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LA SÉNÉCHAUSSÉE DE CHATEAUNEUF-DU-FAOU : fusion des sièges de Châteauneuf, Huelgoat et Landeleau, et audiences.

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Fusion des Trois Sièges. Audiences et Généraux-Plaids.

Les trois sièges étant occupés par les mêmes juges, on tendait à oublier de plus en plus leur ancienne distinction. Le souvenir en persista, malgré tout, jusqu'à la fin de l'ancien régime et se manifesta de diverses façons.

De même que dans l’administration des Domaines on distinguait, lors de la Réformation de 1678 notamment, le fief de Châteauneuf-du-Faou de celui de Landeleau ou de Huelgoat, de même on continuait au courant du XVIIème siècle à distinguer les sièges. On disait donc : « Une sentence de la cour du Huelgoat [Note : Arch. Fin., E, 442], le sénéchal de Châteauneuf, le procureur du roi de Landeleau », bien que chaque officier remplît ses fonctions dans les trois juridictions. Mais avant la fin de ce siècle, cela fut changé : et dès lors, les noms des trois cours furent constamment accolés. Jusqu'à cette époque, en effet, des audiences avaient été tenues régulièrement, semble-t-il, au chef-lieu de chaque siège : à Huelgoat, il y eût deux audiences en septembre 1632, deux en août 1642, deux en mars, une en mai, en juin, en juillet et deux en août 1656 [Note : Arch. Fin., E, 442]. Les registres ont été perdus : des pièces détachées révèlent seules ces tenues d’audiences et font supposer qu'elles étaient fréquentes. Dans chaque juridiction, il devait y avoir un greffier, qui ainsi n'était pas forcé de transporter ses registres d'un lieu à l’autre.

Avant 1680, cet usage avait été abandonné [Note : S. R. de Chât., Aud. Civ., Reg. de 1680] quelques affaires étaient délivrées, et très rarement encore, soit avant, soit après les généraux-plaids des deux cours de Huelgoat et de Landeleau [Note : P. G. de Huelgoat, 16 novembre 1780]. Ce sont ces plaids généraux qui justement constituèrent jusqu'à la fin, la preuve la plus évidente de l'ancienne distinction des sièges. Jusqu'en 1790, il y en eût à Landeleau et à Huelgoat. A chacun de ces plaids les officiers subalternes de justice furent appelés, ainsi que les procureurs fiscaux des justices seigneuriales, chacune à sa cour supérieure respective. L'habilude y subsista plus longtemps de donner à chacun des sièges uniquement son nom propre. A la fin, pourtant, on s'accoutuma à dire : « Plaids généraux de Chàteauneuf-du-Faou, Huelgoat et Landeleau ; premier jour de tenue à Landeleau [Note : P. G. de 1782], etc. » : les justices seigneuriales furent même obligées de comparaître dans les trois juridictions : on avait oublié qu'elles relevaient non de l'ensemble des trois sièges, mais de l'un d'eux seulement, et que c'était aux plaids généraux de celui-là qu'elles devaient comparaître.

En 1748, un avocat demeurant à Huelgoat écrivait dans une requête au Parlement : « La juridiction de Châteauneuf-du-Faou ayant trois sièges différents qui se tiennent par les juges du siège principal qui est la ville de Châteauneuf-du-Faou, ceux de Huelgoat et Landeleau, attendu leur distance, s'exercent néantmoins très souvent par les avocats postulants qui y ont domicile et veillent à la police ». Il demandait la fermeture d’une auberge tenue par un sergent général et d'armes. On lui donna raison mais on commit les juges de Châteauneuf à l’exécution de l’arrêt et pour y tenir la main [Note : S. R. de Chât., Procéd. crim. (1748)]. Etait-ce une condamnation de son système ?

L'unification allait donc se complétant, sans jamais devenir parfaite : mais les destinées des trois sièges se confondent si bien qu'il n'est pas possible de faire désormais de l'un deux l'objet d'une étude séparée. Châteauneuf, dans l'amalgame,
conquit le premier rang : c’est dans cette ville, devenue le chef-lieu de toute la sénéchaussée, que procureurs et huissiers étaient obligés de résider, que se trouvaient le tribunal et le greffe et que par suite étaient délivrées les audiences, les plaids généraux ayant bientôt perdu leur caractère primitif.

