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Débuts de la Commission. Proclamations aux citoyens et aux soldats ; condamnation de Mme de la Marzelle ; crimes et délits militaires. |
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Débuts de la Commission. Proclamations aux citoyens et aux soldats ; condamnation de Mme de la Marzelle ; crimes et délits militaires.
On peut penser si de tels juges, si leur président surtout était désireux d'entrer en fonctions. Aussi, dès qu'on leur eut communiqué l'arrêté qui les nommait, ils se réunirent et annoncèrent, dans une proclamation aux troupes et aux habitants d'Antrain, que les séances se tiendraient publiquement chez la veuve Bezot, aubergiste, rue de la Municipalité, près de la Grande-Halle. Cette proclamation, évidemment écrite par Magnier, porte la marque de ce zèle excessif et brouillon, de cette niaise emphase qui se reproduira dans ses jugements.
« Citoyens, si vous connaissez des scélérats qui cherchent à fomenter l'indiscipline dans les armées pour parvenir à les désorganiser et à les dissoudre, des lâches que ni le devoir ni l'honneur ne retiennent à leurs postes dans les moments glorieux d'un combat ; si vous connaissez des dilapideurs, des conspirateurs, des ennemis de la Liberté et de l'Egalité, venez promptement nous les dénoncer, et sur le champ vos vœux seront remplis, vos cœurs seront satisfaits : une prompte justice vous consolera d'avoir été les témoins de quelque forfait contre la République ».
Malgré leur désir de bien faire, les juges ne purent tenir leur première séance que le lendemain. Ils condamnèrent à mort et firent fusiller ce jour-là Jacques Royer, déserteur passé aux chouans, parce que, disait-il, il espérait s'y trouver mieux que dans les armées républicaines.
Après leur victoire de Dol, les Vendéens marchèrent sur Antrain ; la Commission suivit le prudent conseil de Kléber et se rendit à Rennes, où elle siégea le 4 au Temple de la Loi.
Il n'est pas possible de suivre jour par jour les travaux de la Commission ; nous nous bornerons à citer dans leur ordre de dates ceux de ses jugements qui présentent de l'intérêt, soit par leur forme, soit par les personnages qu'ils visent ; ils suffiront, croyons-nous, pour la bien faire connaître.
Madame de la Marzelle lui fournit, le 7 frimaire, l'occasion d'affirmer son zèle révolutionnaire. Mme de la Marzelle n'avait pris part à aucun complot, à aucune manifestation anti-patriotique ; rien, absolument rien, ne pouvait lui être reproché ; son seul crime était d'être la veuve d'un gentilhomme qui avait été guillotiné. « Victoire Lebreton, femme Marzelle, ci-devant noble », n'en fut pas moins condamnée à la réclusion, bien qu'il n'existât aucune preuve « qu'elle eût pris part directement aux projets de ces vils brigands (les chouans) », mais parce que « notre sainte Révolution n'arriverait point de sitôt à son terme désiré, si on laissait à des aristocrates la liberté d'exhaler dans la société leurs principes impurs, lors même qu'on n'a point de preuves matérielles des délits ». Ainsi, pour être acquitté, il ne suffisait pas de n'avoir pris part à aucun projet contre-révolutionnaire, de n'avoir contre soi aucune preuve de délit ; que fallait-il donc ? On n'est vraiment pas plus naïf dans l'arbitraire.
Le décadi suivant était pour le nouveau tribunal jour de repos, mais son président s'arrangeait mal de l'inaction. On adressa donc, ce jour-là, une proclamation aux soldats de l'armée :
« Chers camarades, assez et trop longtemps, les traîtres, les lâches, les indisciplinés qui fourmillent dans nos armées, ont retardé le salut de la patrie ; il faut enfin que les lois s'exécutent dans toute leur sincérité ..... La Commission invite ses frères d'armes, à traduire devant elle tous ceux qui feront la moindre action indigne d'un soldat républicain, et à ne pas plus capituler avec leur devoir, qu'elle ne capitulera avec la loi, quand il s'agira de punir un coupable .........
