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Sainte Anne de CASSON |
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Il y avait, paraît-il, dans le diocèse de Nantes, une quinzaine de chapelles bâties en l'honneur de sainte Anne, avant les apparitions célèbres d'Auray. De ces chapelles plusieurs ont disparu sans doute, et actuellement, en notre diocèse, trois centres attirent les dévots de sainte Anne : Vue, au sud de la Loire, au pays de Retz, Guénouvry avec sa chapelle de Lessaint, dressée au sommet d'un coteau aride des bords du Don, et Casson. Nous ne comptons pas l'église sainte Anne de Nantes, de fondation plus récente. Parmi les paroles que sainte Anne fit entendre au pieux Nicolazic d'Auray, nous relevons celles-ci : — Dites à votre recteur que, dans la pièce de terre appelée le Bocenno, il y a eu jadis, avant aucun village, une chapelle qui m'était dédiée ; c'était la première de tout le pays... Nous savons, par d'autres paroles de sainte Anne, que cette première chapelle avait été détruite en l'année 700. Au pays d'Auray revient donc l'honneur d'avoir élevé dans nos régions la première chapelle de sainte Anne. Mais cette même dévotion est aussi très ancienne à Casson. Comme centre religieux Casson date au moins de l'an 1124, car en cette année le duc de Bretagne Conan II en confirma la possession à Brice alors évêque de Nantes. A cette époque, la chapelle qui servait d'église paroissiale était située au village de Sainte-Anne, près de la Fresnaie, à deux pas de l'Hivernière, tout près du Tertre, du Carougeau et du château de la Barillère où résidaient les seigneurs de Casson. Cet ensemble de maisons formait l'agglomération la plus importante de tout le territoire de Casson : car le bourg actuel ne comptait que quelques chaumières groupées peut-être autour d'une chapelle qui plus tard fut dédiée à saint Louis. On a retrouvé autour de la vieille chapelle de sainte Anne, démolie en 1847, de nombreux ossements : c'était le cimetière. Ainsi
donc sainte Anne fut la première patronne de Casson, et l'on comprend
l'attachement des habitants à leur sainte protectrice : ils tiennent
cette dévotion d'ancêtres très lointains. |
La Légende
Dans tous les endroits où s'élèvent de vieilles chapelles en l'honneur des saints, on trouve aussi des légendes qui se transmettent de génération en génération et qui attribuent à ces oratoires une origine miraculeuse. L'antique chapelle de sainte Anne de Casson n'a pas échappé à cette règle à peu près générale.
Voici donc la légende qui fut racontée à M. Philippe par les vieillards, habitant les villages voisins de la chapelle.
« Il y a bien longtemps, une petite fille gardait les moutons sur le bord de la forêt de Héric qui s'étendait alors jusqu'au village de la Fresnaie et comprenait les maisons du Tertre, nommé dans les anciens écrits " le Tertre en Forêt ".
Or, il arriva qu'un jour la bergère aperçut une belle Dame au milieu " d'une bouée de ronces ". Elle la revit plusieurs fois qui se promenait dans le lieu où a été depuis bâtie la chapelle. Cette belle Dame ne tarda pas à révéler à l'enfant qu'elle était sainte Anne, et elle lui dit qu'elle voulait une chapelle en cet endroit.
La petite bergère raconta aux gens qu'elle servait ce qui lui était arrivé ; mais on ne la crut point ; on la disait folle. " Comment, disait-on, sainte Anne se montrerait-elle à une petite fille de si basse condition ? ".
La Dame fit des reproches à l'enfant de ne pas parler, comme elle le lui avait commandé, aux personnes de sa connaissance.
— Je l'ai bien fait, dit la bergère, mais on me traite de folle !
— Eh bien ! dis à ces personnes qu'il est vrai que je t'ai parlé et commandé ces choses, comme il est vrai que le coq qui sera servi tel jour sur leur table chantera trois fois.
La petite fille annonça le signe de la volonté de sainte Anne, et le jour désigné le fait merveilleux annoncé se réalisa.
On n'hésita plus ensuite à croire la bergère, et aussitôt on construisit la chapelle. La forêt de Héric fut abattue longtemps après, sous le règne de Louis XIII qui mourut en 1643 ».
Les historiens qui ne veulent que des preuves écrites rejetteraient cette légende comme complètement inventée. Mais il ne faut pas oublier que l'histoire se transmet non seulement par des documents écrits, mais aussi par les souvenirs des récits entendus dans les familles. Il peut donc y avoir dans cette légende un fond vrai, qui serait une manifestation extraordinaire du désir de sainte Anne d'avoir sa chapelle sur le coteau de l'Hivernière. Quand au miracle « du coq roti qui chanta trois fois », nous avouons qu'il nous paraît, par son étrangeté, peu digne de Dieu. Il pourrait bien n'être que l'enjolivement risqué par un conteur à l'imagination fantaisiste d'une apparition réelle.
Une hypothèse
Beaucoup d'anciens lieux de prières ont été d'abord des endroits consacrés à des divinités païennes. Les conquérants Romains du siècle qui a présidé l'ère chrétienne n'ont pas cherché à convertir les Gaulois à leur propre religion qui était aussi l'idolâtrie. Ils ont simplement adapté leurs croyances à celles de la nation conquise, en y ajoutant toutefois le culte de leurs empereurs divinisés.
Mais quand les premiers missionnaires chrétiens sont arrivés dans nos campagnes de l'Ouest, vers le IVème ou Vème siècle, ils ont travaillé à renverser l'idolâtrie pour établir le culte du vrai Dieu. Les peuples païens avaient leurs sanctuaires, leurs lieux de pèlerinages, leurs hauteurs, fontaines et bois sacrés. Pour ne pas heurter trop de front ces habitudes, les missionnaires ont transformé, dès qu'ils l'ont pu, ces endroits témoins de pratiques superstitieuses, en lieux saints, marqués de la croix et consacrés au culte de tel ou tel saint.
Or, il est certain, d'une part, que notre pays de Casson a été jadis occupé par les Romains : un de leurs camps de surveillance a été le Chalonge, car ce nom signifie « camp ».
On a retrouvé dans les environs, à Néron, nom encore d'origine romaine des pièces de monnaie datant des siècles des empereurs.
D'autre part, on trouve des traces d'exploitation de minerai de fer, depuis le Chalonge jusqu'à la. Pervanchère„ traces très visibles du côté de l'Hivernière. C'est donc que cette contrée a été habitée dès ces temps reculés.
