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LA SÉNÉCHAUSSÉE DE CHATEAUNEUF-DU-FAOU : les officiers de la sénéchaussée.

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Les Officiers de la Sénéchaussée.

La compétence étendue de la sénéchaussée, dans l'ordre administratif et judiciaire, exigeait le concours d'un nombre assez considérable d'officiers. Ceux-ci se divisaient en deux classes : les juges, sénéchal, bailli, lieutenant et procureur du roi, et les officiers subalternes, procureurs, notaires, huissiers et sergents, dont se distinguaient nettement les greffiers et les sergents féodés par la nature même de leurs charges. Les avocats ne possédaient pas d'offices : ils occupaient une situation intermédiaire entre ces deux catégories. Mais les autres fonctions étaient érigées en offices, qui étaient devenus vénaux et héréditaires et avaient leurs attributions bien délimitées, sauf les cas de remplacement, comme des modes de réception différents, qu'il importe d'étudier pour bien connaître le fonctionnement de la sénéchaussée. Il n'est pas moins utile à cet égard de rechercher de quelle valeur étaient les officiers appelés par ce mode de recrutement à jouer un rôle dans l'exercice de la justice.

Les trois juges étaient compétents au civil et au criminel. Dans toutes les juridictions royales et seigneuriales de Bretagne, sauf au Parlement, le premier juge, qui était parfois le seul prenait le titre de sénéchal. Sa supériorité se manifestait, nous l'avons vu, par un droit de préemption en un certain nombre d'affaires. Il avait, de plus, la police de l'auditoire, même lorsqu'il ne siégeait pas : c'est lui qui réglait les différends entre les avocats qui le remplaçaient et les autres praticiens, lorsqu'ils avaient eu lieu dans la salle d'audience [Note : S. R. de Chât., Liasse 39, 4 septembre 1771].

Le bailli et alloué — cette dernière qualification disparut au commencement du XVIIIème siècle — le remplaçait de plein droit en cas d'absence. A Châteauneuf-du-Faou, le bailli était toujours le même que celui de Gourin : l'union de ces deux charges datait probablement de l'époque où ces deux sièges furent incorporés à celui de Carhaix : en tout cas, en 1772, le titulaire déclarait qu'elles étaient réunies depuis un temps immémorial par les provisions ordinaires du roi [Note : S. R. de Chât., Varia (1772)]. Ce cumul occasionnait des difficultés lors de la distribution des procès à Gourin : mais un arrêt du Parlement défendit au sénéchal et aux avocats de ce siège de connaître d'aucune affaire tant que le bailli habiterait à Châteauneuf : celui-ci de son côté, devait se rendre sur les lieux en cas de « célérité », dès qu’il aurait reçu avis [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., 17 décembre 1738. Vers 1779, le bailli se fixa à Gourin où il habitait en 1790].

La charge de lieutenant, comme celle de bailli, était dans les mêmes mains à Châteauneuf et à Gourin. C'était du moins le cas de François de Penchant et de François Corre au XVIIème siècle. Mais les lieutenants n’appraissent qu'à des intervalles irréguliers dans la sénéchaussée de Châteauneuf. De 1657 à 1721, il n’en est fait aucune mention. Comme le bailli, le lieutenant connaissait des affaires civiles et criminelles de concert avec le sénéchal. Mais, lorsque le premier juge était sur les lieux, il ne pouvait recevoir ou expédier les plaintes des justiciables ni faire la police qu'en matière célère et en cas de flagrant délit [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 18 août 1741]. Pierre-Marie Le Rouxeau de Rosancoat fut le dernier lieutenant de Châteauneuf ; vers 1735, le sénéchal acheta sa charge, et dans un accord avec le bailli se réserva le droit de faire nommer un troisième juge quand il lui plairait [Note : S. R. de Chât., Varia, Traité du 15 décembre 1749] ; il prit seulement quelquefois le titre de lieutenant général civil et criminel en même temps que celui de sénéchal [Note : Arch. de Châteauneuf-du-Faou, Reg. de la trêve du Moustoir (1751)] ; mais la charge disparut.

Après la réunion de la Bretagne à la France, le procureur du roi avait remplacé le procureur duc, parfois appelé procureur d'office [Note : Arch. Fin., H, 50 (Pièce de 1465)]. La qualification de juge lui était assez fréquemment donnée, non seulement à cause de la nature de son office, qui était identique à celui du sénéchal, du bailli ou du lieutenant, mais probablement aussi parce qu'il les remplaçait quelquefois en cas d'absence ou de maladie [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., 12 août 1716, 3 octobre et 9 décembre 1731]. Son nom indique ses fonctions ordinaires : il veillait aux intérêts du roi, soutenait l'action publique, donnait ses conclusions dans les affaires civiles et était entendu de droit dans les affaires d'office et les informations criminelles.

En principe, le procureur du roi ne dépendait aucunement du procureur général de Rennes ; mais à la longue il dut se soumettre à son contrôle. Et même quand il s'écoulait un long espace de temps entre la démission volontaire ou le décès d'un procureur du roi et l'installation de son successeur, le procureur général envoyait à des avocats du siège des commissions de substitut. Le Postec des Iles, Galloy et Le Bilian du Rumain reçurent de semblables mandats, les deux premiers après la mort de Joseph de Puyferré, en 1760, en attendant que son fils ait été pourvu de son office, et le dernier en 1774, après que César de Puyferré eut acquis l'office de sénéchal de Lesneven [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 28 janvier 1761, 28 mars 1765, 1er août 1775].

Les acquéreurs de l'office de procureur du roi prenaient également le titre de substitut du procureur général à partir de l'acquisition de cette charge jusqu'à leur réception définitive. Ce fut le cas de François de Keryvon, qui avait acheté, en 1724, l'office de son beau-père, Michel Hyrae, mais ne s'en fit jamais régulièrement pourvoir [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 18 avril 1725] : de César de Puyferré, de Louis-Sébastien de Gourio du Refuge et d'Anne-François Carquet. Ceux-ci reçurent même du procureur général des commissions rédigées de la même façon que celles adressées aux avocats pour des substitutions tenporaires [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 5 juin 1765, 3 janvier 1776, 24 janvier 1779]. Le parquet du Parlement de Rennes s'occupait donc de plus en plus du procureur du roi de la sénéchaussée pour accroître sans cesse son autorité sur lui.

