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LE COLLEGE DE TREGUIER à PARIS |
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Sous l'impulsion donnée par les croisades aux beaux-arts, aux lettres et aux sciences, l'Université de Paris prit un rapide essor. Dès le milieu du XIIIème siècle, les trois facultés en laquelle elle venait d'être partagée rayonnaient d'un vif éclat et étaient universellement fréquentées. Les écoles de la rue du Fouarre, entre autres, nouvellement édifiées à l'emplacement des vignobles du clos Garlande (Note : le clos Garlande, couvert de vignes, tirait son nom de ses propriétaires, les seigneurs de Garlande. Il fut loti dans les premières années du XIIIème siècle et l'une des rues qui y furent tracées prit le nom de rue Garlande aujourd'hui rue Galande), acquirent vite une grande renommée rappelée par le Dante et Rabelais.
Pour permettre à leurs compatriotes moins fortunés de profiter des bienfaits de cet enseignement, de généreux donateurs fondèrent des bourses, et bientôt s'éleva entre la montagne Sainte-Geneviève et la Seine une vaste cité universitaire dont chaque maison, à l'origine simple hôtel, servit à abriter les boursiers d'une même fondation, d'où le nom de collège qui leur fut donné.
Rappelons pour mémoire, parmi les plus célèbres, celui fondé vers 1250 par Robert Sorbon, chapelain de Saint-Louis, qui, ayant eu la généreuse pensée d'hospitaliser quelques pauvres clercs, étudiants en théologie, obtint à cet effet de Blanche de Castille une maison située vis-à-vis du Palais des Thermes (incorporé ensuite à l’hôtel de Cluny) en la rue Coupe-Gueule, domaine qu'il ne cessa d'agrandir jusqu'à sa mort et qui fut appelé depuis la Sorbonne.
Les fondations bretonnes ne furent ni les dernières, ni les moins nombreuses. En 1317, Galeran Nicolas créa cinq bourses pour ses compatriotes de Cornouailles (Voir pour cette fondation : Dom Morice, Preuves I, col. 1311 et suivantes), mais mourut avant d'avoir vu se réaliser sa fondation, qui dut attendre que Geffroy du Plessix Balisson, autre breton du diocèse de Saint-Malo et secrétaire de Philippe le Long, eût fondé en 1321, la maison de Saint-Martin au Mont de Paris, plus tard Collège du Plessix (Note : Sur le Collège du Plessix voir : Jouan des Longrais : Mme de Launay et les bourses de Bretagne au collège de Plessis-Sorbonne, dans : Mémoires de la société archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. XXXVIII, p. 103-202. Après la fondation faite par Jean de Guistry le 29 juillet 1379, le Collège de Cornouailles cessa d'être incorporé à celui de Plessix-Balisson et s'installa dans trois maisons de la rue du Plâtre. Voir l'inventaire des titres du Collège de Cornouailles : Archives Nationales, M. M. 390, et aussi les dossiers M M. 392-394 ; M. 117 ; M. 195 , S. 6417). Geffroy compléta cette première fondation, six ans plus tard, par celle d'un nouveau collège réservé aux religieux de Marmoutiers.
Entre temps, en 1325, Guillaume de Coatmohan fondait pour ses compatriotes le Collège de Tréguier, bientôt imité par l'un de ses amis, Eonnet de Kérambert, qui créa en faveur des écoliers de Léon un quatrième collège breton. Au moment où l'attention est à juste titre attirée sur la grande misère des étudiants, il nous a paru intéressant de tenter d'esquisser, d'après les trop rares documents qui nous sont parvenus, les vicissitudes de l'une de ces fondations charitables : le Collège de Tréguier (Note : Nous avons puisé dans les fonds suivants : Bibliothèque Nationale f. fr. 22079, fol. 66 et suiv. ; f. fr. 22329, fol. 129 et suiv. ; Archives Nationale, dossiers M. 193 ; M. M. 441 ; S. 6581 ; Dom Morice, Preuves II, col. 1787 et suiv. ; A. Berty : Topographie historique du Vieux Paris, Région centrale de l'Université, p. 283 et suiv. ; Archives des Maisons de la Lande et Gargian).
Par testament du 11 avril 1325 reçu par Yves de la Cour et Guillaume de Castrie, notaires apostoliques et royaux de l'officialité de Paris, Guillaume de Coatmohan, originaire de Saint-Gilles-Pommerit (aujourd'hui Saint-Gilles-le-Vicomte), chantre de Tréguier, prieur de Houdan, chanoine de Notre-Dame de Paris et conseiller au parlement, ordonnait, entre autres dispositions, que l'une des maisons qu'il avait achetées de Pierre de Couvers ou de Guillaume Natin, ou telle autre qui paraîtrait plus propice à ses exécuteurs, fut aménagée pour recueillir à perpétuité huit pauvres écoliers du diocèse le Tréguier dont l'entretien serait assuré par des bourses d'abord médiocres, mais augmentant ensuite avec les revenus affectés à cet effet, fondation faite pour le salut de son âme, et de celles de ses parents, amis et bienfaiteurs.
