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LA SÉNÉCHAUSSÉE DE CHATEAUNEUF-DU-FAOU : les officiers des Justices seigneuriales.

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Dès le commencement du XVIIIème siècle, le nombre des officiers des justices seigneuriales était en diminution comme le chiffre des affaires civiles qui y étaient expédiées. Nous le constaterons en étudiant les modes de réception et les attributions des juges seigneuriaux et de leurs subalternes. La hiérarchie était calquée sur celle de la sénéchaussée. Après les juges et le procureur fiscal, venaient les avocats, leurs suppléants attitrés, mais qui n'étaient pas pourvus d'offices, puis les greffiers, les procureurs, les notaires et les sergents. Exception faite de la charge du greffier, qui n'était en quelque sorte qu'un fermier du seigneur, tous les offices étaient de même nature : leur transmission n'était pas réglée par les mêmes principes qu'au siège royal ; elles dépendaient exclusivement de la volonté du propriétaire de la seigneurie. Malgré ce système de recrutement un peu différent, on retrouvait dans les justices seigneuriales, sauf quelques exceptions, les mêmes praticiens qu'à la cour de Châteauneuf, et nous pourrons appliquer aux officiers seigneuriaux le jugement que nous avons déjà porté sur ceux de la sénéchaussée.

Dans les justices seigneuriales du ressort le premier juge était le sénéchal ; le plus souvent il en était le seul. Pourtant au XVIème siècle, Outrellé avait un sénéchal et un lieutenant [Note : Arch. Fin., H 53, Compte de 1537-1538] ; en 1599, Châteaugal possédait un sénéchal, un bailli et un lieutenant [Note : Fonds Châteaugal, Aveu de 1599] ; en 1659, Keraznou avait aussi un bailli et un lieutenant, mais sans sénéchal [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 29 mai 1659]. A la même époque, les diverses juridictions du marquis de Châtel de Mezle étaient exercées par deux juges. Dans la suite, aucune juridiction de la sénéchaussée ne posséda plus d'un juge, sauf Le Grannec qui eût un bailli jusque vers 1775. Si les seigneurs ne pouvaient à leur gré augmenter le nombre de leurs juges [Note : De Fréminville, Pratique des terriers, II, 194], ils pouvaient du moins le diminuer.

Le sénéchal remplissait toutes les fonctions judiciaires. Les baillis et les lieutenants, dans les juridictions qui en étaient pourvues, étaient chargés de le suppléer. Son auxiliaire le plus puissant, le procureur fiscal, était, comme on l’a dit, l'âme de la justice seigneuriale, le moteur qui lui communiquait le mouvement et la vie. Son rôle ne se bornait pas à requérir dans les affaires civiles et criminelles, à s'occuper des intérêts de la seigneurie, il remplaçait encore le sénéchal pendant ses fréquentes absences et parfois gérait seul la juridiction durant des années entières [Note : Jurid. de Méros, etc., Aud. civ., 1754, 1773, 1774]. En cas d'empêchement de sa part ou s'il était partie en cause [Note : Jurid. de Méros, etc., Aud. civ. du 19 février 1715], un procureur de la juridiction prenait sa place, s'il ne s'était pas choisi lui-même un substitut [Note : Fonds Car., Déch., Liasse 10 (22 août 1651). — Jurid. de Méros, Aud. civ. du 30 juillet 1715, du 22 avril 1760].

Juges et procureur fiscal étaient nommés par le seigneur de la cour, qui leur délivrait un mandement. Ces provisions contenaient parfois une limitation de la durée des fonctions et spécifiaient que l'office n'était accordé que pour le temps qu'il plairait au propriétaire de la seigneurie [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ, du 14 août 1638. — Fonds Car. Déch., Liasse 39 (1752). — Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 27 avril 1754]. Le seigneur avait, en effet, le droit de révoquer ad nutum l'officier institué à titre gratuit [Note : Giffard, Les justices seigneuriales, etc., p. 89]. S'il avait vendu la charge, il lui fallait, au moment de la révocation, en rembourser le prix [Note : Devolant, Recueil d'arrests I, 143]. Les mêmes principes s'appliquaient aux offices subalternes. Tous les mandats seigneuriaux devaient être gratuits dans la sénéchaussée, mais nous n'en avons la preuve que pour Keraznou et Le Grannec.

