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LES BRETONS AUX ILES MAURICE ET DE LA RÉUNION

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LES BRETONS AUX ILES DE FRANCE ET DE BOURBON
(MAURICE ET LA RÉUNION)
AU XVIIème ET AU XVIIIème SIÈCLE.

Est-il besoin de rappeler que des marins, des soldats, des marchands, des cultivateurs, des missionnaires bretons ont joué un rôle considérable dans la découverte ou dans la conquête et dans la mise en valeur des terres lointaines qui furent ou qui sont encore des colonies de la France ? La situation géographique de la Bretagne semblait destiner ses enfants à remplir ce rôle ; plus encore, les instincts migrateurs des Bretons et leur goût pour les entreprises basardenses les prédisposaient à donner des chefs et des soldals aux conquêtes et aux entreprises d'outre-mer. La Bretagne, elle-même, est une colonie fondée du Vème siècle au VIIème siècle par les Bretons chassés de la Grande-Bretagne et qui fondèrent dans l'Armorique de nouveaux foyers. D'autres groupes de réfugiés formèrent des établissements moins durables sur les côtes des Flandres et de l'Espagne ; des moines celtiques peuplèrent et souvent restaurèrent des abbayes des Gaules, de la Germanie et de l'Italie. Les légendes des vieux saints de Bretagne sont pleines de récits de traversées téméraires et de voyages dans des terres inhabitées ou dangereuses. Ne devrait-on pas honorer comme le plus ancien des fondateurs de colonies saint Brendan dont l'histoire fut si populaire dans tout le monde celtique ? Il passa sa vie à chercher une terre merveilleuse. En compagnie de son fidèle élève, saint Malo, et de soixante-dix disciples, il parcourut bien des mers cherchant en vain l’île d'Antilla. Un certain jour de Pâques, le navire était en plein Océan : saint Brendan et ses compagnons regrettaient de ne pouvoir célébrer la messe, lorsqu'on eut la surprise de découvrir une petite île. Les pieux voyageurs s'empressèrent d'accoster ; saint Brendan dit la messe, puis, lorsque tous eurent regagné le bord, ils virent l'île se déplacer et disparaître dans les flots, car l’île était une baleine ou quelqu'autre monstre marin qui avait obligeamment prêté son vaste dos pour la célébration du la cérémonie. Il y a dans l'histoire coloniale française un assez grand nombre d'entreprises hasardées et d'enthousiasmes éphémères qui font penser à l'aventure de saint Brendan ; les habitants de la ville qui porte le nom de son disciple, Saint-Malo, semblent parfois avoir hérité de la foi aveugle aussi bien que du courage de leur saint patron.

Pendant tout le Moyen Age on trouve des Bretons dispersés dans les provinces ou dans les Etats voisins ; ils formaient des groupes homogènes dotés de certains privilèges dans les ports de la Cornouaille anglaise ; à Rome et à Paris ils étaient assez nombreux pour posséder des sanctuaires dédiés au saint national, saint Yves. Les collèges du Plessis, de Cornouaille, de Tréguier fondés par des Bretons, recevaient leurs jeunes compatriotes qui venaient suivre les cours de l'Université de Paris ; à Saint- Jean-d'Acre existait aussi un hôpital réservé aux Bretons.

Au début du XVIème siècle, des pêcheurs de La Rochelle (dès 1502), de Normandie (dès 1506) et de Bretagne (dès 1510) allaient pêcher sur les côtes septentrionales de l'Amérique du Nord ; très probablement ils fréquentaient le banc de Terre-Neuve plusieurs années avant que Christophe Colomb abordât aux îles Bahamas. Ces pêcheurs formaient dès lors une colonie singulière, une colonie flottante qui ne sût jamais se compléter par un établissement sur les côtes voisines et qui cependant a survécu à des colonies plus solidement établies.