Les audiences étaient « tenues et délivrées » dans un auditoire. Chaque siège, à l'origine, avait dû posséder le sien, ou du moins « un lieu tribunal » [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3 (28 juin 1650)]. Il est fait mention souvent d'un auditoire à Huelgoat : mais ce pouvait bien être la chapelle de Saint-Yves où se tenaient parfois les audiences de la Cour de Keraznou, après celles de la Cour Royale [Note : Arch. Fin., E, 442 (1656). — Jurid. de Keraznou (1660)]. Il y en eût un aussi à Landeleau [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3 (28 juin 1650). — Fonds Châteaugal (9 février 1629)]. Mais tous deux devinrent inutiles.

A Châteauneuf-du-Faou, il y avait un auditoire appartenant au roi et construit sur son domaine [Note : Arch. Nat., P 1748, fos 33 et sqq. ]. Il était, au commencement du XVIIIème siècle, dans un état de délabrement presque complet, malgré des réparations faites en 1701 [Note : Arch. I.-et-V., C, 2412. — S. R. de Chat., Liasse 53]. La prison, qui y était attenante, ne valait pas mieux : on fut bientôt forcé de l'abandonner comme manquant par les fondements [Note : S. R. de Chât., Liasse 59]. Il fut bien question de réparer ces bâtiments en 1725 [Note : S. R. de Chât., Liasse 53], mais on attendit que l'auditoire fût également tombé en ruines. Il ne comprenait d'ailleurs pas de chambre du conseil, de sorte que les juges délibéraient dans la salle d'audiences [Note : S. R. de Chât., Proc. crim., 1707 ; Aud. civ., 28 avril 1717 ; Liasse 42 (1718, 1726)].

Les domaines, au lieu de le relever, louèrent, à l'année, un local appartenant aux Pic de la Mirandole, pour servir à la fois d'auditoire et de prisons. Le 13 novembre 1729, Guillaume Pic, sieur de Keryéquel, sénéchal, afferma à Sa Majesté, représentée par le subdélégué de l'intendant, moyennant le prix annuel de 400 livres [Note : Arch. L.-Inf., B, 1717, f° LXXIIJ], « une maison size au marché au bleb de Châteauneuf ». Mais des modifications y étaient nécessaires : le 24 octobre on en avait fait un devis dont l'exécution devait être parachevée en 1731 [Note : S. R. de Chât., Liasse 9].

Le propriétaire ne se préoccupa que de percevoir son revenu et nullement de maintenir l'immeuble dans un état décent. En 1769, l'auditoire était, paraît-il, suffisant et ne nécessitait pas de grosses réparations [Note : Arch. I.-et-V., C, 108]. Mais sept ans plus tard, il était dans une situation lamentable. On y parvenait par une rue infecte ; la salle d'audiences, au premier étage, était une chambre ordinaire, de trente-quatre pieds sur quinze, dont on avait enlevé le plancher supérieur et lambrissé la charpente. Le plancher inférieur, les trois fenêtres, la porte et les panneaux formant la clôture du « parquet » étaient vermoulus : les enduits, dégradés. Le barreau, qui consistait dans un siège à cinq places et des bancs clos pour les procureurs et avocats, ne valait pas mieux ; la garniture des sièges des juges et du procureur du roi pourrissait, la bourre en avait été enlevée. Derrière, une tapisserie en laine, à fond bleu semé de fleurs de lys d'or et des lettres L couronnées, était usée jusqu'à la trame. Le sénéchal, Pic de la Mirandole, avait fait mettre, au-dessus de la place des juges, trois écussons, l'un aux armes de France, l'autre à celles de Bretagne, et le troisième aux siennes propres. Comme ils étaient effacés en 1741, le bailli, Le Rouxeau de Saint-Dridan, avait voulu remplacer par le sien l'écu de Bretagne et celui de France par un autre parti de France et de Bretagne : ses armes devaient faire pendant à celles du sénéchal. Il était offusqué, dans son amour-propre de Breton, de voir l'écusson du « sieur Pic » en parallèle avec celui de Bretagne ; il était surtout désireux de placer ses armoiries dans la salle d'audiences, conformément, prétendait-il, à l'usage des juges nobles de la province. Mais le procureur du roi ne voulut point consentir à cette innovation, disant que si le sénéchal avait pris ce droit, c'était en sa qualité de propriétaire de l'auditoire [Note : S. R. de Chât., Liasse 59 (1741)]. On avait dû enlever le tout. Ces cadres n'eussent pourtant pas été de trop pour dissimuler les déchirures de la tapisserie. Le lambris au-dessus de la place des juges était peint aux armes de Bretagne : mais il était en si mauvais état qu'aux mauvais jours il pleuvait dans l'auditoire.