Toute agglomération de personnes avait son lieu de culte. Où pouvait-il être mieux placé qu'en cet endroit appelé maintenant Sainte Anne, puisque le culte païen exigeait ordinairement trois éléments : une hauteur, montagne ou coteau, consacrée à une divinité, puis une fontaine à l'eau abondante pour les ablutions, enfin le voisinage d'un bois favorable aux cérémonies mystérieuses du paganisme ?
On trouve précisément tout cela près du village de la Fresnais : un coteau qui domine les environs, puis vers le bas du vallon, une fontaine dont l'appareil de pierres est très ancien, enfin, il y avait la pointe de la forêt qui fournissait aussi le bois nécessaire à la fonte du minerai.
Il pourrait donc se faire que le culte de sainte Anne ait été substitué au culte d'une divinité païenne, comme cela s'est passé dans bien des endroits. Ce n'est qu'une hypothèse, une supposition, basée sur quelques indices que l'on vient de rappeler.
M. l'abbé Philippe ancien curé de Casson a laissé des pages intitulée : « Notes qui pourront aider à l'histoire de la chapelle Sainte-Anne bâtie près le village de la Fresnaye et transférée depuis peu dans le bourg de Casson ».
Ce sont
ces notes que nous reproduisons, tantôt telles que M. Philippe les écrites,
tantôt avec les changements que nous y ferons pour les mieux grouper. Voici
pour commencer le préambule de son écrit.
La
tradition
Voici comment M. Philippe rapporte les témoignages des anciens de Casson qu'il a pu interroger :
« Un vieillard d'une rare mémoire, nommé Savary, de la Galmondière, nous a raconté que, travaillant un jour à l'église avec un M. Joyau, d'abord étudiant, puis marié à Nantes et devenu charpentier, le curé de Casson demanda à ce monsieur qui passait pour savant, ce qu'il pensait de l'origine de la chapelle Sainte-Anne.
— Je ne pourrais dire, répondit-il, qu'elle est l'année de sa fondation ; j'ai trouvé dans de vieux manuscrits qu'elle était bâtie avant la réunion du village de Sainte-Anne à la paroisse de Casson et qu'elle existait 600 ans avant cette adjonction. Je ne puis pas voir plus loin dans les vieux papiers ; au-delà de 600 ans je ne sais pas lire l'écriture.
Savary
avait encore entendu dire que Casson n'était autrefois qu'une chapelle dédiée
à saint Louis, et que Sainte-Anne et Casson avaient été joints en une seule
paroisse du temps que vivait un certain seigneur protestant qui résidait à la
Cognardière ».
Or, nous savons que le protestantisme a pénétré dans la paroisse vers l'an 1560 et a persisté jusque vers 1685. On peut donc accepter que la réunion de Sainte-Anne et Casson se soit faite vers 1600. Et comme la tradition ci-dessus rapportée, d'après de vieux parchemins, affirme que la chapelle Sainte-Anne existait 600 ans avant la réunion des deux parties qui forment la paroisse, c'est donc vers l'an 1000 qu'il faudrait placer la fondation ou la reconstruction de la chapelle Sainte-Anne.
On trouve d'autres traces de cette tradition. Un vieux livre scolaire. « la Géographie élémentaire de Lesant père et Verger », contient ces lignes sur Casson : La chapelle Sainte-Anne, près le village de la Fresnaye, a, dit-on, servi d'église paroissiale, à l'époque où le bourg, suivant la tradition, était établi au même lieu.
L'existence d'un cimetière auprès de la chapelle confirme cette opinion.
M. Philippe conclut : une tradition universelle et accréditée dans le pays assure que la chapelle Sainte-Anne existait avant la fondation de notre ancienne église. Or, cette église existait avant l'an 1124, date où l'on sait, d'après les documents historiques, que le duc de Bretagne Conon II le Gros confirma la possession de l'église de Casson à l'évêque de Nantes.
Ainsi la tradition, basée sur des papiers perdus ou subsistant encore en partie, affirme que la chapelle Sainte-Anne date au moins du XIème siècle. Elle peut être plus ancienne.
La chapelle
On ne possède aucun dessin reproduisant l'extérieur de la chapelle qui a été démolie.
La chapelle était orientée comme le sont la plupart des églises, le choeur à l'est.
L'autel du milieu était celui de sainte-Anne, celui du midi était de saint Roch, celui du nord était de saint Antoine.
Outre la grande porte placée au bas de la chapelle, il y avait deux petites entrées.
Les hachures figurées dans le mur gauche indiquent l'emplacement d'une cheminée qui avait été bouchée, mais qu'il était impossible de ne pas reconnaître aux pierres calcinées et à la suie trouvées dans le mur lorsqu'on le démolit.
Tous les Cassonnais savent que la statue de sainte Anne que nous possédons est celle de l'ancienne chapelle. Les statues de saint Antoine et de saint Roch étaient placées dans des niches au-dessus de leur autel respectif. Il s'agit de saint Antoine l'ermite dont le culte fut très populaire avant celui de saint Antoine de Padoue. Saint Roch avait auprès de lui son chien fidèle, compagnon de cellule.
Les statues de ces deux saints furent brisées par les révolutionnaires en 1793. Furent-elles restaurées, on l'ignore. En tout cas, on ne les a pas rétablies dans la nouvelle chapelle.
Si M. Philippe a observé les règles de la proportion dans son plan, à supposer que la grande porte mesurait 2 mètres, on peut croire que l'ancienne chapelle avait extérieurement environ 19 m. de long, 11 m. de large dans le choeur, et 6 m. dans la nef.
Cette chapelle indique clairement par sa forme qu'elle fut à une certaine époque restaurée et agrandie. Cela ressort de la forme étrange du choeur ; les chapelles de droite et de gauche semblent bien avoir été ajoutées après coup.
M. Philippe, qui en avait les ruines sous les yeux, se demandait si ces deux ailes étaient modernes. Il interrogea sur ce point le vieillard le plus ancien de Casson, nommé Balluaud, aveugle depuis 10 ans et demeurant à cette époque (vers 1850) à Fiéraud en Héric. Cet homme répondit qu'il n'avait jamais vu faire que des réparations à ce qui existait longtemps avant lui.
