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LE CHATEAU DE COMBOURG |
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Souvenirs historiques. — Le château de Combour au XVIIIème siècle.
Châteaubriand à Combour. — Etat actuel du château.
Le château de Combour, construit sur un rocher dont un étang baignait primitivement la base, était au moyen-âge une place forte d'une certaine importance. Nous avons dit que ses premiers seigneurs furent de rudes batailleurs. En 1064 les barons du pays de Rennes, mécontents du duc de Bretagne Conan II, formèrent une ligue contre ce prince et mirent à leur tête Rivallon de Combour. Celui-ci appela à son secours Guillaume duc de Normandie et en l'attendant alla s'enfermer à Dol dans la forteresse qu'il avait construite malgré l'opposition de l'archevêque ; il y soutint l'assaut de l'armée ducale, mais se vit bientôt débarrassé de Conan qui, à l'approche de Guillaume de Normandie, leva le siège de Dol et se rendit à Dinan ; le duc y fut assiégé à son tour par les Normands et forcé de rendre cette ville à Guillaume qui regagna ensuite son duché. A peine Guillaume de Normandie se fut-il retiré que Conan II voulut se venger de la révolte de Rivallon de Combour et le punir d'avoir appelé les étrangers en Bretagne. Ayant appris que Rivallon s'était enfermé dans son château de Combour, il vint l'y assiéger. Ce qui prouve la force de ce château, c'est que le duc parut sous ses murs accompagné d'une belle armée et de puissants barons, Geffroy comte de Rennes, Morvan vicomte de Léon, Raoul de Gaël, Judicaël de Lohéac et Alain de Rieux. Le siège de Combour fut vivement mené par Conan ; il s'empara de la place, se rendit maître de Rivallon, envoya ce dernier en exil et étouffa la, révolte qu'il avait suscitée (1065) [Note : D. Lobineau, Hist. de Bret., 97. — A. de la Borderie, Cours d'Histoire de Bret., I, 59].
Un siècle plus tard, Combour soutint un nouveau siège. Une ligue de mécontents s'était encore formée contre le duc de Bretagne Conan IV, à l'instigation de Jean II de Dol, sire de Combour ; celui-ci rallia à sa cause le comte de Léon et les barons de Fougères et de Porhoët qui continuèrent la lutte après sa mort, arrivée en 1162.
Battu en plusieurs rencontres par ses barons révoltés, Conan appela à son secours Henri II, roi d'Angleterre. Ce prince donna ordre à Richard comte d'Humière, son connétable, d'assembler les barons de Normandie et d'attaquer ceux de Bretagne ; Richard obéit, entra dans notre province et fit au mois d'août 1164 le siège de Combour, dont il s'empara [Note : D. Lobineau, Hist. de Bret., 154. — Combour appartenait alors à Yseult de Dol, placée sous la tutelle de Raoul baron de Fougères]. Il prit également Dol, et Henri II, s'étant emparé lui-même de Fougères, demeura malheureusement maître de la Bretagne.
Pendant quinze ans le roi d'Angleterre « broya la Bretagne dans ses mains de fer et s'efforça de la transformer en province anglaise, mais il se heurta à une résistance opiniâtre qu'il ne put dompter. De 1167 à 1178 huit révoltes éclatèrent coup sur coup sous la patriotique impulsion de Bretons dont les noms doivent être cités avec admiration et respect » [Note : A. de la Borderie, Cours d'hist. de Bret., I, 118]. Parmi ces intrépides champions de la liberté bretonne figure Raoul de Fougères qui parvint en 1173 à reprendre aux Anglais le château de Combour [Note : D. Lobineau, Hist. de Bret., 160].
Sous le règne de Pierre Mauclerc, Jean de Dol, seigneur de Combour, eut beaucoup à souffrir de ce duc de Bretagne qui s'empara de son château ; le sire de Combour réussit néanmoins à recouvrer cette forteresse, mais il ne put empêcher les officiers du prince, Normand de Québriac de saccager les environs de Combour et Robert de Sorel de mettre deux fois le feu en la ville de ce nom. C'est ce que nous apprend une enquête faite en 1235 en faveur de Jean de Dol demandant à être indemnisé de tous ces dégâts [Note : A. de la Borderie, Actes inédits des ducs de Bretagne (Mémoires de la Société Archéol. d’Ille-et-Vilaine, XXI, 131)].
