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Les Justices seigneuriales et le pouvoir souverain. Etat des Justices seigneuriales du ressort.

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En Bretagne, comme dans le reste de la France, les justices seigneuriales avaient perdu, à la fin du moyen âge, leur ancienne indépendance par l’introduclian de l'appel. Là comme ailleurs, cet abaissement avait été contemporain d'une diminution de leurs attributions, par la création des cas royaux, en Bretagne, des droits du prince, moyen facile de battre en brèche leur compélence civile et criminelle. Mais ce sont des faits généraux, dont on ne peut suivre le développement dans la sénéchaussée de Châteauneuf-du-Faou, vu l’état précaire des documents. Qu'il suffise d'enregistrer ces événements comme accomplis à l'époque où devient possible l'étude des justices seigneuriales de ce ressort. Ce triomphe, du reste, ne désarma pas le pouvoir royal, représenté par ses divers agents : la lutte ne cessa qu'à la fin de l'ancien régime.

A la vérité, le rôle des officiers de la sénéchaussée y fut très effacé, abstraction faite des conflits au sujet des mouvances contestées ; ils ne combattirent que très mollement les justices subalternes. Ils voulurent forcer les officiers seigneuriaux à juger leurs vassaux dans le ressort de la cour royale dont ils relevaient et à se faire recevoir eux mêmes au siège de la sénéchaussée : leur opposition se borna à ces points particuliers : ils négligèrent d'user des moyens de contrôle qu'ils avaient sur la tenue de ces justices, comme les plaids généraux et la régale. L'indépendance des juridictions seigneuriales tendait à renaître : les seigneurs ne voulurent pas se soumettre aux restrictions imposées par le pouvoir souverain, principalement à propos des relèvements ou des unions de justices et de la réglementation des audiences : et, sauf dans le premier cas, ils y réussirent. L’autorité royale se crut forcée d'intervenir : elle créa à deux reprises différentes des commissions chargées de poursuivre les usurpations de justices : les résultais ne furent pas tres heureux. Le nombre des justices seigneuriales augmenta même dans la sénéchaussée : si quelques-unes disparurent, d'autres furent relevées ou virent croître leur importance : leurs limites n'étaient pas d'ailleurs absolument fixes en fait : il se produisait entre elles, comme avec le siège royal, de fréquentes usurpations de mouvances.

Au XVème siècle, le procureur du duc à Huelgoat prétendait déjà que les juges seigneuriaux devaient rendre la justice à leurs justiciables, dans l'étendue du ressort de la cour ducale dont relevaient ces derniers en arrière-fief. Les quevaisiers de l'abbaye du Relec en Berrien devaient donc « recevoir droit » dans les limites de cette paroisse et non dans l’enclos de l’abbaye, qui relevait de Lesneven. Le plus ancien différent à ce sujet date des plaids généraux de Huelgoat du 23 octobre 1465. Le procureur d’office du duc voulait défendre aux religieux du Relec « de troubler, citter, tretter, ajouner, ne fere convenir ne aucuns des homes et subgitz de ceste court par leur court hors la barre et juridicion d'Huelgoat », d'exécuter les biens de leurs sujets hors de la juridiction supérieure, ni de vendre les bêtes saisies dans les garennes situées dans ce ressort, pour non paiement des droits de pâturage. A ces trois griefs, les moines répondaient qu'ils agissaient ainsi depuis « se longtemps que mêmoire d'homme n'estoit au contraire », que le lieu d'exercice de leur juridiction était Plounéour-Ménez et Le Cloistre ; enfin, qu'ayant des vassaux sous quatre juridictions différentes, c’etait « dure chosse stipandier juges et aultres officiers de justice, ce qui pouvoit estre faict en ung lieu ». Une enquête, ordonnée par le sénéchal, fut favorable aux religieux sur deux points. Mais le procureur du duc protestait qu'ils ne pouvaient prescrire contre leur seigneur, « en sa barre d'Huelgoat » [Note : « Entre seigneur et home prescripcion ne meurt en fait de justicement » . La sentence fut mitigée. L'abbaye du Relec fut autorisée à rendre justice à ses vassaux relevant de Huelgoat, hors de ce ressort, à saisir et à faire vendre après sentence rendue dans son auditoire les bêtes saisies dans les garennes ; mais les exécutions sur les biens de ses sujets devaient se faire dans la juridiction de Huelgoat [Note : Arch. Fin., H, 50 (Pièce de 1465].

Au siècle suivant, quelle que dure que fut la chose, les religieux s'étaient résignés à diviser leurs terres, pour la perception de leurs rentes et pour l'administration de la justice, en quatre pièces. Mais cette division ne fut pas faite suivant les limites des courts royales [Note : Arch. Fin., H, 53]. La pièce du Relec ou du Parc, dont dépendaient les quevaises de Berrien, s'étendait sous le ressort de Carhaix, Huelgoat, Lesneven et Morlaix [Note : Cette pièce comprenait les terres situées par rapport au Relec, au sud-ouest de l’Ellé ou Elez, ruisseau qui sort des marais de Saint-Michel, pour se jeter dans l’Aune à Pinity-Saint-Laurent] ; celle d'Outrellé sous Huelgoat, Châteauneuf-du-Faou et Châteaulin [Note : En 1542, ce sont les juges de Carhaix qui représentent le roi dans les affaires de l'abbaye ; mais, en 1543, le nouvel abbé est installé par le sénéchal de Léon. (Bourde de la Rogerie, Analyse d'un compte du Relec, Bull. Soc. Arch. Fin., XXXI, p. 64, 70)]. Outrellé possédait, au milieu du XVIème siècle, un sénéchal, un lieutenant et un procureur. Mais quelque fût le lieu d'exercice de sa justice, il ne pouvait se trouver sous les trois cours à la fois. Le sectionnement des possessions du Relec en parcelles n'obviait donc pas à l'état de choses combattu par le procureur de Huelgoat. Il ne dura pas longtemps : en 1641, la juridiction d’Outrellé était exercée par les officiers du Relec [Note : Arch. Fin., H, 52], et l’éloignement des juges coûta, comme on le sait, la perte de la mouvance de certaines tenues.