Savary, déjà nommé, et qui avait alors 91 ans, assura lui aussi que M. Boux, seigneur de Casson, auquel on attribuait ces deux ailes, n'avait fait que les réparer en y appposant ensuite ses armes. Il ajouta que son père, qui était couvreur de la chapelle Sainte-Anne, ne se souvenait point de les avoir vu bâtir : or, ces témoignages nous reportent aux environs de 1700.
Peut-être le document que nous allons citer fait-il allusion à cet agrandissement ou encore à une reconstruction. Il s'agit des notes écrites au XVIIème siècle par un bourgeois de Candé, Jacques Valuche, notes intitulées : « Mémoires de ce qui s'est passé de remarquable à Candé et aux environs, de 1607 à 1662 ».
Il s'exprime ainsi : « En cette année 1632, il y a une chapelle fondée en l'honneur de Mme sainte Anne en la paroisse de Casson en Bretagne, où il s'est fait des miracles : le monde y abonde de tous côtés pour y faire des voyages ». On pourrait croire par l'énoncé de ce précieux témoignage que l'année 1632 serait celle de la fondation de la chapelle. Cela ne se peut pas, car nous donnerons plus loin d'autres documents écrits qui prouvent que la chapelle était antérieure à cette année. Il se peut donc que ce soit la date d'une reconstruction ou d'un agrandissement, qui attira la remarque du chroniqueur attentif de Candé avec la renommée des grâces merveilleuses obtenues par les prières des pèlerins. Cela s'accorde bien avec un autre témoignage que M. Philippe rapporte en ces termes : « Nous avons appris de bonne source que les deux parties latérales de l'ancienne chapelle de Sainte-Anne, où étaient les autels de saint Roch et de saint Antoine, furent bâties dans le temps où fut abattue la forêt de Héric. On ajouta ces deux ailes à l'ancienne nef où était la cheminée et qui existait depuis longtemps ». Or, la forêt de Héric fut abattue sous le règne de Louis XIII.
Une autre particularité de la chapelle n'aura pas échappé aux yeux des lecteurs : c'est la présence insolite d'une cheminée dans le mur gauche de la nef. Remarquons bien que cette cheminée était bouchée et qu'elle fut découverte en démolissant le mur. On peut donc se demander si cette nef de la chapelle n'aurait pas été d'abord une salle de maison seigneuriale ou gentilhommière, comme il y en avait tant autrefois à Casson, et qui plus tard aurait été transformée en chapelle. L'examen des pierres, du mortier, le genre de la cheminée pouvait seul renseigner sur ce point : chose qui n'a pas été faite.
Le développement du pèlerinage
M. Philippe fait remarquer avec raison que le renom du pèlerinage de Sainte-Anne de Casson commença dans les années qui suivirent les apparitions de sainte Anne à Nicolazic, près d'Auray.
Ces apparitions, suivies de la découverte d'une antique statue enfouie en terre, furent le point de départ d'une dévotion extraordinaire de la Bretagne envers sainte Anne. Des pèlerinages s'organisèrent et des grâces nombreuses et remarquables furent obtenues par l'invocation de sainte Anne d'Auray. Ce pieux mouvement commença en 1625, et c'est 7 ans après en 1632, que le bourgeois de Candé signale de pèlerinage de Casson.
Sainte-Anne de Casson semble donc bien avoir bénéficié de la confiance ardente qui porta, à cette époque, toute la Bretagne à prier sainte-Anne. Comme tout le monde ne pouvait aller à Auray, les habitants des environs vinrent honorer et prier sainte Anne au sanctuaire plus proche de chez eux qui lui était dédié.
Comme dit M. Philippe, « la pauvre et modeste chapelle de Casson eut aussi sa petite part dans les largesses que le ciel répandait à profusion par les mains de sainte Anne sur l'heureuse contrée consacrée à son service ».
Il est à regretter que les « miracles » dont parle l'historien de Candé n'aient pas été conservés par écrit. Les seules traces qui en restaient du temps de M. Philippe étaient des béquilles laissées dans la chapelle. Tous y voyaient des attestations de guérisons instantanées accordées à la foi et à la prière confiante.
Suivant la veuve Guibert, dont la famille habitait le village Sainte-Anne, ces béquilles auraient appartenu à un tisserand qui demeurait dans le bas village de la Fresnaye. Ce vieillard, qui marchait tout courbé et à grand-peine, après avoir prié par quatre fois à la chapelle, se sentant tout à coup guéri, jeta ses bâtons, se tint droit et s'en retourna librement chez lui.
Savary de la Galmondière assurait que du temps où Ravily, fermier de la Porte-Neuve, était marguillier, c'est-à-dire vers 1770, une fille de la paroisse du Puceul vint à la chapelle conduite par sa mère, et qu'ayant été subitement guérie, elle déposa les béquilles qu'on y a trouvées.
Un autre vieillard, Hauray de la Hacherie, prétend avoir vu des infirmes venir autrefois à la chapelle Sainte-Anne appuyés sur des béquilles, et s'en retourner ensuite sans bâtons ; il se souvenait avoir vu cela arriver particulièrement à des gens de Héric.
Aujourd'hui, rien ne subsiste plus de ces vestiges de guérisons obtenues par l'intercession de sainte Anne.
De ces divers témoignages, il résulte cependant que nombreuses étaient les grâces obtenues à la chapelle Sainte-Anne. Comme le dit M. Philippe, « la bonté compatissante et la tendresse tout maternelle de sainte Anne prodiguèrent sur notre heureux pays des grâces de tout genre ». Ces faveurs, il les rappelle en résumant ainsi le sermon que M. l'abbé Renoul, vicaire à Nort, prêcha le 5 septembre 1847, jour où l'on transporta dans l'église paroissiale la statue restée au milieu des ruines. « Il parla des aveugles auxquels elle avait rendu la vue, des sourds qu'elle avait fait entendre, des boiteux redressés, des infirmes fortifiés, des malades soulagés et guéris, des affligés consolés, des pêcheurs convertis, des justes soutenus affermis par sa protection puissante. Il montra sa sollicitude s'étendant au-delà de nos frontières sur le pauvre soldat breton exposé au feu de l'ennemi et aux dangers de la guerre, ramenant à bon port le matelot miraculeusement échappé aux fureurs de l'Océan.
Chacun
pouvait reconnaître sa place dans ce tableau : car il n'est point de
souffrance, point de chagrin, point d'affliction, ni de péril dans lesquels
l'invocation et le recours plein de confiance à sainte Anne n'ait été pour
ses enfants un remède, une consolation, une sauvegarde ».