Durant la longue et terrible guerre de la Succession de Bretagne du Guesclin dut combattre souvent dans le pays de Combour ; on ne voit pas cependant que le château ait été, à cette époque, l'objet de quelque siège. Mais d'Argentré raconte que l'illustre chevalier breton « rencontra aux landes de Combour, » du côté de Meillac, une troupe d'Anglais commandée par Jean Felleton ; après avoir fort vaillamment « rompu leurs lances les uns les autres, il leur fallut venir aux mains, aux haches et aux espées ; auquel combat Felleton fut par trois fois pris et autant de fois recoux, mais finalement fut abattu par terre » et emmené prisonnier à Pontorson [Note : D'Argentré, Histoire de Bret., 3° édition, p. 316].
Le comte de Combour, Jean de Coëtquen, soutint toujours, pendant les guerres de la Ligue, le parti du roi de France et ne permit pas au duc de Mercoeur et à ses Ligueurs d'entrer à Combour. Les comptes du prince de Dombes, lieutenant-général d'Henri IV en Bretagne, nous apprennent qu'en 1591 et 1592 ce prince entretenait dans le château de Combour une garnison royaliste de « vingt hommes de guerre à pied, sous la charge du seigneur comte de Combour et commandés par un lieutenant » ; les gages de ces soldats montaient à 95 écus par mois [Note : Archiv. d'Ille-et-Vilaine, C. 3669]. En 1590 le capitaine de Combour se nommait Olivier du Rocher et il affermait alors 120 liv. par an le droit de guet du château de Combour dû par les vassaux de la seigneurie, c'est-à-dire les amendes et confiscations que pouvait procurer l'exercice de ce droit féodal [Note : Archives du château de Combour].
Il n'est plus ensuite fait mention de fait militaire concernant le château de Combour ; cependant au XVIIème siècle cette forteresse continuait d'avoir un capitaine ; c'était, vers 1650, Bertrand Gouyon, seigneur de Vaudurant, en 1669 Pierre de Salano et en 1676 Malo de Cantilly [Note : Archiv. municipales de Combour]. Mais le rôle qu'avaient joué dans les guerres les châteaux-forts du moyen- âge était terminé. Aussi les marquis de Coëtquen enlevèrent-ils à leur château de Combour une partie de ses moyens de défense afin de le rendre moins triste et d'en faciliter l'accès.
C'est ici qu'il nous faut parler de la construction du château de Combour.
Quoique plusieurs auteurs aient écrit que la principale tour ou donjon de Combour existant encore était l'œuvre de l'archevêque de Dol Ginguené, il semble certain qu'il ne demeure rien à Combour de la forteresse élevée par ordre de ce prélat dans la première moitié du XIème siècle. On ne peut admettre non plus avec Châteaubriand [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, 26] que cette grande tour date de l'an 1100. « Rien dans cette construction, dit un archéologue distingué [Note : Abbé Brune, Répertoire archéologique d'Ille-et-Vilaine (Mémoires de la Société arch. d’Ille-et-Vilaine, I. 56)], ne semble remonter au-delà du XIVème siècle ».
Mais si ce donjon ou tour du Nord-Est peut être daté de cette dernière époque, le reste du château, c'est-à-dire l'ensemble de la construction, est une œuvre du XVème siècle, attribuée généralement à Geoffroy de Malestroit, baron de Derval et sire de Combour, décédé en 1463. Il existe d'ailleurs des lettres patentes du duc de Bretagne Pierre II autorisant, en 1454, le seigneur de Combour à lever un impôt extraordinaire sur ses vassaux pour subvenir aux dépenses que lui occasionnait la restauration de son château [Note : Archiv. du château de Combour]. C'est à cette époque que dut être relevée la dernière tour de cette forteresse.
Bâti sur un plan à peu près rectangulaire, avec cour intérieure, le château de Combour est flanqué à ses angles de quatre grosses tours cylindriques, d'inégale hauteur, garnies de créneaux et de machicoulis ; de ces tours les deux vers le Nord sont plus élevées et plus espacées que celles du Midi.