La chambre du conseil communiquant avec le « parquet » présentait un aspect encore plus déplorable : les murs menaçaient ruine ; et dans cette « prétendue chambre du conseil », il n'y avait ni chaise, ni banc, ni table, ni armoire pour servir de dépôt au greffe.

Le propriétaire mis en demeure d'y faire des réparations, fut obligé, vu l'état précaire de sa fortune, de prier le roi de chercher un autre local [Note : Arch. I.-et-V., C, 108].

C'est dans cet auditoire, qu'à partir de 1731, le mercredi, le sénéchal ou celui qui le remplaçait, en robe, bonnet carré et collet [Note : S. R. de Chât., Liasse 6 (1738). — Un avocat tenait un jour l’audience en « habit bleu et bottes » ; le sénéchal lui fît remarquer que cet habit était peu décent pour un avocat (S. R. de Chât., Liasse 59, 4 septembre 1771). La robe des juges était semblable à celle des procureurs (S. R. de Chât., Liasse 66, 1er juillet 1782)], montait le siège pour faire droit entre les justiciables du ressort. Bien que le jour en fut fixé au mercredi, la périodicité des audiences n'était pas parfaite : la moyenne du nombre des tenues oscillait entre 30 et 40 ; d'ordinaire, il y en avait 32 ou 33 par an ; il y en eût même 44 en 1783, mais en 1768 et en 1775 il n'y en avait eu que 28. En août et septembre, « les agricoles étant occupés à la récolte dans le temps de la moisson », on ordonnait vers la Madeleine la publication des vacances, qui duraient jusqu'aux environs de la Saint-Michel. Des audiences étaient tenues, disait l'ordonnance, de quinzaine en quinzaine, pour les matières sommaires et « célères » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., 11 juillet 1706, 23 octobre 1726, juillet 1750]. Parfois, pour des raisons d'ordre politique, la cour refusait de siéger : en 1765, lors des affaires de Bretagne, le roi dut envoyer l'ordre aux juges de Châteauneuf de reprendre leurs fonctions [Note : S. R. de Chât. (Varia)].

Le sénéchal tenait l'audience, tantôt seul, tantôt assisté d'un autre juge, parfois de ses deux seconds ; à son défaut, le bailli ou le lieutenant et quelquefois tous les deux. En l'absence des juges, les avocats et les procureurs prenaient leur place dans l'ordre du tableau. Le procureur du roi siégeait même parfois à la place des juges et se faisait alors remplacer par un avocat ou un procureur postulant [Note : Aud. civ., 12 août 1715, 3 octobre, 29 novembre 1731, 19 juillet 1741, etc.], de telle sorte que l'audience pouvait être tenue par deux avocats. Un avocat qui avait, à une audience, remplacé les gens du roi, siégeait comme juge à la suivante [Note : Aud. civ., 22 février et 1er mars 1741]. Ces substitutions occasionnaient entre juges, avocats et procureurs, de curieux chasses-croisés. Ils montaient le siège, et quelques instants après ils étaient obligés de le descendre, lorsqu'on appelait une affaire où ils étaient intéressés. Quand un juge ne pouvait connaître d'une affaire il se déportait. On assistait souvent à des séries de déports du sénéchal et du bailli devant leurs remplaçants [Note : Aud. civ., 14 août, 4 septembre 1680, etc.]. On voyait fréquemment défiler ainsi quatre avocats successivement [Note : Aud. civ., 11 janvier 1708]. A certaine audience les trois juges siégèrent d'abord ensemble, puis le bailli seul, le lieutenant seul, un avocat et enfin un procureur [Note : Aud. civ., 23 avril 1727]. Et ce cas n'était pas rare.

Ce système pouvait amener des désordres, les audiences étant presque à la merci du premier avocat venu. En 1790, un juge, qui avait été cassé six ans auparavant, essaya de reprendre ses fonctions. Quand le bailli Le Soucff de Montalembert, qui résidait à Gourin, vint un jour au greffe de Châteauneuf, il s'étonna de voir le registre d'audiences arrêté par l'ancien sénéchal Le Pennec, à qui le Parlement avait interdit d'exercer sa charge et qui l'avait même vendue. Huit jours après, celui-ci recommença ses entreprises ; il parafa une feuille de papier pour servir de registre et il eut l'audace de signer : sénéchal civil et criminel et seul juge de police. En compagnie du greffier et du sergent qu'il s'était adjoints, il attendit, mais vainement, un avocat ou un procureur pour plaider devant lui et il fut obligé de descendre le siège [Note : Aud. civ., 23 et 30 septembre 1790].