Jusqu'au XVIIIème siècle, on trouve des preuves de la prétention des juges royaux de faire tenir les audiences des justices seigneuriales dans le territoire de la cour royale, où étaient portés leurs appels. Aux plaids généraux de 1733, à Huelgoat, on reprocha aux juges de Botmeur d'exercer leur justice à La Feuillée, hors de la juridiction, et à ceux de Quinimilin de ne pas tenir leurs audiences au bourg de Huelgoat, depuis l'annexion de cette seigneurie au marquisat du Tymeur [Note : S. R. de Chât., P. G. de janvier 1733].

A ces mêmes plaids, on fit grief aux officiers de ces deux justices de n'avoir pas été reçus par les juges de la cour royale supérieure. Mais ils ne tinrent aucun compte de ces observations. Les juges royaux se bornèrent, du reste, à prononcer des ordonnances de suppression qu'ils ne firent jamais exécuter.

A part ces rares discussions de principe, ils ne cherchèrent pas à diminuer l'importance des justices seigneuriales. Si le sénéchal de Landeleau, malgré un arrêt du parlement, refusa de recevoir deux officiers du Grannec, en 1667, ce devait être pour affaire personnelle ; ceux-ci, conformément à un nouvel arrêt, durent se faire admettre à Gourin et installer par le sénéchal de Keraznou, délégué à cet effet. Il faut d'ailleurs remarquer que le bailli qui les reçut à Gourin était aussi celui de Landeleau [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 5].

De tels actes de malveillance étaient rares. Celui-ci n'était pas relatif à l'existence même de la justice. Une seule fois, nous voyons discuter le droit de juridiction d'une seigneurie. Encore était-ce à Carhaix, où, à propos d'un aveu collectif de terres, Antoine du Châtel de Mezle dut présenter des témoins au soutien de sa prétention à la haute justice à cause de Châteaugal. Il fut reconnu qu'il avait en Kergloff des patibulaires à 4 potz et qu'il y avait fait exécuter des voleurs [Note : Fonds Châteaugal, Enquête du 2 mars 1555].

Cette arme contre les justices seigneuriales fut enlevée dans la suite aux juges de la sénéchaussée, les aveux des fiefs importants devant être reçus par la Cour des comptes. D'autre part, les officiers de Châteauneuf-du-Faou ne se servirent pas des moyens de contrôle que leur procuraient les plaids généraux et la régale sur ces juridictions.

Les plaids généraux de la cour royale, aux XVIIème et XVIIIème siècles, n'étaient plus en réalité qu'un souvenir : ils consistaient simplement en un appel des menées seigneuriales du ressort ; une seule fois les cahiers d'une des justices furent réclamés pour être examinés.

La régale, bien qu elle fut une institution purement fiscale, aurait pu être l'occasion d'une surveillance plus efficace. A la mort du possesseur d'un fief, mouvant directement du domaine royal, les revenus de sa seigneurie appartenaient au roi pendant une année dite de régale ou de rachat. Durant ce temps, les juges de la cour supérieure exerçaient la juridiction, au détriment des juges seigneuriaux pourvus, dont les pouvoirs étaient ainsi suspendus. La durée de la régale était diminuée de moitié, quand le seigneur mourant n'était propriétaire que de la moitié du fief. Par exemple, pour Rozéonnec, la régale fut seulement de six mois, à la mort de Joseph de Kergariou, en 1787, car cette seigneurie ne lui appartenait que par acquêt de communauté [Note : Arch. Fin, Jurid de Rozéonnec]. Il en fut de même pour Kergoat-Trévigny, après la mort de Joseph-Aymar de Roquefeuille, qui ne possédait que la moitié indivise de cette terre [Note : S. R. de chât. Varia (1782)].

A la nouvelle du décès du seigneur, au premier jour d'audience de sa juridiction, les juges royaux se transportaient à l'auditoire seigneurial : le procureur du roi repuérait l’ouverture de la régale. Parfois, pour la forme, le procureur fiscal faisait des protestations ou des réserves : mais le sénéchal de Châteauneuf passait outre et mettait « l'exercice de la justice en la main du roi pour paiement du rachapt » [Note : Arch. Fin., Jurd. de Rozéonnec].

Les pouvoirs des juges, du procureur fiscal et du greffier [Note : Devolant, Recueil d'arrests, I, 224] étaient dès lors suspendus et les registres de la juridiction remis aux juges royaux [Note : S. R. de Chât. (1782)]. Les procureurs, notaires et sergents continuaient leurs fonctions. Auissi est-il étonnant de voir interdire ces officiers à Méros en 1766 ; par grâce spéciale, il est vrai, on leur permit d'exercer leurs charges ; c'était cependant leur droit strict [Note : Jurid. de Méros, etc., Aud. civ. du 20 janvier 1766].

L'auditoire était examiné ; s'il était convenable, les audiences y étaient délivrées comme par le passé ; sinon, elles étaient tenues à Châteauneuf, « jusqu'à ce que le seigneur eût choisi un auditoire plus décent » [Note : Arch. Fin., Jurid. de Rozéonnec. — S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 16 août 1742]. Pendant la régale, les affaires de la juridiction étaient expédiées par le sénéchal et ses suppléants ordinaires ; parfois il permettait au juge seigneurial de reprendre son siège [Note : Jurid. de Méros, etc., Aud. civ. du 20 janvier 1766] ; parfois encore il passait pour l'année un traité avec un avocat [Note : Régale de Kergoat-Trévigny, Traité du 22 mai 1737 entre le sénéchal et Me Morvan]. Les audiences de régale auraient dû être des modèles de bonne tenue pour les juges seigneuriaux. De fait, le désordre y était plus grand qu'en tout autre temps. Pendant le rachat de Châteaugal, de janvier 1751 à janvier 1752, sept audiences furent délivrées jusqu'au mois d'août, mais aucune dans la suite [Note : S. R. de Chât., Cahier de la régale de Châteaugal]. Durant la régale de Kergoal-Trévigny, en 1759, il ne fut tenu que cinq audiences. A l'ouverture de celle de Méros-Rosily, le 26 novembre 1736, on déclara que les affaires seraient expédiées en l'auditoire de cette cour au Moustoir ; les plaideurs durent maintes fois se déranger en vain, car les juges royaux délivrèrent les audiences de celle juridiction à Châteauneuf [Note : Cf. Les aud. civ. de ces juridictions aux dates indiquées].

