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LA MESSE CONTRE LA PESTE

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La grande peste de 1348, dont les ravages furent tels que, selon Froissart, « la tierce partie du monde mourut, » plongea dans la consternation l'Europe entière. Tous les contemporains en parlent dans des termes qui ne peuvent laisser subsister aucun doute sur la violence du fléau. Pétrarque, à qui elle dicta quelques-uns de ses plus beaux vers, dit que l'univers fut presque entièrement dépeuplé, que les maisons sont demeurées sans famille, les villes sans citoyens, les campagnes incultes et toutes couvertes de cadavres. Boccace, au premier chapitre du Décaméron, nous dépeint l'étendue de ses ravages à Florence. Si les poètes nous retracent avec des accents émus l'effrayant tableau de cette mortalité, les chroniqueurs, quoique plus concis, ne sont pas moins d'accord pour nous représenter cette peste comme un des fléaux les plus épouvantables qui aient frappé l'humanité dans les siècles passés [Note : Chroniques de Jean le Bel, éd. Polain, t. I, p. 203. — Froissart, Chroniques, éd. Luce, t. IV, p. 330. — Grandes Chroniques, éd. P. Paris, t. V, p. 485 et 486. — Chronique de Guillaume de Nangis, éd. Géraud, t. II, p. 210 à 214, etc...].

Ces différents récits ne sont malheureusement que l'expression de la vérité, car tous les documents de cette époque, de quelque nature qu'ils soient, les confirment. Des villes, telles que Puiseux-en-Bray (Oise. Lettres de mai 1349 - Arch. nat., JJ. 77, n° 308), Amiens (Arch. nat., JJ. 68, n° 425, et A. Thierry, Recueil de monuments inédits de l'histoire du tiers-état, t. I, p. 544, lettres de juin 1349), Montfaucon (Meuse. Lettres de juillet 1349 - Arch. nat., JJ. 68, n° 379), Coincy (Aisne. Lettres du 21 août 1349 - Arch. nat., JJ. 68, n° 357), Montreuil-sur-Mer (Lettres du 6 septembre 1349 - Arch. nat., JJ. 78, n° 14), Abbeville (Lettres du 19 septembre 1349 - Arch. nat., JJ. 68, n° 374), Nogent-les-Vierges (Oise. Lettres du 21 septembre 1349 - Arch. nat., JJ. 68, n° 381 et 386), Saint-Valery-en-Caux [Note : Seine-Inférieure. Lettres du 13 mai 1349 (Arch. nat., JJ. 77, n° 298). Voy. encore : Arch. nat., JJ. 79A, n° 30 (octobre 1348), n° 48. JJ. 77, n° 411 (mai 1349). JJ. 78, n° 264 (juin 1349) et n° 231 (14 mai 1350), d'autres lettres pour d'autres localités], etc., sont obligées de demander au roi l'autorisation d'agrandir leurs cimetières ou d'en ouvrir de nouveaux, les anciens ne pouvant plus suffire. A Lille, on enterre les cadavres la nuit, hors la ville (Arch. mun. de Lille, compte de 1350, fol. 14 et 23 v°). A Paris, vers le carême de 1349 (n. st.), on est obligé de fermer le cimetière des Innocents (Arch. nat., S. 28, n° 3) et d'ouvrir un nouveau cimetière hors des murs, dans un terrain cédé par l'abbaye d'Hermières [Note : Le Grand, les Maisons-Dieu et léproseries du diocèse de Paris au milieu du XIVème siècle, Introduction, p. XIII. (Extrait des Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, t. XXV, p. 59)]. Au reste, nous pouvons montrer par des chiffres authentiques de quelle étendue fut en certains endroits la diminution de la population. Ainsi, nous voyons, à Paris, le nombre des Filles-Dieu tomber pendant l'été 1349, c'est-à-dire de Pâques à la Saint-Remi, de cent deux à quarante ; ce qui représente une disparition de plus de la moitié [Note : J. Viard, Journaux du trésor de Philippe VI de Valois, n° 3796, et D. Félibien, Histoire de Paris, preuves, t. I, p. 116 et 117. Voy. en particulier, sur la diminution de la population causée en France par la peste noire, le P. H. Denifle, la Désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent ans, t. II, 1ère partie, p. 57 à 63, où il trace un bon tableau des ravages causés par cette épidémie dans notre pays et donne des chiffres intéressants au sujet de la mortalité].

