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L'INSURRECTION DU LÉON EN MARS 1793.

- SOUMISSION DES REBELLES -

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La commune de Cléder fut une des premières à se soumettre à la loi de la conscription : voici la lettre que la municipalité écrivait dès le 25 mars 1793 aux commissaires (Archiv. Départ. Série L. 16) :

« Nos soins et nos efforts ont été jusqu'ici infructueux vu que le 19 de ce mois, jour fixé pour le tirage, les habitants de plusieurs paroisses voisines armés de fourches de fer, bâtons et fusils, se transportèrent en grande bande dans notre bourg, troublèrent, dissolurent par menaces et voies de fait nos concitoyens qui s'y étaient assemblés paisiblement et sans armes, et forcèrent même notre maire à les accompagner comme un criminel, à leur destination, menaçant de mort quiconque oserait se décorer d'écharpe et de cocarde tricolore.

Mais aujourd'hui, ayant fait assembler nos jeunes gens, ils demandent à tirer au sort et à voler à la défense de la patrie ; c'est ce que nous voyons avec un plaisir sans égal, vous priant de pardonner à quelques particuliers qui ont été pendant quelques jours les dupes des mauvais conseils qu'ils recevaient d'ailleurs ».
lves ROUDAUT, maire, Gabriel CADIOU, procr. syndic.

Les commissaires répondirent à cette lettre en ces termes (L. 85) :

« Citoyens, nous avons lu votre lettre avec toute la satisfaction qu'éprouvent d'honnêtes gens en voyant la résipiscence et le retour à l'ordre d'hommes égarés par des insinuations perfides ; vous avouez vous-mêmes, citoyens, cette cause de votre égarement et quelque funeste qu'il ait été, nous le détestons moins que nous ne nous réjouissons de votre repentir, S'il est sincère, comme nous aimons à le croire, vous recouvrerez bientôt la tranquillité qui n'aurait jamais dû être troublée dans votre commune, vous trouverez ci-jointe une exhortation, que nous avons cru devoir faire aux communes mutinées avant de laisser déployer contre elles les efforts désastreux de la force armée, vous y trouverez les conditions auxquelles la paix vous est offerte et le délai qui vous est accordé pour les adopter ; elles sont toutes justes puisqu'elles n'ont pour objet que l’exécution d'une loi dont aucune commune de la République n'est exceptée et le payement des dépenses que la révolte ouverte de la vôtre et de ses voisines a occasionnées ; nous espérons que vous ne tarderez pas à vous y soumettre, nous attendons en conséquence les députés que vous nous enverrez et il nous tarde de vous donner en leurs personnes le baiser d'une cordiale fraternité et d'une sincère réconciliation. Nous désirerions que les autres communes qui ont participé à votre rébellion partageassent aussi vos regrets et s'empressassent de venir l'expier par une prompte soumission, après demain il n'en sera plus temps et, ce délai expiré, rien n'arrêtera la marche du général Canclaux et l'exécution de la mission terrible qui lui est confiée ».

Voici l'exhortation à laquelle il est fait allusion dans cette lettre.

« Citoyens nos frères, n'êtes-vous pas enfin las des révoltes où vous ont entrainés des ennemis d'autant plus cruels qu'ils paraissent être vos plus grands amis ? Pouvez-vous encore voir sans frémir couler tous les jours le sang de vos frères, de vos parens, de vos concitoyens ? Ne voudrez-vous donc plus écouter la voix d'honnêtes gens qui pleurent vos malheurs et votre aveuglement ? Ne pouvons-nous pas enfin vous ouvrir les yeux sur la perfidie des indignes à qui vous donnez votre confiance et qui vous trompent, vous ruinent et vous font égorger, par leurs conseils pervers ?

Vous vous plaignez du nombre d'hommes qu'on vous demande pour le recrutement, mais pourquoi vous plaindre aujourd'hui de ce que vous avez si promptement exécuté l'été dernier ? Vous ne voulez pas que vos fils aillent sur les frontières éloignées ; ils ne sont destinés que pour la défense de vos côtes et de vos environs, ils n'iront jamais plus loin que les côtes du département du Finistère, nous vous le promettons, nous vous le jurons et ceux qui vous disent le contraire vous trompent et vous font servir d'instrument à leurs projets séditieux, vous font égorger pour servir leur propre cause.

Vous criez sur le nombre d'hommes à fournir ; comment pouvez-vous vous révolter pour fournir ce petit nombre d'hommes pendant que, depuis que vous êtes en révolte, on vous a tué vingt fois plus de monde qu'on ne vous en a demandé.

Vous criez sur l'excès de vos contributions et vous accumulez depuis votre insurrection au moins 60.000 livres par jour sur vos paroisses et qu'il faudra bien que vous payiez.