Les officiers pourvus par le seigneur devaient se faire recevoir par les juges de Châteauneuf, dans les mêmes formes que les procureurs et les notaires de la sénéchaussée [Note : S. R. de Chât., Liasse 66, Réceptions d'officiers seigneuriaux]. Comme eux, ils étaient tenus de prêter serment à l'audience du siège royal [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 12 août, 23 septembre 1716, 11 janvier 1741, etc. Le seigneur ne pouvait dispenser ses officiers de cette obligation. La licence accordée à Olivier-Louis Corret de Kerbauffret d'exercer les fonctions de procureur fiscal de Kergoat, avant d*avoir été reçu par la cour supérieure était donc tout-à-fait irrégulière (Jurid. de Kergoat, Aud. civ. du 9 janvier 1744]. Dès lors, il leur était loisible de se faire installer dans la juridiction à laquelle ils appartenaient. L'installation se faisait par un juge de Châteauneuf [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ., 21 août 1780. — Fonds Car. Déch., Liasse 11 (10 janvier 1704)] ou par le sénéchal de la justice seigneuriale [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 15 février 1757], quand le récipiendaire était le bailli ou le procureur fiscal. A partir de ce moment le nouveau juge pouvait exercer ses fonctions, jouir des prérogatives attachées à sa charge et percevoir ses gages. Les seigneurs salariaient, en effet, leurs juges. Plusieurs comptes de seigneuries donnent le montant de ces honoraires, qui étaient aussi minimes que ceux payés aux officiers royaux par les Domaines. Le sénéchal d'Outrellé recevait 60 sols par an, le bailli 100 sols, y compris sa pension (?), le procureur 40 sols [Note : Arch. Fin., H 53, Compte de 1537-1538]. En 1599, le sénéchal de Châteaugal « touchait à chacun terme de Saint-Mahé 40 sols, le bailli et le procureur 38 sols 4 deniers ». . Le lieutenant et le grefiier de cette juridiction n'avaient pour gages que les taux et amendes de la cour [Note : Fonds Châteaugal, Aveu de 1599]. Les bénéfices retirés de l'exercice de la justice allaient remplacer les gages fixes. A cette époque déjà les officiers de Keraznou jouissaient des taux et amendes, mais sans rien percevoir des revenus de la seigneurie [Note : Arch. L.-Inf., B 1185, Aveu de 1547]. Un mandat de bailli du Grannec, en 1757, mentionnait expressément qu'il ne toucherait pas d'épices ni de vacations dans les affaires civiles qui ne seraient pas à l'avantage des propriétaires de la terre, ni dans les procédures criminelles poursuivies à la requête du procureur fiscal [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 11 janvier 1757] : c'était lui reconnaître le droit d'en percevoir dans les autres. Depuis longtemps les épices avaient, en effet, remplacé les gages dans toutes les juridictions du ressort.

En même temps que la nature de leurs émoluments se modifiait, l'origine des juges changeait également. Jusqu'au XVIIème siècle c'étaient des nobles qui remplissaient le plus souvent ces charges. Une petite justice, comme Outrellé avait pour sénéchal Jean de Kerpérennés, seigneur du Boisgarin, qui était en même temps procureur du roi à Carhaix et bailli des sièges de Châteauneuf-du-Faou, Huelgoat et Landeleau ; le lieutenant, Jean de Botmeur, et le procureur, Jean de Trefflec'h, appartenaient aussi à des familles nobles. Mais à partir du XVIIème siècle les praticiens, issus des familles bourgeoises des villes environnantes, occupèrent, sauf de rares exceptions, tous les offices seigneuriaux de judicature dans le ressort.

