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Création de la Commission Brutus Magnier, son personnel, son organisation, ses pouvoirs, son mode de fonctionnement. |
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Création de la Commission Brutus Magnier, son personnel, son organisation, ses pouvoirs, son mode de fonctionnement.
Ce fut à Antrain le 1er frimaire an II (21 novembre 1793), six jours après l'insuccès des Vendéens à Grandville, et le jour même où ils repoussaient à Dol l'armée républicaine, que les représentants Bourbotte, Prieur de la Marne et L. Turreau créèrent la Commission militaire révolutionnaire Brutus Magnier. L'arrêté qu'ils prirent à cette occasion montre quels services ils demandaient au nouveau tribunal.
« Considérant [Note : Toutes les citations dont la source n'est pas indiquée sont extraites d'un des registres de la Commission, dont il est parlé dans la note n° 1 qui précède les pièces justificatives. Ceci dit une fois pour toutes, et afin de ne pas encombrer de renvois inutiles les pages de ce travail.], dit cet arrêté, qu'il importe au salut public que les scélérats qui ont pris les armes contre la Liberté reçoivent, quand ils sont saisis, la peine due à leurs forfaits, et que tous les contre-révolutionnaires qui cherchent à fomenter dans l'armée l'indiscipline, pour parvenir à la désorganiser et à la dissoudre, soient punis avec la même célérité, il est établi une Commission militaire » [Note : Voir l'arrêté. Pièces justificatives, n° 2].
Cette Commission se composa d'abord d'un président, de trois juges, d'un accusateur militaire, nommés par les représentants, et d'un greffier que les juges désignaient eux-mêmes. Le traitement était uniforme pour tous, c'était celui de capitaine. I1 était mis en outre à la disposition du tribunal une somme destinée aux frais de bureau, aux indemnités de déplacement, etc. [Note : Ces indemnités de déplacement montèrent parfois à un chiffre assez élevé, car Defiennes, l'accusateur militaire, réclama 1118 livres 19 sous pour un voyage de vingt jours qu'il fit à Fougères, du 25 germinal au 14 floréal]. Sur cette somme, on prélevait également le prix des insignes des juges : ils consistaient en un bonnet d'assez médiocre qualité, car il ne coûtait que cinq livres, et en une écharpe tricolore portée en sautoir, à laquelle était suspendue une médaille [Note : Les six médailles et sautoirs avaient coûté 230 livres. (Registre particulier du 21 pluviôse)].
Le président nommé par l'arrêté du 1er frimaire était Brutus Magnier, capitaine des travailleurs de la Seine, c'est-à-dire d'une compagnie du génie. Il était né le 11 juin 1771 dans la petite ville de Guise, département de l'Aisne ; son père y était procureur du bailliage [Note : Voir l'acte de naissance de Magnier. Pièces justificatives, n° 3]. Etudiant au moment où commença la Révolution, Magnier s'engagea dans le bataillon de la Guyane, et séjourna quelque temps dans ce pays. Son patriotisme s'échauffant, il changea ses prénoms de Antoine-Louis-Bernard pour ceux plus patriotiques de Lepelletier-Beaurepaire-Brutus. Il fit, comme simple grenadier, la campagne de Belgique sous les ordres de Dumouriez, et fut envoyé en Vendée avec son bataillon au printemps de 1793. Là, sans passer par aucun grade intermédiaire, les représentants « le nommèrent capitaine du seul détachement de sapeurs qui existât dans l'armée de l'Ouest » [Note : Lettre de Magnier à Pomme, député. Archives nationales, W 2, 548]. Nommé président de la Commission, il raconte lui-même à Pomme, avec une feinte modestie, « qu'un jeune homme de 22 ans n'était sans doute point capable de remplir une mission aussi importante que celle-là » [Note : Lettre à Pomme. Ibid.]. Son zèle révolutionnaire prouva du moins son désir de justifier le choix des représentants. Il demeurait à Rennes, rue Nationale, chez le citoyen Roussel, homme de loi.
Jean-Simon Defiennes, nommé accusateur militaire, était lieutenant au 22ème régiment de chasseurs. Il était né le 11 octobre 1750 à Farmoutiers (Seine-et-Oise), de parents de condition modeste ; il avait par conséquent 42 ans [Note : Voir l'acte de naissance de Defiennes. Pièces justificatives, n° 4].