L'année écoulée, le procureur fiscal prononçait la fermeture de la régale et permettait à tous les officiers de reprendre leurs fonctions, et cela sans aucune intervention des représentants du roi [Note : Jurid. de Méros, etc., Aud. civ. du 26 janvier 1767].

L'insouciance des juges royaux laissa se développer, parmi les seigneurs justiciers et leurs agents, un certain esprit d'indépendance qui se manifesta en diverses occasions. Pour le relèvement des justices, dont l'exercice avait été interrompu, il fallut à la vérité obtenir l'autorisation de la sénéchaussée, et plus tard du parlement. En 1626, les juges de Huelgoat procédèrent à une enquête sur la juridiction de Botmeur qui n'était plus exercée depuis quelque temps : ils visitèrent la prison et ensuite les patibulaires placées sur la montagne d'Aré, d'où ils se rendirent au bourg de La Feuillée « pour ouyr et interroger témoins sur la justice haute, moyenne et basse » que prétendait avoir le seigneur [Note : Arch. Fin., E, 542, P v. du 4 décembre 1626]. La sentence qui suivit l'information est perdue, mais elle dut être favorable au requérant. Cette façon de procéder fut modifiée dans la suite. Il fallut à Mathurin de Rosily un arrêt du parlement pour « le licentier à relever et faire exercer sa juridiction de Kerverziou », et les juges de la sénéchaussée n'eurent qu'à enregistrer l'arrêt [Note : S. R. de Chât., Liasse 38, Requête du 27 mai 1755]. Somme toute, dans les deux cas, le roi était intervenu en la personne de ses magistrats.

Au contraire, dans l'importanle question de savoir si les unions de justices devaient se faire par Lettres patentes ou à la libre volonté du seigneur propriétaire des deux fiefs, la coutume de la province, qui admettait la seconde solution, se maintint intacte dans la sénéchaussée, jusqu'à la Révolution.

En 1648, les juridictions de Mezle, de Châteaugal, de Rosquijeau et de Tréouésec étaient unies dans le même exercice à Carhaix [Note : Arch. Fin., Cf. La Liasse de ces juridictions. — En 1555, Châteaugal était exercé à Carhaix concurremment avec d'autres justices appartenant au même propriétaire et faisait indûment bénéficier ce siège de ses appels. (Fonds de Châteaugal, Pièce du 2 mars 1555)]. L'année suivante, Châteaugal, Le Quélennec, Le Grannec, Crapado et même Quinimilin, malgré son éloignement, qui appartenaient à Claude du Châtel, avaient les mêmes officiers qui expédiaient toutes leurs affaires dans des audiences tenues en Landeleau [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 36]. Cette importante juridiction formée de l'amalgame de plusieurs autres ne dura que quelques années ; elle fut désagrégée par les ventes successives des diverses possessions de Claude du Châtel dans cette région. Dès 1658, Le Quélennec était rentré dans la sénéchaussée de Carhaix ; Crapado demeura annexé à Châteaugal ; peu après, Le Grannec reprit son existence propre ; Quinimilin, acquis par le marquis de Tymeur, se confondit avec les autres terres de ce puissant seigneur. Mais toutes ces unions et ces désunions s'étaient produites sans la moindre intervention du pouvoir royal.

Il se manifesta seulement quelque opposition de la part des officiers seigneuriaux. En 1662, Le Grannec appartenait à Luc de Marbœuf, et Châteaugal à Jacques de Musuillac.

Le procureur fiscal du Grannec prétendait que le bailli de Châteaugal, qui exerçait ses fonctions dans les deux seigneuries, en vertu d'un ancien mandat du seigneur commun, n'avait plus de pouvoir dans cette dernière depuis la désunion. Le bailli protesta et déclara qu'il allait pourvoir à la tutelle de mineurs domiciliés sous Le Grannec. Mais les juges royaux lui ordonnèrent de s'abstenir « à peine de faux et de dommages-intérêts » [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 5, Aud. du 3 octobre 1662]. C'était reconnaître que le changement de propriétaire produisait de plein droit la désunion des justices.

Bien que l’on voulut implanter en Bretagne le système adopté en France [Note : De Fréminville, Pratique des terriers, II. 264], et qu'en cette province un certain nombre de seigneurs crurent devoir s’y soumettre [Note : Cf. Arch. Fin., B, 1048, Union de Coateloret en Tourc'h à la baronnie de Quimerc'h (1765)], dans la sénéchaussée de Châteauneuf-du-Faou, on s'en tint, jusqu'à la fin de l'ancien régime, à la coutume bretonne. En 1755, le seigneur de Rosily fit exercer sa justice de Kerverziou avec celle de ses autres terres, quoique l’arrêt du parlement cité plus haut ne portât point d'union de justices. Il agit de même lorsqu'il eût acheté Châteaugal et ses annexes ; les mandats des officiers qu'il nomma à partir de cette époque mentionnaient cette seigneurie à la suite des autres terres, où ils devaient remplir leurs fonctions [Note : Jurid. de Moros, Aud. civ. des 10 mars et 24 novembre 1783]. Il unissait ainsi subrepticement et de sa propre autorité l'exercice de justices distinctes jusqu'alors.

