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Trente-six exécutions à Fougères. Têtes coupées et exposées sur les clochers.

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Le Comité révolutionnaire de Fougères réclame de la Commission « une pacotille de gueux à expédier dans ses murs ». On la lui envoie. Trente-six exécutions à Fougères. Energie de Joseph Thomas de Landéan. Têtes coupées et exposées sur les clochers.

Quelques jours plus tôt, le 14 germinal, la Commission avait rendu un jugement qu'il faut citer, car il lui fait honneur.

On avait traduit devant elle une pauvre femme nommée Chauvin, qui habitait le village de Lécousse, près Fougères. Son fils était en prison, et elle était allée trouver un des juges pour le supplier de l'acquitter ; elle lui avait même offert, pour obtenir ses bons offices, toutes ses économies, quelques livres. On l'accusait d'avoir voulu suborner ce juge. La Commission reconnut que le fait était constant ; mais considérant « qu'elle n'a agi de la sorte que parce qu'elle ignorait la peine portée par la loi, que d'ailleurs ce qui a pu la conduire encore à un semblable égarement, c'est l'amour que doit avoir une mère pour un enfant détenu dans les prisons, » elle fut acquittée. Pourquoi de pareils sentiments d'équité ne se trouvent-ils pas plus souvent dans les jugements de la Commission ?

Elle revint bien vite à ses habitudes de rigueurs, et suivant l'exemple qui lui était donné par d'autres commissions, elle y ajouta une cruauté aussi odieuse qu'inutile. Les purs sans-culottes la poussaient dans cette voie, et elle trouvait parmi eux des auxiliaires zélés.

Le 21 germinal, le Comité révolutionnaire de Fougères écrivait à Defiennes la lettre suivante, qui montre bien en quelles mains était à ce moment tombée l'autorité :

LA RÉPUBLIQUE OU LA MORT.
Fougères, le 21 germinal an II. Frère républicain,
Nous t'envoyons les pièces relatives aux mauvais bougres que nous t'avons dépêchés les jours derniers. Prompte justice, mon ami ; notre arsenal se remplit encore, et tu n'es pas au bout, ni nous non plus. Nous n'épargnerons ni soins, ni veilles, pour purger le sol de la Liberté. Nous pouvons être calomniés, mais nous ne serons jamais coupables de fautes qui pourraient faire soupçonner notre ardent républicanisme. Salut et Fraternité.

Les sans-culottes composant le Comité révolutionnaire de Fougères : LEMOINE , président, SANSONNINI, B. MILLE, CANTIN, RIOUFFE, FOINÉ, LEROY, républicain, LACHESNAIS, BÉNÉZIT, VIALLARD, secrétaire. P. S. — Tâche de nous envoyer une pacotille de ces gueux-là pour être expédiés dans nos murs (Archives de la Cour d'appel de Rennes).

Ce vœu fut par deux fois exaucé, et le citoyen Leroy, qui se croyait obligé de corriger par le qualificatif de républicain ce que son nom pouvait avoir de compromettant, dut être satisfait.

Le 25 germinal, la Commission jugea dix-sept individus de Fougères : Pierre Vaucelle qui, après un combat, avait donné un coup de pied au cadavre d'un soldat républicain, en lui disant : Bats-toi donc, b.... de bleu ; Jean Bertereau, de la Chapelle-Janson, coupable d'avoir crié : Vive le Roi, m.... pour la République ; Paul-Jérôme du Pontavice, « ci-devant noble, » accusé d'être dans la classe des émigrés, « parce qu'il a eu des absences dont il n'a pu donner les causes légitimes ; » enfin, Michel Héchard, Michel Guilhaut, Mathurin Moigné, Vincent Julienne, Pierre Faugirard, Jean-François Bellebarbe, Noël Monnier, Michel Fournier, François Manceau-Montaubert, Joseph Rousseau, Julien Rivé, Jean Lesage, Jean Fouillard et Joseph Tirel, artisans de Fougères, accusés d'avoir fait partie des chouans. Tous furent condamnés à mort et exécutés le lendemain sur la place de Fougères. Le jugement portait en outre que la tête de « l'exécrable Vaucelle serait placée au bout d'une pique sur la porte de Fougères qui regarde le pays occupé par les chouans », ce qui fut exécuté. Ce fut la porte Saint-Léonard qui reçut ce hideux trophée. Defiennes avait été envoyé à Fougères avec la guillotine, pour présider à cette exécution, qui devait être à bref délai suivie d'une autre.

