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Mollesse de la Commission Brutus Magnier en l'absence de Magnier. Affaires de Lalleu et de Bazouges-la-Pérouse.

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« Le plaisir de voir tomber des têtes ». Brutus Magnier prend un congé. Mollesse de la Commission en son absence. Magnier demande des « gibiers de guillotine ». Affaires de Lalleu et de Bazouges-la-Pérouse.

Malgré le vide fait dans ses rangs par la mort de Rémacly et bien que Coulon ne fût pas encore rétabli, la Commission reprit ses travaux le 17 pluviôse. Son greffier Scévola Biron fit fonction de juge, et « Gracchus Châlon, membre de la Commission Veaugeois, resté convalescent à Rennes, prit la place du juge malade ».

Ce changement dans le personnel de la Commission ne modifia en rien ses sentiments. Ayant à juger, le 17 pluviôse, Gabriel Pontonnier, Jean Chogon, Louis et François Séchet, Jean Fortin, chouans de Fougères, et Anne Cheftel, elle les condamne tous six à mort.

Son jugement déclare que « celui qui veut la liberté et l'égalité doit voir avec plaisir tomber sous le glaive vengeur de la loi toutes les têtes des scélérats qui composaient l'infâme armée ci-devant catholique et royale, et être le premier dénonciateur de tous les monstres qui voudraient encore arborer l'étendard de la rébellion » [Note : Le même jour la Commission condamnait également à mort six autres chouans de Fougères].

Du moment où voir tomber des têtes était un plaisir, le bourreau, le vengeur du peuple, comme on l'appelait, ne devait nécessairement être qu'un fonctionnaire tout particulièrement respecté. Nous l'avons vu déjà s'asseoir, au nom de l'égalité, à la table des représentants du peuple ; voici ce qu'un propos irrespectueux tenu à l'un de ses aides pouvait coûter à celui qui le prononçait.

Un capitaine des canonniers de Seine-et-Oise, Jean François, fut traduit devant la Commission pour avoir tenu « des propos injurieux à un de ses « canonniers qui le quittait pour se faire recevoir adjoint au vengeur du peuple ». François s'en tira avec huit jours de prison sur son affirmation que « s'il avait tenu un discours vague, c'est qu'il était pris de vin ; » mais il dut comprendre qu'il était dangereux de s'attaquer au vengeur du peuple et à son entourage.

Brutus Magnier, malade depuis un mois, ne siégeait plus ; son état s'étant amélioré, il demanda et obtint un congé d'un mois pour aller dans sa famille compléter son rétablissement [Note : Voir pièces justificatives, n° 9].

Son absence prouve clairement qu'il était le rédacteur de ces jugements extraordinaires que nous avons fait connaître. A peine est-il parti, ils disparaissent ; ils reparaissent aussitôt après son retour.

Magnier, il est vrai, n'avait pas siégé du 26 nivôse au 21 pluviôse, mais il n'était pas tellement malade qu'il ne pût s'occuper de son tribunal ; c'est lui notamment qui fait, le 15 et le 16 pluviôse, toutes les démarches pour l'enterrement de Rémacly. Placé dans la coulisse, Magnier dirigeait évidemment la Commission à sa guise, et lui dictait ses jugements ; nul parmi ses collègues n'a laissé voir qu'il fût capable d'une aussi intarissable faconde, pas même l'éloquent Defiennes.

Non-seulement en l'absence de Brutus Magnier le Tribunal devient plus simple dans ses jugements, mais il fut aussi plus indulgent. Du 21 pluviôse au 4 germinal, c'est-à-dire, pendant plus de quarante jours, il ne prononce que vingt-six condamnations à mort, dont une contre Jean Petit-Jean, sous-lieutenant au 4ème bataillon d'Ille-et-Vilaine, « qui avait caché la consigne à celui qui le relevait de garde, et maltraité, même assassiné son supérieur ».

Le 4 germinal, Brutus Magnier, complètement guéri, reprend la présidence. Soit que la maladie ait affaibli son zèle ou ses forces, soit pour toute autre cause, les discours métaphoriques (ainsi que disait Defiennes) ne seront ni aussi nombreux ni aussi pompeux qu'autrefois ; mais le président n'y renoncera jamais tout à fait.