Magnier et Defiennes conservèrent leurs fonctions jusqu'au 17 prairial, jour de la suppression de la Commission ; ils en sont les personnages importants, on peut même dire qu'à eux deux ils sont toute la Commission. Magnier, tête exaltée, imagination ardente, dont la vanité naturelle avait été surexcitée par sa nouvelle fortune, était surtout désireux de faire parler de lui, de devenir un personnage, de se pousser au premier rang. Investi d'un pouvoir à peu près discrétionnaire, il fut grisé par cette élévation subite ; convaincu d'ailleurs de son mérite, persuadé qu'il était de taille à jouer les premiers rôles, il pensa donner sa mesure en rendant des jugements tout boursoufflés de tirades patriotiques et de déclamations pâteuses, dont on verra plus loin des exemples. Son ambition fut déçue. Plus tard, bien qu'il fût alors en prison, nous le trouverons s'essayant encore aux grands rôles ; mais son attente fut une seconde fois trompée, et il ne trouva que condamnations et exil, là où il espérait rencontrer gloire et profit.
Defiennes, d'un sens plus rassis, et qui d'ailleurs s'effaçait jusqu'à un certain point derrière son président, goûtait surtout les avantages matériels qu'il retirait de ses nouvelles fonctions. Pendant toute la durée de la Commission, ces deux personnages furent étroitement unis, mais quand arrivèrent les jours d'épreuve, Magnier ne trouva plus dans Defiennes l'ami dévoué d'autrefois.
Bassenge, sergent au 10ème bataillon des volontaires de Paris, Rémacly et Coulon, volontaires au même corps, furent nommés juges. Le tribunal ainsi composé choisit pour greffier Scœvola Biron, aussi volontaire au même bataillon. Les démissions, les maladies, la mort, apportèrent des changements à ce personnel primitif, et Coulon fut le seul des trois juges qui conserva ses fonctions pendant presque toute la durée des séances de la Commission [Note : Voir pour le personnel de la Commission, pendant toute son existence, pièces justificatives, n° 5].
Cette commission n'était qu'une sorte de cour martiale ; elle devait donc suivre le quartier-général de l'armée ; elle devait aussi adresser aux généraux des rapports sur tous les faits venus à sa connaissance, par suite des dépositions de témoins ou autrement. Sa compétence s'étendait 1° aux militaires auxquels elle appliquait le code pénal militaire du 12 mai 1793 ; 2° aux chouans ou Vendéens faits prisonniers les armes à la main, ou faisant le métier d'espions ; 3° à toua les faits attentatoires à la liberté. On jugeait sans jurés, et la déposition de deux témoins ou le procès-verbal d'une autorité constituée suffisait pour établir la culpabilité. La Commission pouvait en outre « mettre en état d'arrestation tous les particuliers qu'elle jugeait suspects, etc., et prendre toutes les mesures de sûreté générale propres à servir la patrie » [Note : Voir l'arrêté du 3 frimaire. Pièces justificatives, n° 6]. De semblables pouvoirs, dont il était malaisé de tracer les limites, placés entre les mains d'hommes choisis pour l'exaltation de leurs opinions, devaient fatalement amener les exécutions sanglantes, les inutiles cruautés qui marquent cette époque néfaste d'un stigmate ineffaçable.
La Commission tenait deux séances par jour : l'une le matin à neuf heures, la seconde à six heures du soir ; chacune d'elles durait au moins trois heures, souvent cinq. Toutefois elle chômait les décadis et aussi les quintidis, à partir du 28 pluviôse. Dans l'intervalle, les juges interrogeaient les prisonniers, et l'un d'eux assistait aux exécutions qui suivaient presque immédiatement la sentence ; en marge du jugement il en était fait mention [Note : De cette activité fiévreuse, on comprend sans peine qu'il résulta parfois d'étranges confusions ; le 28 nivôse, par exemple, on se mit à juger des prisonniers qui avaient déjà passé devant un autre tribunal]. La guillotine, en permanence sur la place du Palais de Rennes, était établie à l'entrée de la rue de Bourbon actuelle, sur une bouche d'égout qui se voyait encore, il y a quelques années, avant les travaux de repavage de la place. Comme il n'y en avait qu'une pour tout le département d'Ille-et-Vilaine, il arrivait parfois que, réclamée par les autres tribunaux du département, elle était soit à Fougères, soit à Saint-Malo, soit à Vitré ; on fusillait alors les condamnés.
Créée à Antrain, ainsi qu'on l'a vu, le 1er frimaire, la Commission n'y tint qu'une seule séance. Cette petite ville étant, le 3, menacée par les Vendéens, Kléber conseilla au nouveau tribunal « de filer sur Rennes ». Il s'y installa le 5 dans la grande salle du Temple de la Loi (Palais de justice actuel). Du 19 au 25 du même mois, elle se transporta dans le district de Fougères, revint à Rennes le 25, mais ne put siéger dans le même local qui était occupé par la commission Frey ; elle se transporta alors au Présidial, dans la salle du tribunal de paix, qu'elle fit orner des bustes de Brutus, de Le Pelletier, de Marat et de J.-J. Rousseau. Elle y resta jusqu'à sa dissolution.
Nous allons maintenant voir la Commission à l'œuvre.
(Hippolyte de la Grimaudière).
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