Nous venons de dire qu'aux siècles derniers les marquis de Coëtquen cherchèrent à rendre moins sombre l'aspect de leur château de Combour. Pour atteindre ce but ils firent enlever une immense terrasse formant sur trois côtés de la forteresse une formidable enceinte ; cette terrasse rejoignait l'étang qui à l'origine venait jusqu'au pied de la courtine méridionale assise sur le roc, et défendait suffisamment de toute approche ennemie cette partie du château. La terrasse était séparée de la forteresse par un large fossé creusé profondément dans le granit et se trouvait elle-même précédée d'un autre fossé. De ces anciennes douves il ne reste rien ; en souvenir d'elles on a simplement creusé un petit fossé revêtu de pierre sous la courtine septentrionale du château, devant la porte d'entrée. La hauteur de cette terrasse était telle qu'elle atteignait le premier étage de la demeure féodale — dont le rez-de-chaussée affecté au logement des serviteurs sert encore de cuisine — et recevait le pont-levis donnant entrée immédiate au château. Un autre pont permettait de franchir la douve extérieure de la terrasse. Les marquis Coëtquen comblèrent les douves du château de Combour avec les terres de cette enceinte et remplacèrent les ponts-levis par un immense perron de granit permettant d'arriver à la porte principale de la forteresse, ouverte au premier étage, comme il vient d'être dit. Ce perron, reconstruit de nos jours, repose sur de grandes arcades ogivales qui forment comme le vestibule de l'entrée des cuisines ; un petit pont, jeté sur la douve sèche, conduit à leur porte et leurs vastes fenêtres à croisée de granit s'ouvrent sur le fossé.
Etudions maintenant le château de Combour à l'extérieur, au point de vue architectural ; nous y entrerons plus tard.
Pour nous reconnaître dans cette description, adoptons les noms que portent actuellement les quatre tours de la forteresse, quoique nous ayons des raisons de ne pas regarder ces dénominations comme très anciennes.
Lorsqu'on se trouve devant l'entrée du château de Combour, la première tour à gauche du spectateur est la tour du More ; à droite s'élève la, tour du Croisé ; au côté opposé du château, vers Midi, la tour correspondant à celle du More est la tour Sibylle ; vis-à-vis celle-ci se dresse la tour du Chat.
L'ensemble de la construction est d'aspect sévère : point d'ornementation aux ouvertures, à peine quelques moulures aux créneaux et quelques accolades entre les machicoulis. Sauf la façade septentrionale et la tour du Croisé qui sont en bel appareil de granit, tout le château est en solide mais grossière maçonnerie, couronné cependant de créneaux et machicoulis en grand appareil.
La tour du More, considérée comme le donjon de la place, est certainement la partie la plus ancienne du château. Elle est construite en petits blocs irréguliers de granit noyés dans un ciment fort résistant ; ses murs n'ont guère moins de quatre mètres d'épaisseur ; ses ouvertures sont rares et fort étroites ; mais sa galerie, crénelée et couverte, repose sur des encorbellements très allongés et assez saillants, séparés entre eux par des moulures tréflées ; une vaste toiture conique recouvre à la fois la tour et ses créneaux. Cette tour est élevée et fort belle, mais les trèfles de ses machicoulis ne permettent pas de la faire remonter au XIème siècle.
Vis-à-vis se montre la tour du Croisé, presque aussi haute et aussi grosse que celle du More. Elle s'en distingue par le grand et bel appareil granitique de sa construction. Sa couronne de créneaux est soutenue par des machicoulis à encorbellements assez larges diminuant vers leurs bases et séparés par des accolades sculptées ; nous sommes ici en pleine architecture du XVème siècle et nous croyons pouvoir attribuer à cette tour la date de 1454, époque de l'achèvement du château de Combour par Geoffroy de Malestroit. La galerie de la tour du Croisé est recouverte, comme celle de la tour du More, par une vaste couverture conique, imitée de cette dernière.
Au milieu de la courtine séparant ces deux tours est la porte d'entrée du château. Une galerie crénelée et couverte, avec machicoulis semblables à ceux de la tour du Croisé, surmonte cette courtine et relie les tours entre elles ; dans la toiture, des lucarnes trilobées correspondent aux ouvertures des créneaux de la galerie.