M. Philippe ajoute : « Les larmes coulaient de bien des yeux au récit des bienfaits assez connus que l'orateur rapportait ; ces larmes montraient que l'amour de sainte Anne était encore bien vif au fond des cœurs ».
Les Chapelains
Nous ignorons les noms des prêtres qui desservirent la chapelle à l'origine, au temps où elle servit, comme il est probable, d'église paroissiale. Quand elle fut unie à Casson, vers le XVIème siècle, il devait être aisé d'y célébrer la messe tous les dimanches, vu le grand nombre de prêtres que l'on comptait alors : on sait, en effet, qu'en 1521, 7 prêtres résidaient à Casson.
Après le Protestantisme, il y en eut moins ; mais Casson posséda presque toujours un vicaire ; et deux prêtres attachés à une petite paroisse pouvaient facilement dire les messes demandées dans le cours de l'année à la chapelle. Nous lisons sur les registres de la paroisse, qui commencent en 1573, que plusieurs fois le curé ou le vicaire s'y rendirent à l'occasion de mariages.
Il y eut aussi des prêtres qui paraissent avoir été spécialement attachés au service de la chapelle, puisqu'ils prenaient le titre de Chapelains ; ils habitaient dans une maison attenant au lieu saint ; il n'y a pas longtemps qu'elle a été démolie.
On connaît les noms de plusieurs de ces Chapelains : Messires Gilles Mancel et Gilles Gérard. Les vieillards qui vivaient vers 1850 se rappelaient avoir vu dans leur enfance des prêtres retirés à Corbin, ferme dépendant de la terre de l'Hivernière, et qui disaient la messe à Sainte-Anne régulièrement tous les dimanches : le dernier de ces chapelains s'appelait M. Jaguet. Ils se souvenaient aussi d'un abbé de l'Hivernière, riche bénéficier, qui fit bâtir en 1748 le nouveau logis de cette propriété voisine de la chapelle ; il avait pris pour modèle le presbytère (vieille cure), construit en 1747. Comme il n'y avait point de chapelle privée à l'Hivernière, il disait sans doute sa messe à Sainte-Anne.
Après avoir changé plusieurs fois de maître, l'Hivernière passa à la famille Lelièvre qui la possédait encore au milieu du XIXème siècle. Un des ancêtres de cette famille, homme pieux qui vivait quelques années avant la Révolution, entretenait près de lui un aumônier afin d'avoir la messe tous les jours. Les prêtres qu'il amenait de Nantes étaient souvent des Irlandais, qui avaient en cette ville un Séminaire, obligés qu'ils étaient de s'expatrier à cause des persécutions qu'e l'Irlande subissait de la part des Anglais.
Revenus de la Chapelle
La chapelle était pauvre : elle n'avait ni dot, ni possession quelconque, sinon une somme de 20 sols due par les héritiers de la terre de la Grand'Noue qu'ils payaient tous les ans pour être employée aux réparations. Elle était entretenue de linge et d'ornements au moyen des offrandes que les pèlerins y faisaient principalement le jour de la Sainte-Anne.
Les Mariages célébrés dues la Chapelle
Entre 1617 et 1656, on en compte au moins 24. Un examen plus complet des registres en ferait sans doute découvrir d'autres. On se mariait à la chapelle Sainte-Anne par dévotion, mais aussi pour simplifier le service paroissial, quand l'église était prise par une autre cérémonie ou par des travaux de réparation.
Voici quelques-uns des actes de ces mariages qui nous renseignement sur le style du temps, les recteurs et les chapelains et sur quelques familles dont les noms existent encore.
En 1617, le 7 novembre, « épousèrent dans la chapelle de Mme sainte Anne, Jacques Bigot, paroissien de Casson, et Jacquette Rollard, paroissienne de Saint-Pierre. Le sacrement y fut administré par moi vicaire soubsigné, Denis ».
En 1632, le 2 octobre, « furent épousés François Riot, de Nort, et Perrine Revily, de Casson. Le même jour, Pierre Drouet et Thomase Rouxeau de Nort. Signé, Brazard, recteur ».
En 1633, le 7 août, « furent épousés en la chapelle Sainte-Anne de Casson, Maître Jacques Baliergeant, de Nort, et honorable femme Noelle Le Breton, de Saint-Julien-de-Vouvantes, par moi, Missire Gilles Gérard, prêtre habitué de la dite chapelle ».
En 1640, le 16 janvier, Olivier Rouxeau et Jeanne Prampart ; le même jour, Jacques Prampart (frère de la mariée ci-dessus), et Jeanne Blaye, par Missire Gilles Mancel, chapelain de Sainte-Anne.
Le 12 juin, Jean Baudry et Perrine Bastard.
Le 2 juillet, Lucas Roul et Gilette Puton.
Le 10 juillet, Jagu Blaye et Françoise Fourny.
Ce même 10 juillet, mariage de noble personne François Dirodoay, seigneur de ... et damoiselle Renée Provost, fille de défunt Olivier Provost, seigneur du Chalonge, célébré par le recteur Despinose.
Le 17 juillet, « honorable homme Jacques Pohier, sieur de la Giboire et honorable fille Louise Pinot, reçurent la bénédiction nuptiale par moi infrasoubsigné recteur J. Despinose ».
En 1643, noble homme François Bretagne et damoiselle Catherine Clément furent mariés par Missire Pierre Bonnet, recteur de Chanteloup (probablement oncle maternel de la mariée). Parmi les témoins on note Anne Bonnet, dame de Beaumont.
En 1644, le 25 juin, Julien Blaye, du Pas-aux-Chevaliers et Marguerite Rouxeau, de la Morinière, par M. Gilles Mancel, avec permission des recteurs de Casson et de Nort. Signé : Jacques Hubert, vic.
En 1648, le 14 juillet, Gratien Chevalier, de Casson et Perrine Chevalier de la Maisonneuve, en Nort. Le 24 août, Christophe Chevalier (veuf, père de la mariée précédente), et Jeanne Launay, de Nort.
En 1656, Mathurin Boutard et Marie Clénet, par le ministère de M. du Bourg, prêtre-desservant de la chapelle.
La Chapelle pendant la Révolution
Lorsqu'en 1793, les révolutionnaires chassaient les bons prêtres, dépouillaient et profanaient les églises, les habitants de Casson furent obligés de livrer leurs cloches. Il y en avait deux à l'église, Donatienne et Rogatienne, fondues et baptisées en 1576.