Il y avait, en effet, à chaque audience, un huissier de service. Son principal rôle était de faire l'évocation des causes ; mais il était à l'entière disposition des juges ou de celui qui siégeait. Le greffier ou un de ses commis était présent pour faire le rapport des décisions intervenues.

Les audiences ordinaires, qui étaient, à la fin du moyen âge, moins fréquentes que les généraux plaids, n'avaient pas tardé à les remplacer, et ces tenues d'assises s'étaient espacées [Note : Dupont-Ferrier, "Les officiers royaux des bailliages et sénéchaussées et les institutions monarchiques locales en France, à la fin du moyen âge, 1902", 333]. Les plaids généraux ne devaient pourtant pas disparaître. Sous ce nom ou celui de plaids nais [Note : Aud. civ., 14 juin 1680. — Mais on voit : « Plaictz ordinaires…. nez et tenus……… ». Jurid. de Keraznou, 26 avril 1661], qui leur était aussi donné, c'étaient des réunions plénières de toute la sénéchaussée, où devaient se présenter les officiers de la justice royale, où les juridictions seigneuriales faisaient preuve d'obéissance. Mais ils avaient perdu leur caractère véritable, et dans la dernière époque, ils n'avaient d'utilité que par la nécessité d'y remplir certaines formalités et la notoriété plus grande qu'ils donnaient aux ordonnances des juges.

Des plaids généraux se tenaient à Châteauneuf, à Huelgoat et à Landeleau, chefs-lieux des anciennes seigneuries, et, on n'en sait pas la raison, à Saint-Herbot, soit dans l'enclos, soit dans la chapelle du prieuré [Note : Aud. civ., juillet 1781. En juillet 1781, les plaids généraux furent tenus à Châteauneuf, à défaut d'auditoire à Landeleau et de lieu commode à Huelgoat. En fut-il ainsi jusqu'en 1790 ?]. Les juges, comme aux audiences, s'y faisaient remplacer par des avocats ou des procureurs ; il était d'usage de leur faire une « politesse » à cette occasion [Note : Arch. Fin., B, 807. Interrog. du 3 août 178]. Les plaids généraux duraient chaque fois trois jours consécutifs : le mardi à Landeleau, le mercredi à Châteauneuf, et le jeudi à Huelgoat ; il était très rare que ceux de l'un des sièges fussent remis à la semaine suivante. C'était ce qu'il y avait de régulier dans ces tenues, car le nombre en variait autant que l'époque. Ordinairement il y avait deux tenues par an : l’une vers le mois de mai et l'autre vers novembre ; mais ces dates n'avaient rien de fixe. En 1760 et en 1766 il n'y eut qu'une tenue ; à partir de 1780 il y en eut toujours trois ; en 1789 on en compta quatre : en janvier, mai, septembre et décembre. Seuls les plaids généraux de Saint-Herbot avaient une date fixe, le jour de la foire qui s'y tenait le vendredi avant le dimanche de la Trinité, depuis au moins 1643 [Note : Arch. Fin., E, 442] : mais il est vraisemblable que cette coutume était bien antérieure. On les appelait, en 1643, plaids généraux de la cour de Landeleau [Note : Fonds Car Déch., Liasse 3] et, en 1656, plaids généraux de la cour de Huelgoat [Note : Arch. Fin., E, 442], probablement d'après les affaires qui y étaient traitées.

A la fin d'une tenue, la date de la suivante était fixée, et pour qu'elle fût bien connue on la bannissait dans toute retendue du ressort [Note : P. G. juin 1706, novembre 1716, janvier 1733, etc.].

Il fallait bien qu'on en fût informé : les officiers subalternes de la juridiction royale, c'est-à-dire les huissiers, sergents, procureurs [Note : Il semble qu’au XVIIème siècle, les procureurs n'étaient pas appelés aux plaids généraux. (Aud. civ., juillet 1680 ; — Jurid. de Keraznou, P. G. de 1659-1666)] et notaires, devaient s'y rendre. Le greffier faisait l'appel par ordre d'ancienneté dans chaque catégorie. A moins d'une excuse légitime, examinée par le juge qui tenait les plaids, les « défaillants » étaient pour la première fois condamnés à une amende, ordinairement de 64 sols, mais elle était portée au double quand l'officier puni avait encore manqué à la tenue précédente. En 1718, l'un d'eux fut condamné à payer 9 livres et 12 sols à la confrérie du Saint-Sacrement et il fut interdit jusqu'à ce qu'il en eut exhibé le reçu. On peut se rendre compte, par les listes de présence, qu'en général les officiers se rendaient assez fidèlement à la convocation.