La porte, s'ouvrant au haut du perron dont nous avons parlé, est de forme ogivale et accostée d'un portillon de même style ; elle n'a plus sa herse du moyen-âge, depuis longtemps disparue, mais elle conserve de chaque côté les rainures pratiquées dans la muraille pour laisser passer les chaires de l'ancien pont-levis. Au-dessus de cette porte est actuellement sculpté un écusson portant les armes des comtes de Châteaubriand : de gueules au semis de fleurs de lys d'or sans nombre, accompagné de leur belle devise : mon sang teint les bannières de France.
Faisons maintenant le tour du château.
La courtine qui relie la tour du Croisé à la tour du Chat appartient manifestement à deux époques : la partie adhérente à la tour du Croisé a dû être relevée en même temps que cette tour, vers 1454 ; ce sont les mêmes créneaux et les mêmes machicoulis ; l'autre portion, au contraire, semble avoir été construite antérieurement : elle est contemporaine de la tour du Chat. Comme celle-ci elle est surmontée d'une galerie découverte dont les créneaux percés de meurtrières ou arbalétrières reposent sur des encorbellements allongés, un peu semblables à ceux de la tour du More, séparés par des arcatures trilobées. La tour du Chat est accompagnée d'une tourelle renfermant un escalier ; à leur sommet s'élève une toiture pyramidale accostée d'un petit toit conique.
Le troisième côté du château, c'est-à-dire la courtine entre la tour du Chat et la tour Sybille, renferme l'ancienne Grande salle, dont les fenêtres ont été remaniées et agrandies de nos jours. Les autres ouvertures de la forteresse sont non seulement rares et étroites, mais elles conservent encore les derniers vestiges des grilles de fer qui les protégeaient jadis. Cette courtine méridionale supporte une galerie découverte, crénelée, à machicoulis à peu près semblables à ceux de la tour du Chat. La tour Sybille ressemble fort à celle-ci elle est couronnée comme elle par une galerie découverte qui se prolonge sur la courtine de l'Est jusqu'à la tour du More ; elle est également coiffée d'un toit pyramidal aigu, et des trèfles ou trilobes séparent ses machicoulis. Toute cette partie du château est ancienne et antérieure, semble-t-il, à l'année 1454 ; mais il faut bien avouer que depuis la restauration, entreprise récemment, du château tout entier, il est devenu difficile d'assigner une date précise à chacune de ses parties.
Nous ne disons rien du quatrième côté reliant la tour Sybille à celle du More, parce que cette courtine présente le même aspect que la précédente : elle doit aussi appartenir à la même époque et se trouve d'ailleurs cachée par les grands arbres du parc.
Tel est extérieurement le château de Combour, restauré à grands frais voilà une vingtaine d'années (vers 1880) ; il n'a plus l'aspect militaire que lui donnaient au moyen-âge ses douves et ses pont-levis, mais il demeure toujours grandiose.
Pour délasser le lecteur de cette longue et ennuyeuse description architectonique, ouvrons les Mémoires d'Outre-Tombe et voyons-y ce qu'était Combour vers 1778. Qui peut mieux nous dépeindre cette féodale demeure que celui qui l'illustra si grandement, Chateaubriand ? Laissons donc l’immortel écrivain nous décrire lui-même Combour tel qu'il le vit pour la première fois.
« Nous débouchâmes par une porte bâtie dans une cour de gazon, appelée la Cour Verte. A droite étaient de longues écuries et un bouquet de marronniers ; à gauche un autre bouquet de marronniers. Au fond de la cour, dont le terrain s'élevait insensiblement, le château se montrait entre deux groupes d'arbres. Sa triste et sévère façade présentait une courtine portant une galerie à machicoulis, denticulée et couverte. Cette courtine liait ensemble deux tours inégales en âge, en matériaux, en hauteur et en grosseur, lesquelles tours se terminaient par des créneaux surmontés d'un toit pointu, comme un bonnet posé sur une couronne gothique.
Quelques fenêtres grillées apparaissaient çà et là sur la nudité des mûrs. Un large perron roide et droit de vingt-deux marches, sans rampes, sans gardes-fou, remplaçait sur les fossés comblés l'ancien pont-levis ; il atteignait la porte du château, percée au milieu de la courtine. Au-dessus de cette porte on voyait les armes des seigneurs de Combour, et les taillades à travers lesquelles sortaient jadis les bras et les chaînes du pont-levis.