Ou réussit cependant à en cacher une, Donatienne, la plus petite, qui resta au clocher ; et on lui substitua la cloche de la chapelle Sainte-Anne que l'on réussit à faire passer pour celle de la paroisse.
Un jour donc de cette funeste année, une bande de ceux qui s'appelaient « patriotes », venue de Nort ou de Nantes, vint prendre livraison des cloches et appuyer les décrets de la Convention relativement aux églises, chapelles et leur mobilier.
Ils obligèrent un couvreur, nommé Ravily, de la Porte-Neuve, à apporter la cloche de Sainte-Anne au bourg, pour le punir de ses opinions royalistes. Soit fatigue du fardeau qu'il avait porté tout seul, soit saisissement causé par les actes impies des révolutionnaires, ce pauvre couvreur mourut 3 jours après.
Les révolutionnaires ne s'étaient pas, en effet, contentés de ce vol de la cloche. Ils avaient renversé les statues de leurs autels respectifs et essayé de les briser à coups de crosse de fusils. La statue de saint Antoine fut cassée par le milieu du corps, celle de saint Roch par la tête. Seule, la statue de sainte Anne résista ; elle n'eut qu'un léger endommagement aux doigts.
Il semble que les sacrilèges s'arrêtèrent là dans leur fureur dévastatrice : il n'est pas raconté qu'ils mirent le feu à la chapelle, comme cela se fit en d'autres endroits. Ils se contentèrent d'en interdire l'entrée, comme pour l'église. Mais, sans nul doute, dans ce lieu écarté, loin de toute surveillance régulière, les âmes fidèles s'empressèrent de remettre la statue de sainte Anne en place ou plutôt de la cacher, et continuèrent secrètement leurs pèlerinages.
Pendant dix ans environ, la messe ne put y être célébrée. La chapelle n'étant point entretenue subit bien des légats. Quelque temps après son arrivée, vers 1804 ou 1805, M. Herbert y fit faire des réparations. On releva la chapelle de droite, dédiée à saint Roch, car tout ce côté, exposé au sud, était tombé en ruines. Les lambris de la voûte furent refaits tout entiers à neuf M. Charbonneau de la Bretaudière avait fourni le bois nécessaire. Lebeau, charpentier demeurant au Pas-Chevalier, fit la charpente ; et le nommé Maçon, la couverture.
A la suite de ces réparations, la chapelle allait tenir encore 30 à 40 ans.
Pèlerinage d'autrefois
Des notes de M. Philippe nous détachons ce passage qui nous donne une idée de ce qu'était jadis l'assemblée-pèlerinage à la vieille chapelle sainte Anne.
« Le monde se tenait sous la belle chênaie plantée près de la chapelle sur un terrain laissé vague à cause de l'assemblée, mais dont le fond est du domaine de l'Hivernière. Là étaient dressées, entre les longues avenues d'arbres, les tentes de 15 ou 20 marchands qui vendaient des mouchoirs, des merceries et autres marchandises. Il y venait habituellement des chapeliers de Nantes. Les aubergistes vendaient dans les jours de grande chaleur, 12, 14, et jusqu'à 16 barriques de vin. Sept à 800 personnes pouvaient se tenir réunies sous ces ombrages ; 200 ou 300 chevaux étaient rangés le long de la grande prairie de l'Hivernière ; une fontaine dans cette prairie rafraîchissait les hommes et les animaux. Les pèlerins ne manquaient point d'aller s'y laver et en emportaient de l'eau à laquelle ils attribuaient une vertu particulière.
Jusqu'au coucher du soleil la chapelle ne déssemplissait pas. Les pauvres se pressaient à la porte, demandant à tous ceux qui entraient s'ils voulaient leur donner un voyage à faire ; et quand on leur donnait quelque monnaie, ils commençaient à réciter tout haut leurs prières dans la chapelle en en faisant le tour, les pieds nus et à genoux ».
La Sainte-Anne était autrefois la fête patronale de Casson. On la chômait, comme le dimanche, lorsqu'elle tombait sur la semaine. Le curé se rendait tous les ans à la vieille chapelle pour y célébrer une messe solennelle qui était suivie des vêpres. Il évangélisait aussi les petits enfants, selon l'usage qu'avaient les mères de présenter leurs enfants à l'autel de sainte Anne et de les placer sous sa protection.
Ce jour-là, les processions de Nort et de Héric venaient habituellement avec celle de Casson. Mais d'autres paroisses s'y trouvaient encore quelquefois réunies avec leurs croix et leurs bannières : c'étaient particulièrement celles de Petits-Mars, Saffré, les Touches, Sucé, Grandchamp.
Ces processions venaient aussi séparément en d'autres temps de l'année, quand on voulait obtenir du ciel un temps plus favorable aux travaux des champs ou la cessation de quelque épidémie. On y vit une année les bannières de neuf paroisses. On dit que saint Donatien y vint plusieurs fois.
La paroisse de Casson s'y arrêtait aussi une autrefois dans l'année, un des jours des Rogations. On y célébrait alors la messe ; et après la messe, les marguilliers en charge organisaient un repas auquel M. le curé et M. le maire étaient invités.
Mais le principal pèlerinage étaient celui du 26 juillet. Les offrandes des fidèles étaient en moyenne, aux environs de la Révolution, de 50 à 60 francs (valeur de l'année 1964), tout en gros sous et en liards, On les déposait sur l'autel en le baisant ou dans un vieux billot. Le soir, les marguilliers recueillaient ces offrandes et chargeaient ordinairement un des aubergistes qui vendaient du vin à l'assemblée de les apporter au bourg. Grâce à ces dons, la chapelle pouvait être réparée de temps en temps et entretenue de linge et d'ornements.
Si la piété avait sa grande part dans ce pèlerinage, il faut bien avouer qu'il y avait aussi parfois de graves désordres. Des querelles et des rixes éclataient qui venaient souvent à l'occasion des danses mises en vogue par les gens de Nort et des Touches. C'est à cause de ces scènes déplorables que M. Herbert supprima la messe à la chapelle, quand la fête tombait un dimanche.
Translation de la Chapelle Sainte-Anne
Vers 1840, la chapelle Sainte-Anne tombait en ruines. M. Philippe se demandait comment réparer et conserver ce souvenir précieux des temps anciens. Ce fut pour lui l'occasion de rechercher l'origine de cette chapelle, et c'est les pages qu'il a écrites sur ce sujet que nous avons résumées jusqu'ici.
