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LES DÉBUTS DE LA COLONISATION DE LA RÉUNION

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Les débuts de la colonisation à Bourbon.
Les capucins Bernardin et Hyacinthe de Quimper.

L'île Bourbon ou de la Réunion a une superficie de 2.510 kilomètres carrés, étendue à peu près équivalente à celle de deux de nos arrondissements de France ; l'île de France ou Maurice, un peu moins vaste, mesure 1.853 kilomètres carrés. Ces deux îles, ainsi que la petite île Rodrigue, furent découvertes en 1528 par le navigateur portugais Pedro de Mascarenhas et furent nommées de son nom : îles Mascareignes. La plus vaste des deux îles fut spécialement appelée île Mascarin et conserva ce nom dans l'usage courant longtemps après que Flacourt l'eût baptisée île Bourbon. Toutes ces îles étaient inhabitées. Séduits sans doute par l'excellent port de Maurice, les Portugais y firent, au commencement du XVIIème siècle, un médiocre établissement ; ils furent remplacés par les Hollandais que nous verrons renoncer à des postes également insuffisants et nous abandonner l'île en 1714.

Ni les Portugais, ni les Hollandais, les grands navigateurs des mers asiatiques, ne s'établirent à Mascarin. Cependant la fertilité du sol, la beauté des sites, la salubrité du climat ont émerveillé tous les voyageurs anciens et modernes : très belle de nos jours, l'île était plus magnifique encore lorsqu'elle était revêtue de la splendide parure de forêts que les « progrès de la civilisation » ont fait détruire. L’île très montagneuse renferme des cantons impropres à la culture, mais les terres fertiles sont assez étendues et les forêts étaient jadis assez giboyeuses pour que pendant bien des années les colons et les aventuriers aient pu, sans grand effort, recueillir les fruits et le gibier nécessaires à la vie [Note : I. GUET a écrit sur Les origines de l'île Bourbon un important ouvrage (Paris, 1886, in-8°) qui sera souvent cité au cours de ces pages. On doit aussi consulter Adrien D'ESPINAY, Renseignements sur l'histoire de l'île de France jusqu'à l'année 1810, inclusivement, Ile Maurice, 1890, in-8°].

Les marins du Croissant, de Saint-Malo, reconnurent l'île en 1603, mais ils ne s'y arrêtèrent pas. Elle fut visitée par les initiateurs de la colonie de Madagascar ; le 25 juin 1538, Salomon Goubert prit possession de l'île Mascarin en apposant les armes de France contre le tronc d'un arbre ; quelques jours auparavant, il avait pris possession sans plus d'apparat de l'île Rodrigue [Note : Relation d'un voyage que François Cauche, de Rouen, a fait à Madagascar, autrement Saint-Laurent, et à la côte d'Afrique..., Paris, 1851, in-4°. - Canche faisait partie d'un groupe d'émigrants qui voulaient fonder un établissement à Maurice ; ils trouvèrent la place prise par les Hollandais ; ils passèrent à Madagascar d'où ils furent renvoyés par Pronis. Cauche arriva à Camaret au commencement de juillet 1645 et quelques jours plus tard à Dieppe]. La même cérémonie fut encore renouvelée en 1612 et en 1613 par ordre de Jacques de Pronis, commandant de Fort-Dauphin. Etienne de Flacourt, grand admirateur de Mascarin, n'essaya pas d'y établir une colonie : il manquait d'hommes pour Madagascar, mais il utilisa la petite île comme lazaret et comme lieu de déportation ; les colons indociles ou mutins qui y furent transportés auraient accepté leur exil si des femmes, quelle que fut leur couleur, les avaient accompagnés. Au mois d'octobre 1649, il fit encore une fois, mais plus solennellement, prendre possession de l'île ; sur le bord du rivage, à l'endroit qui a conservé le nom de baie de la Possession, une colonne fut érigée. Le nom de l'île fut changé en celui de Bourbon : « Je luy ay imposé ce nom, écrit Flacourt, n'en pouvant trouver qui peust mieux quadrer à sa bonté et à sa fertilité... ». Le commandant de Madagascar paraît avoir eu un faible pour cette île où l'on ne connaissait ni les fièvres paludéennes, ni les conflits avec les sauvages, ni les rivalités entre les administrateurs qui faisaient le malheur de Fort-Dauphin ; il l'a décrite, ou plutôt chantée, dans les pages les plus charmantes de son Histoire de la grande Isle de Madagascar et il conclut ainsi son idyllique description : « Ce seroit avec raison que l'on pourrait appeler cette isle un paradis terrestre » [Note : FLACOURT, p. 257-260. — Une gravure représente une colonne érigée lors d'une prise de possession ; nous ne croyons pas qu'elle se rapporte à la prise de possession de Bourbon, mais plutôt a un acte analogue concernant quelque petite île voisine de Madagascar. En effet, elle porte la date de 1653 ; de plus, elle se termine par ces mots : O ! advena ! lege monita nostra tibi, tuis vitæque tuæ profutura : Cave ab incolis. Or, il n'y avait pas d'habitants aux Mascaraigues. La même colonne est figurée en marge de la carte de Bourbon, insérée dans les Voyages et aventures, de François LE GUAT]. Mais dans ce paradis terrestre les filles d'Eve manquaient : un colon de Fort-Dauphin, Louis Payen, passa volontairement à Bourbon vers 1658 avec un autre Français, sept malgaches, trois femmes malgaches et quelques nègres. A peine arrivés les indigènes s'enfuirent dans les montagnes en ayant soin d'emmener les femmes. La colonie était sans avenir.

