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SUPPRESSION DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE CHATEAUNEUF-DU-FAOU ET DES JUSTICES SEIGNEURIALES.

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Les élections de 1789 et les dernières audiences.

Nous n'avons pas à exposer comment se forma dans les idées au XVIIIème siècle un courant hostile à l'ordre judiciaire existant, ni comment il triompha à l'Assemblée Constituante. Il nous reste seulement à montrer le rôle politique joué par la sénéchaussée de Châteauneuf, lors des élections de 1789, avant de disparaître l’année suivante en même temps que les justices seigneuriales comme les autres institutions de l'ancien régime.

Sans doute, avant 1789, les officiers de la sénéchaussée s'étaient intéressés à la politique. Pendant l'affaire dite de Bretagne, en 1765, ils prirent fait et cause pour le parlement de Rennes. Ils cessèrent de tenir les audiences malgré l'ordre formel du roi « de reprendre le service de leurs charges » [Note : S. R. de Chât., Varia, Lettres du 24 férrier 1765. - Il n'y eut cependant que 10 audiences en 1765]. Quelques années plus tard, quand le parlement supprimé par Maupeou eût été rétabli par Louis XVI, le 16 décembre 1774 [Note : Pocquet, La Chalotais et le duc d’Aiguillon, III, 570], juges et autres officiers de Châteauneuf lui envoyèrent une adresse de félicitations, « dont la cour se montra satisfaite » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 4 janvier 1775]. Enfin, en 1788, le doyen des avocats, Le Lédan, prononça, à l’occasion de la mise en liberté des conseillers détenus à la Bastille, un discours, au milieu duquel il ne put s'empêcher de verser « des larmes délicieuses » [Note : S. R. de Chât., Varia, Discours de Me Le Lédan, doyen de MM. les avocats, prononcé à l’audience du 15 octobre 1788]. Mais ces manifestations étaient pour ainsi dire imposées au siège de Châteauneuf par sa dépendance plus grande envers le parlement qu'envers le pouvoir royal : elles ne lui supposaient pas d'attributions politiques.

La sénéchaussée de Châteauneuf, comme toutes celles de la province, fut pour la première fois choisie comme cadre électoral lors de la convocation des Etas-Généraux de 1789. Auparavant, en effet, les Etats de Bretagne choisissaient parmi leurs membres ceux qui devaient composer la députation du pays à l'assemblée des trois ordres de France. Ce système fut abandonné en 1789. La noblesse et le clergé devaient nommer leurs députés par diocèse et le tiers par sénéchaussée. Le parlement protesta contre cette innovation. Les deux ordres privilégiés, à l’exception du bas clergé, refusèrent de se faire représenter aux Etats-Généraux. Les officiers de Châteauneuf n'imitèrent pas leur abstention. Mais ils craignaient que la sénéchaussée ne fut pas admise à députer directement et qu'elle fut réunie à une autre plus importante. Malgré une supplique adressée au roi, le 28 février 1789 |Note : Arch. Nat., B III, 38, f°s 393 et sqq], leurs appréhensions se réalisèrent.

Le nombre des sénéchaussées bretonnes étant très élevé [Note : Il y en avait 25], un règlement du 16 mars 1789 fit des plus considérables des centres de réunion pour les autres [Note : Brette, Documents relatifs à la Convocation des Etats-Généraux de 1789, I, 259]. Les sénéchaussées classées comme secondaires devaient envoyer dans les principales des mandataires chargés de nommer, de concert avec les délégués de celles-ci, les députés aux Etats-Généraux. Les sièges de Châteaulin, de Châteauneuf-du-Faou et annexes, de Gourin et de Quimperlé furent unis à celui de Carhaix pour élire deux représentants.

