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LA MAISON NOBLE DE PIERREFITTE A BRUZ |
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Documents consultés :
Archives départementales
d'Ille-et-Vilaine : 1° Fonds du regaire des évêques de Rennes ; 2° Minutes des
notaires royaux de Rennes, Mes Jean Duchesne et Leroy. Archives municipales de
Bruz : Registres paroissiaux. Archives de Pierrefitte, au château de
Pierrefitte.
Le nom de « Pierrefitte » a une origine reculée ; il rappelle en général ces régions couvertes de pierres levées, dites « menhirs ». Il y en avait dans le bas Bruz, aux environs du villagie de Cahot ; celui qui subsiste au confluent de la Seiche et de la Vilaine en perpétue le souvenir.
La maison noble connue sous cette dénomination n'a pas une histoire aussi ancienne. Elle n'apparaît que vers le milieu du XVIème siècle ; elle est dans la mouvance de la seigneurie du Regaire des évêques de Rennes, dont le siège était au manoir épiscopal, près du Pont Saint-Armel, en Bruz, aujourd'hui le château du Manoir. La maison de Pierrefitte s'est élevée à son ombre et dans son rayonnement. Ils sont encore avisagés l'un à l'autre par-dessus la rivière de Seiche.
Un acte de 1543 révèle l'existence du château de Pierrefitte ; c'est la plus ancienne mention à notre connaissance. Denis Rallier en fait l'aveu à la seigneurie des Regaires de l'Evêché de Rennes. Son fils, Jean Rallier, époux de Françoise Thébault, renouvelle le même aveu en 1554. Un partage, daté du 22 novembre 1597, est fait entre les enfants de Jean Rallier : Pierre Rallier, Bonaventure Rallier et consorts. Maître Pierre Rallier, l'aîné, avocat, conserve la maison principale de Pierrefitte.
Il est le père de Georges Rallier, sieur du Fougeray, conseiller du roy ordinaire en sa chancellerie de Bretagne, époux de Anne Le Chevalier. Il continua la tradition de la famille en habitant Pierrefitte. Pourtant il n'y pouvait demeurer toute l'année. Ses fonctions l'appelaient souvent à Rennes où il avait une résidence rue Basse Beaudrairie. Il obtint du roy l'érection de Pierrefitte en maison noble.
La famille Rallier quitta définitivement Pierrefitte en 1652, après l'avoir possédé pendant plus d'un siècle. Le 22 juin de cette même année, Georges Rallier du Foulgeray vendit sa maison et tout ce qui en dépendait à Messire Hyesrosme du Botderu, époux d'Anne de Guer, seigneur et dame de Kerdreo, demeurant en leur maison de la rue Vasselot, à Rennes.
Deux générations de la famille du Botderu se succédèrent à Pierrefitte : celle de Hyesrome qui en fut l'acquéreur, et celle de Paul, son fils. Messire Claude-Joseph, chef de nom et d'arme du Botderu, Comte de Kerdreo, fils de Paul et de dame Jeanne de Trenon, la vendirent à Me Jean Pierres, sieur de la Gravelaye, Procureur au Parlement, demeurant à Rennes, rue de la Fannerie, paroisse de Toussaints. La vente eut lieu le 4 juillet 1694.
Le sieur de la Gravelais Pierres mourut en 1710. Sa fortune était considérable ; elle s'étendait aux paroisses de Bruz, de Laillé, de Béganne [Note : Dép. du Morbihan] et de Reminiac [Note : Dép. du Morbihan]. Il laissait quatre enfants, un fils et trois filles. La maison noble de Pierrefitte et les terres qui l'entouraient constituaient une seule lottie qui échut à dame Jacquette Pierres de la Gravelaye, épouse de Maistre Alexis Morvan, sieur de la Touche, avocat au Parlement de Bretagne.
