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LA CHARLEZEN

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Charlezen de Bretagne

Au XVIème siècle régnait dans le Trégor une grande inégalité sociale avec ses disettes, famines et épidémies qui sévissaient dans les campagnes et parmi le petit peuple, au contraste du luxe des Grands Seigneurs et des catégories privilégiées. Il y avait donc tout naturellement comme partout ailleurs, dans les bois aux alentours du Grand-Rocher, en bordure de la lieue de grève, un repaire de détrousseurs prêts à faire n'importe quel crime. La Lieue-de-Grève, sur la route de Lannion à Morlaix, était un endroit redouté des voyageurs. De tout temps, les fourrés qui avoisinent ce dangereux passage, servirent de repaire à des bandes de voleurs. Malheur au voyageur qui s'aventurait dans ses parages, surtout la nuit ou à la tombée de la nuit aux endroits les plus dangereux, au pied de l'église de Saint-Michel, à la croix de Mi-Lieue, au bas de la rampe de Toul Efflam. Ne dit-on pas que cette plage de la lieue de grève si unie recouvre le plus discret des cimetières?

L'histoire et la tradition populaire ont gardé le souvenir d'une femme, Marc'haït ou Marguerite Charlès, laquelle rançonnait et assassinait à la tête d'une de ces bandes les voyageurs qui se rendaient de Lannion à Morlaix ou réciproquement. On la disait belle fille, capable de sensiblerie malgré ses cruautés, coquette, fière de son visage et de ses atours. Elle avait pour principaux lieutenants les frères Rannou (ou Rannoued) de Locquirec, deux coquins magistralement charpentés, qui, dédaignant toutes autres armes, assommaient les gens à coups de "penn-baz". On disait aux environs de Plestin : "Fort comme Rannou". A ceux qui voulaient s’enrôler dans sa troupe, elle faisait boire d’abord, comme épreuve préliminaire, une pinte de sang humain.

Ces bandits formaient une bande organisée sous le commandement de Marguerite Charlès, mais plus connue sous le nom de la Charlezen. Elle était, au milieu de ses brigands, un capitaine qui ne manquait pas d'autorité et très souvent le soir elle allait retrouver sa "troupe" près du Grand-Rocher. Devant ses "associés" elle développait alors ses idées qui étaient généralement toujours adoptées avec enthousiasme, car on ne la contredisait pas. C’était décidé, ils passeraient la nuit même à l’action. Ils se plaçaient alors soit près du Grand-Rocher, de la rampe de Toul Efflam ou du cimetière de Saint-Michel-en-Grève et ils accostaient les noctambules qui s’en retournaient chez eux en traversant la baie.

Les voyageurs par crainte d’être tués ou égorgés, remettaient sans crier leur bourse et leurs bagages. A la moindre résistance, les victimes étaient jetées à terre, gratifiées de coups de bâtons ou carrément tuées avant d’être détroussées. La bande n’hésitait pas à prendre, outre l’argent et les ballots des colporteurs, les montres, les pipes, les tabatières, parfois même les habits de leurs victimes. Tout était bon à prendre. On notait d’ailleurs souvent peu de résistance, bien au contraire, les victimes paraissaient être soulagées de s’en tirer à si bon compte, devant des agresseurs armés, aux visages plus ou moins masqués. Plusieurs bourses furent ainsi recueillies et le butin partagé au petit matin. Si une personne de la bande tentée de s’approprier la bourse pour elle toute seule, il ne lui était fait aucun cadeau, ce geste était une désobéissance qui méritait la mort.

