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MORT DE CHARLES DE BLOIS

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Ci devise comment les batailles de messire Charles de Blois et celles du comte de Montfort s'assemblèrent et comment ils se combattirent vaillamment d'un côté et d'autre.

Un petit devant prime, s'approchèrent les batailles ; de quoi ce fut très belle chose à regarder, comme je l'ouïs dire à ceux qui y furent et qui vues les avoient : car les François étoient aussi serrés et aussi joints que on ne pût me jeter une pomme qu'elle ne chéist sur un bassinet, ou sur une lance. Et portoit chacun homme d'armes son glaive droit devant lui, retaillé la mesure de cinq pieds, et une hache forte, dur et bien acérée, à petit manche, à son côté ou sur son col ; et s'en venoient ainsi tout bellement pas, chacun sire en son arroy et entre ses gens et sa bannière devant lui ou son pennon, avisé de ce qu'ils devoient faire. Et aussi d'autre part les Anglois étoient très faiticement ordonné Si s'assemblèrent premièrement messire Bertran du Guesclin et les Bretons de son lez à la bataille de monseigneur Robert Canolle et messire Gautier Huet ; et mirent les seigneurs Bretagne, qui étoient d'un lez et de l'autre, les bannières des deux seigneurs qui se appeloie ducs l'une contre l'autre ; et les autres batailles s'assemblèrent aussi par grand'ordonnance l'un contre l'autre. Là eut de première rencontre fort boutis des lances et fort estrif et dur. Bien est vérité que les archers trairent du commencement, mais leur trait ne gréva néant aux François ; car ils étoient trop bien armés et fort et bien pavoisés contre le trait. Si jetèrent ces archers leurs arcs jus, qui étoient forts compagnons et légers, et se boutèrent entre les gens de leur côté, et puis s'en vinrent à ces François qui portoient ces haches. Si s'adressèrent à eux de grand'volonté, et tollirent de commencement à plusieurs leurs haches, de quoi ils se combattirent depuis bien et hardiment. Là eut faite mainte appertise d'armes, mainte lutte, mainte prise et mainte rescousse ; et sachez que qui étoit chu à terre, c'étoit fort du relever, il n'étoit trop bien secouru. La bataille messire Charles de Blois s'adressa droitement à la bataille du comte de Montfort, qui étoit forte et espesse. En sa compagnie et en sa bataille étoient le vicomte de Rohan, le sire de Léon messire Charles de Dynant, le sire de Quintin, sire d'Ancenys, le sire de Rochefort ; et avoit chacun sire sa bannière devant lui. Là eut, je vous dis, dure bataille et grosse et bien combattue ; et furent ceux de Montfort, du commencement, durement reboutés. Mais messire Hue de Cavrelée, qui étoit sur èle et qui avoit un belle bataille et de bonne gent, venoit à cet endroit où il véoit ses gens branler, ou desclorre ou ouvrir, et les reboutoit et mettoit sus par force d’armes. Et cette ordonnance leur valut trop grandement ; car sitôt qu'il avoit les foulés reunis sus, et il véist une autre bataille ouvrir ou branler, il se traioit celle part, et les reconfortoit, par telle manière comme dit est devant.

Charles de Blois

 

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Comment messire Bertran du Guesclin fut pris ; et comment messire Charles de Blois fut occis en la bataille ; et toute la fleur de la chevalerie de Bretagne et de Normandie prise ou occise.

Encore se combattoient les autres batailles moult vaillamment, et se tenoient les Bretons en bon convine ; et toutefois, à parler loyalement d'armes, ils ne tinrent mie si bien leur pas ni leur arroy, ainsi qu'il apparut, que firent les Anglois et les Bretons du côté le comte de Montfort ; et trop grandement leur valsist ce jour cette bataille sur èle de monseigneur Hue de Cavrelée. Quand les Anglois et les Bretons de Montfort virent ouvrir et branler les François, si se confortèrent entre eux moult grandement, et eurent tantôt les plusieurs leurs chevaux appareillés : si montèrent et commencèrent à chasser fort vitement. Adonc se partit messire Jean Chandos, et une grand'route de ses gens, et s'en vinrent adresser sur la bataille de messire Bertran du Guesclin où on faisoit merveilles d'armes : mais elle étoit jà ouverte, et plusieurs bons chevaliers et écuyers mis en grand meschef ; et encore le furent-ils plus, quand une grosse route d'Anglois, et messire Jean Chandos, y survinrent. Là eut donné maint pesant horion de ces haches, et fendu et effondré maint bassinet, et maint homme navré à mort ; et ne purent, au voir dire, messire Bertran ni les siens porter ce faix. Si fut là pris messire Bertran du Guesclin d'un écuyer Anglois, dessous le pennon à messire Jean Chandos.