De 1534 à 1542, Jacques Cartier et les Malouins découvrirait le Canada, puis l'abandonnèrent ; des Bretons y revinrent plus tard, moins nombreux qu'on le croit généralement. Des essais infructueux de fondation d'une colonie sur la côte acadienne furent faits en 1578, 1584 et 1598, par un gentilhomme breton, le marquis de la Roche : Troilus de Mezgouez, seigneur de la Roche-Helgoumarch, marquis de Coetarmoal. Dans la même région, un Malouin établi à Honfleur, Pontgravé — François Gravé, sieur du Pont, — procédant avec plus de persévérance et de méthode obtint de 1601 à 1628 des résultats meilleurs. Sur la côte septentrionale de l'Acadie el à l'embouchure du Saint-Laurent, Nicolas Denys, subventionné par Christophe Fouquet de Chalain, président au Parlement de Bretagne, et par Abraham et Jacob Duquesne, seigneurs du Moros, près de Concarneau, fonda des postes de pêche sédentaire (1654-1664). Il eut à lutter contre divers rivaux, entre autres contre Charles Bays de la Giraudière, de la Chapelle-Basse-Mer, au pays nantais (1659-1661). La concurrence que se faisaient les compagnies de pêche et de colonisation investies de privilèges contradictoires, fut la cause principale de la ruine de la plupart des entreprises françaises.

Dans la partie de l'ancienne Floride qui forma plus tard la Caroline du Sud, René de Goulaine de Landonnière gentilhomme protestant de Vieillevigne dans l'évêché de Nantes, partagea en 1564 les revers de Jean Ribaut. Au siècle, suivant, la Caroline devait donner un généreux asile à des huguenots proscrits appartenant aux familles Ravenel, du Bourdieu, de Farcy et de Saint-Julien, de Vitré.

Au Brésil, que des marins de Saint-Pol-de-Léon fréquentaient dès 1526, un gentilhomme résidant à Cancale, Daniel de la Touche de la Ravardière, essaya de fonder une colonie ; il était associé à des armateurs de Honfleur et de Saint-Malo. Obéissant à l'esprit de pacification que répandait Henri IV, ce protestant était accompagné de capucins qui furent les annalistes de l'expédition. Pendant quatorze ans, La Ravardière promena ses desseins inconsistants depuis Cayenne, qu'il fonda, jusqu'à quelques centaines de lieues au sud, à San Luiz du Maranan où les colons furent massacrés ou chassés par les Portugais (1602-1616).

Dans une autre partie du monde, à la même époque, des Malouins plus hardis encore que les découvreurs du Canada essayèrent d'établir des relations directes avec les îles Moluques et les des qui produisaient les épices fines. L'essai renouvelé à deux reprises aboutit la première fois à un désastre et la seconde à un échec (1601-1619). Les insuccès ne décourageaient par les Malouins. Etienne Artur de la Motte rêva d'exploiter la côte voisine du cap de Bonne-Espérance (1607-1609) ; d'autres marchands de Saint-Malo formèrent en 1634, avec Jean Briand-Larcy, la Compagnie de Guinée.

A partir de 1698 environ le commerce illégal ou « interlope » avec les colonies espagnoles de l'Amérique du Sud entraîna les navires de Saint-Malo vers les voyages les plus lointains ; ils furent parmi les premiers européens qui fréquentèrent les ports de la Chine et de l'Indo-Chine.

Dans l'Hindoustan, on trouve quelques Bretons groupés autour de Dupleix, qui n'était pas né en Bretagne, mais qui avait passé son enfance et sa jeunesse à Morlaix et à Quimper ; deux de ses meilleurs lieutenants furent son neveu Jacques Desnos de Kerjean, de Brest, et Mathurin-François Le Prévost de la Touche, de Plestan. L'établissement de la Compagnie des Indes, à Lorient, orienta vers l'Asie un grand nombre de jeunes gens aux courageuses ambitions.

En Amérique du Sud, après la dispersion des compagnons de La Ravardière, les essais français furent peu nombreux. La Guyane fut en tous les temps une colonie très négligée ; J.-B. de Gennes, né à Guérande d'une famille de Vitré, y créa en 1698 le comté d'Oyac qui n'eut qu'une courte existence.

La Bretagne fournit quelques recrues ou quelques victimes aux colonies que le léger Choiseul voulut fonder pour compenser la perte du Canada, au Kourou (1763-1765) et aux îles Malouines (1761-1767).