En cas d’empêchement du procureur du roi, ses remplaçants ordinaires étaient les avocats, puis les procureurs dans l'ordre du tableau {Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 27 juin 1709]. Parfois, il désignait lui-même son suppléant : mais il ne pouvait plus le faire quand il avait vendu sa charge, ce droit était inhérent à la possession de l'office. D'ailleurs, la plupart du temps les substitutions se faisaient suivant la règle habituelle. Et si le même avocat ou procureur remplissait les fonctions « des gens du roi » pendant plusieurs mois de suite, il se permettait de prendre la qualification de substitut ordinaire, bien que sa situation fût toute différente de celle conférée par le procureur gênéral, dont il ne dépendait pas : il suppléait simplement le procureur du roi à Châteauneuf-du-Faou [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. de 1717, 1718, 1719].

Les offices des juges et des gens du roi étaient devenus, en France, des biens patrimoniaux : ils faisaient partie d'un héritage ; ils étaient entrés dans le commerce. Cet état de choses avait été consacré en droit par l'édit d'établissement de la Paullette (1604) [Note : Esmein, Cours élémentaire d'histoire du droit français, 497]. Les offices se transmettaient donc dans les familles, où on les comprenait dans l'actif des successions. En 1762, François-Hyacinthe Pic de la Mirandole remplaça son père comme sénéchal de Châteauneuf. Jacques Quiniou, qui fut bailli de ce siège au XVIIème siècle, après la mort de son père, céda sa place à son gendre, Pierre-Bertrand de Tronjolly. Cette charge resta quarante-trois ans dans la famille Le Soueff de Montalembert au siècle suivant ; et celle de procureur du roi fut occupée pendant trente-six ans par les de Puyferré.

Le titulaire pouvait du reste aliéner sa charge [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., 18 avril 1725] ; ses héritiers ou l’économe de sa succession bénéficiaire usaient aussi de cette faculté [Note : S. R. de Chât., Liasse 7 (1737)] quand aucun de ses parents n'était susceptible de le remplacer. Le prix de vente de ces charges était parfois élevé. Celle de sénéchal des trois sièges fut vendue 26.200 livres, en 1650, par Yves Gourcuff à Marc de Rosily [Note : Arch. Fin., S. R. de Quimperlé, Liasse 180]. En 1772, il est vrai, le sénéchal ne l'évaluait plus qu'à 18.000 livres. A la même époque, le bailli estimait la sienne 3600 livres [Note : S. R. de chât., Varia, 1772]. Ne pouvant payer ces sommes, les acquéreurs faisaient des constituts [Note : S. R. de chât., Aud. civ. du 18 janvier 1759]. Mais comme ils n'arrivaient pas toujours à remplir leurs engagements, l'office était saisi à la requête des créanciers [Note : Devolant. Recueil d’arrest...., 1722. II. 10]. C’est ce qui arriva à Pierre-Bertrand de Tronjolly, dont l'office de bailli fut vendu à l'audience publique du présidial de Quimper, le 10 mars 1668, pour 4.600 livres [Note : L’office du bailli de Gourin était compris dans la vente ; sa valeur en 1772, eut evaluer à 2.400 l. (S. R. de Chât. Varia, 1772)]. Cette vente fut annulée par le Parlement, et le siège de Quimperlé fut commis pour procéder à une nouvelle adjudication. Après des bannies faites à Gourin, à Huelgoat, à Landeleau et à Châteauneuf, la charge fut définitivement adjugée pour la même somme à Germain Pérard [Note : Arch. Fin. S. R. de Quimperlé. Liasse 180].

Le possesseur de l'office, par héritage ou par acquêt, devait, avant d’être reçu, payer « la finance aux parties casuelles », le marc d'or dont la valeur variait suivant les cas [Note : Chéruel. Dictionnaire des institutions françaises. V° marc d'or, partie casuelles (Bureau des parties casuelles créé par François Ier, en 1522). Dupont-Ferrier, Les officiers des bailliages et sénéchaussées, 773, 774], et obtenir du roi des Lettres de provisions. S'il n'avait pas atteint l'âge de 27 ans, il lui fallait en outre une dispense [Note : S. R. de chât., Aud. civ. du 26 août 1778]. Ces pièces obtenues, les juges étaient reçus par le Parlement de Rennes, où ils prêtaient serment. Une commission leur était délivrée pour se faire installer dans leurs fonctions et adressée « au premier conseiller du Parlement trouvé sur les lieux ou au prochain juge royal desdits lieux » [Note : Arch. Morb., B 2180, f° 29 v° ; B 2272]. Ordinairement les juges royaux voisins rendaient ce service à leurs nouveaux collègues. En 1678, le bailli de Carhaix installa Alain Quéré comme bailli de Gourin [Note : Arch. Morb., B 2191. Cf. Diverses intallations des juges ; de Gourin par ceux de Carhaix. Ibid., B 1671, 2180, 2194, 2197]. En 1738, Halna du Frétay, sénéchal de Châteaulin, installa celui de Châteauneuf [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., 13 août 1738]. Il était rare, en effet, de trouver un conseiller au Parlement dans le voisinage. Cependant, le sénéchal Pic de la Mirandole fut installé, en 1762, par Mathiurin de Rosily, conseiller en grand'chambre [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., du 14 juillet 1762]. Parfois même, l’installalion se faisait par les autres juges du même siège [Note : S. R. de Chât., Aud. civ., du 27 janvier 1717].

Le procureur du roi n'était pas reçu ni installé, tout d abord, comme les juges. Après avoir acquis l'office et s'en être fait pourvoir, Michel Hyrae de Ladarath fut soumis, à Châteauneuf, à une information sur ses « vie, mœurs et religion » [Note : S. R. de Chât., Liasse 66]. Mais cette différence dut disparaître dans la suite.

Le recrutement des magistrats par voie héréditaire ou vénale pouvait conférer des offices à des personnes incapables de les remplir dignement. Voyons ce qu'il en fut en réalité de leur valeur morale et professionnelle. Pour s'en rendre compte, il faut étudier un peu leur vie privée, les relations qu'ils avaient entre eux ou avec les justiciables ; cet examen permettra de juger de leur autorité dans leur ressort.

