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L'ANCIEN COLLÈGE DE CHÂTEAUBRIANT |
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Jusqu'au milieu du XVIème siècle, l'enseignement des belles lettres, des langues latine et grecque, parait avoir été abandonné au zèle des prêtres qui desservaient les paroisses de Saint-Jean-de-Béré et de Notre-Dame, ainsi qu'au dévouement des religieux qui peuplaient, à Châteaubriant, les cloîtres de Saint-Sauveur-de-Béré, de la Trinité et de Saint-Michel. On ne voit pas qu'aux époques antérieures aucune institution stable ait été établie, soit par l'initiative privée, soit par la générosité des barons, pour préparer les jeunes intelligences aux classes de rhétorique et de philosophie. A plusieurs reprises, les officiers de la baronnie, toujours empressés d'accroître leurs attributions et la prépondérance de leur maître, ont essayé, comme leurs collègues d'Ancenis, d'envelopper de nuages les faits les plus clairs, afin d'exercer le droit de présentation sur les régents ; ils n'ont réussi qu'à démontrer les tristes effets de l'esprit de jalousie. Jamais on ne les a vus produire un acte indiquant que l'un des barons eût fondé un collège. Dans une de leurs inductions, ils relatent qu'en 1462 un maître d'école, nommé Raoul Billé, dut renoncer aux lettres de présentation qu'il tenait des moines et du doyen, pour solliciter le brevet d'autorisation du seigneur, et ils se hâtent bien vite d'en conclure qu'il y a là la conséquence d'un droit de patronage antique comme la ville. La confusion est manifeste. Si la procédure existait encore, nous verrions aisément qu'en cette circonstance le baron faisait acte d'autorité souveraine et de justicier. Suivant le droit féodal, il possédait un droit de police universelle et de haute surveillance sur tous les actes publics qui s'accomplissaient dans la ville, il n'est donc pas surprenant qu'il ait revendiqué la nomination du personnel des écoles, surtout si la partie adverse ne pouvait lui opposer la volonté contraire d'un bienfaiteur. Il devait en être de même dans toutes les villes où les écoles n'étaient pas fondées : le seigneur était le présentateur naturel des maîtres. Cette doctrine, très plausible à l'époque où la Féodalité régnait en souveraine, tomba en défaveur quand les habitants des villes prirent en main la direction de leurs affaires, quand les Parlements et les officiers royaux furent partout chargés de faire prédominer les volontés d'un pouvoir central. Néanmoins, les intendants des Montmorency et des Condé s'obstinèrent à nier les changements introduits par l'usage et par les mœurs.
Le 15 octobre 1567, un habitant de Châteaubriant, nommé Jean Gérard, donna, non pas à la municipalité, mais aux fabriqueurs représentant la paroisse mère de Béré, une maison avec jardin sise rue des Quatre-OEufs, autrement la maison du légat des Marchands, en stipulant qu'elle serait employée pour un collège. Il demandait en retour qu'une messe fût célébrée chaque semaine à son intention, Voila bien un acte de fondation formelle qui enlève toute ambiguïté. On sait de plus que d'autres donations sont venues quelques années après s'ajouter à celle-ci, qui était trop modeste pour assurer l'existence d'un régent.
Jeanne Hivet, dame de la Hermaie et du Bignon, remit 100 écus d'or à la fabrique avec le désir que l'intérêt de cette somme fût appliqué aux gages d'un régent. Frère Robert Yvon, qui remplissait alors les fonctions de maître par intérim, fut autorisé par elle, les 14 et 17 mars 1582, à toucher la rente aussi longtemps qu'il enseignerait, c'est-à-dire jusqu'au jour où les habitants auront désigné le titulaire du collège. A son tour, Jean Bontemps, sénéchal de Châteaubriant, donna 100 écus à prendre sur le domaine du Pont en Soudan, à ces conditions : 1° que la jouissance appartiendrait au régent ; 2° qu'une grand'messe pro defunctis serait célébrée chaque dimanche, aux intentions de sa famille. La fabrique accepta le don sans veiller exactement sur l'exécution de ses volontés. Nous le savons, parce que le 12 mars 1589, il fut obligé de se plaindre et de dire qu'il révoquerait sa donation si ses réserves n'étaient pas observées. En 1599, Pierre de Coussy offrit 110 écus, pour subvenir à l'entretien des précepteurs de la jeunesse, si maîtres et écoliers voulaient s'engager à chanter, chaque vendredi, pendant la messe de Saint-Sébastien, célébrée en l'église de Saint-Nicolas. Jean Drouet, prêtre, imposa lui aussi l'obligation d'une messe basse à célébrer chaque dimanche de carême, quand il légua à la paroisse, en 1626, 400 livres dont la rente devait être ajoutée aux émoluments des régents. On ignore le nom du bienfaiteur qui donna la maison située au faubourg de la Barre et le jardin de la Fontaine-aux-Jars, qui la touchait, il est seulement constant que ces immeubles étaient compris dans le patrimoine du collège (Histoire de Châteaubriant, p. 480-481).