Le testateur ordonnait en outre que ses plus proches parents fussent de préférence au nombre des boursiers, à la condition d'être pauvres et aptes aux études ; et il désignait en particulier parmi les premiers bénéficiaires ses neveux Yves de Coatmohan, qui demeurait avec lui ; Nicolas de Coatmohan, quand il aurait quitté la bourse dont il jouissait au Collège de Navarre ; enfin Yves de la Boessière. Il leur demandait, ainsi d'ailleurs qu'à tous ceux qui seraient admis à l'avenir dans cette maison des écoliers, d'en augmenter plus tard les revenus, s'ils le pouvaient. Il priait l'évêque de Tréguier (Pierre de l'Isle, évêque de Tréguier de 1323 à 1327) de délivrer le peu qu'il lui devait pour être employé au soutien et à l'amélioration de la fondation, « étant dans la confiance que le dit évêque voudrait bien contribuer à la perfection de cet établissement, ainsi qu'ils en avaient souvent conféré ensemble ».
Il donnait pour augmenter les revenus de la fondation la maison qu'il venait de faire reconstruire devant l'hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem, avec les maisons voisines, mais en laissait la jouissance pendant deux ans à son neveu et principal héritier Guillaume de Coatmohan, qu'il nommait et établissait « maître et gouverneur de la fondation ».
Pour assurer le soutien des pauvres écoliers et de leurs successeurs, il léguait les cens, rentes et revenus qu'il avait achetés d'Eonnet des Landes dans la ville de Paris, ainsi que les terres et vignes qu'il avait acquises du même à Saint-Lazare et qu'il possédait par indivis avec son ami Eonet de Kerambert (ou Eon de Kerambarz), archidiacre de Léon. Il donnait en outre certaines terres achetées à Herbeville ; ses vignes situées à Suresnes et ses saussaies d'Ivry ; la maison qu'il possédait à Sèvres avec ses dépendances et tous les héritages qu'il avait en ce lieu ; ses vignes à Vanves et à Châtillon ; 118 livres tournois dues par le Seigneur d'Avaugour ; 28 livres tournois dues par la dame d'Avaugour ; 433 livres tournois dues par l'évêque de Saint-Brieuc ; 20 livres parisis dues par Guillaume d'Avaugour, 8 livres dues par Berthe de Bourgneuf ; 135 septiers de blé, mesure de Sologne, faisant partie des 150 que son frère Gaultier avait reçus ou devait recevoir du Seigneur d'Avaugour ; enfin l'usufruit des meubles de Sèvres et d'Herbeville et la moitié des biens meubles de son prieuré d'Houdan.
Il ordonnait que l'institution et la destitution des écoliers fussent faites par le maître de l'Hôtel-Dieu de Paris et par Guillaume son neveu pendant sa vie, puis, après la mort de ce dernier, par le parent qu'il aurait désigné à son tour parmi les écoliers ou, s'il ne s'en trouvait pas, par son parent le plus proche ou le plus notable. Il léguait à diverses personnes de nombreux livres, demandant qu'après leur mort ils en fassent retour aux écoliers.
Il nommait enfin comme exécuteurs testamentaires ses neveux Guillaume et Yves, Pierre, évêque de Tréguier, Eonet de Kerambert archidiacre de Léon, et Guillaume Riou archidiacre de Tréguier.
Par codicille du 20 avril, il affectait spécialement la maison en face de Saint-Jean de Latran à l'établissement des écoliers (Il y avait en réalité quatre maisons) ; et, quelques jours après, avant le 29 avril, le bon chantre de Tréguier s'éteignait comme nous l'apprend un acte du samedi avant la chaire de Saint-Pierre (17 janvier 1326) par lequel Jean du Chatel, commissaire de l'évêque de Paris pour les causes testamentaires, reconnaissait que Guillaume de Coatmohan, chantre de Tréguier et conseiller de Charles IV le Bel, roi de France et de Navarre, lui avait rendu bon et fidèle compte de l'exécution du testament de son oncle.
La maison où fut installé le collège venait d'être reconstruite en 1317 par Guillaume, à l'emplacement de deux maisons provenant de Saint-Jean-de-Latran qu'il avait échangées de Margot Langlaiche, dite la Poulaillère, contre celle où il habitait sur le parvis Notre-Dame vis-à-vis la porte de l'Hôtel-Dieu. Particulièrement bien située pour sa destination, en plein quartier des écoles, elle était édifiée « en une grande place cernée de murailles devant la grande porte de la commanderie de Saint-Jean de Jérusalem, dite Saint-Jean de Latran, et donnait d'autre endroit sur le chemin menant du petit pont à Sainte-Geneviève, enfin sur le bois de cette dernière abbaye ».