La cordialité ne règne pas toujours entre les juges ; il s'élève parfois des disputes entre eux. Le lieutenant Le Rouxeau ne s'entendait guère avec le sénéchal ; il l’accusait d'être de complicité avec le geôlier, qui, « espris de vin, allait sous les halles de la ville et proférait plusieurs injures contre lui, disant à pleine teste qu'il estait un coquin, un fichu juge, dont il se moquait ». Lorsqu'on lui rapporta ces propos, il alla se plaindre au sénéchal du geôlier et de la façon dont il tenait les prisons. Mais celui-ci lui répondit « qu'il s'occupait de ce qui ne le regardait pas ». de sorte que le lieutenant se crut obligé de lâcher les prisonniers « pour éviter de plus grand malheur de bris » [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 25 juillet 1721] . Il avait été en procès à la fois avec le sénéchal et le bailli [Note : S. R. de Chât., Proc. crim. (2 novembre 1726)] : devenu bailli plus lard, il ne s'accorda pas mieux avec le procureur du roi. Ses procès-verbaux fournissent à cet égard de précieux renseignements. « Le cahier extrajudiciaire, écrivait-il, fait connaître à quel excès se porte le procureur du roy envers nous ». Celui-ci répliquait : « Les registres du greffe sont sans doute remplis de plaidés réciproques ; mais ce n'est pas nous qui avons rompu l'union ; il n'est plus permis de demeurer dans le silence à moins d'être la victime des humeurs de monsieur le bailli, qui nous a traité toujours d'un air et avec des hauteurs insupportables ; du reste, notre extraction est aussi ancienne que la sienne ». Mais le procureur du roi de Puyferré était Béarnais d'origine ; Le Rouxeau lui répondit que « son extraction avantageuse était très inconnue dans la province » [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 8 août 1741].

Ces querelles entre les juges diminuaient leur prestige aux yeux des praticiens, qui ne leur portaient pas toujours plus de respect que le geôlier au lieutenant. Une fois, le greffier et son commis refusèrent de rapporter l'audience ; et l'on fut obligé de les faire arrêter et de nommer un greffier d'office à leur place [Note : S. R. de Chât., Liasse 66 (23 août 1724)]. Lorsque c'étaient des avocats qui manquaient de déférence aux juges, ceux-ci se contentaient ordinairement d'excuses et ne donnaient pas d'autre suite à l'affaire. A l'audience du 10 juin 1716, le procureur du roi donnait acte au sénéchal de ce que « François Lemoulin, l'un des avocats du siège, venait de faire excuse au dit sieur sénéchal des injures et calomnies qu'il avoit proférées en pleine rue contre son honneur et sa réputation » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. (10 juin 1716)]. De même en 1768, un avocat, Guilloré de la Landelle, « coutumier de manquer de respect aux juges royaux », fut condamné « à comparaître à huitaine après la signification et de confesser en présence de tout le barreau, à haute et intelligible voix et teste nue, que c'était à tort, témérairement et comme malavisé qu'il s'était servi de termes contraires au respect leur deub, et dont il se repentait et leur demandait excuse ainsi qu'au roy et à la justice et affirmer par serment ne plus recommencer » [Note : S. R. de Chât., Proc. crim. (1768)].

Ces manques de respect se produisaient parfois en pleine audience. A une question d'un juge, l'un des avocats répondit un jour « avec beaucoup de mespris » ; il fut aussitôt condamné à 64 sols d'amende ; mais « cette amende ne fit que l'aigrir ; il redoubla ses insolences et mespris, de telle sorte que le bailli se vit obligé de lever le siège et de refuser à ses justiciables la justice qu'ils lui demandaient » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 28 avril 1717]. Les avocats tenant les audiences étaient aussi en butte aux injures de leurs subordonnés, comme Jean-Charles Le Rouxeau [Note : S. R. de Chât., Liasse 59 (13 novembre 1782)], qui délivra un grand nombre d'audiences civiles ; dans la rue, celui-ci était traité par un procureur d'avocat sans culotle et de polisson [Note : S. R. de Chât., Proc. crim., Plainte du 29 septembre 1781]. Les juges et leurs suppléants n'avaient donc pas toujours le dernier mot.

Pourtant il était rarement porté contre eux des accusations graves et de nature à compromettre sérieusement leur dignité. En 1698, il est vrai, le bailli de Châteauneuf fut poursuivi devant le siège de Carhaix pour attaque nocturne. En revenant de Rennes il était entré en compagnie de deux praticiens de Gourin dans un auberge du Faouët, où il battit tellement l’aubergiste qu'il le laissa pour mort [Note : Arch. Fin., S. R. de Carhaix, Proc. crim. (1698). - Voici le jugement porté sur deux anciens sénéchaux de Châteauneuf dans un pamphlet sur les membres du Parlement Maupeou dont ils faisaient partie : « Liste des enfants trouvés de Bretagne qui assisteront à la procession du 15 août 1772 » : Pic de la Mirandole père et fils, le premier esprit faux et brouillon, usurpateur d’un nom célèbre, le second perpétuellement ivre (B. Pocquet, Le duc d’Aiguillon et La Chalotais, III, 544)]. Un sénéchal, Le Pennec, fut même convaincu de concussions. L'affaire dut éclater au cours d'un procès qu'il soutenait contre le greffier. Le présidial de Quimper fut commis pour en faire l'instruction, qui dura de 1782 à 1785. Les charges s'accumulèrent rapidement. Dans leur interrogatoire, le greffier et plusieurs procureurs déclarèrent que le sénéchal percevait des droits pour de simples requêtes ; pour d'autres expéditions son tarif était variable, il ne prenait que le dû quand on exigeait de lui un reçu. Pour les jugements au bureau, les pauvres payaient 6 livres ; le prix ordinaire était 11 livres ; quelquefois il montait à 24 livres. Un des procureurs avouait que depuis un an il n'allait plus solliciter au bureau, mais qu'il envoyait les parties elles-mêmes, en leur disant que sans payer elles n'auraient pas eu de jugement ou qu'il serait retardé. Il y avait des cadeaux à faire au sénéchal aux généraux plaids, par exemple ; mais il prenait plus que ne le voulait l'usage. Il recevait directement les épices des parties, malgré certains arrêts ; s'il touchait 24 livres, il en marquait 6 ; d'un trait de plume il portait une somme de 6 livres à 16 livres. Dans un jugement où il avait marqué d'abord 800 livres il porta cette somme à 1.200, quand le bailli lui eût réclamé son tiers, de sorte qu'il ne perdit rien des honoraires qu'il s'était attribués primitivement. Malgré plusieurs dépositions qui lui furent favorables, le Parlement régla son procès à l'extraordinaire, le 9 avril 1783 [Note : Arch. Fin., B 807]. La sentence est perdue : il dût être mis dans l'obligation de vendre sa charge avec défense d'exercer à l'avenir les fonctions de juge à Châteauneuf [Note : S. R. de Chât., Aud civ. du 14 octobre 1789]. Mais ces informations contre les juges étaient tout à fait exceptionnelles : nous n'en avons trouvé que deux. Elles entamèrent moins leur ascendant que leurs fréquentes discussions auxquelles se mêlaient avocats et praticiens.