Il est si vrai que les fabriqueurs étaient les administrateurs du collège, qu'ils font figurer les dépenses d'entretien et de réparation des bâtiments sur leurs comptes annuels [Note : Les archives de Châteaubriant renferment une belle collection de comptes de fabrique du XVIème siècle]. C'est en lisant les livres de leur gestion qu'on connaît la vraie situation de la maison, on s'étonne donc de voir, en 1623 et en 1625, le gouverneur du château s'emparer du droit de nomination et les candidats comparaissant devant les juges de la baronnie pour faire leurs preuves de capacité.
Les bâtiments étaient dans un tel état de délabrement, en 1619, que tout manquait à la fois, portes et fenêtres, plancher, charpente, couverture et cloisons. Ni la ville, ni la fabrique n'avaient assez de ressources pour entreprendre une reconstruction ; il fut donc arrêté que le terrain et les matériaux seraient mis en adjudication, et que le prix sérait consacré à l'édification d'une nouvelle maison. Quarante ans s'écoulèrent avant que les masures pussent tenter un acquéreur ; ce n'est qu'en 1685 qu'elles furent vendues 400 livres à un particulier.
Quel a été le logement des classes pendant cet intervalle ? Ce détail importe peu, il suffit que la continuation des cours nous soit attestée par quelques noms de professeurs. Jean Lenoir, avant de devenir doyen de Châteaubriant en 1635, cumula dix années les fonctions de régent du collège avec celles de vicaire de la paroisse. Il avait tantôt deux, tantôt trois collègues pour le seconder, parfois il demeurait seul. Sous ses successeurs, il en fut de même ; et il arriva aussi que les leçons furent suspendues faute de maîtres (Histoire de Châteaubriant, p. 482). On allait alors en chercher jusqu'à Rennes, à Nantes ou à Château-Gontier.
Voici encore quelques noms à noter. Un traité de 1686 nous révèle que MM. Cocault et Monnier, prêtres, acceptèrent le titre de régent à la condition de pousser l'instruction de leurs élèves assez loin pour qu'ils pussent entrer au moins en rhétorique dans les collèges des villes voisines. L'abbé Foucher est aussi désigné parmi ceux qui professaient au collège dans le même temps. A côté d'eux il convient d'en nommer un quatrième qui rendit aussi de grands services à la jeunesse, l'abbé Jean Hubert, ancien élève des jésuites de la Flèche, qui, devenu aveugle pendant son noviciat chez les capucins de Rennes, avait été forcé de revenir à Châteaubriant, son pays natal, sans espérance de guérison. L'adversité fut moins forte que son énergie. Son plus grand plaisir et sa meilleure consolation étaient de s'entourer de jeunes gens auxquels il communiquait sa science. Il nous est représenté comme un poète élégant en français et en latin, un humaniste et un helléniste très rare. Malgré des infirmités cruelles, il fit la classe ainsi pendant 40 ans et forma beaucoup d'élèves qui se distinguèrent dans le monde et sous l'habit religieux. Le doyen Blais qui nous le fait connaître par ses mémoires, comme un de ces contemporains, et qui cite sa présence à une cérémonie de 1687, a omis d'indiquer l'époque de sa mort (Histoire de Châteaubriant, p. 482).
La municipalité, qui était restée longtemps étrangère à la direction de l'enseignement secondaire, semble avoir compris au XVIIème siècle qu'il lui importait de prendre souci de cette branche de l'administration ; ses registres sont remplis des traces de sa sollicitude à cet égard [Note : L'érection de la communauté de ville est de 1587]. C'est elle qui, en 1685, loua la maison du légat de l'Epinette avec un jardin rue de la Poterne, pour y installer convenablement les classes, et y ajouta ensuite le loyer de quelques chambres voisines, destinées spécialement au logement des maîtres. Comme les revenus des dotations précitées ne s'élevaient pas bien haut, le principal fut autorisé à prélever 10 sous par mois sur chaque écolier de cinquième et au-dessous. Ceux des classes supérieures jusqu'à la philosophie payaient 15 sous (Registre des délibérations de 1685 à 1724 - Archives municipales, BB). On sait qu'en 1685, la durée des classes du matin était de deux heures et demie, et la durée des classes du soir égale.
A la fin du règne de Louis XIV, la détresse de la ville était telle que les bourgeois se virent forcés d'annoncer que la charge des traitements et des réparations était trop lourde pour eux. L'abbé Foucher, prêtre, qui enseignait depuis 1685, ne se découragea pas ; il continua ses leçons pendant 10 ans, en se contentant des cotisations de ses élèves. De 1693 à 1703, il eut pour collègue l'abbé Alexis Legrand. A sa mort (1724), la maison se trouva dans une indigence absolue ; le peu qui lui restait de patrimoine fut dissipé par le discrédit des billets de banque et personne n'eût le courage d'offrir ses services.
La ville avait alors pour receveur un homme qui prenait à cœur tous ses intérêts, c'était M. Brossais ; il représenta au Conseil que l'avenir des enfants allait être gravement compris, si l'on avisait promptement aux moyens de relever le collège, et il opina pour que des démarches fussent faites en vue d'obtenir des fonds d'église. Le prince de Condé était le présentateur de quelques bénéfices qui, disait-il, pouvaient être annexés au collège sans inconvénient. On se contenta d'approuver sans agir sérieusement.