Les justices seigneuriales avaient une égale obligation de se faire représenter aux plaids généraux de la cour royale dont elles relevaient, à condition qu'elles eussent leur chef-lieu dans le ressort, et non pas seulement des possessions. Elles en étaient évidemment exemptées quand elles étaient en régale et par conséquent exercées par les juges de la juridiction supérieure [Note : P. G., 11 mars 1738]. Aux premiers plaids généraux, dont les procès-verbaux nous sont parvenus, c'est-à-dire du 20 juillet 1680 et du 15 juin 1706, on n'appela que le sergent féodé ; mais le 16 juin, à Châteauneuf, la juridiction du Moustoir fut appelée, et le lendemain celle de Quinimilin à Huelgoat. En novembre suivant, elles apparaissent respectivement à Châteauneuf et à Huelgoat : mais au cours de la même tenue, la justice de Châteaugal avait été portée sur la liste d'appel de Landeleau. Enfin, en mai 1713, on appela à Landeleau. outre Châteangal. Le Grannec et Kergoat ; en octobre 1714, à Huelgoat, Botmeur avec Quinimilin. Dans le ressort de Châteauneuf ce ne fut qu’en 1750 que figura pour la première fois la justice de Rozéonnec, dont l'exercice avait dû être interrompu jusque là. Un grand désordre régnait donc dans les appels : sauf pour l’une d'elles, on ne sait pourquoi toutes les juridictions n'apparaissent pas aux plaids généraux du début du XVIIIème siècle [Note : Cf. Les P. G. à la date].

Du reste, ce désordre ne fit que s'accroître : en 1743, on appela à Châteauneuf les juridictions de Kergoat et du Grannec, qui relevaient de Landeleau [Note : P. G. de septembre 1743] et en 1760, Châteaugal, qui était dans le même cas [Note : P. G. de janvier 1760]. En 1764, trois juridictions seigneuriales furent convoquées à Saint-Herbot, qui n'était pas chef-lieu de fief et n'avait pas de mouvance. Enfin, à partir de 1767 environ, aussi bien à Saint-Herbot qu'ailleurs, on appela, sauf de rares exceptions, les sept juridictions qui étaient en exercice. D'autres fois, on faisait un appel régulier ; puis, sans raison, à la tenue suivante, une des justices était passée sous silence ; parfois même, le procès-verbal ne mentionne aucunement les juridictions seigneuriales.

Il n'est donc pas étonnant que celles-ci, de leur côté, n'aient pas été représentées bien régulièrement. C'était tantôt le sénéchal [Note :  P. G. de mai 1734, juin 1735, mars 1737] tantôt le bailli [Note : P. G. d'octobre 1735, juin 1742, septembre 1743, avril 1762] qui se dérangeait ; mais c'était surtout l'attribution du procureur fiscal de représenter sa juridiction aux plaids généraux. Cependant, il se débarrassait volontiers de ce soin, qu'il abandonnait à son substitut ordinaire, s'il en avait un, ou à un procureur postulant dans sa justice. Ce remplacement était parfaitement toléré.

Malgré cette grande facilité, souvent, très souvent, les juridictions « faisaient défaut ». Le procureur fiscal ne prenait pas toujours la peine de s'excuser [Note : P. G. de novembre 1718 (Kergoat), de juin 1746 (Grannec)]. La sanction à ce manquement était l'interdiction de la juridiction. Mais elle n'était pas toujours infligée : il semble même qu'elle fut réservée à Botmeur et à Quinimilin : leurs « défauts » étaient plus fréquents que ceux des autres. En 1718, on défendit aux habitants de Huelgoat de donner de local aux officiers de Botmeur pour y exercer leur juridiction, à peine de 10 livres d'amende ; en 1724, on interdit de nouveau la juridiction ; en 1727, on déclara que les précédentes ordonnances seraient suivies ; en 1729, que l'interdiction serait notifiée. En 1714, le procureur du roi constatait que malgré l'interdiction prononcée contre elle, la juridiction de Quinimilin était toujours exercée ; il requérait donc que l'ordonnance fût bannie [Note : P. G. de Huelgoat à la date]. Les interdictions succédaient aux « défauts pour non comparution », les juridictions supprimées continuaient à s'exercer. Plus rarement, les procureurs fiscaux étaient condamnés à l'amende, qui était pour eux de 6 livres 8 sols et qui servait aux réparations de l'auditoire [Note : P. G. de Landeleau, 13 juillet 1727].