Ah ! nos frères, nos chers concitoyens, tandis qu'il en est tems encore, ouvrez les yeux sur vos malheurs passés, distinguez enfin qui sont vos vrais amis de vos ennemis secrets qui vous abusent et qui vous perdent. Vos désastres nous affligent, il n'est pas un coup de fusil tiré sur vous qui ne nous déchire le coeur. Abandonnez donc cet esprit d'insurrection, renoncez à ces attroupements parricides qui portent la mort dans vos familles. Mettez bas les armes, réconciliez-vous avec vos frères, vos amis, ceux que vous avez choisis vous-mêmes pour vous gouverner, prouvez que vous êtes au repentir de ces révoltes, venez vers nous avec confiance, nous sommes éloignés de vous chercher des torts, nous serons les premiers à demander votre grâce et à tout faire pour l'obtenir.

Si vous craignez de venir jusqu'à Saint-Pol, entendez-vous avec quatre braves gens de chaque paroisse, rendez-vous dans un endroit que vous indiquerez, nous nous y rendrons comme vous sans armes, sans soldats ; enfin nous nous embrasserons encore une fois en frères et tout sera oublié, mais rappelez-vous bien qu'il faut être résolus à fournir votre monde pour ce recrutement et vous obliger à payer les frais des marches de troupes que vous avez provoquées et pour cautionnement vous viendrez quatre hommes choisis de chaque paroisse à Saint-Paul, à Morlaix ou à Lesneven et y demeurerez, non pas en prison ni gardés à vue, mais sûr votre parole vous y serez libres et vous mangerez avec nous, en un mot nous vivrons et travaillerons ensemble pour assoupir et terminer cette affaire au plus vite et à la satisfaction commune. Vous trouverez en nous des protecteurs, des frères ; comptez sur notre dévouement et croyez que nous sommes prêts de nous sacrifier pour le salut commun, mais songez qu'il n'y a pas un instant à perdre pour vous sauver.

Aussitôt notre lettre reçue, assemblez-vous, délibérez de suite et faites-nous passer sur-le-champ votre décision ; nous vous en prévenons avec franchise, il faut que votre réponse bien positive et signée des municipaux et notables de votre paroisse nous soit parvenue sans faute au plus tard dans la journée de demain (27 mars).

Nous vous déclarons que, le jour de demain écoulé, sans un traité passé entre nous, il n'est plus en notre pouvoir de vous soustraire aux peines portées sur les attroupements et les rebellions et que le général Canclaux, qui est ici avec une force armée immense, va dès le lendemain matin se porter sur vos communes et vous traiter avec toutes les rigueurs des lois. Ne croyez pas, nos malheureux frères, que ce que nous vous disons soit un vain épouvantail, nous ne vous disons que la vérité, nous avons promis, nous avons juré de vous recevoir en frères si vous revenez sincèrement, mais nous vous jurons aussi que, si vous persistez dans vos rebellions, les lois de la guerre les plus rigoureuses vont s'exécuter chez vous. Réfléchisez donc, agissez et rendez-vous à la loi, donnez-nous une réponse précise et à l'heure, on nous vous disons un dernier adieu. ».
Signé : LE DENMAT, PINCHON, PRAT, GUILLIER, CANCLAUX.

Le jour même de l'envoi de cette pressante invitation, le 26 mars, les paroisses de Cléder, Plougoulm et Sibiril signaient la convention suivante. (L. 16).

« Entre les soussignés commissaires pour le recrutement, fondés en pouvoir par ceux de la Convention, les administrateurs du département et du district de Lesneven d'une part, et d'autre part les députés des généraux des paroisses de Plougoulm, Sibiril et Cléder, savoir pour Plougoulm : François Cousquer, Henri Milin, François Ollivier et Claude Roualec ; pour Sibiril : Hervé Péron, procureur de la commune, François Bihan, notable, François Stéphan, notable, et Henri Quiviger, et pour Cléder : Ollivier Riou, officier municipal, Vincent Grall, notable, Pierre Roignan, notable, et Jean Postec, secrétaire greffier.

Est reconnu et convenu ce qui suit :

l.
Une insurrection à main armée a éclaté dans le voisinage de Saint-Paul contre l'exécution de la loi du recrutement.

II.
Une troupe de rebelles s'est portée en armes sur cette ville le mardi 19 de ce mois, y a entré et tué quatre et blessé plus de trente défenseurs de la liberté.

III.
Depuis ce jour jusqu'à et y compris le dimanche 24 les attroupements des paroisses insurgées n'ont pas discontinué et le dit jour 24 ils ont attaqué et fusillé deux détachements de gardes nationaux et de troupe de ligne dont la jonction s'est opérée sous le commandement du général divisionnaire Canclaux au pont de Kerguiduff que les rebelles avaient rompu.