Jusqu'en 1380, date de la mort de Geffroy de Coatmohan, évêque de Dol, et patron du collège, celui-ci, qui avait pris le nom de Collège de Tréguier, ou Collegium Ossissismorum, semble avoir fonctionné normalement ; mais ensuite, les héritiers de Geffroy, soit par ignorance de leurs prérogatives, soit à cause de leur éloignement, ayant paru s'en désintéresser, un certain désordre régna, comme le montrent plusieurs actes de 1380 et 1384 concernant notamment Olivier Donyou, dont nous parlerons plus loin.
En 1411, le nombre des boursiers était tombé à six et l'anarchie était telle que Jean le Beau, procureur de la Nation de France en l'Université de Paris (Note : Les étudiants de l'Université de Paris étaient alors répartis, suivant leurs provinces d'origine, en quatre groupes ou Nations : France, Picardie, Normandie et Allemagne. Les écoliers bretons, comme ceux de toute la province de Tours relevaient de la première), et les autres députés de la dite Nation, durent intervenir dans le gouvernement du collège de Tréguier ; et, « mus par charité », crurent bon « pour l'honneur et l'utilité de cette Maison » de lui donner des statuts sans toutefois préjudicier aux desseins et aux droits du testateur et de ses héritiers.
Ces statuts fort sages et en même temps fort curieux réglaient avec minutie la réorganisation et l'administration future du collège.
Ils indiquaient tout d'abord que, suivant la volonté du testateur, le collège comprendrait à l'avenir six étudiants séculiers, nés dans le diocèse de Tréguier, qui recevraient 2 sols parisis par semaine ; et ordonnaient que ces écoliers choisissent parmi eux, dans un délai maximum de quinze jours à dater de la publication des statuts, un sujet idoine et capable, qui fut au moins maître es arts ou licencié dans une des facultés supérieures de l'Université, pour être maître ou principal du collège. La confirmation était réservée à la Nation de France et l'élu obligé d'accepter, sous peine de 8 sols parisis d'amende à moins de motif légitime.
Les devoirs de ce principal étaient de conserver et défendre les droits et les biens du collège ; de faire l'inventaire annuel des meubles ; d'observer les statuts et de les faire observer des boursiers qui lui devaient d'ailleurs respect et obéissance ; enfin de maintenir la discipline. Il recevait pour ses peines, outre une bourse ordinaire, la somme de deux francs par an et avait le choix des chambres, les autres étant distribuées par ordre d'ancienneté.
Les articles suivants prescrivaient que tous les ans le principal et les boursiers devaient choisir l'un d'eux comme procureur pour faire toutes les recettes et régler les dépenses du collège, poursuivre les affaires et rendre compte de sa procure. Celui qui était ainsi désigné était tenu d'accepter sous peine d'une amende de huit sols parisis.
Enfin, chaque écolier devait à tour de rôle, pendant une semaine, exercer la prépositure, c'est-à-dire acheter les choses nécessaires à la vie commune et rendre compte à la fin de sa mission, en présence des autres, des dépenses qu'il avait faites.
Le principal et les boursiers devaient manger en commun et, après les grâces, prier Dieu pour l'âme de leur fondateur en récitant notamment le De Profundis avec l'Oraison.
Nul ne pouvait être admis si le principal et la majeure partie des boursiers ne le jugeait digne de profiter des études et si le candidat n'était au moins tonsuré et médiocrement instruit des principes de la grammaire. A son entrée, le boursier devait jurer d'observer les statuts ; et, dans l'espace d'un mois, choisir la faculté où il voulait étudier.
Celui qui commençait par la grammaire avait le droit d'étudier trois ans sans plus ; et, si au bout de ce temps il n'était jugé capable d'étudier dans une autre faculté, il était obligatoirement privé de sa bourse, à moins de maladie ou cause légitime ayant motivé l'arrêt de ses études.
Celui qui commençait par une étude plus élevée dans la faculté des arts était tenu de prendre licence en l'espace de cinq ans et l'étudiant en médecine devait gravir ses degrés dans les temps prescrits par les statuts de cette faculté [Note : A cette époque les médecins ou "mires" n'avaient pas encore d'écoles. Ils se réunissaient dans l'église Sainte-Geneviève des Ardents ou quelquefois à Notre-Dame autour des grands bénitiers de pierre placés sous les tours. Ce n'est que dans la seconde moitié du XVème siècle qu'ils acquirent deux maisons, rue de la Bûcherie, pour tenir leurs assemblées (voir Berty, op. cit. p. 37)]. Pour le droit canon, le degré de bachelier devait être obtenu en cinq ans et celui de licencié en onze ans.