Les juges se recrutaient le plus souvent dans l'ordre des avocats. Ceux-ci, au XVIIème siècle, joignaient parfois à ces fondions, celles de procureur ; mais au siècle suivant, on n'en trouve qu'un seul qui fût dans ce cas. Outre leurs occupations ordinaires, ils avaient, en effet, à remplacer fréquemment les juges et le procureur du roi. Mais pour être admis à ces substitutions, ils devaient, après avoir reçu leurs lettres de gradué ou de licencié, dans une école de droit, à Nantes par exemple, prêter serment au Parlement — d'oû leur titre d'avocat au Parlement — et se faire inscrire au barreau du siège qu'ils voulaient suivre au cours d'une audience civile [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 7 juin 1730, 14 novembre 1731, 22 juin 1735]. Sans ces formalités on ne les reconnaissait pas. En 1771, le sénéchal dénia à un avocat, Guilloré de la Laudelle, le droit de siéger comme juge, parce qu'il ignorait qu'il avait élé reçu au Parlement et qu'il n'avait pas vu ses Lettres [Note : S. R. de Chât., Liasse 59 (P v. du 4 septembre 1771)]. Les avocats étaient encore tenus de résider dans le le ressort, pour pouvoir suppléer les magistrats. Jean-Charles Le Rouxeau, tenant audience, en 1782, mentionnait au procès-verbal qu'il demeurait sous le proche-fief de la juridiction [Note : S. R. de Chât., (P. v. du 13 novembre 1782)]. A la même époque, un avocat de La Feuillée, Boudehen, se contentait de postuler à Châteauneuf, car il habitait hors du ressort.

Les greffiers venaient après les avocats dans la hiérarchie judiciaire ; par leur mode de recrutement ils différaient des officiers subalternes. Ils étaient, comme on l'a vu, les agents les plus zélés de la juridiction royale dans sa lutte contre les justices seigneuriales [Note : Dupont-Ferrier, Op, cit., p. 546]. Mais leur zèle n'avait d'autre stimulant que leur propre intérêt : ils étaient fermiers de leur office et ils en voulaient tirer le plus grand profit ; en travaillant pour le roi ils entendaient travailler surtout pour eux-mêmes.

Les greffes faisaient, en effet, partie du domaine muable 6 : ceux des juridictions de Châteauneuf, Huelgoat et Landeleau avaient été aliénés à François Bars en même temps que ceux de Gourin, de Carhaix et de Duault, pour la somme importante de 47.600 livres, en 1028 [Note : Bib. Nat.,Ms. 11528, Etat dressé en 1644]. On ignore à quelle époque ils firent retour aux Domaines : ce fut certainement au courant du XVIIème siècle. Il y avait d'abord, semble-t-il, un greffier pour chacune des juridictions, mais dans la suite, le même individu prit à ferme les greffes des trois sièges [Note : En 1648 Henry le Postec était garde-sceau royal de Châteauneuf, et en 1655, Jean Le Vayer garde-sceau de la juridiction d'Huelgoat. Ces fonctions n'apparaissent plus dans la suite. Il y avait un cachet au greffe (S. R. de Chât, Liasse 61, P v. du 20 janvier 1781), mais les juges et les avocats, comme Le Bihan du Rumain, se servaient de leurs armoiries pour légaliser les pièces].

Le receveur des domaines de Châteauneuf était chargé d'affermer les greffes ; mais la mort du greffier ne mettait pas fin au bail, dont la durée ordinaire était de six ans : sa veuve ou ses héritiers continuaient sa gestion. En 1699, Françoise Le Guillou, veuve de Marc-Yvon de Grandclos, était greffière ; elle épousa, en 1701, René de Labbaye, qui par son mariage devint greffier des trois juridictions. En 1740, Mauricette Yvon remplaça son mari, Joseph Le Lay, dans l'administration des greffes. Mais les veuves des greffiers ne rapportaient pas évidemment les audiences, n'apposaient pas les scellés : toutes les fonctions de la charge étaient remplies par des commis qu'elles choisissaient. De même, en 1771, après la mort de Jullou, ses héritiers firent nommer un commis « pour continuer la ferme » [Note : S. R. de Chât., Liasse 66, passim].

Le greffier pouvait subroger un tiers à sa place, C'est ce que fit de Nobille, en 1781, en faveur de Joseph Le Lay. Ce droit fut pourtant contesté par le sénéchal. Le Lay dut se retirer : on scella et inventoria les minutes de son prédécesseur el l’on nomma un greffier d'office pour la continuation des affaires. Pour avoir communication des pièces de l'ancien greffe il fallait obtenir une ordonnance du sénéchal, sur conclusions du procureur du roi, et dresser un procès-verbal en forme de la descente au greffe. Cet état de choses très gênant dura plusieurs années, à partir de novembre 1782. Mais le 9 avril 1783, Le Lav obtint un arrêt validant les actes qu'il avait faits comme greffier subrogé, el le 24 décembre 1784 un second arrêt ordonna au régisseur de lui céder la place sur le champ [Note : S. R. de Chât., Liasse 61, passim].

Après avoir conclu le bail avec les Domaines, le futur greffier devait se faire recevoir au siège, prêter serment de se bien conduire dans cette charge. Les juges lui faisaient parfois passer un examen « sur les différentes questions relatives à son état », en présence des gens du roi [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 17 janvier 1787].

Les greffiers avaient à remplir de multiples fonctions : leur ferme comprenait, en effet, les greffes civils, criminels, d'office, de police et d'appel. Il leur fallait donc des auxiliaires : ils présentaient eux-mêmes au siège des praticiens qui étaient recus dans les mêmes formes que les officiers subalternes de justice et qui, après avoir prêté serment, s'appelaient commis-jurés [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 10 mars 1706, et Liasse 66, passim].

Les prix de location des greffes étaient élevés : 950 livres par an en 1706, 1.100 livres en 1727, 1.650 livres en 1781. Or, du 27 novembre 1782 au 17 janvier 1785, les greffes de Châteauneuf rapportèrent environ 5.300 livres, ce qui fait à peu près 2.400 livres par an, d’où un bénéfice annuel de 950 livres pour le greffier [Note : S. R. de Chât., Liasse 61, P v. de mai 1786]. Nous avons pour une autre époque les revenus des greffes exploités en régie. Le greffier titulaire ayant été cassé par les juges, le régisseur qui fut nommé reçut, pour émoluments, le tiers du produit des vacations en ville, la moitié de celui des vacations en campagne et 2 sols pour livre des expéditions ordinaires ; mais il devait payer à son tour 2 sols pour livre du produit total brut. Celui-ci, en 1725, s'éleva à 1.097 livres, et la remise du régisseur à 226 livres : il ne revint aux Domaines que 871 livres [Note : S. R. de Chât., Liasse 68]. La régie ne rapportait donc pas autant que la ferme.