Les juges pourvus négligeaient parfois de venir délivrer les audiences : ils étaient alors remplacés par des avocats faisant partie du barreau de la sénéchaussée. Les avocats jouaient un grand rôle dans les justices seigneuriales où ils pouvaient suppléer les magistrats absents, sans l'autorisation du seigneur justicier. Pendant de longues périodes ils furent pour ainsi dire les seuls maîtres de certaines juridictions, de celle de Kergoat, par exemple, pendant la dernière moitié du XVIIIème siècle [Note : Jurid. de Kergoat, Cf. Aud. civ., 1749 et sqq].

Tout au contraire des avocats, les greffiers, procureurs, notaires et sergents étaient munis d'un mandat du seigneur justicier. Les greffiers cependant se distinguaient des autres officiers subalternes par la nature de leur office : ils étaient de véritables fermiers de la seigneurie. Les greffes ne leur étaient concédés que moyennant une rétribution annuelle ; quelques prix de ces fermages nous sont parvenus. Les greffes du Grannec étaient affermés 36 livres en 1699 [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 18], 40 livres en 1717 [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 11], 90 livres en 1731 [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3] ; puis le prix diminue avec le nombre des affaires de la seigneurie ; il n’est plus que de 70 livres en 1732 et de 30 livres en 1745 [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 10]. Les greffes de Méros, après l'annexion de Kerverziou, n'étaient loués que 50 livres en 1759. Malgré cela, le greffier ne retirait que peu de bénéfice de sa gestion. En 1731 l'exploitation des greffes en régie ne produisit que 133 livres ; en prenant ce chiffre comme moyenne de l'année suivante où la ferme montait à 90 livres, le gain du greffier n'aurait donc été que de 43 livres. Le profit était assez maigre. Aussi le greffier cumulait-il souvent ses fonctions avec celles de procureur et de notaire [Note : Comme Briand à Kergoat et Didier à Méros].

D'ailleurs sa qualité de fermier lui donnait le droit de subroger un tiers à sa place, avec l'autorisation du seigneur [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ. du 8 juin 1761]. De plus, sa femme pouvait gérer les greffes en cas d'absence ou d'empêchement de sa part. C'est ainsi que Didier, greffier des juridictions de Méros et annexes, étant parti pour la Lorraine, son pays natal, sa femme fit nommer un commis pour s'occuper du greffe jusqu'à son retour [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ. du 19 juin 1761].

L'accord signé entre le seigneur et le nouveau fermier des greffes, celui-ci n'entrait pas immédiatement en fonctions. Il lui fallait un mandement qu'il exhibait aux juges de la juridiction, devant lesquels il prêtait ensuite serment. Le mode de réception des procureurs [Note : Jusqu'au milieu du XVIIème siècle, les procureurs étaient reçus à postuler dans une justice seigneuriale sans mandat et sur leur seule demande (Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 19 mars 1638 et du 15 février 1639). N'étant pas officiers, ils n'étaient pas appelés aux plaids généraux], notaires et sergents était identique à celui des greffiers. Ces officiers recevaient des Lettres de provisions du seigneur, sauf ceux de Kergoat, que nomma pendant un certain temps [Note : Jurid. de Kergoat, Aud. civ. des 8 octobre 1739 et 26 mai 1744], malgré les ordonnances [Note : De Fréminville, Pratique des terriers, II, 159], Olivier-Louis Corret, mandataire général du seigneur [Note : Père de La Tour d'Auvergne]. Le juge de la juridiction auquel étaient présentées les Lettres procédait à une information sur la moralité et la capacité du récipiendaire, que venaient affirmer des témoins choisis par l'intéressé [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 28 janvier 1638 ; Jurid. de Méros, Aud. civ. du 21 mai 1770]. Quelquefois il lui faisait passer un examen [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 15 février 1639] ; mais le plus souvent il l'admettait sans information, surtout quand il remplissait quelque charge, soit au siège royal, soit dans une autre justice seigneuriale [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 19 mars 1638]. Pour être reçu, le nouvel officier devait avoir atteint l’âge de vingt-cinq ans ou avoir obtenu une dispense du roi [Note : Jurid. de Méros, Liasse des Réceptions d'officiers (1769)], qui ne s'accordait que très difficilement pour l'office de notaire [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ. du 4 mai 1772]. Son admission prononcée, il apposait son parafe au greffe [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 1er mars 1639] ou sur les registres [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ. du 19 janvier 1753].