En celle presse, prit et fiança pour prisonnier le dit messire Jean Chandos un baron de Bretagne qui s'appeloit le seigneur de Rais, hardi chevalier durement. Après cette grosse bataille des Bretons rompue, la dite bataille fut ainsi que déconfite ; et perdirent les autres tout leur arroy ; et soi mirent en fuite, chacun au mieux qu'il put, pour se sauver ; excepté aucuns bons chevaliers et écuyers de Bretagne, qui ne vouloient mie laisser leur seigneur monseigneur Charles de Blois, mais avoient plus cher à mourir que reproché leur fût fuite. Si se recueillirent et rallièrent autour de lui, et se combattirent depuis moult vaillamment et très âprement ; et là eut fait maint grand'appertise d'armes ; et se tint le dit messire Charles de Blois et ceux que de-lez lui étoient une espace de temps, en eut défendant et combattant : mais finablement ils ne se purent tant tenir qu'ils ne fussent dérouté par force d'armes ; car la plus grand'partie des Anglois conversoient celle part. Là fut la bannière de messire Charles de Blois conquise et  jetée par terre, et celui occis qui la portoit.

Là fut occis en bon convine messire Charles de Blois, le viaire sur ses ennemis, et un sien fils bâtard, qui s'appeloit messire Jean de Blois appert hommes d'armes durement, et qui tua celui qui tué avoit monseigneur Charles de Blois, et plusieurs autres chevaliers et écuyers de Bretagne. Et me semble qu'il avoit été ainsi ordonné en l'ost des Anglois au matin, que, si on venoit au-dessus de la bataille, et que messire Charles de Blois fût trouvé en la place, on ne le devoit point prendre à nulle rançon, mais occire. Et ainsi, en cas semblable, les François et les Bretons avoient ordonné de messire Jean de Montfort ; car en ce jour ils vouloient avoir fin de bataille et de guerre. Là eut, quand ce vint à la chasse et à la fuite, grand'mortalité, grand’occision et grand'déconfiture, et maint bon chevalier et écuyer pris et mis en grand meschef. Là fut toute la fleur de chevalerie de Bretagne pour le temps et pour la journée, morts ou pris car moult petit de gens d'honneur échappère qui ne fussent morts ou pris. Et par espécial, de bannerets de Bretagne, y demeurèrent mort messire Charles de Dynant, le sire de Léon, le sire d'Ancenys, le sire d'Avaugour, le sire de Loheac, le sire de Guergorley, le sire de Malestroit, le sire du Pont, et plusieurs autres bons chevaliers et écuyers que je ne puis tous nommer ; et pris, le vicomte de Rohan, messire Guy de Léon, le sire de Rochefort, le sire de Rais, le sire de Rieux, le comte de Tonnerre, messire Henry de Malestroit, messire Olivier de Mauny, le sire de Riiville, le sire de Franville, le sire de Raineval ; et plusieurs autres de Normandie ; et plusieurs bons chevaliers et écuyers de France, avecques le comte d'Aucerre et le comte de Joigny. Briévement à parler, cette déconfiture fut moult grande et moult grosse, et grand'foison de bonnes gens y eut morts, tant sur les champs, comme sur la place ; car elle dura huit grosses lieues de pays jusques moult près de Rennes [Note : L'Histoire de Bretagne, dit Vannes ; mais soit qu'il faille lire Rennes ou Vannes, Froissart se trompe également sur la distance entre Auray et l'une ou l'autre de ces deux villes : Vannes n'en est éloignée que de trois lieues, et Rennes l'est de plus de vingt]. Si avinrent là en dedans maintes aventures, qui toutes ne vinrent mie à connaissance, et y eut aussi maint homme mort et pris et recru [Note : Mis en liberté sur parole] sur les champs, ainsi que les aucuns eschéirent en bonnes mains, et qu'ils trouvoient bons maîtres et courtois. Cette bataille fut assez près d'Auray, en Bretagne, l'an de grâce Notre Seigneur 1364, le neuvième jour du mois d'octobre [Note : On a remarqué précédemment que cette date est fausse et que la bataille d'Auray se donna le 29 septembre, jour de Saint-Michel].