Les administrateurs de la Compagnie des Indes qui avaient lu le livre de Flacourt destinèrent à Bourbon vingt des émigrants de l'escadre de 1665. Ils étaient embarqués sur le Taureau, commandé par Hervé de Kersaint-Gilly de Kergadiou qui arriva à Saint-Paul de Bourbon le 9 juillet. Kergadiou débarqua ses passagers et leur fit reconnaître pour chef un laborieux agent subalterne de la Compagnie, Etienne Regnault. Malheureusement les colons avaient été mal choisis, car ils ne savaient aucun métier. Plus malheureusement encore la Compagnie des Indes avait encore oublié d'envoyer des femmes.

Enfin, au mois de mars 1667, l'escadre du marquis de Mondevergue débarqua dans l'île un grand nombre de malades, parmi lesquels se trouvaient cinq jeunes filles : Etienne Regnault eut le bonheur de les sauver. A la même époque, des missionnaires vinrent séjourner à Bourbon pour recouvrer la santé : la consécration religieuse et légale fut donnée aux unions contractées avec les Françaises ou avec les Malgaches, les Indoues ou les noires que les habitants s'étaient procuré. Regnault exerça une influence active et bienfaisante dans l'île qui n'était pas oubliée par les officiers de Fort-Dauphin. Kergadiou fit une nouvelle visite à Bourbon au mois de novembre 1665 ; le gouverneur Champmargou y vint l'année suivante. Des colons malades y étaient envoyés en convalescence ; un sieur Du Bois, qui paraît avoir été un secrétaire de Champmargon y fut débarqué le 31 août 1669 avec quarante malades. Quatre de ces malheureux étaient au plus mal et ne purent « souffrir l'air subtil de l'île », mais tous les autres guérirent en quelques jours. Du Bois, éprouvé par le climat de Fort-Dauphin, fut renvoyé à Bourbon en 1671 et passa un an dans l'île où tout l'émerveilla : la jolie habitation du sieur Regnault, la qualité des terres qui auraient pu nourrir 10.000 habitants, alors qu'il n'y en avait que 100 ; l'abondance du gibier que l'on tuait au bâton. Il assure qu'un homme peut en tuer en une heure plus que vingt hommes pourraient en manger en quinze jours [Note : Les Voyages faits par le Sr D... B... aux îles Dauphine ou Madagascar et Bourbon, ès années 1669, 1670, 1671 et 1672…. Paris, 1674, In-18, p. 44].