Mais, au point de vue de l'exercice de la justice, l'exploitation par ferme avait des inconvénients. Le greffier se considérait en ce cas comme possesseur de ses registres et de ses minutes ; il faisait mille difficultés avant de s'en dessaisir et de les remettre à son successeur, à la fin de son bail. Il fallait parfois en arriver à la contrainte par corps [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 22 mai 1680] ; en 1706, Guillaume Jorre de Saint-Jorre fut obligé de se pourvoir au Parlement contre la mauvaise volonté de son prédécesseur qui refusait de lui délivrer ses minutes [Note : S. R. de Chât., Varia, Req. du 30 mai 1706]. Tout cela retardait l'expédition des affaires [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 22 mai 1680].

Les autres officiers de la sénéchaussée, procureurs, notaires, huissiers et sergents, se rapprochent des greffiers par les formes de leur réception, et des juges par la nature de leurs offices. Seuls les sergents généraux et d'armes et les sergents féodés occupent une place à part au milieu des officiers de la sénéchaussée.

Les offices des procureurs, notaires, huissiers et sergents se transmettaient par résignation, par succession ou par acquêt. C’étaient de véritables bien patrimoniaux. La cession amiable se produisait fréquemment entre parents. En 1777, Joseph-Marie Billes résignait son office à son fils [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 5 mars 1777] ; en 1768, Gabriel Le Guillou de Respidal avait résigné le sien à son frère, Pierre Le Guillou de Keroullé [Note : S. R. de Chât., Liasse 10]. Les veuves des anciens titulaires vendaient les charges de leur mari. Lorsque la succession était vacante, on bannissait « au plus fort cours du marché que les procédures de l'étude de tel procureur, que les déaux et minutes de tel notaire étaient à vendre » [Note : S. R. de Chât., Liasse 6 (Bannies de 1743)]. A une audience civile, on procédait à l'adjudication aux enchères publiques [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 10 mars 1723, 22 octobre 1783]. Le prix variait suivant l'importance de la charge. Des offices de notaire furent vendus 750 livres en 1717, 300 livres en 1723, 960 livres en 1783.

Le résignataire ou l’acquéreur devaient, comme les juges, obtenir du roi des Lettres de provisions et avoir l’âge requis, qui était de 25 ans, à moins de dispense [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 1er avril 1707, 16 avril 1706], qui s'accordait plus facilement pour les charges de procureur et d'huissier que pour celles de notaire [Note : S. R. de Chât., Liasse 66, Réception du 15 août 1766]. Les récipiendaires devaient encore « financer au trésor royal et revenus casuels », payer le marc d'or, comme pour les offices de judicature. Ces droits pour des études de notaire montaient à 200 livres [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 11 octobre 1719], à 300 livres même, non compris le marc d'or [Note : S. R. de Chât., Varia. Réception du 3 août 1775]. Joseph Billes paya le centième denier pour résigner à son fils et celui-ci versa au trésor royal un droit de 24 deniers [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 5 mars 1777].

Le siège, après avoir examiné les Lettres et les quittances, procédait, sur une requête du procureur du roi, à une information sommaire sur les « bonne vie, mœurs, capacité et catholicité du récipiendaire ». Celui-ci présentait à cet effet trois témoins dont le plus souvent un prêtre. Après les avoir entendus et sur de nouvelles conclusions du procureur du roi, le siège prononçait son admission, avec l'obligation pour lui de prêter serment à la prochaine audience et d'apposer sur le registre la signature et le paraphe dont il entendait se servir dans ses fonctions [Note : S. R. de Chât., Liasse 66]. L'identité des signatures du même praticien était considérée comme très importante. Aussi un notaire adressait-il aux juges une requête pour qu'il lui soit permis de se servir à l'avenir du paraphe qu'il apposait au bas de sa demande ou de l'en dispenser : « une maladie de langueur lui avait causé une débilité de nerfs si grande, qu'il ne pouvait plus apposer après ses signatures le paraphe dont il se servait jusqu'alors, à cause des différents traits de plume dont il était parsemé » [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 15 octobre 1781].

Mais les provisions royales tardaient parfois à venir : les postulants se faisaient alors recevoir sous main de cour, c'est-à-dire provisoirement. Ce cas se produisait très fréquemment ; dans leur requête ils déclaraient que le nombre des officiers en activité était insuffisant ; jamais ils n'étaient repoussés. Ils fixaient du reste un délai, trois mois par exemple [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 8 février 1764], au bout duquel ils devaient être régulièrement pourvus à peine de déchéance. Leurs lettres une fois reçues, on procédait à leur admission définitive.

Les procureurs étaient les plus importants des officiers subalternes : à défaut d'avocats, ils remplaçaient les juges et le procureur du roi. Mais leurs attributions ordinaires étaient à peu près les mêmes que celles des avoués actuels. Leur nombre était de sept en 1706 ; mais, en 1790, ils n'étaient plus que cinq, bien que le nombre des charges dans la sénéchaussée fut de huit [Note : Arch. I.-et-V., C 1830 (1740)]. Ils étaient tenus d'habiter à Châteauneuf, où siégeait la cour. L'un d’eux s'étant fixé à Plovénez, il fut ordonné que les significations lui seraient faites à son domicile, mais à ses frais [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 29 octobre 1724]. Les procureurs formaient une communauté ; un office de procureur syndic fut créé en 1714 [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 7 novembre 1714], malgré l'opposition des autres procureurs, mais fut bientôt supprimé, comme la plupart des charges créées après 1689. Une déclaration de 1716 maintint cependant le titulaire, sa vie durant, dans les privilèges attachés à son office, c'est-à-dire dans le droit de percevoir 6 deniers par livre de tous les dépens et salaires des procès civils et criminels adjugés par jugement [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 10 mars 1723]. Mais la communauté fut maintenue : c'était une personne morale en faveur de laquelle se rendaient des arrêts pour la taxation des dépens ; elle obtenait des exécutoires [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 7 mars 1770] ; en 1717 elle achetait, pour la supprimer, une charge de procureur, qu'elle payait par un constitut de 30 livres de rente sur sa bourse commune [Note : S. R. de Chât., Liasse 69 (1717-1720)]. Sa caisse était alimentée par les 6 deniers qu'elle percevait sur chaque signification de procureur à procureur [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 10 juin 1706] et par le produit des comparants et des décrets de mariage [Note : S. R. de Chât., Liasse 69]. Le receveur des Domaines était chargé de tenir les comptes ; comme honoraires il touchait 2 sols par livre des revenus de la bourse commune, qui s'élevèrent en 1718 à 165 livres, et l'année suivante à 164 livres [Note : S. R. de Chât., Liasse 69]. C'était plus qu'il n'en fallait pour payer les dettes. La communauté élisait un conseil de l'ordre avec un doyen et un greffier, dont le rôle était de sauvegarder ses intérêts, de maintenir l'entente entre ses membres et au besoin de prononcer contre les récalcitrants des peines qui étaient applicables après avoir reçu l'homologation du siège. C'est ainsi qu'un procureur nommé Le Guillou fut condanmé à quatre mois d'interdiction, pour n'avoir pas voulu communiquer une pièce à son collègue Lollier, « car cette façon d'agir ne caractérisait pas la candeur qui devait régner entre eux » [Note : S. R. de Chât., Varia].