Mais les officiers de Châteauneuf attendaient toujours les pacquets qui devaient renfermer les lettres de convocations aux Etats-Généraux : leur attente ne servit qu'à les « jeter dans une perplexité inquiétante » [Note : S. R. de chât., Aud. extraordinaire du 27 mars 1789]. De Quimper, où ils s’adressèrent, on leur répondit qu’aucune lettre n'y était parvenue à leur adresse et on leur annonça que leur circonsption avait été annexée à celle de Carhaix pour les élections. Un exprès envoyé à Carhaix apprit que le sub-délégué avait expédié à Gourin, où habitait le bailli de Châteauneuf, les lettres relatives à ce ressort. Enfin, le 27 mars, on put en avoir connaissance à Châteauneuf. où elles furent enregistrées le lendemain. Le doute n’était plus possible : la requête au roi avait été rejetée. Il fallut bien se résigner. Après l’enregistrement des lettres et des réglements, Le Bihan de Rumain qui tenait l’audience, ordonna leur publication, « à son de tambour et à cri public dans tous les carrefours et lieux accoutumés ». Il rendit ensuite des ordonnances sur la tenue des assemblées paroissiales pour la rédaction des cahiers el la nomination des députés [Note : S. R. de Chat., Séance extraordinaire du 28 mars 1789]. Malgré leur peu d'importance, le siège de Châteauneuf était investi de pouvoirs qu'il n'avait jamais exercés précédemment.

Le 1er avril 1789, les députés des paroisses du ressort, des communautés d'avocats, de procureurs, de notaires, de greffiers de la sénéchaussée et des marchands de la ville se réunirent pour nommer les quatre délégués qui devaient se rendre à Carhaix y porter le cahier des doléances de la sénéchaussée et prendre part à l'élection des députés aux Etats-Généraux.

Châteauneuf-du-Faou était donc devenu un chef-lieu de collège électoral dont la circonscription comprenait les paroisses où ses juges avaient la connaissance des cas royaux : Châteauneuf-du-Faou avec sa trêve Le Moustoir et représentant aussi Le Quilliou qui n'avait pas un rôle d'impositions séparé, Plonévez-du-Faou et sa trêve Collorec, Berrien et ses trêves Huelgoat et Locmaria, Landeleau, Saint-Hernin, Cléden-Poher et La Feuillée. Mais les limites des fiefs ne coïncidaient pas avec celles des paroisses. Loqueffret, qui relevait en partie de Châteauneuf et en partie de Châteaulin, comparut à l’assemblée de ce dernier siège parce que l'église était sous ce fief. Pour la même raison, Saint-Hernin, dont quelques villages mouvaient à Carhaix, envoya seulement des députés à Châteauneuf. La trêve de Kergloff ne fut pas représentée à Carhaix, bien qu'elle en dépendit, mais à Châteauneuf, par sa paroisse Cléden-Poher. Le nouveau ressort électoral différait donc de l'ancien ressort judiciaire. La sénéchaussée, division d'origine féodale, avait reçu une destination pour laquelle elle n'avait pas été créée.

Il n'y a pas lieu, par conséquent, de s'étonner des anomalies que produisit cette maladroite adaptation [Note : Dans l’atlas des bailliages et juridictions assimilées ayant formé unité électorale en 1789, par M. Brette, ou remarque, sur la feuille 31 consacrée à la généralité de Rennes, un cercle blanc autour des bourgs de Botmeur et de Collorec. Il indique, d’après la légende que ces paroisses ne figurent dans aucun procès-verbal d’assemblée. L’auteur les considère avec raison comme n’ayant pas été frappées par les notifications des officiers des bailliages (Introduction, p. XXXV). Mais les deux localités citées plus baut ne devaient pas l’être. En effet, Collorec, trève de Plonévez-du- Faou, n’avait pas de rôle d’impositions séparé. Le territoire de Botmeur ne formait même pos une trêve mais une simple parcelle de Berrien].

Les cahiers de ces paroisses et des diverses communautés ne contenaient aucune vue intéressante sur l'administration de la justice. Ils se référaient en grande partie à des délibérations prises par les municipalités de Rennes, de Carhaix ou de Quimper. Ils demandaient seulement que la sénéchaussée ne fut pas réunie à un siège voisin, et qu’elle connût en dernier ressort des affaires civiles jusqu'à concurrence de 2.000 livres. De plus, pour écarter toute difficullé entre eux et les juges, les hommes de loi exprimèrent le vœu « que les avocats qui aspireraient à acquérir un office de magistrature soient tenus d'obtenir l'agrément des corps du siège et du barreau et des trois ordres des justiciables ou de deux au moins ».