IV.
Les communes insurgées ont été invité à rentrer sous le joug de la loi et à se procurer ainsi la paix par une proclamation des commissaires soussignés et du général Canclaux du jour d'hier aux conditions y énoncées.

V.
Les communes de Plougoulm, Sibiril et Cléder ont délibéré sur ces conditions et envoyé les députés ci-dessus nommés pour traiter avec les commissaires soussignés.

VI.
Ce traité a été fait aux conditions suivantes :

La 1ère, tous les particuliers des communes de Plougoulm, Sibiril et Cléder seront désarmés dans tiers jours à la diligence de leurs conseils généraux et sous leur surveillance et tous les fusils pris seront remis et toutes autres armes offensives, aux administrateurs de leurs districts respectifs, par inventaire.

La 2°, le contingent des dites communes sera fourni dans tout délai de demain et constaté par des procès-verbaux dont expédition sera donnée aux commissaires.

La 3°, les frais de l'emploi de la force armée et autres dépenses nécessitées par la révolte des paroisses seront payés par une contribution dont la masse sera réglée et répartie entre les dites paroisses de Plougoulm, Sibiril et Cléder, et payée dans tiers jours après qu'elle sera connue.

La 4°, les principaux coupables et les chefs de l'insurrection dans chacune des trois communes seront désignes par elles aux commissaires.

La 5°, les cloches des dites paroisses seront descendues à la diligence des conseils généraux, aussi dans tiers jours.

La 6°, les ponts abattus par les rebelles seront rétablis aux frais des paroisses insurgées, lesquels frais seront compris dans la masse des dépenses ci-dessus si mieux n'aiment les paroisses s'entendre pour rétablir eux-mêmes les dits ponts suivant devis des ingénieurs de département, sous 15 jours dans les deux cas.

La 7°, la veuve et les enfants de Grégoire Mercier, canonnier de la garde nationale de Morlaix tué dans la journée du 19 par les rebelles qui fondirent ce jour, sur Saint-Pol, auront un dédommagement de 3,000 #.

La 8°, les communes de Plougoulm, Sibiril et Cléder, fourniront chacune 4 otages de choix et parmi leurs notables habitants pour sûreté de l’accomplissement des conditions ci-dessus, en ce que le fait les touche.

La 9°, les clauses ci-dessus seront soumises aux généraux de Plougoulm, Sibiril et Cléder pour être par eux ratifiées ou rejetées duns le délai de tout demain et jusque-là le général Canclaux suspendra la marche de la force armée contre les dites communes à l'effet de les traiter comme pays ennemi.

Fait sous les signes des partis :
CANCLAUX, PERRIN, TROBERT, RAGEUL, GUILLIER, PINCHON, HOMON, PRAT, GOEZ, LE ROUX, LE DENMAT.

Le 27 mars, le conseil général de Sibiril souscrivait un traité « sauf que nous ne pouvons répondre d'exercer aucune voie a l'égard des coupables, reconnaissant tous notre faute, ne voulant dorénavant vivre qu'en qualité de frères, d'amis de la patrie et de bons citoyens, » il nommait pour otages : HERVÉ PÉRON, procureur de La commune, FRANCOIS STÉPHAN et HENRY QUEVIGER.

Le même jour Cléder adhérait à la convention et nommait pour otage : François Guillou, de Pereu ; Jérôme Riou, de Kersaint ; Paul Penors, de Runion ; et René Bastard, de Péreu. (L. 16).

Plouzévedé dénonçait comme coupables Jean Le Roux, « qu'on avait vu monter à cheval pour chercher le monde », et Joseph Le Roux, « qui avait dit que celui qui reculerait serait brûlé ». Jean Prigent, maire, et Olivier Mesguen, juge de paix de cette commune, sont également arrêtés. (L. 85).

Les communes de Plouvorn et Trefflaouënan envoyèrent également leurs otoges et leur adhésion.

Les frais de contributions furent réglés comme il suit (L, 85) :
Plougoulm fut taxée à ..... 9,000 #
Cléder ..... 13,450 #
Sibiril ..... 9,000 #
Plouvorn ..... 13,000 #
Plouzévedé et Saint-Vougay ..... 13,632 # 8
Trefflaouënan ..... 6,000 #
Plouescat ..... 6,000 #
TOTAL .......... 70,082 # 8.

Le 30 mars, les commissaires écrivirent de Saint-Paul (L. 16) :

Vive la République;

« Frères et amis, nous vous annonçons enfin la paix rétablie dans le pays du ci-devant Léon.