Comme il le dit lui-même, il réfléchit beaucoup, il consulta « les hommes sages ». Il prit aussi l'avis de ses paroissiens ; et enfin il se décida à faire reconstruire la chapelle sainte Anne auprès du bourg. Il y était encouragé par M. Urvoy de Saint-Bedan qui offrait le terrain.
Pour prendre une décision officielle, le Conseil de Fabrique se réunit le 18 juillet 1847. Etaient présents : Pierre Frémont, président, Lefièvre, secrétaire, M. le curé Philippe, MM. Guillard, Bodin, François Bonraisin et Colas.
Le président parla ainsi : « Vous savez que la chapelle Sainte-Anne menace ruine de toutes parts ; il s'agit donc de la reconstruire. Malheureusement le lieu où elle existe maintenant est souvent inabordable tant par les accidents du terrain qui l'entoure que par le mauvais état des chemins qui y conduisent. D'un autre côté, la distance qui la sépare du bourg est de plus de trois kilomètres, et on ne peut souvent y dire la messe, ce qui fait perdre aux fidèles l'habitude qu'ils ont de fréquenter la chapelle. Au contraire, si elle était transférée à une distance rapprochée du bourg, son entretien serait facile, la messe s'y dirait sans obstacle, et la pitié des habitants envers sainte Aune reprendrait sa ferveur.
Justement M. Urvoy de Saint-Bedan offre un terrain à la sortie du bourg, chemin de Casson à Sucé : il le donnera à la Fabrique, si l'on juge convenable d'y transférer la chapelle (au lieu nommé la. Robinière).
Quant aux moyens d'exécuter la construction, ils sont assurés par des dons faits par Messieurs Urvoy de Saint-Bedan, père et fils, et par le concours de tous les habitants.
Les membres du Conseil partageaient l'opinion de leur président et connaissaient celle des habitants de la paroisse, qui, pour la plupart, étaient favorables au projet. Ils acceptèrent à l'unanimité la proposition de M. Urvoy de Saint-Bedan et ils prièrent leur curé d'adresser à Monseigneur l'évêque la demande d'autorisation pour le transfert de la chapelle sainte Anne.
Cette autorisation arriva bientôt, datée du 20 août 1847. Aussitôt qu'elle fut connue, on procéda à la démolition des vieilles murailles de la chapelle.
On apporte à l'église la statue de sainte Anne.
On ne pouvait laisser longtemps la statue de sainte Anne au milieu des décombres de la vieille chapelle, exposée à toutes les intempéries. Le dimanche 5 septembre 1847, après les vêpres, une procession partit de l'église pour aller chercher la précieuse statue. Elle passa par la croix de la cure, mais la croix et la bannière de procession n'allèrent pas plus loin, sans doute à cause des chemins étroits et ombragés. Puis on alla par Recouvrance, la Justice, la Gandonnière, l'Hôtel-Boucher, où M. Philippe bénit une croix élevée par le propriétaire de cette maison. Enfin la procession, composée d'un grand nombre de personnes de la paroisse et des paroisses voisines, arriva devant les débris de l'ancienne chapelle Sainte-Anne, où déjà l'attendait un grand concours de peuple venu de Nort, de Héric et des environs.
M. Renou, vicaire à Nort, monta sur un tas de pierres provenant des démolitions et parla à la foule. Il sut l'intéresser et l'émouvoir au récit des vertus et des grandeurs de sainte Anne, et au rappel des faveurs nombreuses obtenues de sa bonté en cet endroit. Il tint aussi, écrit M. Philippe, à « dissiper les regrets que quelques personnes auraient pu conserver en voyant abandonner ce lieu béni et consacré par la piété de plusieurs siècles ».
Il compara Sainte-Anne et l'arche d'alliance que le roi David fit venir d'une demeure particulière à Jérusalem pour y recevoir une place plus convenable et plus digne dans un temple magnifique. « Du même, dit-il, il est naturel et convenable que la sainte patronne honorée par les habitants de Casson ait son sanctuaire au centre de la population qui sera ainsi plus à même de lui offrir ses hommages et ses prières ».
Un brancard orné de feuillage avait été préparé pour transporter la statue. On l'y plaça. Quatre hommes et quatre jeunes gens avaient été désignés pour porter le brancard. Les hommes étaient : Julien Launay, forgeron au bourg, François Niel de la Gaucheraie, et les deux marguilliers en charge : Jean Bonraisin de la Praie et François Ferré de l'Aulnaie. Les jeunes gens étaient d'anciens domestiques de M. le curé : Jean Batard de la Bunière, Martin Hauray des Grand-Bois, François Dupé de la Gaudière et Julin Piaud du Pas-Chevalier.
Au chant des Litanies de sainte Anne entonnées par les prêtres présents, le cortège se mit en marche vers le bourg. On l'aborda par la croix du Pâtis-Vert. A ce moment la croix et la bannière de procession qui n'étaient pas allées jusqu'à Sainte-Anne, se mirent en tête du cortège. En même temps accouraient du bourg au devant de la statue, les vieillards, les femmes, les enfants et les étrangers qui n'avaient pu se se transporter à l'emplacement de l'antique chapelle. Tous poussaient des cris de joie et des acclamations en l'honneur de sainte Anne.
C'est au chant des cantiques composées sur les vieux airs que chantaient autrefois les pèlerins, au son du carillon des cloches, aux accords de l'orgue, que sainte Anne, telle une souveraine, fit son entrée dans l'église paroissiale qui devait pendant un an et dix mois lui servir d'asile.
Et M. Philippe écrit pour conclure : « La joie éclatait sur tous les visages, les coeurs tressaillaient d'allégresse. La terre et le ciel applaudissaient au triomphe que sainte Anne recevait en cette heureuse journée ».
Le Conseil de Fabrique accepte le terrain de la Robinière.
Le 14 novembre 1847, le Conseil de Fabrique se réunit pour recevoir l'acte par lequel M. Urvoy de Saint-Bedan donnait à l'église de Casson « un terrain situé sur le chemin vicinal de Casson à Sucé, au lieu dit la Robinière... à l'effet d'y ériger une chapelle dédiée à sainte Anne ». Le président déposa l'acte sur le bureau ainsi que le procès-verbal d'estimation et plan du terrain faits par M. Chenantais, architecte. Le devis de la chapelle s'élevait à 9.317, fr. 12.
Le Conseil, après examen des diverses pièces produites, fut d'avis à l'unanimité d'accepter le don fait à la Fabrique aux conditions exprimées dans l'acte de donation, et il affirma qu'il serait reçu avec reconnaissance par tous les habitants.
