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LA SÉNÉCHAUSSÉE DE CHATEAUNEUF-DU-FAOU : sa compétence administrative et les affaires de police.

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Compétence administrative et affaires de police.

Les anciennes cours souveraines détenaient une parcelle du pouvoir législatif par leurs arrêts de règlement, qui avaient force de loi dans l'étendue de leurs ressorts [Note : Esmein, Cours élémentaire d'histoire du droit français, 507, 508]. Elles possédaient aussi, et particulièrement les Parlements, une des attributions actuelles du pouvoir exécutif : les ordonnances royales n'étaient appliquées qu'après avoir été enregistrées dans ces cours ; et l'on peut raisonnablement voir dans cet enregistrement une promulgation de la loi. Les sénéchaussées participaient aussi à ce double pouvoir, dans des proportions minimes évidemment et plus conformes à leur degré d'importance.

Au siège de Châteauneuf-du-Faou, les édits et déclarations du roi, les arrêts du conseil, les ordonnances de l'intendant étaient transcrits d'abord sur les registres d'audiences civiles [Note : S. R de Chât., Aud. civ., 17 janvier, 3 mars, 16 juin 1706], puis sur des cahiers destinés à cette fin [Note : De 1733 à 1790, 16 cahiers d’enregistrement du S. R. de Chât., aux Arch. Fin.]. Cet enregistrement avait pour but certainement de procurer aux officiers de la sénéchaussée le texte des dispositions qu'ils devaient suivre el appliquer, mais aussi de le faire connaître aux justiciables. Quelquefois, des arrête du Parlement était confirmés pour leur donner plus de force [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 22 septembre 1706].

Mais le siège édictait de sa propre autorité contre certains délits des peines qu'il avait le droit « d'arbitrer », il rendait des ordonnances applicables dans son ressort. Le Parlement de Rennes, par ses nombreux Arrêts de Règlement au civil et au criminel, ne lui laissait guère de latitude à cet égard ; mais la sénéchaussée avait des attributions variées : elle était un des rouages de l'administration compliquée de l'ancien régime ; elle avait à s'occuper de l'état des chemins, de la tenue des marchés, de l'hygiène publique, aussi bien que de la police générale et de la police des mœurs, qui étaient plus en rapport avec son caractère judiciaire. C'est en remplissant ces fonctions que les juges portaient surtout leurs ordonnances ; leur rôle, d'ailleurs, ne se bornait pas à la surveillance et à la réglementation ; ils connaissaient des délits commis en ces matières en infraction des ordonnances et des règlements émanés du roi, du parlement ou du siège de Châteauneuf même. En ce qui concernait la police des villes, ils étaient aidés par des auxiliaires spéciaux, les commissaires de police.

L'entretien de toutes les voies de communications était une des grandes préoccupations des officiers de la sénéchaussée, qui étaient les intermédiaires naturels entre l'administration supérieure et les habitants de leur ressort, C’est à l’audience que l'on publiait l'ordre du gouverneur de la province de réparer les grands chemins, que le sénéchal enjoignait aux procureurs terriens des paroisses de venir s'entendre avec le procureur du roi sur la fixation de la tâche [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 8 janvier 1681]. Bien plus, lorsqu'un chemin était mauvais, le procueur du roi requérait d'office que les habitants intéressés eussent à le remettre en état dans le plus bref délai ; il en fut ainsi pour un chemin nommé Carront-Marzin, à Châteauneuf-du-Faou [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 17 mars 1706]. Il poursuivait les riverains qui causaient des dégâts aux routes et nuisaient à leur viabilité [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 30 juin 1706]. Il fixait le jour où les habitants de Plonévez-du-Faou devaient se trouver à la sortie du bourg pour refaire les chemins défoncés par les charrois des bois de la marine [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 30 juin 1706]. Sa vigilance s'étendait à tout le ressort : il réclamait la réfection du chemin de Châteauneuf à Landeleau, de Châteauneuf à La Feuillée [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 15, 16 novembre 1707]. A presque tous les plaids généraux il avait des remontrances à faire sur de semblables sujets [Note : S. R. de Chât., P. G. 12 mai. 19 novembre 1717, 15, 16 novembre 1718, 10 mai 1719, 13 juillet 1723]. La solidité des ponts, vu leur petit nombre, était très importante pour la facilité des communications. C’étaient les juges qui dressaient les procès-verbaux des réparations qui leur étaient nécessaires [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, 19 janvier 1780] : c'étaient eux qui procédaient à l'adjudication des travaux [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 8 août 1680]. Enfin, concurremment avec les syndics, ils s'occupaient du pavage des villes de Châteauneuf et de Huelgoat [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, 20 septembre 1728 : P. G., 1er octobre 1714 dans Reg. Aud. civ.]. A Châteauneuf, ils veillaient à ce que la circulation fût toujours facile dans les rues et défendaient d'attacher les chevaux aux murs de l'église, à l'entrée de l'auditoire et de la halle qui y aboutissait [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 21 octobre 1716]. Bref, leurs attributions comprenaient aussi bien la grande que la petite voirie.