Nous montâmes le perron, nous pénétrâmes dans un vestibule sonore, à voûte ogive, et de ce vestibule dans une petite cour intérieure.
De cette cour nous entrâmes dans le bâtiment regardant au Midi sur l'étang, et jointif des deux petites tours. Le château entier avait la figure d'un char à quatre roues. Nous nous trouvâmes de plain-pied clans une salle jadis appelée la Salle des Gardes. Une fenêtre s'ouvrait à chacune de ses extrémités ; deux autres coupaient la ligne latérale. Pour agrandir ces quatre fenêtres, il avait fallu excaver les murs de huit à dix pieds d'épaisseur. Deux corridors à pente inclinée, comme le corridor de la grande Pyramide, partaient des deux angles extérieurs de la salle et conduisaient aux petites tours. Un escalier, serpentant dans l'une de ces tours, établissait des relations entre la salle des Gardes et l'étage supérieur : tel était ce corps de logis.
Celui de la façade de la grande et de la grosse tour, dominant le Nord, du côté de la Cour verte, se composait d'une espèce de dortoir carré et sombre, qui servait de cuisine ; il s'accroissait du vestibule, du perron et d'une chapelle. Au-dessus de ces pièces était le salon des Archives, ou des Armoiries, ou des Oiseaux, ou des Chevaliers, ainsi nommé d'un plafond semé d'écussons coloriés et d'oiseaux peints. Les embrasures des fenêtres étroites et tréflées étaient si profondes, qu'elles formaient des cabinets autour desquels régnait un banc de granit. Mêlez à cela, dans les diverses parties de l'édifice, des passages et des escaliers secrets, des cachots et des donjons, un labyrinthe de galeries couvertes et découvertes, des souterrains murés dont les ramifications étaient inconnues ; partout silence, obscurité et visage de pierre : voilà le château de Combour » [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, 65 et 66].
Veut-on connaître la vie que menait au siècle dernier le comte de Combour dans sa demeure seigneuriale ? écoutons encore son fils François-René de Châteaubriand ; il nous donnera en même temps d'ailleurs d'intéressants détails sur l'intérieur du château de Combour.
« Dans le cours de l'année, écrit-il, aucun étranger ne se présentait au château, hormis quelques gentilshommes qui demandaient l'hospitalité en allant plaider au Parlement. Mon père, toujours très cérémonieux, les recevait tête nue sur le perron, au milieu de la pluie et du vent. Le soir on les conduisait dans la tour du Nord, à l'appartement de la reine Christine, chambre d'honneur occupée par un lit de sept pieds en tous sens, à doubles rideaux de gaze verte et de soie cramoisie, et soutenu par quatre amours dorés.....
Le calme morne du château de Combour était augmenté par l'humeur taciturne et insociable de mon père. Au lieu de resserrer sa famille et ses gens autour de lui, il les avait dispersés à toutes les aires de vent de l'édifice. Sa chambre à coucher était placée dans la petite tour de l'Est, et son cabinet dans la petite tour de l'Ouest. Les meubles de ce cabinet consistaient en trois chaises de cuir noir et une table couverte de titres et de parchemins. Un arbre généalogique de la famille de Châteaubriand tapissait le manteau de la cheminée, et dans l'embrasure d'une fenêtre on voyait toutes sortes d'armes, depuis le pistolet jusqu'à l’espingole. L'appartement de ma mère régnait au-dessus de la grande salle, entre les deux petites tours ; il était parqueté et orné de glaces de Venise à facettes. Ma sœur habitait un cabinet dépendant de l'appartement de ma mère. La femme de chambre couchait loin de là, dans le corps de logis des grandes tours. Moi, j'étais niché dans une espèce de cellule isolée, au bout de la tourelle de l'escalier qui communiquait de la cour intérieure aux diverses parties du château. Au bas de cet escalier, le valet de chambre de mon père et le domestique gisaient dans des caveaux voûtés, et la cuisinière tenait garnison dans la grosse tour de l'Ouest.
Mon père se levait à quatre heures du matin, hiver comme été, et travaillait dans son cabinet jusqu'à midi.... Je n'avais aucune heure fixe, ni pour me lever, ni pour déjeuner; j'étais censé étudier jusqu'à midi ; la plupart du temps je ne faisais rien.