De leur côté, les juges seigneuriaux réglementaient à leur volonté, conformément à l’usage suivi en Bretagne [Note : Devolant, Recueil d’arrest, II, 290] le lieu et la date de leurs audiences. En 1640, le sénéchal de Keraznou arrêtait que les audiences de cette cour seraient dorénavant tenues à Huelgoat au lieu de l’être en la chapelle de Saint-David [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 3 octobre 1640]. Le seigneur de Châteaugal, Le Grannec, Crapado, Le Quélennec, désirant que son auditoire fut au centre de ses terres, ses juges ordonnèrent que les audiences seraient désormais tenues dans une chapelle à Pinity-Saint-Laurent, le vendredi [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 10., Aud. du 5 août 1653] ; puis, le sénéchal fixa le jour des tenues au lundi [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 10., Aud. du 26 avril 1661]. En 1703, le local et le jour des audiences du Grannec furent changés [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 11, Aud. du 20 décembre 1703]. Les sergents bannissaient les ordonnances, pour qu'elles fussent connues du public. Si certains seigneurs bretons demandèrent au roi l’autorisation d'apporter de semblables modifications dans l'exercice de leurs justices [Note : Arch. Fin., B, 1058], les officiers seigneuriaux de la sénéchaussée de Châteauneuf se permirent, jusqu'à la fin de l'ancien régime, de réformer en toute liberté les usages même les plus anciens. C'est ainsi que de 1780 à 1786, les audiences de Méros-Rosily et annexes furent délivrées non pas au bourg du Moustoir, comme c'était l'habitude, mais au village de Kerven dans la même trêve [Note : Cf. Cahiers d'audiences de cette juridiction].

Cet esprit d'indépendance avait pu inciter seigneurs et juges à commettre des usurpations. Le pouvoir royal commença à attaquer directement les justices seigneuriales bretonnes, par la création, en 1672, d'une chambre royale du Domaine à Rennes [Note : Giffard, Les justices seigneuriales, pp. 167 et sqq. . Elle avait pour mission de rechercher les usurpations de justices commises au détriment du roi et signalées par Charles Colbert, après son enquête en Bretagne [Note : Lemoine, La révolte du papier timbré en 1675, p. 3].

Après quelques transactions favorables à leurs intérêts, les seigneurs justiciers obtinrent définitivement du roi la suppression de cette commission ; les poursuites avaient du reste été menées très mollement [Note : Giffard, op. cit., pp. 171, 174. 177]. Déjà deux seigneuries de la sénéchaussée de Châteauneuf, Botmeur et Châteaugal, avaient été maintenues dans leur droit de haute justice par des sentences du 14 mars et du 7 décembre 1673 [Note : Arch. Fin., E, 512. — Inventaire des titres de Châteaugal, p. 212].

La Réformation des Domaines du roi, ordonnée en 1678, fut faite, semble-t-il, plus sérieusement. Cette opération devait atteindre les justices, puisque les déclarations des seigneurs impunissables par les commissaires, contenaient toutes les inféodations : rentes et droits de justice. L'équité pourtant ne présida pas toujours à la confection de ce terrier, notamment pour Keraznou et Botmeur. La seigneurie de Keraznou fut déboutée, par sentence du 23 juillet 1682, du droit et des signes de justice : les chefrentes furent déclarés rentes purement foncières [Note : Arch. L.-Inf., B, 1185], malgré un aveu non impuni de 1547, où le seigneur de Keraznou déclarait être haut justicier [Note : Arch. L.-Inf., B, 1185]. Au contraire, la seigneurie du Rusquec, dont la juridiction n'était plus exercée depuis au moins 1639 [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. du 26 janvier 1639], fut maintenue comme basse justice, par sentence du 3 août 1688 [Note : Arch. L.-Inf., B, 1201]. Mais la justice de Botmeur fut interdite « jusqu'après avoir obtenu des Lettres et les avoir fait enregistrer à la Cour des comptes et au parlement, à peine de nullité et de faux et de 100 écus d'amende contre ses officiers » [Note : Arch. Nat., P 1749, f°s 358 et sqq]. Ces formalités furent-elles exécutées ? En tout cas, au XVIIIème siècle, le seigneur de Botmeur faisait exercer sa justice. La commission de Réformation ne supprima en définitive, dans le ressort de Châteauneuf, qu'une seule juridiction, celle de Keraznou.

L'affaiblissement des juistices seigneuriales n'y était donc pas dû aux mesures restrictives du pouvoir royal, ni à l'hostilité des officiers de la sénéchaussée. Si quelques-unes avaient pu disparaître, la principale raison en était le peu de bénéfice que retirait le seigneur de l'exploitation de ses droits de juridiction : celui-ci était naturellement amené à les abandonner peu à peu. C'était surtout le cas des seigneuries de faible importance : plusieurs se contentaient simplement de mentionner leurs droits dans leurs aveux, comme le prieuré du Quilliou [Note : Arch. Nat., P 1750, f° 417], la prébende de Landeleau [Note : Arch. Nat., P 1752, f° 269], et la seigneurie de La Haye. Une sentence de la Réformation débouta cette dernière de son droit prétendu de haute justice [Note : Arch. Nat., P 1748, f° 377]. C'était ce qui arrivait fatalement aux juridictions sans exercice. En effet, la seigneurie de Locmaria, en Berrien, qui s'était inféodée, en 1540 et en 1603 [Note : Arch. L.-Inf., B 1177], de la haute, moyenne et basse justice, se vit ôter ses droits par sentence du 29 août 1682 prononcée par la commission de Réformation des Domaines [Note : Arch. Nat., P 1749, f° 409].

Mais en même temps que certaines seigneuries perdaient le droit de juridiction, d'autres, et en plus grand nombre, s'accroissaient graduellement, soit par la suppression de leurs justices inférieures, soit surtout par l'union d'autres terres acquises par leur propriétaire qui les annexait à ses anciens fiefs. La justice de Trefflec’h, dont quelques pièces du XVIème siècle et du commencement du XVIIème révèlent l'existence, fut dans la suite exercée par la cour du Grannec, où étaient portés précédemment ses appels. De même, la seigneurie de Quinimilin, une fois acquise par le marquis du T’ymeur, perdit son individualité et fut traitée par les juges du marquisat comme une simple dépendance de cette terre, malgré les protestations des juges de Huelgoat. A l’intérieur du ressort, la juridiction des Iles de Crapado en Landeleau fut incorporée au XVIIème siècle à celle de Châteaugal, qu'elle augmenta presque de moitié. Celle de Méros se grossit successivement de Rosily, du Moustoir, et au XVIIIème siècle de Kerverziou et peut-être de Châteaugal avec ses annexes.