La police des marchés leur appartenait également : ils en réglementaient minutieusement la tenue et surveillaient la loyauté des transactions. Chaque catégorie de marchandises devait se vendre à un endroit de la ville rigoureusement déterminé. Une ordonnance du siège pouvait seule apporter une modification à l'ancien état de choses. En 1716, le marché aux cendres fut ainsi transféré à la place du marché au blé noir et réciproquement. Mais comme le public se plaignait du lieu qui lui avait été désigné pour tenir le marché aux cendres, le siège décida qu'il se tiendrait désormais sur une « butte et franchise, au levant de la ville, avec défense de décharger aucunes cendres au-dessus de la petite maison de paille où demeurait Yves Le Gentil et de celle à l'opposite, à peine de confiscation » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 13 mai 1716 et 19 avril 1719].

Parmi les ordonnances des juges de Châteauneuf, on trouve de nombreux exemples de restrictions apportées à la liberté du commerce, qui étaient du reste conformes aux idées de l’époque. La grande terreur, avant la création des voies ferrées, était la famine. Aussi chacun tenait-il à faire ses provisions. Le bailli de Châteauneuf, averti « que les blâtiers enlevoient toutes les espèces de bledz qui se portoient au marché et qu'ils allaient même sur le chemin de ceux qui y venoient pour les prendre et convenir du prix, fit inhibition d'acheter quoi que ce fût, ailleurs que sur le marché, dans l’intérêt des habitans de Châteauneuf et des autres acheteurs » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 20 mai 1739]. Un sergent qui contrevint à cette ordonnance fut suspendu de ses fonctions jusqu'à ce qu'il eût payé une amende de 30 sols [Note : S. R. de Chât., P v. de 1741].

Les prix de certaines denrées n’étaient pas déterminés par la loi de l'offre et de la demande. Le prix de la viande était fixé par ordonnance de police [Note : S. R. de Chât., Cahier de police. 1788. Le siège de Châteauneuf avait aussi à fixer les apprécis des grains, d’après l’estimation faite par dux experts, suivant le cours du marché (Ibid., aud . civ., 16. 23. 30 octobre 1680, 25 juin 1681, 14 octobre 1716). A Huelgoat il y avait également des appréciateurs]. D'autres ordonnances, il est vrai, étaient plus utiles à l’intérêt général. Il fut défendu « aux blastiers de mettre des pierres dans leurs poches (sacs), dans les places de cette ville, à peine de 60 sols d'amende et de confiscation des pochées » [Note : S. R. de Chât., Aud civ, du 18 décembre 1680]. La viande de boucherie devait être pesée aux poids du roi [Note : S. R. de Chât., Cah. de police de 1789] : c'était un commencement d’une fixation des poids et mesures.