Le jour même de sa rentrée, il juge Montgodin, cuisinier du prince de Talmond, Lefebvre, Deshaies et Hoquin, chouans de Fougères. Il condamne à mort « ces scélérats qui ont cruellement déchiré le sein de notre malheureuse patrie, depuis qu'elle a secoué le joug des monstres, et qui croient échapper au glaive vengeur de la loi en employant devant leurs juges la fourberie la plus compliquée ».

Pour les militaires, Brutus Magnier est toujours un juge juste et sévère ; non-seulement il punit, mais il sermonne :

« Les malheureux cultivateurs tremblent à la vue d'un soldat de la République qui met le pied sur leurs propriétés, pourquoi donc cette cruelle défiance ? Parce qu'il se trouve dans nos armées des scélérats qui la déshonorent par leur abominable conduite, qui ne rougissent pas de rapiner et enlever tout ce qu'ils peuvent chez les citoyens qui les logent ».

Deux gendarmes coupables de vols sont par ce jugement condamnés à dix ans de fers.

A propos de déserteurs condamnés à quinze ans de fers, il dit dans un autre jugement :

« Quand il n'existera plus dans nos armées ni voleurs, ni traîtres, ni insubordonnés, elles seront victorieuses chaque fois qu'on les mènera à l'ennemi. Il importe donc au salut public que le crime ne reste pas impuni, et que nos frères d'armes, dont la masse est essentiellement pure, aient la douce satisfaction de voir qu'on leur fait prompte et sévère justice des scélérats qui les déshonorent ».

L'activité de la Commission devient de plus en plus grande ; en trente-six jours, du 4 germinal au 19 floréal, elle ne juge pas moins de deux cent treize personnes et prononce cent dix-sept condamnations à mort, dont une contre un soldat qui avait frappé son supérieur.

Le 17 germinal, Brutus Magnier craignit cependant que les séances de la Commission ne fussent pas assez remplies, et il écrivit à Gâtelier, alors concierge de la tour Le Bat, le billet suivant :

« Ami Gâtelier,
Envoyés-nous deux autres gibiers de guillotine dont tu rempliras les noms, sur le réquisitoire ci-joint. Tu m'enverras aussi leurs noms et une note quelconque sur leur compte. L. P. BRUTUS MAGNIER »
.

A cette lettre était joint ce réquisitoire : « Amener devant la Commission les nommés : Pierre Monnier, François Cousin, Julien Léperon, pour y être définitivement jugés. Rennes, le 17 germinal an II. L. P. BRUTUS MAGNIER » (Archives nationales, n° 497-64).

Ces deux pièces étaient en leur entier écrites de la main de Magnier, sauf les noms laissés par lui en blanc et qui furent écrits par Gâtelier.

Cousin et Léperon, enfants de douze et quinze ans, furent condamnés à la réclusion jusqu'à vingt ans ; Monnier fut condamné à mort et exécuté le lendemain, bien qu'il se fût réclamé des autorités de sa commune qui, le 19, envoyèrent, en effet, à la Commission une lettre dans laquelle elles rendaient le meilleur témoignage de son civisme. Mais, ainsi que l'avait dit plaisamment Magnier à propos de Houeslard, n'était-ce pas là la médecine après la mort ?

Cette lettre à Gâtelier nous permet de prendre Magnier sur le fait, et de voir comment il jugeait. Il dépendait d'un guichetier de faire amener tel ou tel prisonnier devant la Commission. Celle-ci entrait en séance sans rien savoir de ceux qui comparaissaient devant elle, elle ignorait même leurs noms ; puis venait un interrogatoire de quelques minutes. Il suffisait à former la conviction des juges ; on condamnait sur le champ, et souvent l'exécution suivait deux heures après. On ne peut souhaiter de procédure plus expéditive. On verra plus loin, quand cette lettre fut reprochée à Magnier, accusé à son tour, quelle pitoyable explication il en donna.