Lorsque le seigneur ne s'occupait pas de pourvoir aux places vacantes, les juges recevaient des officiers subalternes sous main de cour. Ce cas se produisait fréquemment surtout à partir de 1750. Des praticiens formulaient des demandes d'admission [Note : Jurid. de Kergoat, Aud. civ. du 22 juin 1752], « se flattant d'obtenir avec l'agrément de messieurs les juges et des autres officiers un mandat du propriétaire de la justice » [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ. du 23 juin 1777]. Un certain délai, par exemple de trois mois, leur était accordé pour se faire pourvoir [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 13 juillet 1762] ; mais les provisions n'arrivaient parfois qu'au bout d'un an [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ. du 15 juillet 1765] ou même de deux ans [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 29 avril 1777] ; en 1781, Guériff, procureur et notaire du Grannec, démissionna de ces fonctions, qu'il exerçait sous main de cour depuis près de treize ans [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 4 septembre 1781].

Après avoir été définitivement reçus, les officiers subalternes conservaient leur charge leur vie durant, à moins de révocation [Note : Jurid. de Kergoat, Aud. civ. du 4 février 1751] ou de démission [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3 (21 août 1626)]. Mais ces deux cas se produisaient très rarement. Les charges ne se transmettaient pas par résignation ni par vente, n'étant pas entrées dans le commerce, comme celles de la sénéchaussée.

Les officiers subalternes des justices seigneuriales avaient les mêmes attributions que leurs collègues du siège royal, mais dans des territoires évidemment moins étendus. Les procureurs y remplissaient les fonctions des avocats et des avoués actuels ; ils remplaçaient, comme nous venons de le dire, le sénéchal et le procureur fiscal, quand il n'y avait pas de procureur sur les lieux. Au XVIIIème siède, ils unissaient presque toujours à cette charge l'office de notaire. Depuis longtemps les fonctions des tabellions et des notaires, quoique distinguées dans un aveu de Châteaugal de 1619 [Note : Arch. L.-Inf., B 1183], s'étaient confondues. Au début du XVIIème siècle, les notaires seigneuriaux avaient donc une compétence étendue : « ils pouvaient rapporter toutes sortes d'actes même pour raison d'héritages situés hors du ressort de leur juridiction, à condition de rapporter et d'instrumenter dans leur ressort » [Note : Devolant, Recueil d'arrests, I. 318]. Mais cette faculté leur fut ôtée par un arrêt de 1697 [Note : Recueil d'arrests (Vatar, 1734), p. 185]. Il est à croire qu'ils ne se soumirent que difficilement à cette restriction, car on fut obligé à diverses reprises de leur rappeler les dispositions de l'édit [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 13 janvier 1717. — Liasse 37, P v. du 21 mars 1741]. Pour ne pas perdre leurs anciens clients, ils ne se firent pas faute d'attribuer à leur seigneur la mouvance des terres mentionnées dans leurs actes, mais qui relevaient du roi [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 11 janvier 1739].