Il fut décidé que la chapelle nouvelle serait construite grâce à une souscription faite dans la paroisse, et en utilisant les matériaux qui pourraient servir de la démolition de l'ancienne chapelle.
Le Conseil chargea M. le curé de vouloir bien faire les démarches nécessaires afin d'obtenir l'autorisation du gouvernement pour l'acceptation de ce don.
Il est à croire que, sur ce point, il n'y eut aucune difficulté. Soixante ans plus tard après la loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat votée en 1905, l'Etat s'empara de tous les biens de l'Eglise, acquis par les Fabriques ou donnés par des bienfaiteurs. Les héritiers directs des donateurs eurent cependant le droit de réclamer la possession des biens que leurs ancêtres avaient jadis donnés à l'Eglise. C'est ainsi que la famille de Bouillé est devenue légalement propriétaire du terrain et de la chapelle Sainte-Anne, afin de la sauvegarder.
Dans la libération du Conseil rapportée plus haut, il est dit qu'on pensait utiliser les matériaux provenant de l'ancienne chapelle. De fait, comme le signale ailleurs M. Philippe, « les paroissiens voulurent amener gratis, au bourg, toutes les pierres de la vieille chapelle, par respect et dévotion. Cela, ajoute-t-il, est beau de leur part ».
Le travail de construction de la nouvelle chapelle ne dut pas commercer immédiatement. Il fut entrepris sans doute en 1848 et dura une bonne partie de 1849. Tout fut achevé à la moitié de cette dernière année.
Bénédiction solennelle de la chapelle sainte Anne
Ce fut un beau jour pour Casson que le 11 juillet 1849, jour où la statue vénérée de sainte Anne fut installée à la place d'honneur préparée pour elle dans la nouvelle chapelle.
Un journal de cette époque, « L'alliance », a rapporté, dans son numéro du 13 juillet les détails de la cérémonie. C'est à cet article, oeuvre d'un témoin, que nous emprunterons le récit de la fête de la bénédiction.
Il commence par faire l'éloge de M. Urvoy de Saint-Bedan dont la générosité avait permis la reconstruction de la chapelle :
« Un homme s'est trouvé en cette commune, qui, depuis ses jeunes années s'est identifié avec sa population, s'est dévoué à ses intérêts, leur a consacré ses soins, son crédit et une grande partie de sa fortune ; qui en a fait comme l'extension de sa propre famille, et qui sagement habile et industrieux dans sa charité féconde, a créé dans cette heureuse paroisse les institutions les plus utiles, les ressources les plus durables et tout ce qu'elle possède d'oeuvres, je pourrais dire de monuments ... ».
Puis vient la description de la chapelle qui brillait alors de toute la fraîcheur de ses vitraux et de ses peintures.
De style ogival, elle possède une curieuse abside pentagonale et cinq fenêtres qui éclairent le sanctuaire. Le jour y pénètre doucement à travers des verrières dues au talent de M. Echappé. Celle du milieu représente le Christ, les mains étendues, avec ces mots : « Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui souffrez », paroles parfaitement appropriées aux populations rurales vouées aux rudes travaux et aux âmes affligées et souffrantes des pèlerins qui visiteront la chapelle.
A droite est saint Joachim, à gauche saint Joseph, ce qui avec le groupe des statues de l'Enfant Jésus, de la Sainte Vierge et de sainte Anne complète la Sainte Famille.
Les deux autres vitraux et celui de la grande fenêtre au-dessus de la porte d'entrée sont des grisailles aux teintes très vives.
Le groupe vénéré composé de sainte Anne, de la Sainte Vierge, et de l'enfant Jésus est en pierre de tuf. En 1793, les révolutionnaires l'avaient renversé de son autel dans la vieille chapelle ; seule la statue de sainte Anne subit un léger endommagement aux doigts. Retouchée par le ciseau d'un habile sculpteur et repeinte agréablement, elle figure sous un dais en bois sculpté par M. Bousquet.
L'auteur de l'article ajoute : « Dans tout le sanctuaire, des ornements variés, des emblèmes sacrés, des groupes d'anges, de charmantes arabesques, relevées par de légers filets d'or, de capricieuses peintures courant le long des colonnettes, produisent un effet très satisfaisant et font de ce sanctuaire une délicieuse demeure où l'âme captivée, mais non distraite, se sent plongée dans une atmosphère religieuse et disposée à la prière ».
Continuons de citer le journal « L'alliance ». Après avoir fait l'éloge de M. Urvoy de Saint-Bedan, puis celui de l'architecte, voici maintenant ce qu'il dit de la paroisse :
« Casson est devenu depuis quelques années un centre religieux qui attire les communes voisines. La beauté des ornements, la pompe des cérémonies, la valeur des chants religieux que souvent le jeune comte de Bouillé relève de sa direction habile, de sa coopération personnelle et de son talent sur l'orgue, ont presque fait de cette paroisse secondaire la cathédrale du canton ; et hier elle jouissait de tout son triomphe ». Les communes environnantes, Nort, Héric, Grandchamp et Sucé avaient envoyé, en effet, de forts contingents de fidèles, conduits par leurs curés en procession jusqu'à Casson ; on avait cessé tout travail, comme un dimanche. Plus de 40 prêtres furent présents à la cérémonie que présidait. M. l'abbé Vrignaud, vicaire capitulaire, remplaçant l'évêque décédé.
Le matin, M. Vrignaud chanta une grand-messe solennelle à. l'église. Puis il adressa quelque mots d'édification à la nombreuse assistance. Il fit ressortir les avantages du culte des saints et combien en particulier le culte en l'honneur de sainte Anne était précieux et cher à la Bretagne et à cette paroisse. Avec un tact délicat, il rendit un tribut d'éloges mérités à celui qui était la providence du pays.
Puis, un cortège s'organisa, au chant du Veni Creator, vers la chapelle qui fut bénite à ce moment.
Le soir, à 3 h. les vêpres furent chantées à l'église. Après quoi, commença une procession solennelle, comme il est rarement donné d'en voir. On y remarquait les bannières et les croix paroisses voisines, de grands étendards ornés de larges rubans et de glands d'argent, plus de 600 petits oriflammes et surtout deux brancards qui attiraient les regards de tous : celui des reliques de sainte Anne et celui de la statue apportée de la vieille chapelle et qui allait être placée dans la nouvelle.