Deux administrations municipales, celles de Lalleu (Commune du canton du Sel, arrondissement de Redon) et de Bazouges-la-Pérouse, eurent quelques jours après à se justifier devant la Commission des accusations portées contre elles.

Toussaint Lenglé, secrétaire de la commune de Lalleu, district de Bain, avait accusé le maire Plumelet et trois officiers municipaux « d'avoir gardé dans leur commune un curé, tandis que l'opinion publique bannissait de la société ces êtres inutiles, et de n'avoir pas fait effacer du drapeau de leur commune le nom odieux de Roi ».

Le Tribunal, considérant que ces quatre officiers municipaux avaient « dans toutes les occasions prouvé « leur amour pour la liberté, et qu'ils n'avaient « à se reprocher qu'une légère inconséquence, » les acquitta, après « les avoir préalablement admonestés d'être plus circonspects à l'avenir, et de se défier de la calotte ». De plus « le maire fut tenu de brûler lui-même sur le parquet du Tribunal la partie dudit drapeau où se trouvait le mot Roi, ainsi que la cravate blanche et la fleur de lys qui le surmontait ». Le dénonciateur Lenglé « qui avait témoigné un zèle vraiment patriotique en dénonçant l'existence de l'inutile, pour ne pas dire dangereux curé, » reçut en récompense de sa belle conduite l'accolade fraternelle de Brutus Magnier.

Les prêtres constitutionnels, les jureurs, ainsi que les appelaient les paysans, étaient de la part des populations, même patriotes, l'objet d'une vive répulsion.

On en a déjà vu un exemple à Saint-Aubin-du-Cormier ; en voici un autre non loin de là, à Bazouges-la-Pérouse. Il est vrai que, se sentant haïs et méprisés, mécontents des autres et d'eux-mêmes, ils semblaient parfois provoquer comme à plaisir la colère de leurs paroissiens.

Le curé de Mareillé-Raoul (Commune du canton d'Antrain, arrondissement de Fougères), Legendre, prêtre de vingt-sept ans, s'était contrairement à la loi fait nommer membre du Comité de surveillance de la commune. Ambitieux, ne souffrant aucune résistance, il était devenu odieux à tous. Il avait fait lui-même une adresse dans laquelle il était dit que lui Legendre « était un républicain intrépide, homme précieux à la société, que le Comité de surveillance était sans lui un corps sans âme, » et il avait trouvé moyen de faire signer cette pièce par un assez grand nombre d'habitants de la commune. Il disait de temps à autre la messe à Bazouges-la-Pérouse ; mais personne n'allait l'entendre. Outré de ce dédain, il y fit traîner de force des femmes qu'il menaça de faire fouetter, en cas de refus de leur part. Comme il ne trouva pas auprès des autorités municipales l'appui qu'il espérait, il résolut de s'en venger.

Il dénonça Louis Cheftel, maire ; Jean Bonenfent et Clairet, officiers municipaux ; Lemarchand, capitaine de la garde nationale ; Perret, greffier de la justice de paix ; Gautier, agent national ; plus, quatre femmes, les deux MM. de Kerpoisson et la femme de l'un d'eux, comme « coupables d'avoir tenu des propos injurieux contre le gouvernement républicain, et d'avoir pratiqué des intelligences criminelles avec les brigands de la Vendée, enfin d'avoir trahi leur patrie ». Cette dernière accusation reposait sur ce fait, que les autorités de Bazouges avaient abandonné la commune à l'arrivée de l'armée vendéenne. Le maire répondit fort sagement que, si l'on était parti, c'est qu'on n'avait aucun moyen de se défendre ; il produisit de plus, pour lui et pour ses co-accusés, de nombreux certificats prouvant leur civisme. Tous furent acquittés ; mais, vu leur qualité d'ex-nobles, on recommanda de surveiller avec activité MM. et Mme de Kerpoisson.

Legendre, « convaincu d'avoir méchamment et à dessein accusé un grand nombre de citoyens de crimes qui, s'ils eussent été prouvés, leur eussent fait encourir la peine de mort, fut condamné à la déportation. (Jugement du 18 germinal).

(Hippolyte de la Grimaudière).

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