Le nouveau propriétaire de Pierrefitte décéda le 22 octobre 1739 et la dame de la Touche Morvan en 1744. Leurs deux filles Jeanne-Perrine Morvan, veuve de François-Remé de Mauny de Carcé, et Céleste-Pélagie Morvan, épouse d'écuyer Joseph de Saint-Ours de l'Echaillon, héritèrent de leurs parents. Pierrefitte échut à la dame de Mauny de Carcé. En 1753, le 4 octobre, celle-ci la vendit à son beau-frère Joseph de Saint-Ours aux conditions d'une rente viagère qui lui serait servie à elle et à ses deux filles jusqu'à la dernière survivante.
Joseph de Saint-Ours paraît avoir habité Pierrefitte jusqu'au mariage de sa fille Renée-Joseph avec Jean-François de Bedée, seigneur de la Ville-Ginguelen, dit le chevalier de Bedée, date à laquelle il se retira dans la maison du Grand-Logis, au bourg de Bruz, où il mourut le 28 octobre 1781. Il était originaire de Beurey, au diocèse de Grenoble en Dauphiné.
Du mariage du chevalier de Bedée avec Renée de Saint-Ours naquirent entr'autres enfants décédés en bas âges trois filles : Marie-Jeanne-Renée, épouse de Jean-Pierre-Victor Vittu de Keraoul ; Céleste-Claudine et Louise-Félicité de Bédée. Celles-ci se partagèrent le domaine de Pierrefitte en 1810 après la mort de leur mère. Elles firent trois lots égaux qui marquèrent la dislocation du domaine de Pierrefitte. La maison principale avec la ferme adjacente et la métairie des Marcleusières, aujourd'hui les Landelles, en Bruz, fut attribuée à Céleste-Claudine de Bédée. Quelques années après, elle épousait Michel-Joseph Resnays. Devenue veuve, elle vendit Pierrefitte à M. Bodin, qui l'a revendue à M. de Latour, propriétaire en 1918.
Les générations qui se sont succédé à Pierrefitte y ont laissé des souvenirs de leur passage : quelques-uns appartiennent à l'histoire. Cette maison fut le berceau d'une famille qui compte parmi ses illustres membres Toussaint-François Rallier du Baty, Procureur-Syndic et Maire de Rennes de 1695 à 1734 et le contre-Amiral Rallier du Baty, mort en 1788. Avant d'aller se fixer à Rennes et à la Rivière, paroisse de Montautour, les Rallier habitèrent Pierrefitte plus d'un siècle durant.
Denis Rallier est le premier auteur connu de cette famille. Il en était le propriétaire sous la mouvance seigneuriale des Regaires de l'Evêché de Rennes. A cette même date, il en fait l'aveu. Son domaine s'étendait sur les lieux actuels, outre la métairie de Pierrefitte, du Pré-Galan, de la Motte, des Pommerayes, — aujourd'hui Asile Le Graverend, — du Petit-Osmel et autres terres environnantes.
Ce domaine fut souvent disséqué au moment des successions ; mais les fils et petits-fils de Denis, Jean, Pierre, Georges, par voie d'aînesse, gardèrent toujours la maison principale de Pierrefitte avec la métairie adjacente et la bourderie du Pré-Gallan. Les collatéraux Toussaint, Bonaventure, Hervé, héritèrent des Pommerayes, de la Motte et de la Claie, toutes situées en Bruz.
Les Rallier occupèrent des charges au Parlement de Bretagne presque aussitôt après sa fondation. Jean, fils de Denis, était avocat vers 1580 ; son fils Pierre lui succéda. Georges Rallier, sieur du Foulgeray, héritier de Pierre, acquit la charge de conseiller du roy, audiencier et son secrétaire en la chancellerie de Bretagne. C'est lui qui donna son plus beau lustre à la maison de Pierrefitte.