Parmi les procureurs, plusieurs étaient en même temps notaires. Mais les notaires étaient plus nombreux que les procureurs : on en comptait treize dans la sénéchaussée en 1680, toutefois il n'y en avait que huit en 1790. Au XVIIème siècle, quelques-uns d'entre eux exercèrent à la fois la charge de sergent, mais ces cumuls ne tardèrent pas à disparaître. Les fonctions des notaires n'ont guère changé depuis cette époque. Mais ils jouaient alors un rôle important dans la conservation de la mouvance féodale qu'ils devaient mentionner dans leurs contrats ; une inexactitude calculée ou involontaire à cet égard pouvait compromettre le droit du véritable seigneur. Aussi étaient-ils tenus de remettre à chaque tenue de généraux plaids aux receveurs des Domaines des extraits de leurs actes. Souvent il fallait les leur arracher en les menaçant de contrainte par corps ou en requérant des ordonnances des juges contre eux [Note : S. R. de chât., P. G. du 15 juin 1706. Aud. civ. des 7 juillet, 13 octobre 1706, 14 décembre 1707].

Certains notaires royaux étaient qualifiés notaires apostoliques. C’étaient les possesseurs d'offices créés par Louis XIV en 1691 [Note : Chéruel, Dictionnaire des Institutions, v. notaires apostoliques], et qu'ils avaient réunis à leurs propres études : ils avaient le privilège de passer les contrats relatifs aux biens des fabriques ou contenant des donations pieuses. Il est douteux que ce droit exclusif se maintint intact et que leurs collègues n'empiétèrent point sur leurs prérogatives.

Comme pour les procureurs, l'édit de mars 1766 créa un office de syndic des notaires : cette nouvelle charge n'eût qu'une duree éphémère : elle fut supprimée au bout de quelques années.

A défaut d'avocats et de procureurs, les notaires tenaient quelquefois les plaids généraux, mais cette faculté de remplacer les juges n'appartînt jamais aux huissiers ni aux sergents. Il y avait trois huissier-audienciers à Châteauneuf. du moins au XVIIIème siècle. L'un d'eux, le premier huissier, qui apparaît pour la première fois en 1700 avait certains privilèges et aussi certaines obligations. Il affimait sans cesse son droit d’exploiter par tout le royaume : un avantage moins chimérique pour lui consistait dans son privilège de faire privativement les descentes de justice, les bannies et les remontrances. Il touchat 4 sols pour chaque évocation de cause [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. des 14 avril 1723, 8 août 1731], et 20 sols pour les remontrances, les bannies et les significations de procureur à procureur [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 8 août 1731] ; mais les procureurs le payaient difficilement, il était parfois obligé de transiger avec eux [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 28 novembre 1731]. Il devait habiter à Châteauneuf [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 7 juillet 1717]. En 1723, le premier huissier Bouteiller fut suspendu de ses fonctions jusqu'à ce qu'il fut fixé dans cette ville [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 14 avril 1723].

Les huissiers-audienciers ordinaires pouvaient demeurer dans n'importe quelle localité, pourvu qu'elle fut située dans le ressort ; les charges étaient au nombre de deux, mais elles ne furent pas toujours exercées. Les huissiers faisaient le service des audiences : en dédommagement, les exploits judiciaires, comme les significations à domicile, leur étaient réservés [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 21 juillet 1717]. Un édit de mars 1704 créa un office de syndic des huissiers ; Jacques Devansart en fut pourvu, mais seulement en 1714 [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 17 octobre 1714] ; il disparut vers 1722 et en fut le seul titulaire [Note : D'après le procès-verbal de sa réception, il était titulaire d’un des deux offices d'huissiers ordinaires créés par l’édit d'avril 1707 (S. R. de Chât., Liasse 66)].

Les sergents avaient des attributions moins étendues que les huissiers : leur compétence se bornait aux actes extrajudiciaires [Note : Trévédy, Sergents féodés, sergents généraux et d'armes, 35-36]. Ils étaient cependant astreints au service de la juridiction, avec les huissiers, à tour de rôle pendant trois mois, et en cas de manquement ils étaient condamnés à une amende [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 8 janvier 1727]. Il y avait deux sergents royaux dans la sénéchaussée.

La situation des sergents généraux et d'armes [Note : Appelés simplement généraux et d'armes] était toute différente et leurs attributions mal délimitées. Ils étaient, en effet, comme les juges, reçus par le Parlement et ils prêtaient serment au siège où ils voulaient « s'établir » et dans le ressort duquel ils devaient résider [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 27 novembre 1754], après avoir versé une caution de 200 livres [Note : Fonds Car. Déch., Liasse 11 (1656)]. Déchus de leur splendeur passée, ils n'avaient, dès le XVIème siècle, le droit d'exploiter qu'aux termes de leurs lettres et des règlements [Note : Trévédy, Sergents féodés, etc., p. 29]. Ils faisaient certainement les exploits à partie [Note : Recueil d'arrests (1734), p. 28], sans être tenus d'assister aux audiences [Note : Devolant, Recueil d'arrests, II, 121]. En cas d'absence des huissiers et des sergents, les juges leur permettaient de signifier les écrits et pièces des procureurs [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 10 novembre 1706] et même de faire des bannies [Note : S. R. de Chât., Liasse 53, Bannies du 6 septembre 1700]. Mais nous ignorons à quelle réalité se référait leur titre de sergent général et d'armes. Leur établissement dans une juridiction déterminée ôte tout sens, semble-t-il, à cette qualification. L'une des charges de sergent général et d'armes de Châteauncuf fut vendue 1.000 livres, prix supérieur à celui des études de notaire [Note : S. R. de Chât., Liasse 37 (1743)]. Il y en avait deux pour la sénéchaussée ; aux plaids généraux de 1680 il n'y eût qu'un sergent général d'appelé, et pendant la première moitié du XVIIIème siècle aucun n'y figura ; ce n'est qu'à partir de 1741 qu'ils y furent régulièrement appelés jusqu'en 1790.