Le nombre des procureurs et des notaires était relativement élevé dans les justices seigneuriales. Au XVIème siècle on tenta de le diminuer : un conseiller au parlement fut chargé de réduire à trois les notaires de Châteaugal [Note : Fonds de Châteaugal, Pièce du XVIème siècle, Induction à la Chambre royale de 1672]. Mais dans la suite l'intervention du pouvoir royal fut tout à fait inutile : la réduction s'opéra d'elle-même et insensiblement. Au Grannec, les procureurs-notaires étaient au nombre de huit en 1750 ; en 1789 ils n'étaient plus que cinq. A Kergoat il y en avait cinq en 1747, et trois seulement en 1769. La juridiction de Méros, avant l'annexion de Rosily, ne possédait que quatre procureurs et notaires ; ce chiffre s'élevait à dix en 1769, mais vingt ans plus tard il descendait à sept. Il n'est donc pas étonnant que des justiciables se soient plaints de cette situation qui les exposait à être condamnés par défaut [Note : Jurid. de Méros, Aud. civ. du 8 octobre 1764].

Il en était de même pour les sergents. Ils remplissaient dans les justices seigneuriales le rôle des huissiers et des sergents royaux dans la sénéchaussée. Leurs fonctions étaient donc assez nombreuses, et comme leur nombre décroissait sans cesse pour devenir souvent insuffisant [Note : Au Grannec, 1 sergent ; à Kergoat, 1 ; à Méros avant 1755, 1], les vassaux et même les officiers se servaient de sergents étrangers à leur juridiction. Les sénéchaux étaient obligés de le défendre [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 5 février 1698 et du 6 mars 1704]. Mais le mal ne faisait qu'augmenter : de jour en jour les sergents royaux prenaient plus d'importance dans les justices seigneuriales ; on les y recevait comme sergents ordinaires. Quant aux sergents seigneuriaux, ils commencèrent à se retirer, renonçant à la lutte. A la veille de la Révolution, il y avait « disette de sergents » dans plusieurs juridictions. Les juges y procédaient alors à des nominations d'office. C'est ainsi qu'au Grannec, en 1784, un garde forestier fut nommé sergent de la juridiction [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 16 mars 1784] ; l'année suivante il fallut lui chercher un remplaçant [Note : Jurid. du Grannec, Aud. civ. du 3 mai 1785]. A Kergoat, où il n'y avait qu'un sergent qui seul ne pouvait s'acquitter de tous ses devoirs, le juge permit à un huissier de Carhaix de lui venir en aide [Note : Jurid. de Kergoat, Aud. civ. du 9 novembre 1752]. Mais ordinairement ces officiers d'occasion étaient de simples gardes de la seigneurie [Note : Jurid. de Méros, Aud civ. du 18 avril 1784 ; P. G. de 1789]. La charge de sergent seigneurial était donc tombée dans le discrédit [Note : Les experts et les interprètes prêtaient aussi leur concours aux juges seigneuriaux comme aux officiers de la Sénéchaussée].

Ce n'est seulement que dans les dernières années de l'ancien régime que les sergents furent recrutés parmi les forestiers.

Auparavant, c'étaient, comme leurs collègues du siège royal, d'humbles praticiens, mais auxquels on pouvait avec raison reprocher leur paresse et leur mauvaise volonté. Les juges étaient parfois obligés de renvoyer à huitaine les audiences que les sergents avaient négligé de bannir [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 3 (22 mai 1623)] : ils n'étaient jamais certains de trouver à l'auditoire ceux qui étaient arrêtés pour le service. S'il fallait menacer d'une amende des sergents de Keraznou, « pour leur faire mettre à exécution un décret vers des accusés, afin que la justice demeure la plus forte » [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 22 avril 1659], les menaces ne suffisaient pas toujours. Les amendes parvenaient seules à les émouvoir : d'ordinaire peu élevées, elles montaient parfois à 10 livres, somme assez forte [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 5 mars 1665]. Souvent il fallait prononcer contre eux la suspension [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 18 août 1639, du 6 avril 1660], ou l'interdiction, en les condamnant à payer les frais de la signification qui leur en était faite [Note : Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 31 novembre 1661 et du 7 août 1664]. Mais l'interdiction était levée au bout de quelque tems, « pour que les procédures puissent être continuées » [Note : Jurid. de Méros, Aud. du 30 juillet 1715]. On était donc tenu de ménager les sergents, bien que leur ignorance fut égale à leur paresse. Le plus souvent ils ne connaissaient pas la procédure. Deux sergents de Méros furent poursuivis au criminel par les juges royaux pour avoir exécuté des meubles, malgré l'appel porté devant la cour de Châteauneuf. Leur défense fut très humble et parut sincère ; ils ne s'étaient jamais trouvés, disaient-ils, dans de pareilles circonstances. Ils n'avaient fait du reste qu'imiter un sergent de Carhaix qu'ils croyaient bien instruit de ses devoirs. Le décret d'ajournement rendu contre eux les suspendait de leurs fonctions. Le sénéchal les trouva assez punis et les acquitta, « attendu l'aveu de leur faute et leur repentir » [Note : S. R. de Chât., Proc. crim. (1769) contre Diverrès et Trébuchet]. Plusieurs sergents même savaient à peine écrire. Leurs exploits étaient copiés par les procureurs qui leur laissaient en blanc quelques lignes à remplir au moment de la signification.