Nous avons vu que le domaine, si étendu fut-il, était dans la mouvance du Regaire. Denis Rallier, en 1543, Jean en 1554, Bernard Rallier en 1583, Jeanne du Chêne, veuve de Hervé, en 1618, en firent l'aveu au seigneur évêque de Rennes. Georges Rallier, sieur du Foulgeray, conseiller du roy, supportait assez mal cette situation roturière. A cause des services rendus qu'il fit valoir, il obtint l'anoblissement de Pierrefitte. Des lettres patentes de Sa Majesté, en date du 4 octobre 1638, contrôlées le 12 du même mois et an, données au profit de Georges Rallier, sieur du Foulgeray, érigeaient en maison noble sa demeure, les métairies dudit Pierrefitte, des Pommerayes, du Pregallan et les terres qui en dépendaient ; elles furent affranchies du fouage et relevaient prochement et noblement de la seigneurie des Regaires.
Jusqu'à cette date, la demeure de Pierrefitte n'avait aucun relief. Même par endroit, elle tombait en ruines. Depuis qu'il s'était fixé à Rennes, rue Basse-Beaudrairie, Georges Rallier négligeait de l'entretenir. Pour la rendre digne de son nouveau titre, il la fit reconstruire en 1647. Elle est bâtie dans le style Louis XIII, avec des gerbières ouvragées. C'est encore la même que l'on peut voir de nos jours (vers 1918).
Ni les nobles titres, ni la maison neuve n'attachèrent pour longtemps le cœur de Georges Rallier à Pierrefitte ; son ambition voulut s'exercer sur un plus grand théâtre, celui d'une seigneurie en Montautour. Il vendit Pierrefitte en 1652 au Comte du Botderu de Kerdreo.
Les du Botderu passent à Pierrefitte sans laisser aucune trace dans les évènements de la maison. Il n'en est pas de même de leur successeur, Jean Pierres, sieur de la Gravelaye. Ce Procureur au Parlement de Bretagne paraît surtout soucieux d'arrondir sa propriété. Les maisons de la Motte et des Pommerayes appartenaient toujours à la famille Rallier. Par contrat passé le 8 avril 1701 avec Pierre et Toussaint Rallier, il acquiert ces deux grandes métairies. Il ne dédaigne pas de prêter à usure sur les pièces de terre enclavées au milieu des siennes. Lucaze Pégeault, veuve Douettée, demeurant au village de Pierrefitte possède une maison grevée d'une hypothèque de 231 livres 12 sols au profit du sieur de Montaran des Loges ; Pierres de la Gravelaye purge l'hypothèque à condition que, si elle ne peut le rembourser, la maison, plus les autres terres qu'elle possède, les pièces du Clozel, des petites Noës lui reviendront. Comme Lucaze Pégeault ne put jamais s'acquitter de sa dette, Jean Pierres de la Gravelaye en devint le propriétaire à bon compte.
Le sieur de la Gravelaye ne dédaignait pas les petits profits clandestins. Au bout de sa prairie de Pierrefitte gisaient lamentablement les ruines d'une vieille chapelle autrefois dédiée à saint Etienne ; elles étaient entourées d'un large fossé au fond rempli de boue. Le tout dépendait de la seignieurie du Regaire. Pour récolter quelques bottes de foin de plus chaque année, de la Gravelaye Pierres s'imagina de les combler. Les gens de la juridiction épiscopale réclamèrent en vain ; le Procureur Jean Pierres fit la sourde oreille ; il refusa de faire l'aveu de ses terres que l'évêque lui demandait. Son gendre et successeur à Pierrefitte, Mathieu Morvan de la Touche, aussi avocat, fit l'aveu exigé en 1717, mais il se garda de mentionner les fossés de la chapelle de Saint-Etienne. Jacques de Saint-Ours, veuf de Céleste de la Touche-Morvan, petite-fille de Jean-Pierres de la Gravelaye, consentit en 1755 à restituer ce que la juridiction des Regaires demandait depuis cinquante ans.