Le 5 floréal, le banc des prévenus pouvait à peine les recevoir tous ; ils étaient au nombre de vingt et un : Beaulieu père et fils, Michel Cochon, Louis et Jean Jugan, René Rousseau, Joseph Battais, Laurent Baudron, René Lambert, Pierre Cantin, Pierre Dupas, Jean Maleteux, Jean Sourdin et sa femme Jeanne Dinard, Jacques Banel, Joseph Tridian, Jean David et sa femme, laboureurs et artisans de Fougères ayant fait partie des chouans ; Pierre Dourdain, tailleur à Dompierre-du-Chemin , et Joseph Thomas, ancien maire de Landéan, accusés du même crime ; enfin, Mathurine Loiret, « domestique de ci-devant noble qui avait passé la Loire avec l'armée catholique et fut trouvée nantie de leurs signes de ralliement ».

Parmi les accusés, plusieurs montrèrent une grande fermeté. Jean David et sa femme dirent hautement « qu'ils regrettaient leur bon roi, l'ancien régime et leurs braves prêtres ». Pierre Dourdain reconnut qu'il avait forcé un patriote à crier : Vive le Roi ! et ajouta qu'il ne s'en repentait pas. Mais celui de tous qui fit preuve de la plus grande énergie fut Thomas, de Landéan.

Joseph Thomas appartenait à une honorable famille du pays de Fougères [Note : Deux de ses petites-filles, Mlles Thomas de la Touche, existent encore en 1879]. Son frère, prieur à Romazy, avait émigré et l'avait engagé à le suivre ; Joseph Thomas, marié et père de trois enfants en bas âge, s'y refusa. Recherché pour ses opinions catholiques et royalistes, il sut pendant longtemps se dérober aux poursuites des républicains. Amené après son arrestation devant le Comité de surveillance de Fougères, il subit l'interrogatoire suivant, empreint d'une rare fermeté d'âme, relevée par des traits de cette bonhomie narquoise qui caractérise si bien le paysan gallo.

COMITÉ DE SURVEILLANCE DE FOUGÈRES.
Le 2 floréal an II, a comparu un homme, lequel interrogé sur ses noms, prénoms, âge, profession et demeure, a répondu se nommer Joseph Thomas, 47 ans, laboureur, de Landéan, avoir été maire pendant l'espace de six mois, que sa gestion a fini il y a plus de trois ans, qu'il a été électeur pendant sa gestion de maire.

Interrogé s'il n'a pas favorisé les chouans, soit en les cachant ou les alimentant :

A répondu ne connaître d'autres chouans que ceux qui se cachent dans les ragolles [Note : On appelle en Bretagne, ragolles, les arbres dont on a coupé la tête et qu'on nomme ailleurs tétards], que l'on nomme vulgairement oiseaux nocturnes.

Interrogé s'il connaît les brigands :

A répondu non ; qu'il avait bien connaissance que l'on  disait qu'il était venu des hommes que l'on a appelés les brigands.

Interrogé s'il est content de notre constitution républicaine, et s'il ne regrette pas l'ancien régime :

A répondu n'être pas satisfait de la nouvelle constitution et regretter l'ancien régime, attendu que tout le monde était heureux en ce temps ; que nous n'étions tous qu'à un, pendant qu'aujourd'hui nous sommes à deux.

Interrogé s'il aimerait mieux avoir un Roi qu'une République :

A répondu qu'il aimerait mieux un Roi, attendu que tout le monde serait content et heureux.

A dit être toute sa déclaration. D'après lecture à lui donnée, a déclaré ne vouloir signer. LEMOINE. B. MILLE.