A onze heures et demie on sonnait le dîner, que l'on servait à midi. La grand'salle était à la fois salle à manger et salon : on dînait et l'on soupait à l'une de ses extrémités, du côté de l'Est ; après les repas on se venait placer à l'autre extrémité, du côté de l'Ouest, devant une énorme cheminée. La grand'salle était boisée, peinte en gris blanc et ornée de vieux portraits depuis le règne de François Ier jusqu'à celui de Louis XIV ; parmi ces portraits on distinguait ceux de Condé et de Turenne : un tableau, représentant Hector tué par Achille sous les murs de Troie, était suspendu au-dessus de la cheminée.
Le dîner fait, on restait ensemble jusqu’à deux heures. Alors, si l'été mon père prenait le divertissement de la pêche, visitait ses potagers, se promenait dans l'étendue du vol du chapon ; si l'automne et l'hiver il partait pour la chasse, ma mère se retirait dans la chapelle, où elle passait quelques heures en prière. Cette chapelle était un oratoire sombre [Note : La chapelle du château de Combour était en 1638 dédiée à saint Martin ; elle était alors fondée de messes], embelli de bons tableaux des plus grands maîtres, qu'on ne s'attendait guère à trouver dans un château féodal, au fond de la Bretagne. J'ai aujourd'hui en ma possession une Sainte Famille de l'Albane, peinte sur cuivre, tirée de cette chapelle : c'est tout ce qui me reste de Combourg » [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, I, 125-129].
C'est dans cette petite chapelle que se marièrent les sœurs de Châteaubriand : en 1780 Mmes Geffelot de Marigny et de Québriac, en 1782 Mme de Farcy [Note : Reg. paroiss. de Combour] ; devenue veuve dès 1783, Mme de Québriac se remaria au comte de Châteaubourg. Quant à Lucile, la sœur préférée du grand écrivain, elle épousa à Rennes M. de Caud pendant la Révolution.
Durant l'émigrations de Châteaubriand, la Nation voulut s'emparer de la terre de Combour, en 1796 ; mais sa sœur, Mme de Farcy, fit observer aux commissaires-priseurs que le château de Combour appartenait de droit aux deux fils de feu Jean-Baptiste de Châteaubriand, résidant en France sous la tutelle de leur aïeule Mme de Châteaubriand [Note : Archiv. d'Ille-et-Vil.]. L'aîné de ces enfants, le comte Louis de Châteaubriand, eut plus tard en partage ce château de Combour qu'il laissa au fils unique, Geoffroy de Châteaubriand, qu'il avait eu de son union avec Mlle d'Orglandes [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, I, 11]. C'est à ce Geoffroy-Christian, comte de Châteaubriand, né en 1828 et décédé en 1889, et à la comtesse sa femme, née Antoinette de Rochetaillée, qu'est due la restauration actuelle du château de Combour.
Avec l'étang qui le précède, au milieu des beaux arbres dont il est entouré et des maisons de la petite ville qu'il domine, ce château demeure « comme un grand seigneur environné de ses vassaux » [Note : Abbé Brune, Cours d'archéologie religieuse, 327]. Sa vieille Cour verte, ses anciens mails, ont fait place, il est vrai, à un vaste parc tracé à l'anglaise et fort bien tenu ; mais, comme nous l'avons dit, la puissante forteresse des comtes de Combour est restée à peu près intacte extérieurement. Elle a subi, au contraire, bien des modifications intérieures exigées par le genre de vie moderne fort différent de l'existence menée au moyen-âge.
Quand on a gravi le grand perron et franchi la porte d'entrée du château de Combour, on se trouve dans un vestibule richement décoré : en face apparait le buste en marbre de l'auteur des Martyrs ; n'est-il pas juste qu'ils reçoive tout d'abord l'hommage des visiteurs ? La voûte de ce vestibule est en pierre et sur croisée d'ogives ; on y a peint plusieurs écussons dont les brillants émaux enlèvent un peu de la demi-obscurité régnant dans la pièce : à la place d'honneur l'écu des rois de France; sur les portes l'hermine des ducs de Bretagne; çà et là dans la voûte les armoiries des familles ayant possédé la seigneurie de Combour et des nobles maisons qui leur furent alliées.