Jacques de Saint-Ours fit loyalement observer que de creuser à nouveau les fossés de la chapelle ne servirait à personne ; il proposa donc un afféagement du terrain et de le tenir prochement et roturièrement de la seigneurie des Regaires en la châtellenie de Bruz ; ce qui fut accepté. En conséquence, il paya chaque année en la main du chatelain un boisseau de froment rouge mesure de Rennes de rente féodale et perpétuellement au terme de la Saint-Martin d'hiver.
A sa mort arrivée en 1710, Me Jean Pierres, sieur de la Gravelaye, laissa une grande fortune. Le domaine de Pierrefitte avec la métairie adjacente, plus celles du Prégallan, des Pommerayes, du Petit-Osmel, de Cahot, de la Motte, des Marcleusières, sise au village des Landelles, firent l'objet d'une seule lottie qui échut à sa fille, la dame de la Touche-Morvan.
Pendant un siècle, de 1710-1810, entre les mains des petites filles du sieur de la Gravelaye, les dames de Saint-Ours et de Bédée, le domaine ne subit aucune modification appréciable. Au temps de la Révolution de 1789, Le Graverend, avocat, acheta les Pommerayes.
Le chevalier de Bédée, le dernier seigneur de Pierrefitte, quitta son domaine en 1792 pour aller rejoindre un des détachements qui se formaient pour la défense de la religion et de la royauté. Il tenait un rassemblement dans la forêt de Romillé ; il y fut tué en cette même année 1792. On l'inhuma dans le cimetière d'Irodouër.
Sa femme Renée de Saint-Ours de l'Echaillon continua d'habiter Pierrefitte. Le 27 janvier 1793, la Municipalité de Bruz lui délivra un certificat de résidence. Elle avait alors 47 ans ; elle était mère de cinq enfants. Néanmoins, elle fut dénoncée comme suspecte et incarcérée à Rennes avec sa belle-sœur. La Municipalité de Bruz sollicite par deux fois sa libération : elle atteste sa bonne conduite, sa bienfaisance envers un grand nombre de nécessiteux de la commune. Le Comité se refuse toujours à rendre justice. Sa fille, Céleste de Bédée, demande que sa mère cultivatrice, nécessaire à la maison pour élever ses enfants et faire les récoltes, soit rendue à sa famille. La Municipalité de Bruz revient à la charge : elle surveillera la citoyenne de Bédée qui se présentera devant elle tous les jours de décadi. Le Comité révolutionnaire accepte cette condition et la remet en liberté provisoire.
A partir de cette date, la dame de Bédée ne fut plus inquiétée. Elle mourut à Pierrefitte en 1810, laissant trois filles, tous ses autres enfants étaient décédés.
La Révolution enleva le titre de maison noble à Pierrefitte. Le grand domaine de Pierres de la Gravelaye fut démenibré en 1810 ; il ne resta plus dépendant de la maison principale que le jardin, la prairie, quelques pièces de terre, la métairie adjacente et les Marcleusières ou Landelles. C'est vers 1918 la propriété de M. Richard de Latour qui en a fait une jolie et coquette habitation sur les bords de la Seiche, en face du Manoir, autrefois résidence des évêques de Rennes, et du Pont Saint-Armel.
Les autres terres dépendant de Pierrefitte sont passées en d'autres mains. Jean Le Graverend, déjà propriétaire des Pommerayes, qu'il avait reçues de son père, acheta des Vittu de Keraoul la ferme du Prégallan. Il bâtit à côté une maison où il mourut. Par testament, il donna à la ville de Rennes les Pommerayes à condition d'y établir un hospice qui porterait son nom ; il y joignit sa ferme du Prégallan pour l'entretien des hospitalisés et sa maison ou demeure l'Aumônier. L'Asile Le Graverend, l'habitation de M. de Latour, c'est tout ce qui reste de l'ancienne maison noble de Pierrefitte.
(l'abbé Bossard).
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