Le Malouin J.B. Bénard de la Harpe fit un intéressant voyage en Louisiane (1718-1724) ; le pilote bas-breton Kerlaziou reconnut le cours du Mississipi : le Quimpérois Louis Billoard de Kerlérec fut le dernier gouverneur de la Nouvelle-Orléans (1753-1763). Lors des essais intermittents de colonisation, des convois d'émigrants qui n'étaient pas tous des passagers volontaires sortirent de Lorient et de Nantes. Ce dernier port vit partir un jeune gentilhomme angevin, René du Tremblier de la Varenne, et sa maîtresse, la fille Frogat, dite Quentin : c'était le couple que l'abbé Prévost, a rendu immortel, le chevalier des Grieux el Manon Lescaut.

Les premiers historiens des Antilles furent des Bretons, le jésuite Jacques Bouton, de Nantes (1640), et le dominicain André Chevillart de Rennes (1658) ; quelques « engagés » furent recrutés à Saint-Malo à partir de 1643 environ, mais les conquérants et les premiers colonisateurs des îles furent des Normands. Des Bretons et surtout des Nantais s'y établirent, en grand nombre au XVIIIème siècle ; beaucoup y firent fortune. Pendant longtemps les Nantais s'étaient moins intéressés que les Malouins aux affaires coloniales, mais l'extraordinaire prospérité de la Martinique, de la Guadelcupe et de Saint-Domingue valut alors à Nantes de devenir l'un des plus grands ports du royaume. Lorient, et, à un moindre degré, Brest et Morlaix bénéficiaient des richesses que le commerce des colonies donnait à la France.

A la veille de la Révolution, en Afrique, le capitaine Landolphe, commandité par la maison Marion-Briantais, de Saint-Malo, prenait possession de l'île de Borodo, sur la côte de Benin ; en Asie, quelques Bretons originaires des environs de Lorient et de Rennes secondaient Pigneau de Behaine, évêque d'Adran, à la cour de l'empereur d'Annam et commencaient à établir l'influence francaise en Cochinchine.

***

Dans cette énumération bien longue, mais cependant insuffisante, nous n'avons pas nommé Madagascar, qui fut l'occasion de la venue des Français dans l'océan Indien, ni les îles qui font l'objet de la présente étude : l'île Bourbon (la Réunion) occupée depuis 1654 et qui recueillit en 1674 les débris de la colonie de Madagascar et l’île de France (Maurice), occupée en 1715, d'abord subordonnée à l'île Bourbon et qui devint en 1735 le principal établissement des Français dans ces mers.

Nous ne prétendons pas donner une nouvelle histoire de ces îles, ni étudier la formation d'une population française et chrétienne dans ces terres que les premiers navigateurs avaient trouvées désertes. Des gouverneurs éminents tels que Beauvollier, Benoit Dumas, Souillac, Decaen ne seront pas nommés ou ne le seront qu'incidemment : nous nous bornerons à essayer de suivre les Bretons qui allèrent aux Mascareignes : ils furent très nombreux ; la Bretagne donna six gouverneurs aux îles de France et de Bourbon et elle leur envoya relativement plus de colons qu'à des colonies moins éloignées et qui jouissaient d'un climat moins différent de celui de la mère patrie.

L'histoire des îles peut être divisée en trois périodes : avant l'année 1715 qui vit l'introduction de la culture du caféier à Bourbon par des marins de Saint-Malo et la prise de possession de l'île de France par le Malouin Dufresne d'Arsel ; le nom de « colonie » donné à ces deux petites îles très pauvres et peu peuplées, presque oubliées par le Gouvernement français, paraît en quelque sorte prématuré.

Après ces événements et surtout à partir de l'arrivée du gouverneur Mahé de la Bourdonnais en 1735, la situation changea. La fortune des deux îles se développa rapidement, elles devinrent un élément essentiel de la puissance française dans les mers de l'Afrique et de l'Asie.

Celle deuxième période se clôt avec l'année 1815, date de la cession de l'île de France ou Maurice à l'Angleterre par le traité de Paris ; c'est aussi a 1815 que nous arrêterons nos recherches. Nous n'étudierons pas la troisième période qui a vu, par un heureux retour de fortune, la complète de Madagascar en 1895 venger le massacre de Fort-Dauphin et réaliser enfin les desseins de Louis XIV.