Enfin, pour la théologie, le candidat devait professer un cours au bout de huit ans et les sentences en douze ans. Pour qu'on puisse juger de leurs progrès, les écoliers devaient soutenir un examen sur les matières qu'ils étudiaient le vendredi de chaque semaine, à l'exception de la semaine précédant Noël et, de celles précédant et suivant Pâques.
Tout écolier, absent trois mois sans la permission du principal ou plus longtemps sans la permission du patron, était privé de sa bourse ainsi que tout écolier venant à jouir de 30 livres de revenus en patrimoine ou de 40 livres en bénéfice. Les députés de la Nation de France se réservaient, le cas échéant, de modifier les statuts ; ils n'en eurent pas besoin avant longtemps.
L'année suivante en effet, aux boursiers de Guillaume de Coatmohan vinrent s'adjoindre ceux créés par Olivier Donyou (ou Doniou). Celui-ci, boursier du collège en 1380, devenu docteur en décrets et régent en l'Université de Paris, ordonna par testament du 30 août 1412, reçu par Jean Prud'homme et son confrère, notaires à Paris, que sur les biens les plus apparents de sa succession fussent fondées, en l'endroit que ses exécuteurs testamentaires jugeraient convenable, et le plus tôt possible après son décès, six bourses perpétuelles en l'Université de Paris, pour des clercs natifs du diocèse de Tréguier, à choisir avant tous autres parmi ses parents les plus proches, à condition qu'ils fussent enclins aux études, écoliers qui recevraient trois sols parisis par semaine, sans plus, et ne sauraient jouir de leurs bourses que six ans accomplis. Il désignait Thomas Donyou, son frère, et Yves Thomas, son clerc, leur vie durant, parmi les premiers bénéficiaires et leur octroyait exceptionnellement six sols parisis par semaine jusqu'à leur mort. Il instituait enfin Jean François notaire, Jean Colin l'aîné, Jean Colin le jeune, Thomas Donyou et Yves de la Motte ses exécuteurs testamentaires.
Il mourut peu après ; et un procès éclata aussitôt entre Thomas Donyou et Plantée Donyou, veuve de Pierre Sohier, frère et soeur d'Olivier, d'une part, et les autres exécuteurs. Les premiers prétendaient que les biens non affectés à la fondation devaient leur revenir, les seconds affirmaient au contraire que les legs étaient insuffisants pour l'établissement de six écoliers ; et, qu'en conséquence, les biens autres que les legs spécifiés à Thomas et Plantée devaient y être affectés.
Un accord intervint, confirmé par sentence du Châtelet du 5 décembre 1412, par lequel Thomas et Plantée renonçaient à tous les legs particuliers et à tous les biens meubles qu'Olivier Donyou possédait au diocèse de Paris et au pays de France, fors le duché de Bretagne, moyennant une rente de 32 livres parisis et cent écus d'or à la couronne. Il était également convenu que Jean François, le jeune, clerc du lignage du fondateur, serait admis pendant six ans à la place de Thomas et que ce dernier et sa soeur seraient patrons et collateurs du collège à fonder.
Provisoirement, les boursiers furent placés au Collège de Tréguier et ils y demeurèrent. Le 7 novembre 1415, en effet, l'official de Paris, à la requête des exécuteurs du testament d'Olivier Donyou, les déchargea de l'établissement des six écoliers et nomma, pour ce, à leur place Jean Maulon, archidiacre de Tréguier et conseiller au parlement, Mathieu Pierre, maître ès-arts, Jean André, dit du Leaudi, bachelier en droit, Thomas Donyou « avec tout pouvoirs de réformer, visiter, corriger et punir les écoliers tant présents que futurs ; leur donner règlement et statuts ; leur assigner résidence ; attribuer à cette fondation les biens qu'ils jugeraient à propos ; vendre, aliéner, acheter, amortir, et généralement faire toutes opérations », à charge d'en rendre compte à l'official ou au commissaire nommé par l'évêque de Paris. Ces exécuteurs délivrèrent au Collège de Tréguier les biens d'Olivier Donyou à condition d'assurer la fondation. Peu après, le 28 octobre 1416, Messire Chrestien de Hauterive, évêque de Tréguier, léguait à son tour aux écoliers du collège, pour l'augmentation de leurs bourses, une maison située à Paris, rue des Petits-Champs, près l'église Sainte-Honorée, à charge de faire dire par l'un d'eux, tous les vendredis, une messe pour le repos de son âme en la chapelle Saint-Yves et à condition que sa soeur Jacqueline ait l'usufruit de la maison (Note : Chrestien de Hauterive, du diocèse de Tournay, évêque de Tréguier de 1408 à 1417).