L’expédition terminée, le groupe se retrouvait pour faire la fête car tous ces brigands avaient un point commun, ils aimaient faire bonne chère et mener joyeuse vie. On se procurait alors provisions et boissons dont il était fait ample consommation jusqu’à rouler sous les tables. Puis on chantait et l’on dansait. La Charlezen affectionnait cette ambiance. Elle même commandait toujours la manoeuvre, comme un premier maître de timonerie, à l'aide d'un sifflet, "un sifflet d'argent doré" qui pouvait mettre cinq cents hommes en fuite, dit la tradition. La Charlezen avait un sifflement particulier pour appeler à l'attaque les exécuteurs de ses ordres. Ce sifflement faisait bondir hors de leurs cachettes, des hommes armés aux visages plus ou moins cyniques. Une voix s’écriait, généralement celle de la Charlezen : "La bourse ou la vie !". Ce sifflement et cette voix se répondait dans la baie et faisait frémir ceux qui l'entendaient (certains affirmaient que les voyageurs sentaient alors la moëlle se figer d’effroi dans leurs os), parce qu'il était souvent l'indice d'un nouveau meurtre. Qui dans le pays de St Michel et de Plestin n'a pas entendu ce dicton populaire :

"Ma é honnont ar Charlezen,

A c'huitelle war bouez he fenn;

Ha na è ket ur zelbant vad

Klewet 'r Charlezenn c'huitellad."

"C'est celle-là, la Charlès,

Qui siffle à tue-tête;

Et ce n'est pas un bon signe

Que d'entendre siffler la Charlès."

Les pardons, les foires et marchés étaient aussi pour eux souvent des occasions de gagner de l’argent bien plus facilement qu’en labourant la terre. Non seulement de gagner de l’argent, mais aussi d’en prendre à ceux qui en avaient trop ou en faisaient mauvais usages à leurs yeux.

Ils s’installaient par groupes de trois ou quatre, en divers lieux voisins des itinéraires suivis par les colporteurs, marchands de bestiaux, artisans ou pèlerins et attendaient leurs victimes. Ceux-ci avaient souvent bu plus que de raison , et sans doute en considération de leur état et de leurs idées peu claires, aucune plainte n’était déposée auprès de la maréchaussée. La Charlezen avait également, dit-on, mis en place un racket, en percevant souvent une redevance auprès de certains commerçants, artisans ou notables voulant circuler sans être inquiétés. Tout le monde s’y retrouvait et chacun était content : ceux qui payaient, parce qu’ils se sentaient en sécurité ; et la troupe de la Charlezen, pour le profit qu’elle en retirait.

Tout cela se faisait sans que la maréchaussée intervienne. Faisait-elle la sourde oreille par peur de se frotter à ces gens armés dont on ignorait le nombre, et pour qui la forêt qui s’étendait de Saint-Michel-en-Grève à Plestin-les-Grèves n’avait aucun secret ?. Les hommes de justice installés dans la région, ne pouvaient ignorer les agissements de cette bande de brigands. Même si les victimes préféraient par prudence se taire, la rumeur s’étendait dans toutes les paroisses de la région. On parlait un peu partout, de la présence de ces personnes peu recommandables dirigée par la Charlezen, qui détroussait les gens, puis rançonnait les habitants.

La Charlezen transportait, dit-on, quelquefois son butin pendant la nuit sur une charrette dont elle graissait mal les roues et lorsqu’elle traversait le bourg de St Efflam ou de St Michel, avec ses amis, chacun se tenait dans sa maison bien tranquille et bien coi ; car lorsqu’on entendait le grincement sinistre, on craignait de se rencontrer face à face avec l’Ankou (c’est-à-dire un squelette drapé d’un linceul dont le regard donnait la mort). Et la Charlezen a fréquemment tiré parti de cette croyance.

Durant très longtemps, certains parents qui étaient débordés et agacés par les espiègleries de leurs enfants, ne manquaient pas de s’écrier: "Si vous n'êtes pas sages, la Charlezen et ses brigands vont venir vous chercher pour vous punir".

La tradition rapporte que le Grand-Rocher, qui s'appelait primitivement Ar-Roc'h-Glaz, le Rocher-Vert, fut désigné dans la suite par Roc'h-a-laz, la Roche-qui-tue, à cause des nombreux crimes perpétrés en cet endroit et dans les bois voisins.

