; de l'autre une légèreté, une grâce et une délicatesse charmantes. Ces caractères se remarquent dès l'extérieur, surtout dans la façade imposante, dont les portes latérales sont surmontées de deux statues : à gauche celle de Nicolazic, à droite celle du grand pénitent breton, Pierre de Keriolet. Et quand on a franchi le seuil, comment décrire l'intérieur Il faudrait dire l'incomparable richesse de ses huit chapelles et de ses treize autels qui sont pour la plupart de véritables chefs-d'œuvre de sculpture. Il faudrait étudier la fresque admirable qui est au fond du chœur, où sainte Anne dans la gloire, planant dans l'infini, écoute les supplications d'un zouave pontifical, d'un marin en danger et d'une mère inquiète : images de tous ceux qui combattent, de tous ceux qui souffrent et de tous ceux qui pleurent. Il faudrait louer l'heureuse idée que l'on a eue de n'employer partout, dans le granit des chapiteaux comme sur le bois des confessionnaux, dans les grilles forgées des balustrades comme dans les encadrements des verrières, que deux motifs d'ornementation qui sont toujours les mêmes, et que ne manqueront pas d'apprécier les amateurs du symbolisme chrétien : la coquille et le lys ; la coquille, insigne traditionnel du pèlerin ; le lys, emblème de la pureté de la foi bretonne. Il faudrait aller compter les ex-voto qui en tapissent les murs, toutes ces peintures si émouvantes dans leur naïveté, où l'on voit ici un fils rendu à la joie d'un vieux père qui pleurait sa perte, là le toit des ancêtres sauvé d'une ruine imminente, plus loin un soldat resté intact sous le feu de l'ennemi, plus loin encore un enfant échappant à un accident qui devait être mortel ; où l'on voit enfin l'histoire tout entière de la Bretagne avec ses joies et ses peines, ses espérances et ses prières.

Rien ne manque à cette basilique : la piété y a imprimé son cachet, l'art y a mis son génie, toutes les douleurs humaines y ont versé leurs larmes, tous les vœux exaucés y ont déposé des témoignages de leur reconnaissance; le pauvre y glisse son obole, le riche y jette à pleines mains l'or et les pierreries ; le paganisme lui-même, en reconnaissant sa défaite, lui a fait son offrande, puisque tous les marbres du maître-autel viennent de la Rome antique et sont des débris de l'emporium de ses Césars.

Il semblait que tous les hommages, tous les honneurs avaient été décernés à la grande Patronne de la Bretagne. Pourtant on eut l'idée d'en ajouter un autre, plus rare que tous, et on supplia Pie IX de la couronner. Rome hésita, la demande paraissait hardie ; la couronne étant le symbole de la royauté, ce privilège n'avait été jusque-là réservé qu'à Marie, reine du ciel. Mais le Pape passa outre, et proclama que l'aïeule de Jésus était, elle aussi, souveraine au ciel comme sur la terre. Et le 30 Septembre 1868, dans les assises les plus solennelles qu'ait vues notre province, en présence de 60.000 personnes, six évêques déposèrent au front de la statue vénérée un diadème étincelant d'or et de perles. L'abbé Freppel, celui qui devait devenir plus tard l'illustre évêque d'Angers, put alors crier à l'immense auditoire qui l'écoutait : « Je vois une couronne placée sur la tête de votre bienfaitrice, mais j'en vois une autre aussi déposée par le chef de l'Eglise sur le front de la catholique Bretagne pour la féliciter de la droiture de son caractère, de la simplicité de ses mœurs, de sa piété traditionnelle et de l'énergie de ses convictions ». Et par des acclamations enthousiastes la foule proclama la souveraineté séculaire et impérissable de Notre-Dame Sainte Anne sur le vieux duché d'Armor. On conserve encore le souvenir de deux autres fêtes presque aussi imposantes : celle du 8 Août 1877, quand Mgr Saint-Marc, cardinal de Rennes, consacra la basilique, et celle du 4 Septembre 1886, quand fut plantée dans le cloître du petit séminaire la croix de Jérusalem.