A droite de cette entrée est un salon, à gauche se trouve la chapelle. Celle-ci sombre et basse est telle qu'au siècle dernier; son ameublement seul est moderne. Dans le salon qui lui fait vis-à-vis, une haute et belle cheminée moderne offre au centre de son ornementation sculptée une hermine passante surmontée de la couronne ducale ; en face une vaste fresque couvrant toute la muraille reproduit un fait historique justement cher à la famille qui possède aujourd'hui Combour : c'est le roi saint Louis changeant les armoiries de Geoffroy IV, baron de Châteaubriant, en récompense des services qu'il lui avait rendus par sa vaillance ; ce prince autorisa le noble chevalier ainsi que sa postérité à porter désormais les propres armes de France qui étaient alors des fleurs de lys sans nombre ; l'émail seul du champ de l'écu fut changé ; d'azur qu'il était pour le roi, il devint de gueules, c'est-à-dire rouge, pour le sire de Châteaubriant; ce qui fit prendre aux descendants de ce baron cette fière et courageuse devise : Mon sang teint les bannières de France [Note : Les barons de Châteaubriant portaient primitivement un papellonné ou des plumes de paon sans nombre (sceaux de 1199, 1214 et 1217), mais le P. du Paz assure avoir vu un autre de leurs sceaux, de 1207, présentant : de gueules à des pommes de pin d'or sans nombre ; peut-être a-t-il pris le papellonné pour des pommes de pin. Ce fut avant son retour de la Croisade (1250) que Geoffroy IV de Châteaubriant reçut du roi les fleurs de lys, car elles se trouvent sur ses sceaux dès 1242 et 1247].
De ce petit salon nous entrons dans la bibliothèque occupant la tour du Croisé. Au milieu de cette pièce sont le bureau et le fauteuil de bureau qu'avait à Paris Châteaubriand quand il mourut. Ces meubles se trouvaient naguère dans la chambre du grand écrivain et n'ont été descendus que depuis quelque temps dans la bibliothèque. A côté se trouve une singulière relique, c'est sous verrine le squelette d'un chat trouvé dans la muraille de la tour du château portant encore le nom de tour du Chat. Cet animal était légendaire à Combour, accompagnant certain revenant qui devait être Malo, marquis de Coëtquen, dont la jambe fut emportée par un boulet au combat de Malplaquet et qui, comme nous l'avons dit, mourut à Combour en 1727. Il est fait mention de ce seigneur et de son chat dans les Mémoires d'Outre-Tombe : « Les gens étaient persuadés qu'un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles [Note : C'est une exagération de poète], apparaissait à certaines époques, et qu'on l'avait rencontré dans le grand escalier de la tourelle ; sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois seule avec un chat noir » [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, I, 131].
L'ancienne cour intérieure du château a été en partie convertie en un hall sobrement, mais artistement ornementé, et on y a construit un bel escalier d'honneur en bois sculpté. L'autre moitié de la cour communique avec le hall par des arcades vitrées et a par ailleurs les parois de ses murailles revêtues sur trois côtés de tuffeau sculpté dans le style de la Renaissance; des médaillons variés, une fontaine surmontée de l'écusson de Rochetaillée, une niche attendant une statue forment l'ornementation de cette petite cour. On y éprouve plus qu'ailleurs le regret de voir cette décoration Renaissance préférée à l'intérieur du vieux château aux ornements du XVème siècle qui eussent mieux convenu au style de sa construction.
Du hall on pénètre dans ce qu'on appelait jadis la salle des Gardes ou la Grand'Salle ; c'était là que le père de Châteaubriand faisait chaque soir d'hiver sa promenade silencieuse et terrifiante : « Lucile et moi, raconte l'illustre vicomte, nous échangions quelques mots à voix basse quand il était à l'autre bout de la salle ; nous nous taisions quand il se rapprochait de nous. Il nous disait en passant : De quoi parliez-vous ? Saisis de terreur, nous ne répondions rien ; il continuait sa marche. Le reste de la soirée, l'oreille n'était plus frappée que du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure du vent » [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, I, 130].
De cette vaste salle on a enlevé les anciennes boiseries et les vieux portraits ; puis l'on a divisé la pièce pour en former deux salons ; les cheminées antiques, à larges manteaux, ont également disparu, mais l'on assure qu'elles ne présentaient pas de sculptures intéressantes qui pussent les faire regretter.