Mais en définitive les cahiers de Châteauneuf étaient plutôt favorables à l'ancienne organisation judiciaire : leurs rédacteurs étaient des avocats ou des praticiens, à qui la suppression de la sénéchaussée ne pouvait être que préjudiciable. Ils trouvaient seulement les ressorts des justices trop enchevêtrés et demandaient que s'il se faisait des unions de juridictions elles fussent opérées au profit du siège de Châteauneuf. C'était une allusion bien discrète à la suppression possible des justices seigneuriales ; en tout cas elle laissait aussi percer quelque inquiétude [Note : Arch Fin., Cahiers de la Sénéchaussée de Châteauneuf.— Les vingt-sept représentants des villes, paroisses et communautés du ressort de Châteauneuf avaient à envoyer quatre électeurs à Carhaix Leur choix se porta sur Y. Boudehen, avocat, J.-J. Billes, sieur de Villeneuve, procureur, Carquet, procureur du roi et Le Lédan, avocat, qui avec les électeurs des quatre autres sénéchaussées réunies à Carhaix nommèrent, le 10 avril 1789, Le Golias, avocat et juge seigneurial à Châteaulin (Lettre du sénéchal de Carhaix au garde des sceaux, du 12 avril 1789. — Brette, Documents relatifs à la convocation des États-Généraux, II, 212) et Billette de Villeroche, négociant à Quimperlé, députés aux Etats-Généraux. Il est donc inexact d'aflirmer qu'aucun officier seigneurial ne figura parmi les députés du Tiers breton en 1789. Tréhot de Clermont, député de Quimper et Concarneau, était sénéchal du marquisat de Pont-Croix (Revue de Bretagne et de Vendée, V. 413)].

Les craintes des officiers de Châteauneuf n'étaient que trop fondées. Non seulement les justices seigneuriales furent supprimées, mais le siège de la sénéchaussée subit le même sort. La plus grande partie de son territoire fut attribuée au district de Carhaix, divisé lui-même en un certain nombre de justices de paix [Note : Il y avait un juge de paix par canton. Dans chaque canton, le premier nom est celui du chef-lieu ; les communes étrangères à la sénéchaussée de Châteauneuf sont en italiques]. Le deuxième canton du district de Carhaix comprenait Huelgoat, Plouyé, La Feuillée, Berrien ; le troisième, Saint-Hernin, Spézet, Motreff ; le cinquième, Châteauneuf-du-Faou, Le Quilliou, Landeleau ; le sixième, Cléden-Poher, Kergloff ; le septième, Plonévez-du-Faou, Collorec. La commune de Loqueffret passa toute entière dans le canton de Brasparts, qui faisait partie du district de Châteaulin [Note : Arch. Nat., D IV bis, 62]. Mais la sénéchaussée et les juridictions seigneuriales ne disparurent pas immédiatement après qu'une nouvelle organisation judiciaire eût été décrétée par l'Assemblée Constituante. Elles continuèrent à expédier les affaires qui leur étaient soumises, pour éviter toute interruption dans l'exercice de la justice. Ce n’est guère qu'en décembre 1790 que les nouveaux juges de district ou de canton entrèrent en fonctions. Cependant, le 8 juin, Le Bihan du Rumain avait tenu la dernière audience de la juridiction du Grannec : cinq défauts Y furent décernés, « faute de comparoir ». Le 6 décembre, Le Rouxeau, sénéchal de Méros, siégea pour la dernière fois dans son auditoire du Moustoir pour juger une affaire de vol de bois, poursuivie à la requête du même Le Bihan, procureur fiscal [Note : Jurid. du Grannec et de Méros, etc. Cf, Cahiers d’Aud. civ.]. Enfin, le lendemain, 7 décembre 1790. Le Soueff de Montalembert vint de Gourin tenir la dernière audience des sièges royaux de Châteauneuf-du- Faou, Huelgoat et Landeleau [Note : S. R. de Chât., Reg. d’Aud. civ.]. Dès lors, la connaissance des affaires restées en litige dans la sénéchaussée ou les justices seigneuriales fut attribuée aux nouveaux tribunaux créés par l'Assemblée Constituante.

(Raymond Delaporte).

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