Par la sacristie de la basilique on pénètre dans deux vastes salles, qui contiennent le Trésor, où sont réunis, suspendus aux murs ou abrités sous des vitrines, un grand nombre d'objets précieux. Mentionnons tout d'abord les reliques de sainte Anne. Celle que donna Louis XIII est enfermée dans un humble reliquaire que l'on fait baiser aux pèlerins. Dès le début de la dévotion, l'Abbesse de la Joie, à Hennebont, en donna une autre que l'on vénère devant la statue miraculeuse. Dans l'église paroissiale de Chiry, au diocèse de Beauvais, on gardait précieusement une partie importante du crâne de notre Patronne, obtenue au XIVème siècle par un gentilhomme de ce pays. L'évêque de Beauvais offrit à la basilique cet inestimable trésor, dont la translation eut lieu le 25 Juillet 1890. En 1858, l'Impératrice Eugénie fit don à la chapelle d'une relique venant de Rome et renfermée dans un splendide reliquaire, et Léon XIII envoya un ossement du bras de la sainte (Abbé Nicol. — Sainte Anne d'Auray, Appendice, p. 215). Après les reliques, les couronnes qui furent bénites le 30 Septembre 1868, et l'œuvre la plus remarquable de ce Trésor, l'ostensoir que M. Calliat, l'éminent orfèvre de Lyon, regardait comme son chef-d'œuvre, et qui est sans contredit le plus beau, le plus riche de France. Puis la chasuble donnée par Anne d'Autriche, l'ornement brodé par la Comtesse de Chambord, l'épée, hommage de la Bretagne au général de Charette. Au milieu de nombreuses bannières laissées par des villes et des diocèses, celle que Napoléon III et l'Impératrice y offrirent en 1858, lors de leur voyage dans notre pays. Enfin, car l'on ne saurait tout énumérer, une quantité de bijoux, de souvenirs d'évêques, de croix de procession, de décorations, etc..., etc...

Avant de quitter cette bourgade bénie, il convient de jeter un coup d'œil sur les monuments qui, comme d'une couronne mystique, entourent la basilique. Le vieux monastère qui communique avec elle était jadis celui des Carmes ; ils furent dispersés par la Révolution et remplacés par les Jésuites, qui en furent chassés à leur tour en 1830. Ce sont les prêtres du diocèse qui l'occupent aujourd'hui, dirigeant un petit séminaire qui ne cesse de fleurir et de prospérer. La galerie couverte du cloître, qui date du XVIIème siècle, est réservée à un Chemin de Croix, en bronze, remarquable et impressionnant par l'intérêt dramatique de la composition et l'intensité de son sentiment religieux. La fontaine, achevée en 1897, décorée de trois énormes vasques monolithes, où les pèlerins viennent boire l'eau miraculeuse. La Scala Sancta, dont on gravit les degrés à genoux, et où l'on gagne les mêmes indulgences qu'à celle de Rome. Enfin le splendide mausolée que l'on finit de construire à la mémoire de tous les soldats bretons tués pendant la grande guerre.

Il y a un lien mystérieux qui unit la Bretagne à sa céleste Protectrice, et on a eu raison d'écrire : « Sainte Anne est la patronne de la Bretagne comme saint Yves en est le patron, mais saint Yves n'a que le respect du peuple, sainte Anne en a l'amour, il lui donne une part presque égale à l'affection filiale qu'il a vouée à la Sainte Vierge » (LOUDUN. — La Bretagne, p. 29). Aussi ce qu'il y a de plus touchant en ce coin de terre, ce n'est pas la majestueuse basilique, ce ne sont pas les incomparables solennités qui s'y déroulent, c'est la confiance des Bretons. Celle-ci est absolue, totale et sans bornes. Suivant les calculs les plus exacts et les plus modestes, il y a plus de 200.000 personnes à venir chaque année dans ce village, qu'on pourrait appeler, et qui est réellement, la Capitale religieuse de la Bretagne. Cet immense concours populaire se comprend et s'explique, parce que chez nous on sait que ce lieu de pèlerinage et la dévotion qui en est la raison d'être sont, pour ainsi dire, d'institution divine. On y va prier sainte Anne parce que, selon sa parole à Nicolazic, « c'était la volonté divine qu'elle y soit honorée », et c'est pourquoi on aurait pu inscrire en lettres d'or, au fronton de la basilique, ces mots qui en résument toute l'histoire, depuis ses origines si humbles jusqu'à son plein épanouissement et sa gloire : « Digitus Dei est hic — Le doigt de Dieu est là ».

(A. Millon).

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