En présence d'une telle épidémie, le roi ordonna aux médecins de la Faculté de Paris de rédiger une consultation sur les moyens de la combattre, et des mesures furent prises pour l'enrayer [Note : Voy. L.-A.-J. Michon, Documents inédits sur la grande peste de 1348. Paris, Baillière, 1860, in-8°, et Rébouis, Étude historique sur la peste, 1888, in-12]. Mais à cette époque où la foi était encore si vive, on ne se contenta pas des ressources que pouvait offrir la science humaine ne disposant alors que de bien faibles moyens ; on eut recours aux prières [Note : Voy. Gallia Christiana, t. XVI, col. 574 et 575, mention de prières dites dans le diocèse de Viviers à cette occasion]. Or, dans la religion catholique, la plus sublime prière, celle qui peut être le plus agréable à Dieu, est sans contredit le saint sacrifice de la messe. Dans une circonstance aussi extraordinaire, on ne se contenta pas des messes habituelles, et le pape Clément VI en institua une particulière pour demander au Ciel la cessation de ce fléau. Cette messe, établie dans un but spécial, a subsisté depuis dans la liturgie catholique et se dit encore au moment des épidémies. Comme il existe quelques différences entre le texte du XIVème siècle et celui que donnent les missels modernes, nous avons cru bon de publier in extenso l'ancien texte, en faisant ressortir en notes les différences qu'il présente avec celui d'aujourd'hui, pensant qu'il serait intéressant de connaître, en même temps que l'origine de cette messe, sa leçon la plus ancienne. Jules VIARD.

Missa pro evitanda mortalitate, quam dominus papa Clemens sextus fecit et constituit in collegio, cum dominis cardinalibus, anno Domini millesimo CCC XLVIII. Et concessit omnibus predictam missam audientibus et dicentibus ducentas sexaginta dies indulgentie. Et omnes audientes predictam missam debent portare in manu unam candelam ardentem per quinque dies continue sequentes ; et eis mors subitanea nocere non poterit. Hoc est certum et approbatum in Avinione et in partibus Avinionensibus.

Sequitur Officium misse.

Introitus. Recordare Domine testamenti tui, et dic Angelo percutienti : cesset jam manus tua et non desoletur terra et non (Ne) perdas omnem animam viventem. Ps. Qui regis Israhel intende ; qui deducis velut ovem Joseph.
Gloria Patri. Sicut erat. Recordare Domine.
Oratio. Deus qui non mortem sed penitentiam peccatorum desideras (Desideras peccatorum), populum tuum quesumus ad te converte propitius (Populum tuum ad te revertentem propitius respice), ut dum tibi devotus extitit iracundie tue ab eo flagella amoveas (Flagella ab co clementer amoveas). Per Dominum nostrum Jhesum Christum filium tuum qui tecum vivit et regnat in unitate Spiritus Sancti Deus, per omnia secula seculorum. Amen.

Lectio libri Regum (Livr. II, chap. 24, § 15). In diebus immisit Deus pestilentiam in Israhel, de mane usque ad tempus constitutum, et mortui sunt de populo a Dan usque [ad] Bersabee, septuaginta milia virorum. Cumque extendisset manum suam angelus Domini super Jherusalem ut disperderet eam, misertus est Dominus super afflictionem, et aït angelo percutienti populum : sufficit ; nunc contine manum tuam. Erat autem angelus Domini juxta aream Areuna Jebuzei. Dixitque David ad Dominum, cum vidisset Angelum percutientem populum. Ego sum qui peccavi, et ego inique egi : isti qui oves sunt, quid fecerunt ? Vertatur, obsecro, manus tua contra me et contra domum patris mei. Venit autem Gaad propheta Domini ad David in die illa et dixit ei : Ascende et constitue altare Domino super arenam Areuna Jebuzei. Et ascendit David juxta sermonem Gaad quem preceperat ei Dominus [Note : Le missel actuel continue : Et ædificavit altare Domino, et obtulit holocausta et pacifica, et propitiatus est Dominus terræ, et cohibita est plaga ab Israël].

