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Troubles à Saint-Aubin du Cormier. Voyage « civique et révolutionnaire » de la Commission dans cette ville.

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Troubles à Saint-Aubin du Cormier. Voyage « civique et révolutionnaire » de la Commission dans cette ville.

David, administrateur du département, maire de Saint-Aubin du Cormier [Note : Saint-Aubin du Cormier est situé à 32 kilomètres de Rennes, sur la route qui va de cette ville à Fougères], et Dubourg, curé constitutionnel, avaient trouvé moyen de soulever contre eux tout le pays. Quiconque n'acceptait pas leur direction, ne se courbait pas sous leur volonté, était par eux traité de modéré, d'aristocrate, de suspect. Ce système d'intimidation arriva au point que les opposants, — et c'était peut-être ce que désiraient les deux amis, — n'osèrent plus se présenter aux assemblées électorales du canton. Aussi, pour échapper à ce joug tyrannique, demandèrent-ils au département qu'elles se tinssent, à l'avenir, à Mézières, petit bourg voisin de Saint-Aubin. Au grand dépit des deux tyranneaux du canton, le département fit droit à la pétition. David et Dubourg comprirent que ce pouvait être la ruine de leur influence, et ils résolurent de faire en sorte qu'à Mézières, comme à Saint-Aubin, ils ne rencontrassent pas de résistance. Le jour de l'assemblée électorale à Mézières, David fait sonner le tocsin à Saint-Aubin ; lui et ses émissaires vont partout disant qu'on va égorger les patriotes ; enfin il fait si bien que ses adversaires effrayés quittent la place ; cette fois encore, les élections furent faites sous sa seule influence. Une pareille conduite n'était point propre à calmer les esprits.

A quelques jours de là, les chouans entrent une nuit à Saint-Aubin, y coupent l'arbre de la Liberté et annoncent qu'ils reviendront bientôt plus nombreux. Cette fois, disent-ils, nous rendrons visite au curé. Celui-ci n'avait probablement pas fait suffisamment comprendre à ses ouailles l'importance du septième commandement de Dieu : Le bien d'autrui tu ne prendras, - Ni retiendras à ton escient.

Il eut fort à s'en repentir. La misère était grande en ce temps, et on savait que chez Dubourg les provisions abondaient. Sous l'ingénieux prétexte que les chouans devaient bientôt piller la maison, on la mit bel et bien à sac, attendu, disait-on, qu'il était infiniment préférable que les patriotes profitassent de cette aubaine. Malgré sa fureur, Dubourg crut prudent de ne pas porter plainte ; il poussa même plus loin le pardon des injures.

Le 19 novembre, la population assemblée plantait un arbre de la Liberté ; désireux de faire la paix avec ses paroissiens, Dubourg envoie une barrique de cidre aux travailleurs ; mais ce présent fut repoussé avec dédain. Le maire, David, ressentit vivement cette injure faite à son ami. Il se rend sur la place où étaient réunis les habitants, monte sur le pied de la croix, et de là leur adresse les plus grossières injures : « Toutes les femmes de Saint-Aubin sont des p… ; tous les hommes sont des lâches », crie-t-il à pleine voix. Arrivé au paroxysme de la fureur, il tire son sabre, fond sur la foule, défie tout le monde et cherche quelqu'un qui veuille se mesurer avec lui ; un malheureux gendarme, serré de trop près, est obligé, de dégaîner pour se défendre. Cette scène étrange était bien faite pour exaspérer les gens de Saint-Aubin ; aussi femmes et hommes entourent le maire, le huent, le malmènent et lui eussent probablement fait un mauvais parti, s'il n'eût réussi à grand'peine à s'échapper.

Cette fois les choses n'en restèrent pas là. David et Dubourg déposèrent une plainte, et onze habitants de Saint-Aubin furent conduits dans les prisons de Rennes. Six hommes étaient accusés de pillage du presbytère, et une femme et quatre hommes, de violences, de voies de fait contre le maire ; parmi ces derniers se trouvait le gendarme qui avait dû se défendre contre David.

La Commission Brutus Magnier fut saisie de cette affaire. Elle fit venir à Rennes de nombreux témoins ; mais elle ne parvenait pas à démêler la vérité au milieu de tant d'affirmations contradictoires ; elle résolut donc de se rendre sur les lieux pour « chercher à apaiser les troubles domestiques qui s'y étaient élevés, punir les coupables et protéger les patriotes persécutés ».

C'est sous le titre pompeux de Voyage civique et révolutionnaire dans le district de Fougères qu'est inscrite sur les registres la relation de cette expédition. On partit le 19 frimaire au matin ; les prisonniers et les témoins suivaient le Tribunal. Le 20, on compléta l'instruction de l'affaire ; et les habitants assemblés dans l'église votèrent l'établissement d'une société populaire.

Le 21, la Commission siégea de nouveau dans l'église, et y rendit, dit-elle avec orgueil, « un jugement qui satisfit tout le monde ». Ce fait anormal méritait en effet d'être signalé. Le jugement reconnut tout d'abord que les six prévenus, accusés de pillage du presbytère, n'avaient, il est vrai, agi de la sorte « qu'à l'effet de ravir aux brigands les comestibles qui y étaient » ; mais que cependant « il n'était point permis de faire pareille démarche » ; en conséquence ils furent condamnés à payer à Dubourg 600 livres. Les cinq autres, accusés « d'émotion contre les autorités constituées, » furent acquittés, mais on leur recommanda « de respecter en tout temps les magistrats qu'ils avaient investis de leur confiance ».

Immédiatement après le prononcé de ce jugement, qui paraissait si satisfaisant à tous, au dire du tribunal, « la Société Populaire tint une séance bien « intéressante, qui vit triompher la philosophie sur le fanatisme et l'ignorance ; » le nom de Saint-Aubin-du-Cormier fut remplacé par celui bien plus révolutionnaire de Montagne-la-Forêt.

La Commission, voyant sa mission terminée, et ayant appris « qu'il y avait à Fougères des scélérats à punir, » avait hâte de s'y rendre ; elle se mit donc en route le soir même. Avant son départ, « elle eut la douce satisfaction de se voir louée et bénie par toute la commune de Montagne-la-Forêt, qui poussa la délicatesse au point de payer à l'auberge la dépense faite par la Commission ».

La satisfaction était-elle vraiment aussi générale ? Les bénédictions et les louanges de David, qui n'avait obtenu qu'une demi-réparation, partaient-elles d'un cœur sincère ? C'est au moins douteux ; mais l'illusion était excusable chez des magistrats touchés jusqu'à l'âme par un procédé si généreux.

Le séjour à Fougères ne dura que trois jours. Pendant ce court espace de temps, Wary et Giffard, chouans de cette ville, furent condamnés à mort et exécutés. Le 25, on apprit que les Vendéens étaient à Laval, la Commission crut prudent de rentrer à Rennes, où elle reprit, le 26, le cours de ses travaux.

(Hippolyte de la Grimaudière).

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