Nous avons une quarantaine au moins de prisonniers dont un grand nombre de coupables, déjà 24 sont envoyés a Morlaix pour passer au jury et le reste va y être conduit des premiers jours.

Nous faisons aux gendarmes courir jour et nuit les campagnes pour saisir les coupables contre lesquels il y a des mandats d'arrêt, Le juge de Paix vient de nous dire que les gendarmes n'avaient encore amené personne parce que la plupart des accusés ont fui, mais au surplus nous tenons les chefs, le maire et le juge de Paix, de Plouzévedé qui ont éte, à la tête des révoltés de leur paroisse, provoquer les autres communes, y sonner le tocsin etc...

Les cloches sont descendues en grande partie, mais comme il y en a qu'il coûterait trop cher de retirer, nous avons donné ordre de maçonner les entrées des tours.

Le drapeau rouge est rentré depuis hier elle drapeau blanc flotte aujourd'hui à sa place. Nous devons au patriote général Cauclaux les plus grands éloges… ».

La répression fut d'autant plus terrible qu'on appliqua contre les insurgés une loi du 20 mars postérieure à l'insurrection. Le 31 mars les commissaires écrivaient de Saint-Paul (L. 16) :

« Frères et collègues, nous venons d'avoir connaissance de l'enregistrement officiel de la loi du 20 mars contre les rebelles à Morlaix et Lesneven. Elle a même été rendue hier aux paroisses révoltées, ce qui fait changer entièrement le cours de cette procédure ; nous croyons donc que tous les prévenus qui nous seront amenés doivent être transférés directement à Quimper pour y être jugés et exécutés dans les 24 heures, de même que ceux que nous avons déjà fait passer à Morlaix et parmi lesquels se trouvent les deux chefs, le maire et le juge de paix de Plouzévédé. (Jean Prigent et Olivier Mesguen).

Nous apprenons même par le citoyen Raoul, commissaire national de Morlaix, que le tribunal s'y assemble aujourd'hui pour y vérifier les procédures et vous envoyer de suite ceux qui doivent être traduits au tribunal criminel du département, et renvoyer ici au général Canclaux ceux pris les armes à la main.

Mais il n'y a pas de guillotine ici, ni même à Morlaix, cependant il est nécessaire et du plus grand intérêt que des expéditions s'y fassent afin que cet exemple porte la terreur au milieu du peuple, mais il est urgent que ces punitions se fassent pendant que la troupe est ici.

Il y a une guillotine même montée à Lesneven et qu'il ne coûterait pas fort cher de transporter ici.

Nous donnons à l'instant ordre d'arrêter Cren, ex-procureur-syndic du distriet de Lesneven qui vient de nous être dénoncé comme ayant rédigé le compromis de coalition signé par les paroisses rebelles ».

Deux jours plus tard le 2 avril les mêmes commissaires prévenaient leurs confrères de Morlaix des nouveaux ordres venus de Quimper touchant le jugement et l'exécution des coupables (L. 16).

« Citoyens nous venons de recevoir des dépêches du Département et par lettre du 1er il nous prévient que, trouvant très dangereux de faire passer à Quimper les coupables révoltés qui sont actuellement dans les prisons de Brest, il a arrêté d'inviter le tribunal criminel du département à se rendre à Brest, Plabennec, Lesneven, Saint-Pol et Morlaix pour y juger et faire exécuter dans ces différents points les condamnés. Les juges ont accédé à cette invitation et sont partis hier pour Brest d'où ils vont se rendre successivement jusqu'à Morlaix avec une guillotine et un exécuteur. Nous vous en prévenons pour que les détenus ne soient pas envoyés à Quimper. Nous croyons même qu'ils se porteront à renvoyer ici et à Lesneven une partie des justiciables afin que ces exemples faits sur les lieux impriment dans ces lieux fanatisés une terreur capable de les détourner de toute récidive ».

Nous terminons ici cette longue suite de documents qui nous ont montré d'une manière si vivante tout un peuple soulevé contre un gouvernement qui n'a su se présenter à lui que pour le contrarier et le vexer dans ses affections les plus chères, dans son attachement à la foi catholique en fermant les églises, dans son attachement au sol du pays, par la loi de la conscription. Ce dernier sentiment, le Breton est parvenu à le maîtriser et on ne trouve pas désormais de plus fidèle serviteur du pays dans nos armées de terre et de mer ; mais l’attachement à la foi est toujours aussi vivace et les dernières émotions dont la Bretagne et notamment le Léon et la Cornouaille viennent d'être le théâtre, sont bien faites pour nous assurer que cette foi séculaire trouve encore de vaillants défenseurs.

(abbé Peyron).

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