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Ci parle des paroles amoureuses que le comte de Montfort disoit à messire Jean Chandos, et des piteux regrets que le dit comte fit sur monseigneur Charles de Blois, et comment il le fit enterrer à Guingant très révéremment.

Après la grande déconfiture, si comme vous avez ouï, et la place toute délivrée, les chefs des seigneurs anglois et bretons d'un lez retournèrent et n'entendirent plus à chasser, mais en laissèrent convenir leurs gens. Si se trairent d'un lez le comte de Montfort, messire Jean Chandos, messire Robert Canolle, messire Eustache d'Aubrecicourt, messire Mathieu de Gournay, messire Jean Boursier, messire Gautier Huet, messire Hue de Cavrelée, messire Richart Burlé [Note : Il était neveu de sir Simon Burley, chevalier de la Jarretière], messire Richart Tanton et plusieurs autres, et s'en vinrent omhroier du long d'une haie, et se commencèrent à désarmer ; car ils firent bien que la journée étoit pour eux. Si mirent les aucuns leurs bannières et leurs pennons à cette haie, et les armes de Bretagne tout en haut sur un buisson, pour rallier leurs gens.

Adonc se trairent messire Jean Chandos, messire Robert Canolle, messire Hue de Cavrelée et aucuns chevaliers devers messire Jean de Montfort, et lui dirent en riant : « Sire, louez Dieu, si faites bonne chère, car vous avez hui conquis l'héritage de Bretagne ». Il les inclina moult doucement, et puis parla que tous l'ouïrent : « Messire Jean Chandos, cette bonne aventure s'est avenue par le grand sens et prouesse de tous ; et ce sçais-je de vérité, et aussi le scevent tous ceux qui ci sont ; si vous prie, buvez à mon hanap ». Adonc lui tendit un flacon plein de vin où il avoit bu, pour lui rafraîchir, et lui dit encore en lui donnant : « Après Dieu, je vous en dois savoir plus grand gré que à tout le monde ». En ces paroles revint le sire de Clisson tout échauffé et enflammé, et avoit moult longuement poursuivi ses ennemis : à peine s'en étoit-il pu partir, et ramenoit ses gens et grand'foison de prisonniers. Si se trairent tantôt pardevers le comte de Montfort et les chevaliers qui là étoient, et descendit jus de son coursier, et s'en vint rafraîchir de-lez eux. Pendant qu'ils étoient en cel état, revinrent deux chevaliers et deux hérauts qui avoient cerchié les morts, pour savoir que messire Charles de Blois étoit devenu ; car ils n'étoient point certains si il étoit mort ou non.

Si dirent ainsi tout en haut : « Monseigneur, faites bonne chère, car nous avons vu votre adversaire, messire Charles de Blois, mort ». A ces paroles se leva le comte de Montfort, et dit qu'il le vouloit aller voir, et que il avoit grand désir de le voir autant mort comme vif. Si s'en allèrent avecques lui les chevaliers qui là étoient. Quand ils furent venus jusques au lieu où il gissoit, tourné à part et couvert d'une targe, il le fit découvrir, et puis le regarda moult piteusement, et pensa une espace, et puis dit : « Ha ! monseigneur Charles, monseigneur Charles, beau cousin, comme pour votre opinion maintenir sont avenus en Bretagne maints grands meschefs ! Si Dieu m'aist, il me déplaît quand je vous trouve ainsi, si être pût autrement ». Et lors commença à larmoyer. Adonc le tira arrière messire Jean Chandos, et lui dit : « Sire, sire, partons de ci, et regraciez Dieu de la belle aventure que vous avez ; car sans la mort de cestui-ci ne pouviez-vous venir à l'héritage de Bretagne ». Adonc ordonna le comte que messire Charles de Blois fût porté à Guingant ; et il fut ainsi fait incontinent, et là enseveli moult révéremment : lequel corps de lui sanctifia par la grâce de Dieu, et l'appelle-t-on saint Charles ; et l'approuva et canonisa le pape Urbain Ve [Note : Il est vrai qu'Urbain V ordonna une enquête pour la canonisation de Charles de Blois ; mais il mourut avant qu'elle fût faite : elle n'eut lieu que sous le pontificat de son successeur Grégoire XI, qui n'en fit aucun usage, pour ne pas offenser le duc de Bretagne, qui s'opposait de toutes ses forces à ce qu'on mît son rival au rang des saints. M. Duchesne, dans son Histoire généalogique de la maison de Châtillon, a pensé que Charles de Blois avait été réellement canonisé ; mais les preuves qu’il en donne ne paraissent pas suffisantes pour établir solidement son opinion] qui régnoit pour le temps ; car il faisoit et fait encore au pays de Bretagne plusieurs miracles tous les jours.