Le nombre des justices exercées augmenta même comme leur étendue. Jusqu'à la fin de l’ancien régime on vît ériger de nouvelles juridictions [Note : Viollet, Histoire des Institutions politiques et administratives de la France, II. 466]. Dans le ressort de Châteauneuf, on se contenta de restaurer celles dont l'exercice était interrompu. En 1743, après une longue suspension, la justice de Rozéonnec fonctionnait de nouveau [Note : S. R. de Chât., P. G. de 1750]. En 1735 un arrêt du Parlement autorisa Mathurin de Rosily à relever celle de Kerverziou [Note : Cf. Cah. de la Jurid. de Méros, etc., 2 juin 1755]. Le nombre des justices seigneuriales était donc variable, mais il n’était pas en décroissance. Rozéonnec et Kerverziou réapparaissaient à la place de Keraznou.

Au milieu du XVIIIème siècle, il y avait dans la sénéchaussée sept justices seigneuriales, les juridictions unies à d'autres n'entrant pas évidemment en compte. La suppression de Keraznou réduisait à deux celles qui relevaient de Huelgoat et qui étaient Botmeur et Quinimilin ; trois mouvaient à Landeleau, Le Grannec, Châteaugal et Kergoat-Trévigny, et deux à Châteauneuf, Méros-Rosily et Rozéonnec.

La justice de Keraznou avait été exercée au XVIIème siècle [Note : Cf. Cahiers de cette juridiction aux Arch. du Finistère. — Keraznou appartenait au XVème siècle aux de Berrien, aux de Quelen du Vieux Chastel, puis aux de Lannion, du Chastel de Kerlerc'h, et au XVIIIème siècle aux de Boisadam et aux Begasson de La Lardais]. Les convenants qui en dépendaient étaient situés comme le chef-lieu en Loqueffret ; il y en avait un au bourg, un second à Brennilis ; les autres comprenaient tout ou partie des villages de Neslec'h, Keryéven, Plouénez, Kermorvan, Kerriou, Kerveguénet, Kerflaconnier, Penahars, Rosvéguen, Nestavel-Bras, Leintan et Roc'hingar [Note : Cf. Cahiers de la Juridiction. — Arch. Nat., P 1750, f°s 121 et sqq. — Arch. Fin., Fonds du Chastel de Kerlerc'h].

La seigneurie de Botmeur était moins étendue. Comprimée entre la commanderie de La Feuillée el la vicomte du Faou, elle se composait uniquement de l'enclave de la paroisse de Berrien située à l'ouest de La Feuillée et qui forme aujourd'hui la commune de Botmeur [Note : La commune de Botmeur a été érigée par une loi du 22 mars 1851 ; le territoire de Bot-Cador n'en faisait pas encore partie, il n'a été distrait de Brasparts que par une loi du 20 avril 1854]. Sa juridiction était exercée au XVIème siècle [Note : Arch. Fin., E 443. (Pièce incomplète de 1524)].

Le fief de Quinimilin s'étendait en Berrien sur les villages de Kerampeulven, de Niquelvez, de Coscastel, Kerbizien, Kervao, Kergariou et Kervinaouët-Huella ; il possédait en outre la ligence sur Le Cloître, Coalguinec et Kervinaouët-Isella [Note : Arch. L -Inf., B 1177, Aveux de 1543 et de 1728]. Saisi sur Claude du Châtel, en 1678, il fut acquis par Barthélémy Ferret, conseiller au Parlement, qui l'annexa à son marquisat du Tymeur [Note : Arch. Nat., P 1750, f°s 45 et sqq].