Les procureurs et les notaires avaient une science juridique plus approfondie, C’étaient en général des procureurs ou des notaires de la cour royale qui possédaient des charges dans plusieurs juridictions. Sauf dans quelques cas particuliers, on se tromperait en accusant les officiers des justices seigneuriales d'être inférieurs à ceux de la sénéchaussée.

De même, les juges seigneuriaux se recrutaient parmi les avocats qui suppléaient les magistrats royaux dans toutes leurs fonctions. Le bailli de Châteauneuf, Le Rouxeau, était donc poussé par un sentiment de rivalité, quand il écrivait, en 1740, à l'intendant : « Les juridictions subalternes sont possédées par des officiers ignorans, sans biens et faisants différents métiers serviles » [Note : Arch. I.-et-V., C 1836]. Il en demandait la suppression et l’annexion au siège royal ; son intérêt était trop visible : son témoignage est donc très suspect. On pourrait avec plus de raison reprocher aux juges seigneuriaux d’avoir négligé les affaires dont ils ne retiraient aucun profit : ils laissèrent ainsi de nombreux crimes impunis. Quant à leur trop grande dépendance vis-à-vis du seigneur, dont on leur a souvent fait grief, il semble au contraire qu'ils jouissaient d'une assez grande liberté à cause de l’éloignement des propriétaires des différentes juridictions. Souvent, du reste, les affaires étaient expédiées par des avocats qui n'avaient aucune relation avec ces derniers [Note : Jurid. de Méros, Sent. Civ. de 1748 par un avocat sur le déport des juges : le procureur fiscal s'étant désisté de ses prétentions sur la mouvance d'un village fut condamné à 62 l. 14 s. pour les dépens, aux épices et au retrait de la sentence].

Parmi les officiers seigneuriaux du ressort de Châteauneuf, seuls les sergents semblent avoir été au dessous de leur mission. Leurs fonctions étaient de plus en plus délaissées à la fin du XVIIIème siècle. Le nombre des juges et des procureurs diminuait en même temps que le chiffre des affaires. Bien que chaque catégorie d'officiers eût ses attributions propres et ses modes d'admission bien déterminés, le désordre, signe certain de la décadence, avait fait son apparition dans les justices seigneuriales. Malgré le zèle du procureur fiscal et du greffier, ces juridictions périssaient. Le mal n'était pas dû aux officiers, qui valaient tout autant que ceux de la sénéchaussée : il avait une source plus profonde : l'exiguité de ces seigneuries qui n'étaient pas assez puissantes pour résister à l'action lente mais puissante du pouvoir royal. Car si quelques-unes d'entre elles parvenaient à gagner quelques nouvelles mouvances, elles perdaient de nombreuses causes civiles et surtout criminelles. En présence de cet abaissement, les hommes de loi commençaient à dédaigner les charges seigneuriales. Peu à peu la vie se retirait de ces juridictions.

(Raymond Delaporte).

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