A partir de cette époque, le Collège de Tréguier fut, au XVème siècle, des plus prospères et les procureurs s'acquittèrent avec zèle de leur tâche comme le montrent les différents comptes qui nous sont parvenus. La maison de la rue des Petits-Champs fut, entre autres, échangée en 1458 contre une rente de dix livres parisis.
Des Coatmohan, le patronage du collège était passé à leurs héritiers, les Keranrais, seigneurs de Guernanchanay, en Plouaret. Cette dernière seigneurie était en 1476 et 1479 aux mains de vénérable messire Henry de Keranrais d'où elle passa à sa sœur Marie de Keranrais, épouse de Jean le Gualès, sr. de Kerversault (Note : Nous croyons qu'Henry et Marie de Keranrais étaient enfants d'Yvon et d'Aliette Le Roux, comme le laisse supposer une charte malheureusement en très mauvais état). Leur fille et héritière, Marie le Gualès, épouse de Guillaume de la Lande, semble s'être particulièrement occupée de ses prérogatives ; et, par acte passé le 8 mars 1501 à La Roche-Derrien, devant de Kernechriou et Couanevenec passes, elle institua son fils cadet Vincent procureur spécial, « afin de choisir, créer, nommer et appointer en ladite université de Paris, un ou plusieurs vicaires, suivant qu'il verrait l'avoir à faire, afin de visiter et réformer le dit collège et les y demeurant, en la forme qu'il se trouvera expédient et nécessaire, ce ou ces vicaires devant besoigner et vaquer en la présence dudit Vincent et non autrement ». Il ne semble pas que des réformes bien sérieuses aient été alors apportées.
De la Maison de la Lande, Constance, fille aînée de Guillaume de la Lande et d'Anne de Lesmais, héritière de Guernanchanay par le décès, sans hoirs, de ses frères Guy et Yves, porta cette terre et le patronage du collège à son mari Michel du Cosker, frère d'Yves, sr. de Rosambo, tous deux enfants d'Alain et d'Amicie Tronson de Penfenteuniou.
Sur
ces entrefaites, le Collège de Léon vint s'unir à celui de
Par la négligence de ses administrateurs, ses biens et revenus se trouvaient entièrement dissipés au milieu du XVIème siècle ; et, la maison étant elle-même tombée en ruines, le principal et les boursiers en vendirent les matériaux et s'en partagèrent le prix, si bien qu'il ne restait plus que l'emplacement en 1575.
Laurent de Kergroades, touché de cette situation, et voulant conserver une fondation faite par ses ancêtres, se détermina à rattacher ce qui restait du Collège de Léon à celui de Tréguier (Note : Laurent de Kergroades, fils de François et Jeanne Provost de Kerambastard, devint seigneur de Kergroades par la mort de son cousin François dont il épousa la veuve, Marie de Boiséon, fille de Perceval et d'Aliette de Plusquellec, par dispense spéciale du Souverain Pontife).
Un accord fut conclu à ce sujet le 25 avril 1575 devant Marin Dubois et Jacques Chapelain, notaires au Chatelet, entre François du Parc, sr. du Plessix, procureur de Laurent, et le procureur des boursiers du Collège de Tréguier. Ce dernier s'engageait à admettre au Collège un étudiant qui prendrait le nom de boursier de Kerambert et à faire célébrer chaque année, en la chapelle Saint-Yves, le jour de la Saint-Laurent, un service solennel à l'intention du fondateur, de ses parents et de ses amis vivants et trépassés. Les boursiers promettaient d'assister en corps à ce service et de fournir les ornements, livres et luminaire nécessaires. Il était entendu en outre que, si les revenus du terrain du Collège de Léon venaient à dépasser un jour 200 livres tournois, le procureur et les boursiers du Collège de Tréguier prendraient un second boursier de Kerambert.
Malgré l'opposition de messire Florent de Bez, maître ès arts, se disant principal du Collège de Kerambert, l'union des deux collèges fut confirmée par sentence rendue le 19 novembre 1575, par Maître Antoine du Vivier, chancelier de l'Eglise et Université de Paris, et par arrêts du parlement, des 17 avril et 22 juin 1576.
Le collège était alors à son apogée et quelques années plus tard, en 1608, ses revenus s'augmentèrent encore par la vente d'une maison dite « à l'Ymaige de Sainte-Catherine », située au coin de la rue du Fouarre et de la rue de la Buscherie, vente faite aux écoles de Médecine « pour y bastir un magnifique théâtre anathomique ». L'ère de la décadence allait cependant bientôt commencer.