Jean-Baptiste Brossais du Perray, frère du précédent, avocat au Parlement, ancien général-provincial des Monnaies de Bretagne, partageait les mêmes préoccupations ; il jugeait la question du collège comme un objet de premier ordre, et quand il rédigea son testament, il inscrivit une somme de 10.000 livres en faveur de la ville afin de la pousser à la création qu'il souhaitait. Le legs fut accepté avec empressement, et de suite il fut arrêté que la municipalité témoignerait sa reconnaissance en prescrivant des prières périodiques aux écoliers et aux prêtres de la paroisse. De grandes espérances se fondaient sur les ressources offertes par le legs Brossais, quand on apprit que le fisc se disposait à en réclamer une part et que les héritiers se préparaient à attaquer la donation. En effet, le fermier des droits royaux réclama d'abord 1.600 livres, plus quatre sous par livre à raison de l'amortissement ; puis les huissiers vinrent signifier au maire une demande en renonciation. La cause, gagnée d'abord devant les juges de la baronnie, fut perdue en appel devant le Parlement après 25 années de procédures coûteuses ; et de toute la succession Brossais, la ville ne retira pour tout profit qu'un long mémoire de frais à payer à ses avocats et à ses procureurs (1753).
Le titulaire du prieuré de Saint-Michel étant venu à mourir sur ces entrefaites, les bourgeois bâtirent sur sa succession tout un édifice de projets qui ne se réalisa pas plus que le précédent. On pensait que le prince de Gondé, présentateur du bénéfice, ne saurait pas refuser sa protection, si on en demandait la sécularisation, et on ne trouvait personne pour se rendre en ambassade auprès de lui. La correspondance qui fut échangée à ce sujet n'aboutit à aucun résultat. Au milieu de toutes ces alternatives, la situation du collège ne se consolidait pas. Tantôt rassurés, tantôt déçus, les maîtres se lassaient, cessaient leurs leçons, et les écoliers se dispersaient. L'abbé Foucher, neveu du professeur cité plus haut, finit par demeurer seul avec un traitement de 200 livres dont les annuités n'étaient pas toujours régulièrement payées. Le chiffre de 200 livres avait été fixé dans une délibération du 19 octobre 1741 (Chambre des Comptes, B 2090-2094, archives de la Loire-Inférieure. — Voir aussi C 875, archives d'Ille-et-Vilaine). Si nous jugeons du régent par la valeur des élèves qui se formèrent autour de la chaire de l'abbé Foucher, nous devrons avoir une haute opinion de son enseignement. L'abbé Gaignard, que nous avons cité comme littérateur et linguiste, au chapitre du collège d'Ancenis, avait fait ses humanités au collège de Châteaubriant.
La carrière de l'abbé Foucher fut longue. Installé en 1745, il sut faire oublier qu'il tenait ses lettres de nomination du prince de Condé, et se maintint jusqu'en 1785, époque de sa mort ; mais quand la question de le remplacer se présenta, le Conseil de ville annonça qu'il ne consentirait plus à sacrifier ses prérogatives. Il désigna pour régent Joseph Le Leslé, acolyte, sans tenir compte des protestations de l'intendant de la baronnie. Celui-ci jugeant que la guerre serait longue, invita le prince de Condé à la conciliation, et lui proposa de nommer le candidat présenté par la ville. Cet accommodement déplut aux bourgeois : on les vit se désister, mais aussitôt ils supprimèrent le crédit qu'ils avaient voté pour les honoraires du régent (Registre des délibérations de 1786 - Archives municipales). Les Trinitaires, qui faisaient des cours de théologie aux jeunes clercs, offrirent d'enseigner si on voulait leur accorder les revenus des bénéfices de l'Epinette et de la Vertaudrie. Leur requête n'eut pas de succès. Le sieur Le Leslé se retira dans un appartement, sur les remparts de la ville, où il continua à donner des leçons de latin, sans aucune subvention ; sa persévérance fut récompensée. En 1789, la ville reconnaissant qu'elle avait trop promptement cédé à un mouvement de mauvaise humeur, lui vota 200 livres d'indemnité en compensation des trois annuités dont il avait été privé, et lui offrit pour l'avenir la rente ordinaire de 200 livres. Il fut convenu avec lui qu'il enseignerait le latin et le français aux enfants qui se présenteraient, sans exiger plus de 40 sous par mois, et qu'il ne renverrait aucun élève sans en donner les motifs à la municipalité. Dans tous les cas, le Conseil de ville se réservait la liberté de surveiller la tenue de l'école (Archives départementales, C, liasse de l'instruction). Cette délibération annonçait une victoire : elle n'aurait pas été prise si les officiers du seigneur n'eussent pas renoncé à leurs prétentions. En 1791, nous retrouvons le nom du sieur Le Leslé sur la liste de ceux qui prêtèrent le serment de fidélité à la Nation, à la Loi et à la Constitution. L'année suivante le collège cessa d'exister (Réponse de la municipalité de 1792 - Archives de la ville, délibérations).
L. Maître.
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