Enfin, en 1671 et en 1674, l'amiral Jacob Blanquet de la Haye, commandant des forces françaises dans les mers de l'Inde, donna une organisation complète à la colonie naissante qu'il préférait à Fort-Dauphin. Malheureusement il laissa pour commandant un officier inintelligent et brutal, Jacques de la Hure (11 mars 1674). Des colons avaient été autorisés à quitter Madagascar et à passer à Bourbon sur le vaisseau de La Haye : l'un d'eux était un Breton, Louis Caron, originaire de Caudan, près de Pont-Scorff [Note : Le nom Caudan a été transformé en Canday dans l'ouvrage de GUET, Origines..., P. 95. — Etienne RÉGNAULT, autorisé à rentrer en France, écrivit un Mémoire sur l'Etat de la Colonie qui a été publié dans la Revue de l'Histoire des Colonies, 1930. p. 190-198. — Regnault demandait spécialement l'envoi d'un homme sachant préparer le sucre ; il réclamait aussi deux bons prêtres « que l'on avertira de ne se mêler que du spirituel » : il insiste sur la médiocre qualité des émigrants que le hasard avait amenés dans l'île].

La ruine de Fort-Dauphin (27 août 1674) fit arriver dans l'île, en 1675 et en 1676, quelques nouveaux venus qui n'avaient pas tous été en France des artisans laborieux, mais qui avaient subi la préparation que donnent de sévères épreuves.

Parmi les vingt-cinq « rescapés » de Madagascar se trouvaient, ainsi que nous l'avons dit, deux femmes — recrues particulièrement utiles et bien accueillies — et deux Bretons d'Elven et du Croisic.

D'après La Haye, l'île n'aurait eu en 1671 que quinze colons ; la population était plus élevée, car un document de la même époque compte vingt familles [Note : G. SAINT-YVES, L'expédition de M. de la Haye Madagascar, dans le Bulletin de géographie historique et descriptive, année 1899]. Un rapport de 1670 parle d'une population de 200 ou 250 personnes, tant Français que noirs, mais « à tant d'hommes, il n'a que sept ou huit femmes blanches, quoiqu'il n'y en ait pas un qui ne souhaitât être marié. Les enfants y viennent fort, bien, beaux, bien faits, forts et fort blonds » (Rapport de Le Rond, capitaine du Vautour, cité par GUET, Origines, p. 126). Nous étudierons plus loin le recensement de 1686, le premier qui présente une certaine précision ; il énumère 267 hommes, femmes et enfants. Ces chiffres paraissent dérisoires pour une île qui compte aujourd'hui 174.000 habitants. Ils sont cependant supérieurs à ceux de la population de Fort, Dauphin avant 1674 et des colonies hollandaises de l'île Maurice : environ 48 hommes et 2 femmes en 1671, et au cap de Bonne-Espérance : 168 colons en 1672 [Note : Sur l'île Maurice, rapport de Duclos, capitaine du Breton, du 15 septembre 1671, cité par GUET, Origines…. p. 25. — Sur le Cap, Henri DÉHÉRAIN, Le cap de Bonne-Espérance au XVIIème siècle, Paris, 1909, In-12, p. 133. — La colonie du Cap reçut un précieux accroissement en 1688-1689 par l'arrivée de réfugiés protestants français ; parmi eux se trouvait une famille nantaise (Ibid., p. 112)].