Par suite et au même moment, a été objecté audit Thomas qu'à moins qu'il ne soit fou ou scélérat, il ne peut tenir de semblables propos ; que les lois républicaines ont prononcé la peine de mort contre ceux qui oseraient, n'importe par quel moyen que ce soit, tenter au rétablissement de la Royauté ; et que, s'il persiste, il ne peut se parer de supporter la peine prononcée par ces mêmes lois :

Répond : Je persiste dans mes réponses ci-dessus ; je sais bien n'avoir pas la force suffisante pour placer un Roi, mais je désire son rétablissement, ainsi que celui de Monsieur Bareau de Girac, ci-devant évêque non assermenté à Rennes.

Interpellé de signer le présent interrogatoire en tout son contenu :

A dit qu'il contient vérité ; mais qu'il ne signerait pas. Ledit jour et an que dessus.

LEMOINE. B. MILLE.

Devant la Commission il persista dans ses déclarations ; et, quand on lui objecta que « parlant de la sorte, il ne peut éviter le sort qu'ont subi et qui attend tous les jours les vils partisans des tyrans ; » il répondit simplement « qu'étant peu attaché à la vie, cela lui est égal ».

Deux prévenus, Beaulieu père et fils, furent acquittés ; les dix-neuf autres, condamnés à mort, furent exécutés le lendemain sur la place de Fougères ; « les prétendues reliques et les chapelets trouvés sur Mathurine Loiret furent lacérés et brûlés publiquement au pied de l'échafaud ; » enfin, « les têtes des infâmes Thomas et Dourdain » furent au bout de deux piques placées sur les clochers de Landéan et Dompierre-du-Chemin, « pour faire voir aux chouans le châtiment infâme qui les attend tous ».

Ce ne fut point sans peine qu'on trouva à Landéan quelqu'un qui voulût se charger de cette triste besogne ; un couvreur à la fin s'y résigna, et la tête de Thomas demeura durant trois jours exposée sur le clocher. Pendant ce temps de nombreux soldats remplissaient Landéan et faisaient subir à la malheureuse veuve de Thomas les plus mauvais traitements.

Les sans-culottes de Fougères avaient demandé « des pacotilles de gueux à expédier dans leurs murs ; » en quelques jours on leur en avait expédié 36, et, pour prolonger ce plaisir, on avait exposé pendant trois jours les têtes des principaux condamnés. Sans doute les membres du Comité fougerais eurent à cœur de reconnaître ces bons procédés par l'accueil qu'ils firent à Defiennes, venu à Fougères pour surveiller ces exécutions. Il se trouva si bien là qu'il n'en voulait plus revenir. Sous prétexte de grands services à rendre à la République, il prolongeait son séjour, malgré les lettres pressantes de Magnier. Il fallut un ordre formel de la Commission pour le faire rentrer à Rennes, le 14 floréal.

Pendant que la guillotine décapitait à Fougères Vaucelle, Dourdain, Thomas et leurs compagnons, on fusillait à Rennes les condamnés à mort. Les troupes de la garnison manifestaient une certaine répugnance pour ce rôle de bourreaux ; d'autres le réclamèrent comme un honneur. Le 13 floréal, les « Jeunes gens de Rennes » envoient une députation à la Commission pour demander à être chargés des exécutions criminelles qui devront être faites militairement, « afin, disent-ils, d'assouvir la rage que leur inspire l'existence des vils chouans ». Le chef de la députation reçoit du président l'accolade fraternelle pour la manifestation de ses sentiments patriotiques, et le Tribunal prend leur demande en considération. Le désir des « Jeunes gens de Rennes » ne put être satisfait pour cette fois ; le lendemain, 14 floréal, l'aimable guillotine, revenue de Fougères, fut de nouveau établie sur la place du Palais, comme l'indique la mention faite de l'exécution de Lefeuvre, cidevant contrôleur, exécuté en présence de Lefebure [Note : Il ne s'agit point ici d'une députation régulière de la jeunesse de Rennes, mais bien d'énergumènes de clubs, purs sans-culottes, dont Mgr Bruté a d'ailleurs parlé dans ses Souvenirs].

(Hippolyte de la Grimaudière).

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