La démolition des Collèges de Tréguier et de Cambrai ayant en effet été décidée pour la construction du Collège royal de France, il fut procédé, le 15 avril 1610, à l'estimation des dommages-intérêts par Jean Fontaine et Louis Marchand, maîtres des oeuvres de maçonnerie et charpentiers du Roi, assistés de Claude Bellefaux, juré du Roi aux œuvres de maçonnerie, et de François Autissier, maître maçon, bachelier au dit art.
Le curieux procès verbal de cet expertise nous a été conservé (Archives Nationales, S. 6581, publié in extenso par Berty, loc. cit. p. 506, Copie également Bibliothèque Nationale, f. fr. 22079, fol. 66) et nous montre le collège formé de bâtiments hétéroclites, bizarrement enclavés les uns dans les autres. Dans le collège proprement dit, par exemple, Hervé Dumesnil, libraire, était installé depuis dix ans avec sa famille et tenait boutique au rez-de-chaussée, tandis que plusieurs boursiers avaient leurs chambres dans une maison adjacente, « à l'enseigne de la Salamandre », rue Saint-Jean-de-Latran. Il en était de même pour une maison appartenant également au collège, « à l'enseigne l'Etoile d'Or », rue Froidmantel, et pour la maison « du Lys Royal », rue Saint-Jean-de-Latran où boursiers et locataires ménageaient dans le plus grand désordre. On fut d'accord sur le chiffre de 24.850 livres de dommages et intérêts, étant bien spécifié, d'autre part, qu'après la construction du Collège de France, le principal et les boursiers du Collège de Tréguier présents et à venir y auraient leur résidence perpétuelle ; et, qu'à cet effet, Sa Majesté s'engageait à faire ériger dans le Collège Royal un grand corps de bâtiment, sur la face arrière duquel il y aurait deux logis séparés, l'un pour les boursiers de Tréguier, l'autre pour ceux de Cambrai. En attendant les écoliers de Tréguier recevaient une rente annuelle de 400 livres pour subvenir à leur logement.
Cet accord fut soumis, le 28 juin 1610, à l'approbation du Roi par le Cardinal du Perron, grand aumônier de France, et le collège fut aussitôt jeté à bas. Alain du Cosker, sr. de Kersaliou, procureur d'Yves, son frère, le ratifia seulement le 16 avril 1612, l'évêque de Tréguier, Adrien d'Amboise, ayant dans l'intervalle revendiqué le patronage du collège, prétention dont il fut débouté par sentence du 9 novembre 1611.
Après appel de l'évêque, les descendants de Laurent de Kergroades furent définitivement maintenus collateurs de la fondation de Kerambert par acte du 5 décembre 1616 ; et Yves de Cosquer de celle de Coatmohan, le 14 janvier 1617 [Note : Vers 1662, la petite fille d'Yves de Cosquer, Mathurine de Baud (ou Baude), épouse de M. François Loisel, marquis de Brye (ou Brie), était fondatrice du collège et nommait à ce titre, le 11 août, Messire Abraham Jacob procureur. Elle n'eut pas d'enfant, et en avril 1677 le patronage était passé à son héritier Sébastien de Robien, fils de Christophe et de Marie le Vicomte, arrière petit-fils de Pierre du Cosquer, frère puîné d'Yves].
Malgré les promesses royales, les boursiers, en 1650, n'étaient toujours pas logés ; et, depuis 1647, ne touchaient même plus les 400 livres promises. Ils ne vivaient pas ensemble ; et seul celui faisant fonction de procureur occupait une chambre dans l'un des immeubles appartenant au collège, chambre où étaient conservés les titres.
En 1682, le désordre était à son comble, il n'y avait plus que quatre boursiers, deux de Tréguier et deux de Léon, qui prétendaient avoir seuls le droit de nomination ; quant au principal, messire Mathurin Gicquel, curé de Poissy, il n'appartenait même pas au diocèse de Tréguier. Aussi, le 5 septembre de cette dernière année, messire Jean-Baptiste d'Autecourt, chanoine de St-Augustin et chancelier de l'Université, fut-il chargé de réformer le Collège de Tréguier.
Il fut alors décidé que les anciens statuts seraient strictement appliqués et, notamment, que tous les boursiers devraient être du diocèse de Tréguier ; que le principal serait nommé par l'évêque de ce diocèse et devait être prêtre et gradué en l'Université de Paris ; que le procureur serait élu par les boursiers en présence du chancelier de Sainte-Geneviève et devrait être âgé de 25 ans au moins ; que désormais les boursiers seraient tenus de vivre en commun sous la conduite et autorité du principal ; que les bourses seraient de 100 livres pour les boursiers et de 200 livres pour le principal ; que trois messes par semaine seraient dites en la chapelle Saint-Yves, pour les fondateurs, et que deux services annuels y seraient célébrés, l'un pour Guillaume de Coatmohan, le 20 avril de chaque année, l'autre pour Laurent de Kergroades, la veille la Saint-Laurent. Enfin il fut convenu qu'au cas où il n'y aurait plus de parents du fondateur, la présentation reviendrait à l'évêque de Tréguier.