La seigneurie du Grannec [Note : Au XVème siècle, aux Lohennec, La Marche ; au XVIème siècle, aux Coatanezre ; au XVIIème siècle, aux de Plœuc et par échange à Cl. du Châtel, qui la vendit en 1652 à Jean du Châtel, au cours de ses discussions avec sa femme Yolande de Goulaine (cf. de Villiers du Terrage, Bull, de la Soc. Arch., XXX, p. 297 et sqq). En 1660, sur saisie cette terre fut vendue à Luc de Marboeuf qui la revendit neuf ans après aux Carmes Déchaussés qui la possédèrent jusqu'à la Révolution. Ces religieux s’étaient établis d’abord à Saint-Sauveur, en Saint-Hernin, puis à Carhaix et enfin à Rennes en 1690. (Comtesse du Laz, Carhaix, son passé, p. 51. — Chan. Guillotin de Corson, Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, III, 129-130)] avait son chef-lieu sous Landeleau, sans que l’on sut exactement dans quelle paroisse [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3 (1710], mais la plupart de ses possessions étaient sous Châteauneuf. Son fief proche était peu étendu. Il comprenait, en la paroisse de Landeleau, le Vieux-Moulin, Coat-Noennec, Kervéguen, Kerroué, Tréolfen, Kerguz, Kervenez an Coat et Brondohal, et en la trêve de Collorec, Penarc'hoat-Diannez, Stancgleiz, le manoir de Steramparc, Keringouarc'h, Kerandouaré, Pennanec'h-Bras, Guernénez [Note : Arch. Nat., P 1752, f° 1 et sqq] et Kerziellou [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3 ; P. G. du Grannec, 7 novembre 1622]. Cette seigneurie avait encore la ligence de la moitié de Crec'hivin-ar-Ponthou, de Keransaux. du manoir de Langolé et du moulin de Kerroc'h [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 6]. Elle possédait surtout des arrière-fiefs dont elle exerçait la justice, ce qui augmentait considérablement son territoire judiciaire : c'étaient le Nezert, le Cleuziou et Trefflec'h. La mouvance sur le Nezert et ses dépendances, Kerguelen, Linscoff et Bercam-Penanros, lui fut reconnue par une sentence du 18 mars 1682 [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3]. Le Cleuziou était une seigneurie bien plus vaste [Note : Au XVème siècle, aux de Berrien ; au XVIème siècle, aux Kervégant ; au XVIIème, aux Toulgoet puis aux Kergariou et par alliance aux Raison du Cleuziou au XVIIIème siècle]. Elle se composait de convenants à Cozilis, Kerlosqnet, Guerviloc'h, Treouriet, Toulanfaven, Stangarborn, Languian, Penavern-an-Ennaër, Kerdrein, Guerniliou, Rutan, Kernevez-Saint-Clair, Crec'hivin-an-Du, Crec'hivin-an-Ponthou, Spernen, Penalan, Garzbihan, Kerdanniou-près-le-Bourg et Kerhoaden, le tout en Plonévez-du-Faou et sa trêve [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 5]. Plusieurs de ces tenues étaient enchevêtrées dans d'autres dépendant des seigneuries unies de Trefflec'h et Keramanac'h, et dont une sentence de 1689 avait reconnu la ligence au Grannec [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 21]. D'après une autre sentence signifiée au greffier de Châteauneuf en 1688, Trefflec’h, Kerdudon, Kerlosquet-Derrien, Guerdéniel-Bihan, Goellet-treo-Bihan et Bras, Penavern- Trefflec’h, Guemelé, Keramanac'h, Kerriou, Languian, Lannunves, Poulancerf, Le Mennec, Kerdieusit, Keridré, Lesvrec'h, Kerdrein-Bihan et Coat-Keramanac'h, en faisaient partie [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 5]. Mais ces terres avaient encore des dépendances à Kerroc'hou, en Berrien, et, en Cléden-Poher, à Kerleur, Crac'hmeur et Bouillen-Bras [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 6]. Enfin deux mouvances contestées, l'une à Toulanhaye, et l'autre à Kerdannion-près-le-Bourg, leur furent attribuées au XVIIIème siècle [Note : Fonds Car. Dech., Liasse 9. — S. R. de Chat., Liasse 37. — Treffec’h et Keramanac’h passèrent des Keramanac'h aux de Quelen au XVIème siècle, aux de Lannion au XVIIème, et par alliance aux de Pou, au siècle suivant]. La juridiction de ces seigneuries s'exerçait en 1562 à Plonévez-du-Faou [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 9], et en 1616 au bourg de Collorec [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 9] : dans la suite il n'en est plus fait mention, elle fut absorbée, comme on l'a dit, par Le Grannec, sa cour supérieure. Les pièces qui prouvent l'exercice de cette justice sont en très petit nombre, mais elles montrent que Trefflec'h avait en Plouyé des vassaux sujets à sa cour c'étaient les tenanciers de Kerbrat-Uhellaff. de Coatcod, du Guern et d'un convenant au bourg [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 6]. Le Grannec possédait aussi de proches mouvances dans cette paroisse à Keriégu, à Kerguévarec et à Boulouzart [Note : Fonds Car. Déch., Liasses 5 et 6]. Toutes ces tenues étaient des arrière-fiefs de la châtellenie de Plouyé. Les Carmes prétendirent pourtant que ces dépendances du Grannec relevaient du roi à Landeleau et que la complicité d’un de leurs prédécesseurs avait seule fait attribuer la mouvance au marquis du Tymeur, seigneur de Plouyé. De fait, en 1615, ce furent les juges de Landeleau qui connurent en appel d’une affaire relative à des mouvances du Grannec en Plouyé : mais en 1709 ce rôle était dévolu aux juges royaux de Lesneven comme supérieurs du Tymeur [Note : Fonds Car. Déch., Liasses 3, 5 et 7]. De quel côte était le droit ? Il est bien difficile de se prononcer.

Comme Le Grannec, Châteaugal avait en Plouyé des dépendances dans trois villages à Boulouzart, à Keryven et à La Villeneuve [Note : Inventaire des titres de Châteaugal, p. 194 à 201]. Son chef-lieu était en Landeleau ainsi que la plus grande partie de son fief, les manoirs de Kerambellec el de Kerouantec, Pont-Pinity-Saint-Laurent, des convenants à Kerhamon, au Stang-Isela, à Kergoat, Kermeur, Crec'h-ar-Moualc’h, Lensec’h, Kerscaven, Francen, Kergonan : mais les villages de Richemont et de Lostanlen, en Cléden-Poher, de Buzudel [Note : Inventaire des titres de Châteaugal, p. 177 à 179], et de Lostanvern, en Plonévez-du-Faou, relevaient aussi de Châteaugal. La seigneurie des Iles de Crapado, qui resta unie à cette dernière depuis le milieu du XVIIème siècle, avait toutes ses possessions en Landeleau : c'étaient les manoirs du Cloître, du Cleuziou et de Lezran-Bras, Lezran-Bihan, Rest-Derrien, Rest-Taniou, Kerglaziou, Penfoul, Clouaric, Restinez, et une partie de Kerscaven, de Pinity-Saint-Laurent, et de Kerambellec [Note : Arch. Nat., P 1751, f°s 37 et sqq. — Fonds de Châteaugal, Inventaire des titres de Châteaugal]. La juridiction de Châteaugal s'exerçait encore sur des terres situées dans le ressort de Châteauneuf, mais relevant de la seigneurie de Pratulo, en Cléden, Douaranabat, Penanros- Rozaon, Le Goast, Tyrilly, Castelboc'h. Kerzaouéret et Ros-hubot [Note : Cf. Cah. d'off. de la jurid. de Méros, etc. (1769). — Inventaire des titres de Châteaugal, pp. 11, 14, 25, 31, 180, 182, 187]. Celles-ci avaient dû être confondues parles Musuillac avec leurs biens relevant de Châteaugal, comme auparavant les propriétaires de Pratulo avaient annexé ces acquêts à cette seigneurie [Note : Pratulo pouvait être une juveigneurie de Châteaugal. Mais pour quelle raison, en ce cas, la juridiction royale s'exerçait-elle dans la plus grande partie de ce fief ? L'absence de documents judiciaires relatifs à Châteaugal empêche de se prononcer]. Primitivement elles n’en relevaient pas : les unes étaient de simples terres nobles, les autres d'anciennes dépendances de la seigneurie de Keramoal, acquise en 1622 par les Capitaine, ascendants des Musuillac. Mais la justice sur quelques-unes de ces dernières était exercée par le siège royal [Note : Cf. Pour Boudrac’h, Arch. Nat., P 1748, f°s 463-471] et sur les autres par Châteaugal [Note : Cf. Pour Tyrilly, Inventaire de Châteaugal, p. 153 (Arrêt de 1741)], sans que rien n'autorise cette différence de traitement. La seigneurie de Châteaugal [Note : Châteaugal passa successivement du XVèm, au XVIIIème siècle dans les familles de Kermellec, du Chastel-Mezle, de Musuillac et Hay. En 1774, Toussaint de Cornulier et Pauline Hay des Nétumières vendirent cette terre à François de Rosily (Arch. L.-Inf., B 1206)] avait une autre annexe, La Haye, mentionnée plusieurs fois au XVIIIème siècle [Note : S. R. de Chât., Liasse 66 (Pièce de 1708). — Ibid., P. G. du 12 mai 1716]. Mais nous ignorons sa consistance. Etait-ce le manoir de La Haye en Cléden avec ses convenants de La Haye-Creis, Kermoën et Bodic-Isella ? [Note : Arch. Nat., P 1751, f°s 21 et sqq].