Somme toute, malgré quelques différences, huissiers audienciers, sergents royaux ordinaires, sergents généraux et d’armes remplissaient des fonctions analogues. Un arrêt le 1705 créa entre eux une bourse commune pour recevoir le produit de ce qui n’était pas particulier à un office [Note : Recueil d'arrests (1734), p. 201]. Il ne dut pas être exécuté ou du moins il fut négligé dans la suite, car un nouvel arrêt du 16 mars 1772 répétait la création de la bourse commune des huissiers et des sergents. Ils s'assemblèrent donc pour nommer l'un d'eux trésorier, mais après trois réunions ils arrêtèrent leur cahier de délibérations [Note : S. R. de Chât., Cahier de délibérations de la bourse commune (1772)]. Réfractaires à cette institution, ils en demandèrent la suppression en 1789 ; mais en fait elle n'existait plus [Note : Arch. Fin., Cahier de la Sénéchausssée de Châteauneuf-du-Faou].

Les officiers subalternes de la sénéchaussée, admis avec les mêmes formalités à exercer leurs charges, sauf les sergents généraux, se recrutaient tous dans le même milieu. Tous ils s'étaient formés par la pratique. Le fils, jusqu'au moment de remplacer son père, avait travaillé dans son étude. L'acquéreur d'un office était toujours un praticien. Les témoins présentés par le récipiendaire dans l'information faite à son sujet, déclaraient « qu'il avait été vu travailant dans les études de la ville, qu'étant au courant de la pratique, il était en état d'occuper la charge qu'il avait acquise » [Note : S. R. de Chât., Liasse 66, passim.]. C'était dire que la routine était l'unique source de sa science [Note : On trouve au XVIIème siècle des notaires qui étaient en même temps sergents, ces cumuls n'existaient plus au siècle suivant. On y remarque bien des greffiers contrôleurs des actes, mais ces charges étaient affermées en bloc par les Domaines (S. R. de Chât., Aud. civ. du 27 janvier 1706)].

Ce mode de formation et de recrutement fait mal préjuger la valeur des officiers. A vrai dire, contre les procureurs et les notaires, il ne paraît pas qu'on ait formulé d'accusation précise. Leur âpreté au gain se manifeste, seule dans leurs procédures et leurs écrits. En 1754, quelques notaires se plaignirent des notaires seigneuriaux, qui passaient des contrats relatifs à des biens relevant du roi et les faisaient signer à mi-prix par des notaires royaux qui n'avaient pas vu les parties [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 13 novembre 1754]. Mais cette irrégularité leur portait préjudice et non aux clients : d'où leur mécontentement. Plusieurs années auparavant ils avaient encore protesté contre un de leurs collègues, Jacques Francès. Celui-ci avait fait bannir sa réception comme notaire et déclaré « qu'on l'aurait eu en bonne composition de son ouvrage, d'autant plus que celuy et celles qui fussent allés le trouver eussent eû de luy meilleur marché qu'avec tout aultre notaire » [Note : S. R. de Chât., Varia (1741)]. C'était jeter le discrédit sur son office et nuire aux intérêts pécuniaires et moraux de ses confrères. Mais en somme les justiciables ne perdaient rien à ces démêlés : la concurrence leur profitait.

Les réclamations contre les huissiers et les sergents abondaient au contraire tant de la part des juges que des habitants de la sénéchaussée. Ils avaient hérité de la mauvaise réputation des anciens sergents féodés [Note : Trévédy, Sergents féodés, etc., p. 6 et sqq.], et il semble bien qu'ils l'aient méritée. D'après une plainte portée contre eux ils prenaient toujours pour abienneurs et gardiataires, lors des saisies, les pauvres au lieu des riches, qui leur donnaient de l'argent [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 28 octobre 1761].

Et de fait, un sergent avait changé d'abienneur moyennant trois bouteilles de vin [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 9 juillet 1750]. D'ailleurs, ils faisaient leur service avec très peu de régularité. Des mineurs restaient longtemps sans tuteur, « les huissiers et sergents ne faisant pas les significations aux parents » [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 2 juin 1706]. Dans les affaires criminelles leur mauvaise volonté était encore plus manifeste : le premier huissier refusait de concourir à l'arrestation des accusés [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 14 avril 1723]. Pour les forcer à obéir les juges étaient obligés de les menacer d'interdiction [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 2 juin 1706]. Mais les menaces ne suffisaient pas toujours : il fallait leur signifier des remontrances par des sergents féodés ou des généraux et d'armes [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. des 13 octobre et 10 novembre 1706], et même les interdire souvent de leurs fonctions, en leur défendant de faire aucun exploit à peine de faux jusqu'à la levée de l'interdiction [Note : S. R. de Chât., Liasse 59, P v. du 8 janvier 1727]. Au lieu d'être des auxiliaires de la justice, par leur paresse et leur insouciance ils ne faisaient que retarder les procédures.

Au moyen âge, les sergents féodés s'étaient attirés par leurs malversations une réputation encore plus mauvaise ; mais aux XVIIème et XVIIIème siècles ils avaient perdu leur ancienne importance ; leur rôle s'était complètement modifié, et ils finirent par disparaître dans la sénéchaussée de Châteauneuf-du-Faou.

Les sergenteries féodées étaient des fiefs dont la possession constituait le paiement de certaines prestations spécialement relatives à la perception des rentes et à l'exercice de la justice. Un aveu de La Haye-Du, de 1544, expose clairement les obligations et les profits du sergent féodé. Le possesseur de ce lîef devait fournir à la cour de Landeleau un homme capable de remplir l'office de sergent, c'est-à-dire d’aller au logis du juge, de le conduire à l'auditoire une gaule à la main, de tapisser son siège. Ce sergent percevait aussi les rentes dues par les vassaux et sur lesquelles il prélevait 100 sols et une crublée d'avoine par chaque lieu entier [Note : Lieu, en breton lec'h, ce qu'on appelle ailleurs tenement (Girard, Usemens ruraux de Basse-Bretagne, 296, n°1)] : il faisait la collecte des taux et amendes de la cour, dont il prenait le septième denier [Note : Arch. L.-Inf., B 1190 (1544)].