Responsum. Misit Dominus verbum suum, et sanavit eos et eripuit eos de interitu (Morte) eorum. Confiteantur Domino misericordie ejus : et mirabilia ejus filiis hominum. Misit Dominus etc. Alleluya [Note : Après ce premier Alleluia, le missel moderne offre les variantes et additions suivantes : Salvum me fac Deus, quoniam intraverunt aquæ usque ad animam meam. Alleluia. Post septuagesimam, omissis alleluia, et versu sequenti, dicitur. Tractus. Domine non secundum peccata nostra, quœ fecimus nos, neque secundum iniquitates nostras retribuas nobis y Domine, ne memineris iniquitatum nostrarum antiquarum : cito anticipent nos misericordiæ tuæ, quia pauperes facti sumus nimis. Adjuva nos Deus salutaris noster : et propter gloriam nominis tui Domine libera nos : et propitius esto peccatis nostris propter nomen tuum. Tempore paschali omittitur Graduale et ejus loco dicitur. Alletuia, alleluia. Salvum me fac Deus, quoniam intraverunt aquæ usque ad animam meam. Alleluia, Salvabo populum meum Israël in die malo : et ero eis in Deum, in veritate et justitia. Alleluia]. Salvabo populum meum in medio Jherusalem, et ero illius in veritate in Deum et justicia. Alleluya.

Secundum Lucam (Chap. IV, § 38) . In illo tempore : Surgens Jhesus de synagoga introivit in domum Symonis. Socrus autem Symonis tenebatur magnis febribus ; et rogaverunt ilium pro ea ; et stans super illam imperavit febri ; et statim dimisit illam. Et continuo surgens ministrabat eis. Cum autem sol occidisset, omnes qui habebant infirmos variis languoribus ducebant illos ad eum. At ille, singulis imponens manus, curabat eos. Exibant autem demonia a multis clamantia et dicentia. Quia tu es Filius Dei. Et increpans non sinebat ea loqui, quia sciebant ipsum esse Christum. Facta autem die, egressus Jhesus ibat in desertum locum, et turbe requirebant eum, et venerunt usque ad ipsum, et detinebant eum ne discederet ab eis. Quibus ille ait. Quia et aliis civitatibus oportet me euvangelizare regnum Dei, quia ideo missus sum. Erat autem predicans in synagogis Galylee.

Offerenda. Stetit pontifex juxta mortuos et viventes (Inter mortuos et vivos) habens thuribulum aureum in manu sua : et offerens incensum [in conspectu] Domini et cessavit plaga a [Domino] (Et offerens incensi sacrificium, placavit iram Dei, et cessavit quassatio a Domino).

Secreta oratio. Subveniat nobis Domine sacrificii percepti operatio, que nos ab erroribus universis potenter absolvat, a totius perditionis incursu (Subveniat nobis, quœsumus, Domine, sacrificii prœsentis oblatio ; quæ nos et ab erroribus universis potenter absolvat, et a totius eripiat perditionis incursu). Per Dominum, etc.

Communio. Multitudo languentium, et qui vexabantur a spiritibus immundis veniebant ad eum, quia virtus de illo exibat et sanabat omnes.

Post communionem. Oratio. Exaudi nos Deus salutaris noster ; et intercedente beata Dei genitrice semperque virgine Maria (Intercedente beata Dei genitrice semperque virgine Maria est supprimé), populum tuum ab iracundie tue terroribus libera (Liberum) et misericordie tue fac largitate securum. Per Dominum nostrum Jhesum Christum filium tuum, qui tecum vivit et regnat in unitate Spiritus sancti Deus. Per omnia secula seculorum. Amen (Bibliothèque de Lille, ms. n° 23, fol. 71 r° du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. XXVI. Voy. aussi le ms. n° 28 de la même bibliothèque qui, au fol. 122, donne la même messe avec cette mention : quam papa Clemens fecit).

(G. Leborgne).

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