Ces statuts nouveaux furent publiés le 19 septembre 1682 ; mais quelques jours auparavant, le 5 septembre, Monseigneur de Baglion de Saillant, évêque de Tréguier (Note : François-Ignace de Baglion de Saillant, évêque de Tréguier de 1679 à 1686), ayant nommé principal messire Grolleau, le sr. de Robien fit opposition à cette nomination réclamant le patronage comme descendant de la famille de Guillaume de Coatmohan. Après procès et appel, il y eut transaction et il fut stipulé que la présentation appartiendrait alternativement à l'évêque et au sr. de Robien.
Le 4 juin 1683, comme il n'existait plus de parent d'Olivier Donyou, la présentation de cette fondation fut également dévolue à l'évêque de Tréguier. Le sr. Grolleau ne fut pas un administrateur remarquable et, bien qu'en 1691 le collège ait perçu de fortes indemnités pour la démolition de maisons lui appartenant lors de l'élargissement de la rue Saint-Jean-de-Latran, l'établissement était criblé de dettes en 1720. Des contestations violentes s'élevèrent entre les boursiers et leur principal ; ceux-ci une fois de plus ne vivaient pas en commun.
Devant cette situation, le chancelier de l'Université intervint à nouveau. Il fut décidé de placer les biens du collège sous séquestre, de supprimer le principal, de réduire les bourses à 60 livres et de n'en maintenir provisoirement qu'une par fondation, ce qui fut confirmé par un arrêt du Parlement du 6 septembre 1726.
Grâce à ces mesures et à l'administration diligente du séquestre, la situation put être rapidement rétablie, notamment grâce à l'aliénation de la ferme de Coatmohan, à Sèvres, qui fut enclavée en 1748 dans le parc de Bellevue. Mais, pour éviter le retour de pareils incidents, l'évêque de Tréguier, M. de Robien et Mme du Houchin, fondatrice de Kerambert, furent d'accord pour envisager l'union du Collège de Tréguier à celui de Louis Le Grand, ancien Collège de Clermont.
Cette union fut sanctionnée par acte du 22 juin 1764. Il était stipulé que, sur les revenus du collège, il serait prélevé annuellement 700 livres pour les trois bourses, dont 300 livres de suite et 400 livres lorsque le roi aurait payé l'indemnité de logement promise lors de la démolition de l'ancien collège.
Dès le 5 juillet, le bureau d'administration établit une seconde bourse par fondation.
A dater de cette époque, l'histoire du Collège de Tréguier se confond avec celle de Louis Le Grand. Néanmoins, jusqu'à la révolution, les revenus des fondations furent administrés distinctement et les droits de présentation respectés ainsi que les charges. Seules, les messes hebdomadaires prévues à la fondation de Chrestien de Hauterive, furent réduites à six annuelles, le 27 avril 1767.
Par arrêt du Conseil du Roi du 1er décembre 1766, le souverain accorda une rente de 22 muids de froment en assiette des 400 livres promises. Aussi, peu à peu, le nombre des boursiers pût-il être augmenté, la répartition des bourses ayant été fixée par délibération du 15 juin 1767 à 1/3 pour la fondation d'Olivier Donyou, et 2/3 pour celle de Guillaume de Coatmohan.
Le 19 mars 1780, la participation du Collège de Tréguier fut portée à 1.000 livres. Elle était de 2.520 livres en 1789, ce qui permettait l'entretien de 20 bourses de 126 livres. C'était plus que n'en avaient stipulé les fondateurs, cinq siècles plus tôt.
Aujourd'hui, aucune inscription ne mentionne le Collège de Tréguier ; puissent ces quelques pages aider à en perpétuer le souvenir (R. Couffon - 1930).
ANNEXE I.
Etat des titres et pièces servant à établir la propriété de la maison du Collège de Tréguier (A. N. M. 193).
1° Acte en parchemin par lequel Simon Ratisancte, grand prieur de France, baille à Guillaume de Quoetmohan une maison avec jardin située devant la porte de l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem moyennant dix livres de cens et rente annuelle et perpétuelle, daté du mercredi après la fête de Saint-Barnabé, apôtre, l'an 1318 (14 juin).
2° Le mardi avant la fête de l'Assomption, 9 août 1323, concession faite par Henry de Neufchatel, commandeur praeceptorum de l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem, d'une grange et ses appartenances situées devant la maison de l'hôpital, contiguës à la maison et jardin précédents, moyennant soixante sols parisis de cens et rente. (Acte ratifié le 14 février 1323 par Simon Ratisancte).