Le concours immense des fidèles et le très nombreux clergé formaient deux longues files qui se développaient magnifiquement dans les allées du château.
Au son des cloches, au chant des cantiques répétés par toute la foule, la procession atteignit vers 5 h. la nouvelle chapelle.
La procession fit halte devant la nouvelle chapelle. On enleva la statue de son brancard et on la plaça au-dessus de l'autel à la place qui lui avait été préparée. Les reliques furent à leur tour introduites et déposées sur l'autel. Après les avoir encensées, M. l'abbé Vrignaud fut à haute voix un acte de consécration à sainte Anne.
Puis, au chant de l'Ave maris stella, la procession retourna à l'église.
« Déjà, raconte le journal L'Alliance, bien des larmes avaient coulé des yeux, bien des coeurs étaient touchés... Et c'est alors que M. l'abbé Fournier, curé de Saint-Nicolas de Nantes, parut en chaire et vint ajouter à toutes ces émotions par l'admirable éloquence, la vive onction de sa parole, toujours si persuasive, toujours si entraînante. Avec quelle tendre pitié il exalta le culte de sainte Anne ! Et après s'être rendu l'interprète de la reconnaissance publique, avec quelle ferveur de désir il appelait la bénédiction du ciel sur celui qui à Casson remplit si dignement la mission que Dieu confie aux riches sur cette terre ! ».
Après ce discours remarquable, la journée se termina par un salut solennel du Saint Sacrement.
« Enfin la foule s'écoula lentement, paraissant encore sous l'inspiration de la religieuse solennité. Plusieurs retournaient à la chapelle pour présenter à sainte Anne en particulier des voeux plus personnels. Ils semblaient s'éloigner avec peine de cet attachant sanctuaire ».
M. Philippe ajoute que « ce même jour après la cérémonie du matin, les membres du Conseil de Fabrique, les chantres, les porte-croix et bannières, se sont rendus à la cure, accompagnés des Fabriciens, des chantres, des porte-croix et bannières des paroisses de Nort, Héric, Grandchamp et Sucé, afin d'y faire ensemble un repas de famille. Ce repas, donné par la Fabrique, a eu les heureux résultats qu'on en attendait, car il a resserré les doux liens qui unissaient déjà Casson avec les communes voisines. Mais aussi tout s'est passé dans le plus grand ordre, et bien que le nombre des convives fût très élevé, personne n'eut à se plaindre d'avoir été oublié ».
Cela se passait le 13 juillet 1849. Quelques semaines après, le 22 août, M. Philippe étant en retraite à Nantes obtenait de Monseigneur l'évêque la permission de faire chaque année une neuvaine dans la chapelle Sainte-Anne, à l'époque de la fête, d'y aller en procession le 1er dimanche de chaque mois, et d'y faire d'autres processions qui n'ont pas été continuées depuis, à l'Assomption, le jour de la 1ère Communion, le jour de la saint Louis.
Description de la statue de sainte Anne
La statue de sainte Anne de Casson a été sculptée dans un bloc de tuf. Elle date du XVIIIème et peut-être du XVIIème siècle. C'est une des plus originales que l'on puisse voir. Elle est composée d'un groupe de trois personnages : sainte Anne, la Sainte Vierge et l'Enfant Jésus. Marie est figurée présentant avec joie son petit Jésus à la bonne aïeule qui semble l'amuser avec un objet tenu entre ses mains.
Pareille idée de l'artiste n'est peut-être pas bien d'accord avec l'histoire, puisque, suivant une tradition, sainte Anne serait morte avant la naissance de Jésus.
L'artiste avait cependant une intention en sculptant la statue. Il a dû s'inspirer d'autres groupes semblables qui manifestent une des préoccupations des artistes de l'ancien temps. Dans un tableau du XVème siècle, attribué à l'atelier du maître de Saint-Gilles, conservé dans l'église Saint-Jean de Joigny, on voit la bonne sainte Anne présenter la pomme à son divin petit-Fils.
Il semble bien que c'est un geste semblable que fait sainte Anne de Casson, car c'est un fruit qu'elle présente à Jésus. Est-ce pour l'amuser ? Que non pas ! Ce fruit, en effet, représente celui que dans leur désobéissance mangèrent Adam et Eve au Paradis terrestre. La bonne grand-mère le montre à Jésus, comme pour lui rappeler qu'il est venu ici-bas détruire les mauvaises conséquences de cette désobéissance, et pour lui demander de réparer le mal que ce fruit mangé sans droit a causé aux hommes.
C'est une explication admissible ; et en tout cas, nous pouvons la retenir pour y puiser une raison d'invoquer sainte Anne, en lui demandant de détruire à l'heure actuelle toute « pomme de discorde » entre les hommes.
Le piédestal que porte la statue nous rappelle l'ancienne chapelle. Deux contreforts, creusés de niches, aux coins du tabernacle, soutiennent ce piédestal. Dans la niche du contrefort droit, c'est saint Roch et son chien qui se trouvent logés : Saint Roch avait en effet sa statue dans l'ancienne chapelle. Mais il y avait aussi la statue de Saint-Antoine l'ermite. Or, ce n'est pas saint Antoine qui occupe l'autre niche ; peut-être à cause de son compagnon, qui rappelle ses tentations et qui, certes, est bien moins respectable que celui de saint Roch. A la place de saint Antoine, trône, c'est le cas de le dire, le roi Saint-Louis, et c'est justice, puisqu'il est le patron de la paroisse.
Enfin, au haut du piédestal, juste au-dessous de la statue, on a ménagé une petite excavation que ferme une vitre mobile. On a voulu sans doute, imiter ce que l'on voit à Sainte-Anne-d'Auray. Il y a, en effet, sous la belle statue dorée de la basilique, une petite niche vitrée où l'on a déposé ce qui reste de la statue miraculeuse découverte par Nicolazic dans la nuit du 7 au 8 mars 1625. Cette statue fut arrachée de la Chapelle et brûlée à Vannes sous la Révolution ; un témoin parvint à sauver un morceau de la tête : c'est lui que l'on voit sous la statue de Sainte-Anne d'Auray.
Dans notre chapelle, la niche vitrée ne contient aucune relique ; mais elle a souvent servi à recevoir les noms ou les photos des personnes, spécialement des soldats, que l'on recommande à sainte Anne ; et ce geste est la manifestation d'une grande confiance en la Bonne Mère. Que cette confiance soit récompensée !
Abbé Fraboul
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