Dans la sénéchaussée de Châteauneuf-du-Faou il y avait trois sergenteries féodées, une pour chacun des anciens sièges. A Landeleau c'était le manoir de la Haye-Du, à Huelgoat la seigneurie de Keraznou, et à Châteauneuf la terre de Kerverziou. Pour la Haye-Du le fait n’est pas douteaux. Les terres de Keraznou et de Kerverziou ne prenaient pas, il est vrai., le titre de sergenteire féodée, dans leurs déclarations, mais le sergent féodé de Keraznou est mentionné deux fois au XVIIème siècle [Note : Arch. Fin., E512 (1671) ; Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 27 août 1643]. Quant à la seigneurie de Kerverziou, comme les sergenteries féodées [Note : Trévédy, Sergents féodés, etc.., p. 4], elle était quitte de toutes charges vers le roi : de plus comme La Haye Du, elle prélevait 100 sols sur le rôle de la taille des habitants hors les bourgs de Châteauneuf et de Plonévez et une crublée d’avoine sur chaque maisson à feu et fumée des mêmes paroisses, sauf dans les deux bourgs [Note : Arch. Nat., P 1747, f°s 433 à 488]. Son litre fut usurpé par la seigneurie de la Haye en Plonévez, dont une partie était tenue en juveigneurie sous Kerverziou, mais une sentence de 1682 la débouta de ses prétentions [Note : Arch. Nat., P 1748, f°s 377 à 388]. D'ailleurs, le sergent féodé de Kerverziou figure très souvent dans les actes de la sénéchaussée.

Le seigneur n’exerçait pas lui-même les fonctions de sergent féodé. De bonne heure, il s'était déchargé de l’exécution de ses devoirs sur un commis qui prit à son tour la qualification de sergent féodé [Note : Trévédy, Sergents féodés, etc., p. 11]. L’aveu de La Haye-Du est formel à ce sujet : le seigneur devait seulement fournir un homme pour le remplacer. Ces remplaçants étaient nommés par lui comme les sergents seigneuriaux ordinaires [Note : Arch. Fin., Jurid. de Keraznou, Aud. civ. du 27 août 1643] ; ils cumulaient d'ailleurs ces deux emplois. Pour Kerverziou, où la justice resta très longtemps sans exercice, le mandat émané du seigneur était examiné par les juges royaux qui recevaient le nouveau sergent dans les mêmes formes que leurs officiers subalternes [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 17 octobre 1714] parfois même sous main de cour [Note : S. R. de Chât., Aud. civ. du 21 janvier 1706]. Il devait en être de même à La Haye-Du.

Ce remplacement du seigneur par un commis avait été suivi de modifications encore plus importantes. Les possesseurs des sergenteries féodées continuèrent à profiter de leur fief, à prélever les impositions établies en leur faveur, mais les commis cessèrent de remplir les charges du fief [Note : Trévédy, Sergents féodés, etc., p. 22]. Ils n'opéraient plus la perception des rentes ; ils ne rendaient plus leurs devoirs aux juges et ne s'occupaient plus

De la collecte des amendes. Les juges royaux, il est vrai, leur donnaient quelquefois, à défaut de sergents royaux, des commissions à exécuter : ils les autorisaient à suppléer ces derniers en cas de maladie, et à les remplacer en cas de refus d'obéissance de leur part [Note : Arch. Fin.. F. 512 (1671) ; S. R. de Chât., Aud. civ. des 13 octobre 1706, 20 décembre 1719]. Mais la notion de leur véritable mission s'était obscurcie. Ils ne figuraient guère qu'aux généraux plaids, et encore y étaient-ils appelés sans ordre, comme celui de Châteauneuf à Landeleau [Note : S. R de Chât., P. G. du 16 novembre 170] ou réciproquement [Note : S. R de Chât., P. G. du 20 juillet 1680]. En 1700 un certain Louis Tromeur est qualifié sergent féodé des trois juridictions : la confusion était complète : c'était assimiler la fonction de sergent féodé à une charge ordinaire du siège. Du reste, les sergents féodés allaient disparaître : pour Huelgoat, il n'en fut plus nommé après la suppression de la juridiction de Keraznou [Note : A moins que cette justice ne fut supprimée que parce que le seigneur ne nommait plus de sergent féodé (?)]. A Landeleau, la charge ne fut plus remplie à partir de 1713 [Note : S. R. de Chât., P. G. du 9 mai 1713]. Enfin, quelques années plus tard. Jean Yven, sergent de Kerverziou, cessa d'être appelé aux plaids généraux de Châteauneuf, et lorsqu'il mourut, en 1735, il ne fut pas remplacé [Note : Jean Yven, sergent inféodé (sic) de Kerverziou, mort à Châteauneuf, le 20 février 1735 (Reg, paroissiaux de châteauneuf-du-Faou. - Comme auxiliaires de la justice dans la sénéchaussée, on peut citer encore le consignataire, le commissaire aux saisies réelles, les arpenteurs créés par un édit de 1554, au nombre de quatre par sénéchaussée de Bretagne (Hévin, Questions féodales, p. 210), mais reçus par la maîtrise des Eaux et Forêts. Les interprètes et les experts ne possédaient pas d’offices ; ils prêtaient serment au siège pour chaque affaire différente].

Cette disparition des sergents féodés coïncidait avec la diminution des officiers de la sénéchaussée, des juges réduits à deux à partir de 1735, comme de leurs subalternes, dont le nombre des offices pourvus étaient en décroissance. La spécialisation, en revanche, s'y était établie, et les attributions de chacune des charges étaient le plus souvent strictement délimitées. Comme dans le commerce de l’époque, certains ordres avaient été érigés en communautés : mais ces institutions n'eurent guère de succès. Chaque officier entendait se défendre lui-même, et ce sentiment était sans doute fortifié par la nature des charges devenues patrimoniales en droit à partir de 1604. L'hérédité et la vénalité des officiers auraient pu causer dans l'exercice de la justice des effets désastreux. Mais les juges et les hommes de loi, formés par la pratique, avaient une science, plus sûre évidemment que brillante, mais suffisante. Des querelles particulières venaient malheureusement affaiblir le respect dû aux juges et l'entente entre les subalternes. Ce sont à peu près les seuls griefs que l’on peut formuler contre eux. Les faits plus graves qu'on pourrait leur reprocher sont tout à fait exceptionnels. Seuls les huissiers et les sergents jouissaient d'une triste réputation méritée par leurs mauvais agissements. Les sergents féodés, au contraire, dont les fonctions devaient s'exercer dans le domaine royal, n'avaient plus leur désastreuse renommée du moyen âge depuis qu'ils avaient cessé de remplir les obligations pour lesquelles leur mandant détenait un fief et qu'ils étaient devenus en quelque sorte de simples sergents de juridiction seigneuriale.

(Raymond Delaporte).

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