Dans la surveillance des transactions commerciales et la réglementation des machés, les juges se conforment aux principes adoptés à cette époque, et les services qu'ils rendent en ces matières sont assez douteux. Pour la police sanitaire, leur activité peut s'exercer de façon plus utile et plus efficace.

Il convient avant tout que la nourriture soit de bonne qualité, que les animaux abattus dans les boucheries soient sains. Or, « comme la maladie des bêtes à corne, qui a tant fait de ravages dans le pays de Limoges, le Poëtou et le Comté Nantois, commence à se faire sentir dans ce canton », le sénéchal ordonne que les bouchers ne tueront de bœufs, veaux, etc., qu'au préalable ils ne les aient fait bien et duement visiter par « personnes connoissantes » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 9 avril 1763]. Dans les agglomérations, l’impureté des eaux est une cause fréquente d'épidémies ; une ordonnance rendue à la requête du procureur du roi défend de déposer des immondices aux abords de la fontaine de la ville et de laisser les animaux errer dans les rues, et prescrit à tous les propriétaires de faire paver la place de la fontaine chacun en droit soi, sans quoi on le fera à leurs frais [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, Ord. du 8 octobre 1780]. La cuisson du pain est aussi l'objet de la sollicitude des juges [Note : S. R. de Chât., Liasse 60 (1785)].

En plus de l'hygiène, ils ont encore à veiller à la sûreté et à la tranquillité publiques. Dans ce but, ils multiplient leurs ordonnances. Le procureur du roi, « importuné des plaintes qu'il recevait de partout, remontra au siège que des gens de néant, de sac et de corde, s'attrouppoient pour voiler du bois, des genêts, dessus les fonds et réparations des terres appartenantes aux propriétaires, les engrais et mesme les foins et pailles des aires, les foins des prées, l'herbe le long des bledz, les portes, clay et haye dessus les jardins, parc et préries, et plus de ruiner les bledz pour faire des chapeaux de paille : le sénéchal, sur cette remontrance, défendit à l'avenir de pareils actes, à peine de 50 livres d'amemie, et en outre permit aux habitants d'arrêter eux-mêmes en cas d'absence d'huissiers et sergents ceux qu'ils trouveraient en flagrant dellit ». Pour que cette ordonnance fût plus notoire, elle fut levée et publiée le dimanche à l'issue de la grand'messe et au son du tambour le jour du marché [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 10 mars 1706]. Les chiens qu'on laisse errer pendant la journée constituent, semble-t-il, un grand danger, car à différentes reprises, le siège réitère sa défense « aux paysans et rustiques de laisser errer les chiens mâtins depuis le lever jusqu'au coucher du soleil » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 17 novembre 1707, 8 aaût 1714; P. G. des 18 novembre 1716, 12 mai 1717, 16 novembre 1718, 10 mai 1719]. Il renouvelle tous les arrêts du parlement relatifs au port d'armes, à l'ivresse publique, aux blasphèmes : il défend « aux ribleurs de pavés de courir et vaguer par les rues, en été, passé dix heures du soir, et en hyver passé neuff » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 13 juin 1706].

La police des mœurs rentre encore dans les attributions des juges : ils défendent de recevoir « les filles mal nottées » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 13 juin 1706] . Le sénéchal rend des arrêtés d'expulsion contre les filles débauchées qu'il nomme et leur ordonne « de quitter la ville de Châteauneuf à la Saint-Michel suivante, et si elles n'obeissent pas elles seront poursuivies comme rebelles à la justice, et leurs effets confisqués » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., Ord. du 3 septembre 1731].