Le Dictionnaire de Littré définit Colonie une « possession d'une nation européenne dans une autre partie du monde » mais il y a plusieurs sortes de colonies. Dans l'usage courant, on désigne par le même terme des territoires soumis dans des conditions très diverses à l’autorité de la puissance métropolitaine qui a pu en faire des colonies au sens exact et complet du mot, ou bien les placer sous son protectorat ; elle peut encore les tenir à titre de mandataire de la Société des Nations ou y exercer une influence plus ou moins puissante lorsqu'ils sont compris dans la zone établie d'accord avec d'autres puissances européennes. On appelle aussi colonies les groupes de nationaux habitant en dehors de leur patrie : on dit par exemple la colonie française à Londres ou la colonie anglaise à Paris. Ces résidents n'ont d'autres droits que les sujets originaires dans les États de civilisation équivalente. Dans les régions socialement moins avancées, ou mal gouvernées, comme la Chine et récemment encore la Turquie, les colonies étrangères peuvent obtenir ou conquérir des statuts particuliers.

La terminologie ancienne réservait ordinairement le nom de colonie aux territoires dans lesquels la puissance européenne était bien établie et reconnue. On appelait comptoirs ou factoreries les postes fondés dans un intérêt commercial, mais sans dessein de conquête territoriale, dans les pays barbares, et établissements ou loges ceux qui se trouvaient dans des Etats civilisés et puissants comme les Indes ou la Chine.

Quelques historiens modernes ont un peu confondu tout cela quand ils ont parlé de colonies françaises et de « notre empire colonial » au temps de Richelieu. A cette époque l'immense Canada et les Antilles ne comptaient que quelques centaines d'habitants français ; les aventures de Ribaud et de Goulaine de Laudonnière, en Floride, et de La Touche de la Ravardière, au Brésil, n'avaient laissé aucune trace : sur les côtes de l'Afrique et de l'Asie l'effort français se réduisait à l'entretien de quelques comptoirs fondés par des Compagnies de commerce aussi mal organisées que mal gouvernées. Nous verrons qu'à Madagascar le talent de Flacourt et de Pronis et, plus tard, une certaine persévérance dans les desseins de Louis XIV n'empêchèrent pas la « colonie » de l'île Dauphine de disparaître dans un désastre.

Conformément à l'usage établi, et à défaut d'un terme plus exact, nous devrons employer le mot « colonie » pour désigner le groupe de Français de Madagascar et de sa « filiale » de l’île Bourbon. Nous devrons aussi appeler colons les Européens résidant dans la petite île qui, pendant une cinquentaine d'années, fut beaucoup moins une colonie qu'un asile ouvert aux victimes de la propagande cyniquement mensongère des Compagnies de colonisation, aux anciens flibustiers et aux matelots déserteurs.

Les débuts de la France dans cette île et, plus tard, à l'île de France furent modestes et mêmes humbles, mais deux circonstances, uniques dans l'histoire coloniale, favorisèrent le succès. L'île Bourbon était déserte lorsque Antoine Couillard y fut transporté avec quelques aventuriers ; l’îe Maurice était également inhabitée lorsque Dufresne d'Arsel en fit l'île de France en 1715 : les habitants français n'eurent donc pas à lutter ou à se défendre contre des autochtones. De plus, pendant tout le XVIIIème siècle, les Mascareignes n'eurent pas à repousser d'attaques de puissances étrangères. Par contre, des difficultés particulières rendaient le succès difficile : le peu d'étendue des îles, leur isolement au milieu de l'immense océan, l'éloignement de la métropole, les exigences de la Compagnie des Indes, perpétuellement besogneuse, l'indifférence du Gouvernement, pour des terres qui furent pendant longtemps jugées sans valeur. Toutes ces difficultés furent vaincues et tous les obstacles furent surmontés. Peu à peu les îles furent défrichées et organisées ; elles reçurent des émigrants honnêtes et laborieux qui firent disparaître ce qu'il y avait d'inquiétant dans la population primitive. A la fin de l'Ancien Régime, deux florissantes terres françaises avaient été créées : nous essaierons de montrer comment les Bretons y avaient aidé.

Voir aussi   Les bretons et la colonisation des îles lointaines (Bretagne) "Les essais de colonisation de Madagascar et l'occupation de l'île de la Réunion (anciennement île Bourbon)"

Voir aussi   Les bretons et la colonisation des îles lointaines (Bretagne) "Les débuts de la colonisation de l'île de la Réunion"

(H. Bourde de la Rogerie).

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