Cette obligation pour les représentants des justices seigneuriales d'assister aux plaids généraux de la cour supérieure découlait du lien féodal qui unisssait les deux seigneuries. A l'origine, le seigneur devait y conduire tous ses vassaux [Note : Hévin, Questions féodales, p. 357], puis ceux qui étaient assignés en justice [Note : Hévin, Questions féodales, p. 162] ; on leur faisait droit ; mais comme on devait juger les causes à cette audience, sans pouvoir les retenir [Note : Devolant, Recueil d'arrests, I, 292], les plaids généraux perdirent l'utilité que leur procurait la suppression d'un degré de justice. Le seigneur ou son officier comparut donc seul, sans être accompagné de plaideurs ; malgré cela, le greffier appelait la menée de telle seigneurie, qui n'était composée que d'un seul homme ; faute d'affaires, le congé aux plaids, c'est-à-dire l'autorisation de quitter l'audience lui était immédiatemeni décernée ; cette permission s'appelait aussi la mainlevée de la juridiction, car pendant la durée des plaids généraux, les juridictions inférieures n'étaient plus exercées [Note : Poullain-Duparc, Coutumes générales de Bretagne, I, 89. — Du pont-Ferrier, op. cit., 322. — Fonds Car. Déch., Liasse 11 (23 décembre 1721)] ; cette sentence leur rendait la vie momentanément suspendue. Mais comme au début, la durée des affaires était une cause de retards pour les vassaux venus de loin, chaque seigneurie avait son rang de menée jalousement gardé : à Landeleau, la première menée était Le Grannec, la deuxième Kergoat et la troisième Châteaugal ; à Châteauneuf et à Huelgoat, Le Moustoir et Botmeur étaient les premières. Ce classement avait depuis longtemps perdu son importance ; après la confusion des mouvances dans les trois sièges, on appela les juridictions seigneuriales indifférement l’une avant l'autre.

La comparution des justices aux plaids généraux était donc devenue une simple marque d'obéissance féodale : elle aurait pu être le prétexte d'une surveillance de la cour royale sur ses inférieures ; et de fait, celles-ci durent une fois déposer leurs registres pour être examinés [Note : P. G. du 10 mai 1718]. Mais en général, les procureurs fiscaux, après avoir répondu à l'appel, obtenaient leur congé jusqu’à la tenue suivante.

Pour la cour royale, les plaids généraux étaient des audiences extraordinaires. Si des affaires civiles y étaient traitées, ailleurs qu'à Châteauneuf, comme à Saint-Herbot, où l'on procéda quelquefois à des pourvoyances de mineurs [Note : P. G. de Saint-Herbot, 1656, 1749, 1755], le cas était extrêmement rare. Leur importance consistait dans l’obligation d'y faire la certification [Note : La certification des bannies est le rapport qu'en fait le sergent en jugement (Poullain-Duparc, Coutumes générales de Bretagne, II, 76)] des bannies faites dans les paroisses à l'issue des grand'messes et qui contenaient, avec la description des héritages vendus, le nom de la cour par laquelle l'acquéreur devait s’approprier aux prochains généraux plaids : les tiers intéressés pouvaient s'y opposer à l'appropriement [Note : Nouvelle coutume de Bretagne, art. 249]. Ces « appropriances par bannies rendaient le droit parfait et consommé » [Note : Poullain-Duparc, op. cit., II, 76, 77].

Les notaires devaient remettre aux généraux plaids des extraits des contrats passés par eux touchant des terres relevant du roi ; les employés des Domaines avaient mille peines à les leur arracher [Note : P. G., 15 juin 1706, 16 novembre 1706, etc.].

Enfin, on y publiait les diverses ordonnances relatives à l'entretien des grands chemins, à la police des marchés, des rues, etc., pour qu'elles fussent mieux connues des officiers présents et des autres assistants [Note : P. G. du 16 juin 1706, des 15, 16, 17 novembre 1707, etc., etc. .

L'intérêt administratif et fiscal, joint à leur utilité incontestable dans la transmission de la propriété, exigeait la conservation des plaids généraux. Mais ayant perdu la clientèle des justices seigneuriales et leur caractère de tenues solennelles de justice, ils avaient été remplacés par les audiences ordinaires pour la délivrance des affaires civiles.

(Raymond Delaporte).

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