Les juges de la sénéchaussée rendaient donc, en des matières bien diverses, des ordonnances sanctionnées par des peines determinnées, et qu'ils faisaient bannir et publier dans leur ressort. Ils punissaient les infractions à ces ordonnances, aussi bien qu'à celles émanées des cours supérieures et du pouvoir souverain. La police appartenait, en effet, aux tribunaux ordinaires [Note : Dupuy, l'administration municipale en Bretagne au XVIIIème siècle, 76. Un édit de mars 1707 créait une gruerie à Châteauneuf ; le 9 et le 17 décembre 1707 un juge gruyer et un procureur du roi pour cette nouvelle cour furent reçus par la Maîtrise des Eaux et Forêts de Carhaix. Il semble bien qu'il n'aient pas exercé leurs fonctions (Arch. Fin. S. R. des Eaux et Forêts de Carhaix, Liasses de réceptions)]. Le sénéchal portait le titre de seul juge de police. Lorsqu'il était sur les lieux, ces affaires lui étaient réservées ; mais en cas d'absence, le remplacement se faisait d'après les règles ordinaires. Les peines prononcées n'étaient pas sévères : plusieurs jeunes gens, « pour avoir fait les libertins », furent une fois condamnés à 3 livres d'amende chacun, dont la moitié fut attribuée à l'église et l'autre aux pauvres honteux : les dépens, il est vrai, montaient à 114 livres et les épices du lieutenant à 36 livres [Note : S. R. de Chât., Proc. crim., Sent. du 4 mai 1739]. D'autres individus étaient condamnés à des peines comme huit jours de prison, pour avoir « enfondrées portes et fenêtres, et pour diffamation » [Note : S. R. de Chât., Proc. crim., du 12 juillet 1781]. Les affaires de police poursuivies après une plainte ou une requête d'office étaient donc traitées comme les petits crimes.

Les poursuites étaient souvent aussi provoquées par les procès-verbaux des commissaires de police. D'après un arrêt du Parlement de Bretagne de 1721, chaque communauté devait choisir tous les ans deux de ses membres pour remplir les fonctions de commissaires de police [Note : Dupuy, L’administration municipale en Bretagne, 78]. On en trouve à Châteauneuf à partir de 1752, mais ils étaient nommés par les juges : c'étaient le plus ordinairement des hommes de loi, avocats, notaires, procureurs surtout. Ils dressaient des procès-verbaux contre les délinquants pour les infractions à la police des marchés, par exemple contre les paysans, qui, ayant apporté du blé au marché, au lieu de l'y vendre au prix courant, le cachaient chez des particuliers [Note : S. R. de Chât., Liasse 71 ; P v. du 23 mars 1752], contre les bouchers qui débitaient leur viande chez eux, au lieu de l'apporter aux halles, conformément au règlement général de police [Note : S. R. de Chât., P v. du 16 avril 1768], ou qui ne la vendaient pas au prix fixé par l'ordonnance affichée à un poteau [Note : S. R. de Chât., P v du 8 octobre 1785]. Ils vaquaient aux occupations les plus diverses : ils faisaient brûler les tabacs confisqués [Note : S. R. de Chât., P v. de 1785], recherchaient les coupables d'un vol de bois [Note : S. R. de Chât., P v, de 1772], saisissaient les victuailles achetées par les regratiers avant une heure de l'après-midi [Note : S. R. de Chât., Liasse 71 ; P v. du 4 mai 1785]. Au cours de leurs rondes de nuit ils faisaient fermer les auberges qui restaient ouvertes après la cloche « nonobstant tous règlements même ceux particulièrement rendus pour le ressort » [Note : S. R. de Chât., P v. du 11 novembre 1786]. Leur rôle était donc de tenir la main à l'observation des ondonnances des juges de Châteauneuf-du-Faou.

Il n'existait pas de distinction bien précise, comme on le voit, entre les pouvoirs législatif et judiciaire. Outre les ordonnances générales, les juges faisaient observer celles qu'ils avaient eux-mêmes rendues. Ce n'est du reste pas la seule confusion de pouvoirs que l’on a pu constater. La sénéchaussée jouait un grand rôle dans l’administration proprement dite : elle avait à s'occuper des voies de communication, de la tenue des marchés, d'hygiène publique, aussi bien que la police ordinaire, et elle punissait tous les délinquants en ces matières. Elle était un tribunal administratif presqu'autant qu'une cour de justice.

(Raymond Delaporte).

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