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Comment le comte de Montfort donna trêve pour enterrer les morts ; et comment le roi de France envoya le duc d'Anjou en Bretagne pour reconforter la femme de monseigneur Charles de Blois.

Après cette ordonnance, et que tous les morts furent dévêtus, et que leurs gens furent retournés de la chasse, ils se trairent devers leurs logis dont au matin ils s'étoient partis. Si se désarmèrent, et puis se aisèrent de ce qu'ils avoient, et bien avoient de quoi ; et entendirent à leurs prisonniers, et firent remuer et appareiller les navrés, et leurs gens mêmes, qui étoient navrés et blessés, firent-ils remettre à point. Quand ce vint le lundi au matin, le comte de Montfort fit à sçavoir sur le pays à ceux de la cité de Rennes et des villes environ que il donnoit et accordoit trêves trois jours, pour recueillir les morts dessus les champs et ensevelir en terre sainte : laquelle ordonnance on tint à moult bonne. Si se tint le comte de Montfort pardevant le châtel d'Auray à siège, et dit que point ne se partiroit, si l'auroit à sa volonté. Ces nouvelles s'espardirent en plusieurs lieux et en plusieurs pays, comment messire Jean de Montfort, par le conseil et confort des Anglois, avoit obtenu la place contre monseigneur Charles de Blois, et lui mort et déconfit, et mort et pris toute la fleur de la chevalerie de Bretagne qui faisoient partie contre lui. Si en avoit messire Jean Chandos grandement la grâce et la renommée ; et disoient toutes manières de gens, chevaliers et écuyers qui à la besogne avoient été, que par lui et son sens et sa prouesse avoient les Anglois et les Bretons obtenu la place.

De ces nouvelles furent tous les amis et les confortans à messire Charles de Blois courroucés ; ce fut bien raison ; et par espécial, le roi de France ; car cette déconfiture lui touchoit grandement, pourtant que plusieurs bons chevaliers et écuyers de son royaume y avoient été morts, et pris messire Bertran du Guesclin, que moult aimoit, le comte d'Aucerre, le comte de Joigny et tous les barons de Bretagne, sans nullui except. Si envoya le dit roi de France son frère, monseigneur Louis duc d'Anjou, sur les marches de Bretagne, pour reconforter le pays qui étoit moult désolé, pour l'amour de leur seigneur monseigneur Charles de Blois que perdu avoient et pour reconforter aussi madame de Bretagne femme au dit monseigneur Charles de Blois, qui étoit si désolée et déconfortée de la mort de son mari que rien n'y failloit. A ce étoit le dit duc d'Anjou bien tenu de faire, quoique volontiers le fît ; car il avoit épousé la fille du dit monseigneur Charles et de la dite dame. Si promettoit de grand'volonté aux bonnes villes, cités et châteaux de Bretagne et au demeurant du pays conseil, confort et aide en tous cas : en quoi la dame que il clamoit mère et le pays eurent une espace de temps grand'fiance, jusques adonc que le roi de France, pour tous périls ôter et eschever, y mit attrempance, si comme vous orrez recorder assez tôt.

Si vinrent aussi ces nouvelles au roi d'Angleterre ; car le comte de Montfort avoit écrit, au cinquième jour que la bataille avoit été devant Auray, en la ville de Douvres ; et en apporta lettres de créance un varlet poursuivant armes qui avoit été à la bataille, et lequel le roi d'Angleterre fit tantôt héraut, et lui donna le nom de Windesore et moult grand profit ; par lequel héraut et aucuns chevaliers d'un lez et de l'autre qui furent à la bataille je fus informé. Et la cause pour quoi le roi d'Angleterre étoit adonc à Douvres, je la vous dirai.

Jean Alexandre Buchon et Jean Froissart.

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