3° Grosse en parchemin d'un contrat passé le 22 mars 1323/1324 par lequel Margot Langlaiche Poulaillère vend Guillaume de Coetmohan une maison située rue Thomas-d'Acre, devant l'hôpital Saint-Jean, contiguë à la maison et jardin de l'acquéreur. A ce contrat est attaché un contrat de vente faite le mardi veille de la Madeleine, 21 juillet 1310, par Sensitive la Cornue, tisserande et Hélène La Cornue sa sœur, au profit de Jean Langlais Poulailler et Maguerite sa femme.
4° Contrat passé le mercredi après Pâques closes, 30 avril 1318, d'une maison devant Saint-Jean, au coin de la rue Froidmantel, par Jean Le Douay, tavernier, et Jeanne sa femme à Jean Claret, clerc écrivain, et à Isabelle sa femme ; lesquels reçurent 20 livres parisis des exécuteurs testamentaires de Guillaume de Coetmohan.
5°
Vente, le 1er novembre 1301, par Pierre dit Buffetier, anglais, et Alix sa
femme, d'une maison sise à Paris, outre le petit pont et d'une portion du
jardin attenant à la maison des écoliers du Cardinal Jean de Cholet.
ANNEXE II.
Etat des boursiers du Collège de Tréguier en 1789 (A. N. M. 193).
1° FONDATION DE KOETMOHAN.
a) Nomination de l'Evêque de Tréguier.
Pierre Morice : 2ème année de droit.
Joseph-Vincent-Pierre-Marie de Kerdern de Trobriand : 4ème année de droit.
Jacques-Pierre Toudic : 2ème année de droit.
Guillaume Kerroignant : en physique.
René-Joseph Urvoy : 2ème année de théologie.
Yves-Marie Toullic : en logique.
b) Nomination de Monsieur de Robien.
Joseph-François Brunot : en logique.
Louis-Jean Gallois : 4ème année de droit.
Joseph-Joachim-Marie Le Gualès : 3ème année de droit.
Marc-Antoine-Bertrand-Marie de Boisboissel : 6ème année de droit.
Bertrand-Marie-Emilien de Trolong du Halgoët : 7ème année de droit.
Arnaud-Marie-Thomé de Kéridec : 7ème année de droit.
2° FONDATION DONYOU.
Joseph-Marie-Rolland de Cheffontaines : en licence.
Claude-Anne Couffon de Kerdellech : 2ème année de théologie.
Yves-Anne Bastiou : 1ère année de théologie.
Louis-Rose-Julien Le Clerc : en rhétorique.
Joseph-Louis Pitot du Helles : en logique.
… Fetou de Villeblanche : 6ème année de droit.
3° FONDATION DE KEREMBERT.
René-Michel Le Gris : 4ème année de théologie.
Charles-Louis-Mathurin-Marie Fercoq.
Note 1 : En 1530, à l'âge de 41 ans environ, J. Dubois (1489-1555) dit Sylvius, diplômé de la Faculté de Montpellier, est nommé lecteur de Médecine par Henri II au Collège de Tréguier.
Note 2 : Saint Yves (1253-1303) alla à l'université de Paris à l'âge de quatorze ans, c'est-à-dire en 1267 ; à celle d'Orléans à vingt-quatre ans, c'est-à-dire en 1277, et il y resta deux ans, de 1277 à 1279. Puis il revint en Bretagne en 1280. Saint-Yves était l'ami de la famille Keranmez (ou Keranrais, précédemment citée).
Note 3 : Keranmes (ou Keranraiz /Keranrais) Alain était marié à Tiphaine de Pestivien. La famille de Keranrais donne deux champions au combat des Trente (Alain et Ollivier son oncle). Alain de Keranraiz appartenait à une branche cadette de la maison de Keranrais de la paroisse de Plouaret. Laîné de cette famille était au XIV siècle, seigneur de Runfao, en Ploubezre et de Keranrais. Le fief de Runfao comprenait les paroisses de Ploubezre, Loquivy-les-lannions, Buhulien, Ploulech, Saint-Michel-en-Grève, Tréduder, etc Les seigneurs de Keranrais et de Runfao (paroisse de Ploubezre) étaient très puissants au Moyen-Age. Ils avaient le droit de haute justice. Jeanne de Plusquellec épousa Evon de Keranrais, seigneur de Keranrais et de Runfao (en 1350 environ). Elle ne laissa quune fille, Anne dame de Keranrais, etc.. , laquelle épousa : 1er Olivier, vicomte de Coetmen dont elle na pas eu denfants ; 2° Jean de Montauban, seigneur dudit lieu. Elle mourut vers 1499. Les possessions allèrent en 1499 après le mariage de Marie de Mautauban, dame de Keranrais dans la maison de Rohan-Quéméné puis aux Hay de Bouteville et enfin à la révolution aux Boiséon.
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