Debout, soldats républicains, combattez et surveillez. Guerre aux brigands de la Vendée, mais aussi guerre aux lâches et aux pillards qui occasionnent les déroutes, et qui, par leur infâme conduite, retardent sans cesse le salut de la patrie et la tranquillité de 25 millions d'hommes ».
Brutus Magnier et ses collègues, qui sortaient des rangs de l'armée, connaissaient mieux que personne les habitudes de vol, de pillage, de lâcheté, qu'ils dénonçaient ainsi. Composée, pour sa plus grande partie, de héros de cinq cents livres, de gardes nationaux réquisitionnés, ne marchant qu'à contre-cœur, on peut bien dire que, à l'exception des quelques régiments qui venaient de la frontière, l'armée républicaine qui opérait en Bretagne et en Vendée était plutôt un amas d'hommes qu'une véritable armée. Quel ordre, quelle discipline pouvaient d'ailleurs introduire dans ce chaos, des chefs tels que Rossignol, Santerre, Muller, Turreau, véritables généraux de théâtre, aussi lâches qu'incapables, dont les habitudes d'intempérance et de pillage étaient un continuel sujet de plaintes pour les vrais militaires [Note : « Muller arrive de son côté vers les 5 heures du matin bien saoul (à la bataille de Dol) ». Campagne de la Vendée, par Westerman. Ce général (Turreau) se saoula tellement qu'il ne pouvait pas se tenir, et dans le moment où il s'attendait à être attaqué par l'ennemi. Lequinio, Guerre de la Vendée et des Chouans, p. 101]. Les choses en étaient arrivées à ce point que les patriotes redoutaient l'arrivée des républicains plus encore que celle des chouans et des Vendéens. Kléber et quelques autres généraux firent des efforts énergiques, mais absolument vains, pour réprimer ces déplorables habitudes. La Commission Brutus Magnier les seconda de son mieux ; son désir de faire cesser le pillage, l'indiscipline, de punir les lâches, parait avoir été sincère, et l'on peut dire que, comme tribunal militaire, elle eut son côté utile. En voici deux exemples :
Le 18 frimaire, elle condamna à trois mois de prison un nommé Préau, volontaire de la Loire-Inférieure qui avait volé des souliers et des poules. Il fut exposé au pilori, pendant six heures, avec les poules au cou et un écriteau portant ces mots : Infâme pillard qui avait trois paires de souliers, tandis que nos frères d'armes n'en ont pas. Le jugement est bizarre, mais enfin l'intention est bonne.
Le 28 frimaire, Nicolas Brock, sergent au 15ème bataillon d'Orléans « qui n'avait pas rougi de voler 13 livres à une famille pauvre qui pouvait à peine vivre » fut condamné à deux ans de fers et trois heures d'exposition avec l'écriteau : Infâme voleur. Le jugement affiché, envoyé aux armées, portait en outre contre les pillards ce blâme énergique :
« N'est-il pas douloureux qu'il se trouve, dans nos armées, des scélérats qui, levés pour la défense de la patrie, augmentent le nombre de ses ennemis en violant impitoyablement les propriétés des citoyens ? N'est-ce pas là une des causes des fréquents revers que nos armées ont éprouvés ? Nicolas Brock est un de ceux auxquels il faut rapporter la cause du frémissement qu'éprouvent, à l'arrivée chez eux d'un soldat de la patrie, les malheureux habitants des campagnes, qui doutent encore si les brigands sont plus pillards que les républicains. ».
Il eût été à souhaiter que la Commission se bornât à être un tribunal militaire, jugeant les délits militaires ; mais c'était là seulement une des fonctions que lui avaient confiées les Représentants, et d'ailleurs la vanité de son président s'accommodait mal de ce rôle utile mais effacé ; en jugeant les faits attentatoires à la liberté, il espérait acquérir un relief, une importance qu'il était par-dessus tout désireux d'obtenir. Une petite ville patriote des environs de Rennes, dont les querelles intestines devaient par deux fois l'occuper, lui fournit l'occasion de jouer dans le pays le rôle prépondérant qu'il ambitionnait.
(Hippolyte de la Grimaudière).
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