A l'extrémité orientale de la sénéchaussée, s'enfonçant comme un coin dans le ressort de Carhaix, s'étendait la juridiction de Kergoat-Trévigny, dont le chef-lieu se trouvait en Saint-Hernin. Dans cette paroisse, dont elle couvrait une grande partie, elle avait des convenants à Kermais, Keréant, Languerouan, Restergant, Leintudec, Kermanac'h, Penfrat, Kerambellec, Goarem-ar-Boulc’h, Kerbreudeur, Saint-Deval, Lezuveil, Mogoardy, Pengorvel, Lambrestan, Kerhamon-Bihan et Bras, Kerlerc'h, Goaranvec, Litybran, Le Garo, Goazegonan, Traonbars, les anciens manoirs de Kergus, de Cusulbic et de Kernizec, et enfin quatre tenues au bourg. Ses posssessions en Cléden étaient aussi compactes quoique moins nombreuses ; sauf les convenants situés à Kergonan-Bihan et au Bourg, elles étaient d'un seul tenant : Le Roz, Langantec, Kergoff, Le Rest, La Villeneuve, Kersesiou, une partie du Bouillen et de Kerhervé et les anciens manoirs de Leinanvez et du Guern. Quelques villages ou portions de village en relevaient encore : Lescléden, en Motreff, Guerncudel, Rest-Goaler et Botcarrec-Uhella en Spézet. Dans la même paroisse la seigneurie de Kergoal avait d'autres vassaux à Kerpunz et à Poulancerf, mais dont les tenues étaient des arrière-fiefs de Carhaix et non pas de Landeleau [Note : Arch. Fin., A 8, f° 911. — La seigneurie de Kergoat passa de la famille de ce nom aux du Quélenec, au XVIème siècle, et successivement aux de Lesmais, de Perrien, Le Moyne de Trévigny, et au XVIIIème aux de Courcy. Elle appartenait aux de Roquefeuille à l'époque de la Révolution. (Comtesse du Laz, Carhaix, son passé, etc., p. 17 à 24)].

Sous Châteauneuf-du-Faou, la juridiction la plus considérable était celle de Méros-Rosily et Le Moustoir. Ces trois seigneuries étaient originairement distinctes, mais l'union entre les deux premières était si ancienne et si complète qu'on confondait leurs mouvances. Le manoir de Rosily avait été de bonne heure délaissé par la famille de ce nom, aux mains de laquelle resta cette terre jusqu'à la Révolution ; le séjour de Méros lui fut préféré. Le Verru, Coatibilic, Menez-Meur, Kerroignant, Kereffran, Le Costy, Kerguyvarec, Kerriou, Ty-Yvon-an-Du, Le Mennec, en Châteauneuf, Kerhuel, Kérénoret, Kerganévet, une partie de Penalan et de Kergonan en Plonévez, Kerriou, en Landeleau, composaient ce fief [Note : Arch. Nat., P 1748, f°s 33 à 52].

Le Moustoir, ancien fief de Templiers, suivant la tradition, appartenait aux de Rosily depuis longtemps : son seigneur était le premier menéant de Châteauneuf. Exercée dès la fin du XVème siècle [Note : La Chesnaye des Bois, Dict. de la Noblesse, 2e édit., XII, 325-330], sa justice n'était pas très étendue : elle comprenait le bourg trévial du Mousloir, Penquer-Lonchec, Guérisit, Kerandiatret, Kergastel, une partie du Crann et de Kermais, Pezernic, Kerven, Gubleuyou, Lanmeur, Kergoat, Crec'hanyar et une petite tenue aux Fontaines, en Châteauneuf, deux convenants à Cogastel, trois à Crec'hmadiec et un à Kervoel, en Plonévez [Note : Arch. Nat., P 1747, 165 et sqq]. Les seigneurs de Rosily ne songeaient, semble-t-il, qu'à augmenter leurs possessions. En 1652, l'un d'eux acheta la seigneurie de Kervazaën [Note : Inventaire des titres de Méros, p. 339], mais elle n'avait pas de droit de justice. Environ cent ans plus tard, son arrière-petit-fils acquit la seigneurie de Kerverziou [Note : Kerverziou appartint, au XIVème siècle aux de Kerverziou, puis aux de Keraër, de Kerlozrec, de Keruzaouen, de Kerliver et de Carné. Cette terre fut achetée par Mathurin de Rosily en 1749], dont la juridiction, exercée en 1504 et en 1590 [Note : Inventaire des titres de Méros, 136 et 130], mais interrompue depuis quelque temps, fut rétablie sur sa requête. La justice de Méros-Rosily, à laquelle elle fut unie, s'accrut donc de Penbroës, Le Divid, Penanrun, Trédiern, Kerdanniou, Rosabaouen, Trémellé-Bihan [Note : Village aujourd'hui disparu], d'une partie du Crann et de Kermais, en Châteauneuf, de convenants à Kerroué, Kerdanniou-Pont-ann-Aour, Botbéguen, Kertanguy, Langalet, Kergodel, Faven, Penhoat-Bras et Bihan, Croix-hent-an-Stum ou Ty-Boul, Kerguinquis, Trolezron, Kervoël, Ligouffin, Penlannic [Note : Collection de M. Richard, Extraits des domaines : Plonévez-du-Faou], de la moitié de Bodéost et de Kervouezan [Note : Arch. Nat., P 1747, f°s 433-488]. On tâchait de faire rentrer dans la seigneurie les terres qui en étaient sorties antérieurement lors de partages, par des échanges, comme Kerganévet et Kergonan [Note : Arch. Nat., P 1748, f° 157]. Au XVIème siècle, Le Pappe de Kermorvan qui tenait en ramage sous Kerverziou des héritages à Coatibilic, Penanprat, Kergonan et au Pezren, les vendit au seigneur de Rosily [Note : Inventaire des titres de Kerverziou, p. 53], qui fut débouté à la Réformation du droit de justice qu'il prétendait sur ces terres [Note : Arch. Nat., P 1747, f° 417], la juridiction de Kerverziou étant aux mains des juges royaux ; la restauration de cette justice lui permit d’user régulièrement de ses prétentions. Mais en définitive Méros-Rosily était devenu par ses annexes aussi considérable que Le Grannec.