L'écrivain Luzel prétend que les victimes de Marguerite étaient enfouies dans le sable de la Lieue-de-Grève, sable mouvant où il n'était pas commode de les retrouver. Dans l'un des gwerziou qui lui sont consacrés, on parle "d'un petit bois rempli de ronces" où il y avait "autant de cadavres qu'il y en a dans l'ossuaire de Morlaix". Ce petit bois était vraisemblablement le bois de Coatandrézenn (ou Koat-an-Drezen), le Bois-de-la-Plage, c'est-à-dire situé près de la plage, en la commune de Tréduder, où la bande avait son "fort" (c'est-à-dire son domicile d'élection).

La tradition rapporte que la Charlezen avait amassé d'immenses richesses, enterrés auprès de ses divers refuges et enfouies dans deux arbres creux de même bois ! l’un contient "six pieds d’argent blanc", l’autre "six pieds d’or jaune". A-t-on découvert depuis le trésor de la Charlezen ? Il semble que non !

Une troupe de soldats espagnols, en 1598, se chargea de "sarcler" le "fort". Y réussit-elle ? Toujours est-il que la tradition veut que ce soit par surprise que la Charlezen elle-même finit par tomber dans un guet-apens où elle avait été attirée et qui lui fut dressé par un seigneur de Ploumilliau : M. de Keranglas, habitant à douze kilomètres environ du Grand-Rocher. L’histoire prétend qu’elle rencontre un matin le seigneur de Keranglas dans le taillis de Koat-an-Drezenn (le bois des Ronces) en Tréduder, où se trouve un de ses repaires, et s’apprête à faire main basse sur lui, lorsque celui-ci lui demande de l’accompagner pour servir de marraine à son dernier-né. Flattée de l’invitation, la Charlezen s’humanise aussitôt ; elle accepte avec joie, veut retenir M. de Keranglas à dinner, lui offre un prêt de 500 écus pour les frais du baptême, et, rayonnante sous ses tresses d’or roux et ses coiffes de fine batiste, saute légèrement en croupe derrière le gentilhomme, afin d’être conduite au manoir. Mais là, l’accueil est si glacial, les figures sont si hostiles, qu’elle flaire à l’instant le piège où son imprudente confiance l’a fait choir. D’un élan, elle escalade les degrés de la plus haute tour, et veut siffler de toutes ses forces pour avertir les 500 hommes qui lui obéissent. Trop tard ! M. de Keranglas l’a rejointe ; il la saisit, lui arrache son sifflet du corsage, son poignard du cotillon, et la livre ainsi désarmée aux archers de la prévôté. Furieuse, elle apostrophe alors le traître qui l’a perdue : "Si j’avais su, Keranglas, quand j’étais là-bas sur le grand chemin, vous n’auriez pas fait un pas devant moi !"

Livrée à la justice, elle fut condamnée à la pendaison. La Charlezen se confessera publiquement selon l’usage, avec une épouvantable sincérité ; elle a tué ou fait tuer son père et sa mère ; elle a jeté un de ses enfants dans le feu ; elle a égorgé nombre de gens. Elle fut pendue, pour le grand soulagement des habitants de la région Lannion-St Michel-Plestin. N'avait-elle pas mérité la pendaison, cette femme sans entrailles qui, après avoir laissé ses bandits à solde assassiner son père et sa mère, n'en exprimait comme regret qu'un certain ennui moral de constater qu'on n'ait pas épargné son père? Quant à sa mère, sa mort la laissait bien indifférente.

La Légende fait aussi mention d'une Marie Charlès, fille de Marguerite Charlès, qui lui succéda peut être à la tête de la bande. M. Le Braz, qui l'a prise pour héroïne d'une de ces Vieilles histoires de pays breton, veut qu'elle ai été rousse, ce qui la rapprocherait donc de Marion du Faouet, et "belle fille comme cette dernière et pas plus bégueule qu'elle".

Quoiqu'il en soit et quand la Charlès eut été "branchés" (pendus), la paix ne régna pas pour cela sur la Lieue-de-Grève; les fourrés et les landes continuèrent de servir de repaire aux voleurs de grand chemin. L'audace de ces malandrins alla même grandissant.

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