A Bourbon, la vie était facile ; la pêche donnait des résultats merveilleux, surtout celle des tortues de mer ; le gibier abondait. D'après Souchu de Rennefort et Du Bois « la chasse y estoit si aisée qu'elle se pouvait faire avec une houssine ; les tourterelles, les ramiers et les perroquets, bien loin de s'effrayer de la vue du chasseur, venoient l'entourer et se laissoient choisir ». On pourrait taxer d'exagération les assertions de ces voyageurs si elles n'étaient officiellement confirmées par un acte de l'amiral de la Haye ; au mois de mars 1671, il défendit de tirer des coups de fusil qui auraient effarouché le gibier et impêché de le prendre à la main ou de le tuer à coups de gaules [Note : SOUCHU DE RENNEFORT, Histoire des Indes Orientales..., p, 86, — G. SAINT-YVES, L'expédition de M. de la Haye à Madagascar dans le Bulletin de Géographie historique et descriptive, année 1899]. Tous ces avantages ne pouvaient attirer dans l'île, d'ailleurs inconnue, des habitants de la métropole ; Bourbon ne possédait pas de mines de métaux précieux. Or, c’étaient les mines de Madagascar énumérées par Flacourt, avec beaucoup d'exagération, qui avaient déterminé tant de malheureux à répondre aux fallacieuses invitations de la Compagnie de l'Orient et de la Compagnie des Indes. L'île ne produisait à cette époque aucune denrée de valeur exceptionnelle ; les habitants qui auraient pris la peine de cultiver la terre n'auraient pu vendre leurs récoltes qu'aux navires en relâche ; mais à partir de 1675, la Compagnie des Indes tomba rapidement en décadence et n'envoya que de loin en loin des navires dans les mers de l'Inde. Avant le grand essor de la navigation malouine dans les dernières années du XVIIème siècle, et surtout avant l'introduction de la culture du café en 1715, il se passait parfois plus d'une année sans que Bourbon vit, une voile française. Les hasards qui avaient amené, souvent malgré eux, les habitants, les avaient mal préparés au rude métier de défricheur. Ils vivaient de la chasse inutilement interdite par La Hure et La Haye ; l'amiral, dans une ordonnance promulguée le 1er décembre 1674, avait prétendit punir les chasseurs d'une amende de vingt écus « attendu que nous avons observé que la liberté de la chasse rend les habitans paresseux et fainéans, ne se souciant de cultiver les terres, ni d'avoir des bestiaux pour leur nourriture, et détruisent le pays au lieu de l'établir... ».

Les habitants ne pouvaient se dispenser de chasser, car ils ne possédaient pas d'outils ni d'ustensiles agricoles : dans une naïve requête adressée à Colbert, le 16 novembre 1678, ils se plaignaient de n'avoir ni fer, ni acier, ni meules, ni marmites, ni poêles ; ils se plaignaient aussi de beaucoup d'autres choses : des « Madagascarins » venus dans l'île et qui étaient traîtres et turbulents, et plus encore des mauvais traitements des commandants « qui se saisissent de la plus grande part, du meilleur et du plus beau des petits secours qu'on y envoie, soit pour eux, soit pour leurs valets... ». Un rapport, presqu'aussi naïf, écrit deux jours plus tard par le commandant Fleurimond, signale la même disette de toile, de linge, de poterie, de fer et de cuivre, de ferrements et d'outils ; Fleurimond se plaignait en outre de l'esprit de révolte des Malgaches et enfin d'une invasion de rats, fléau contre lequel le Ministre ne pouvait évidemment rien (Documents cités par GUET, Origines... p. 130-133).

Pendant trente ou quarante ans la colonie fut à peu près oubliée par la métropole ; la population augmenta cependant, mais très faiblement, grâce aux naissances, grâce aussi à l'arrivée dans l'île de matelots de races et d'origines diverses : les uns voulaient, se reposer de leurs longs voyages ; les autres étaient des déserteurs ou des forbans qui n'avaient à craindre à Bourbon aucune enquête sur l'origine de leur petite fortune on sur les aventures de leur mystérieux passé.

Le premier gouverneur La Hure (1671-1674) fut presque constamment en guerre contre ses administrés qui essayèrent, dit-on, de l'assassiner, puis le mirent en quarantaine en se retirant dans les bois afin de ne plus avoir de rapports avec lui. Ses successeurs, Henri Esse d'Orgeret (1674-1678) et Germain de Fleurimond (1678-1680), restèrent pendant peu de temps en fonctions ; enfin, le Gouvernement négligea de donner un successeur à Fleurimond.

(H. Bourde de la Rogerie).

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