En comparaison de ses deux puissantes voisines, la seigneurie de Rozéonnec était de bien faible étendue. Elle se composait de tenues disséminées dans la paroisse de Plonévez-du-Faou, Restéoul, Kerroué, Penhoat-Creis, Keranliéven, Kerambrou, Penarvoaz, Trebuon, Crec'hanruguel, Bothunou, Kernévez-Lan, Botdreinlouet, Bazarel, Stangouziou, Keryoret, Cosquérou, Coatcam, Parcou, Marchy et le moulin de Canvel. Un convenant à Perroz, en Lannédern, un autre à Garsangarof, en la trêve du Cloître, en relevaient encore [Note : Arch. Nat., P 1748, f°s 241 et sqq]. Somme toute, elle était peu importante, ce qui expliquait pourquoi sa justice était restée longtemps sans exercice [Note : Rozéonnec passa des Corbet aux Kermabon et au XVIIIème siècle aux Kergariou qui possédaient cette seigneurie au moment de la Révolution].

Pour épuiser la liste des juridictions seigneuriales de la sénéchaussée de Châteauneuf, il faudrait citer encore celles qui, n'y ayant pas ieur chef-lieu, y possédaient cependant des tenues, comme La Feuillée, Le Relec, Kergoat-Kerviniou et Kerdanet.

La commanderie de La Feuillée exerçait sa justice sur le Peulliou, en Plonévez-du-Faou [Note : Arch. L.-Inf. B 911. (Aveu de 1574)].

L'abbaye de Relec, outre les biens nommés plus haut dans l’énumération de ses possessions en Brasparts, Loqueffret, Pleyben et Gouézec, détenait sous Huelgoat la plus grande partie de la paroisse de Berrien, composée d'une tenue au bourg des villages de Trédudon-le-Moine, Quinimoualc'h, Kerraden, Goashalec. Le Crann, Tillybrennou, Kermaria, Kernevez, Reuniou. Goasquintin, Merdy, Kernon, et de deux moulins [Note : Arch. Nat. 1750, f° 300 ; Arch. Fin. H 53 (Rentier de 1709)].

Les possessions de Kergoat-Kerviniou dans la sénéchaussé se reduisaient à deux convenants à Keraliou, en la trêve de Locmaria [Note : Arch. L.-Inf., B 1177], sur lesquels le Tymeur, qui avait absorbé cette signeurie, comme Quinimilin, exerçait sa justice [Note : Jurid. du Tymeur, Scellés en Berrien].

Ajoutons pour terminer que la juridiction de Kerdanet, en la trêve du Cloître-Pleyben, et qui était du ressort de Châteaulin [Note : Arch. Fin. S. R de Châteaulin, Cahier d'enregistrement des procureurs fiscaux], s’exercait à la fin du XVIIIème siècle à Meslé, en Plonévez, c’est-à-dire en plein fief de Châteauneuf. Le manour de Meslé dépendait en effet de la seigneurie de La Haye, qui relevair cette cour. En 1682. Marie Quemper, veuve de Jean du Louët, fut déboutée du droit de justice à cause de la Haye [Note : Arch. Nat., P 1748, f°s 377-388]. La juridiction cependant s’appelait au siècle suivant Kerdanet. Les Salles La Haye et annexes ; malgré cela il est improbable que la juridiction de La Haye fût exercée : elle n’est pas citée par le sénéchal de Châteauneuf, dans son état de justice dressé en 1717 [Note : Arch. I.-et-V., C 1818] ; elle n'est jamais appelée aux plaids généraux ; enfin, aucun document de la juridiction de Kerdanet et annexes n'est relatif aux tenues relevant de La Haye [Note : Cf. Jurid. de Kerdanet, etc., aux Arch. du Fin.] ; c'étaient les juges royaux qui exerçaient la justice dans l'étendue de cette seigneurie [Note : Cf. Scellés du S. R. de Chât., en Châteauneuf et Plonévez].

Tels étaient les territoires respectifs des juridictions seigneuriales du ressort de Châteauneuf, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Mais leurs limites n'avaient rien d'absolument fixe. Il se produisait entre elles des compétitions de mouvance. L'apposition des scellés était l'occasion ordaire des usurpations. Malgré les enchevêtrements inextricables des fiefs, celles-ci étaient moins nombreuses qu'on serait tenté de le croire. Le dépouillement des liasses de ces juridictions fournit seulement deux exemples, une apposition des scellés à Kergoff par le Tymeur au détriment de Kergoat, et une autre au Salou par la vicomté du Faou au détriment de Botmeur [Note : Cf. Scellés du Tymeur et du Faou]. Les contestations devaient être tranchées par la sénéchaussée et en appel par le parlement ; comme on le voit, les magistrats royaux n'avaient que bien rarement à intervenir.

Toutes ces constatations sembleraient indiquer que les juridictions seigneuriales étaient prospères à cette époque. Dans leurs luttes contre elles, les agents des domaines étaient demeurés impuissants, les juges royaux ne s'étaient signalés que par une indolence voisine de la connivence.

Les libertés, accordées par le droit breton aux seigneurs justiciers, n'avaient guère été entamées par l'introduction des usages français. D'autre part, si de faibles seigneuries avaient perdu leur juridiction, d'autres s'étaient accrues et fortifiées de la disparition de leurs rivales. Cette prospérité des justices seigneuriales n'était cependant qu'apparente, et l'étude de leur fonctionnement et de leur compétence montrera qu'elles étaient, pour ainsi dire, en pleine dégénérescence.

(Raymond Delaporte).

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