Les deux salons sont donc entièrement neufs. La décoration du premier, ou grand salon, est riche et de bois goût ; les murailles y sont couvertes de peintures figurant au milieu de charmants rinceaux les armes de France avec la devise : Montjoie Saint-Denis, le vieil écusson des barons de Châteaubriant : de gueules à des pommes de pin d'or, et pour devise : Je sème l'or, et enfin les armes actuelles de Châteaubriand données par saint Louis, accompagnées de leur noble devise. Deux personnages en pied sont également peints dans cette salle : d'un côté Alain III, duc de Bretagne, qui eut des intérêts à Combour, et de l'autre Tihern, père de Briant, premier baron de Châteaubriant et tige de la famille de ce nom. Les anciennes cheminées de la Grand'salle ayant été enlevées, on en a construit deux autres en pierre blanche richement sculptées dans le style de la Renaissance ; celle du grand salon présente deux lions supportant son manteau, couvert de médaillons et de figurines ; celle de la salle à manger est ornée du buste de la célèbre comtesse de Châteaubriant, la belle Françoise de Foix qu'aima trop le roi chevalier. Par ailleurs, la décoration de la salle à manger se compose d'hermines au naturel, de chiffres entrelacés, de rinceaux et de fleurs.
Du grand salon on entre dans un boudoir occupant la tour du Chat et qu'orne sur un chevalet le portrait du comte de Châteaubriand restaurateur du château de Combour.
De la salle à manger on communique avec la tour Sibylle. Le nom de cette tour rappelle une autre baronne de Châteaubriant, bien différente de Françoise de Foix : Sibylle fut, au contraire, une victime de l'amour conjugal et sa touchante histoire mérite d'être conservée. Lorsque saint Louis combattit à la Massoure, Geoffroy de Châteaubriant fut laissé pour mort sur le champ de bataille ; plusieurs années se passèrent sans qu'on entendît parler de lui. En réalité, il vivait encore ; mais, prisonnier des musulmans, il ne pouvait donner signe de vie en Bretagne. Sibylle, sa femme, portait toujours son deuil lorsqu'elle apprit tout à la fois sa conservation et son retour ; elle courut au devant de lui ; mais, « remplie d'allégresse, à la rencontre et accolade, ceste bonne dame trespassa de joie entre ses bras, témoignage de la parfaite amitié qu'elle portoit à son seigneur et mari » [Note : Du Paz, Hist. généal. de plus. mais. de Bret., 15].
Rentrés dans le hall nous montons le grand escalier d'honneur pour gagner les appartements supérieurs. En le gravissant nous apercevons sur la muraille une inscription moderne que nous croyons devoir reproduire sans y ajouter aucun commentaire :
HOC CASTELLUM
COMITIBURGENSE DICTUM
ANNO DNI MXVI
AB EPISCOPO
DOLENSI JUNKEN
INCOEPTUM EST.
ANNO DNI MDCCCLXXVI
E COMMUNI CONSILIO
COMITIS
GOFRIDIS DE CHATEAUBRIAND
ET UXORIS SUÆ
ANTOINETTE DE ROCHETAILLEE
INSTAURABATUR
IDEM.
Les chambres que nous visitons se font surtout remarquer par les belles tapisseries d'Aubusson qui les décorent, par les anciennes cheminées et par les portraits de famille qu'elles renferment. L'un de ces portraits représente un guerrier XVIème siècle, qui est censé donner son nom à la tour du Croisé dans laquelle il se trouve. Signalons aussi dans la tour du More des appartements conservant dans l'embrasure des fenêtres les bancs de pierre du moyen-âge, et communiquant entre eux par un escalier droit habilement dissimulé dans l'épaisseur même de la muraille.
Mais ce que l'on veut surtout voir à Combour, c'est la chambre de Châteaubriand ; ce château n'est-il pas le but de respectueux pèlerinages pour les nombreux admirateurs du chantre des Martyrs ? « C'est, en effet, dans ses murs que s'écoulèrent les plus belles années de son enfance ; c'est là que pour la première fois il tailla la plume qui devait lui donner une si juste célébrité » [Note : Potier de Courcy, Itinéraire de Rennes à Saint-Malo, 365]. Aussi la chambre qu'il y occupait demeure-t-elle l'objet de la légitime curiosité des visiteurs.
Cette chambre se trouve au sommet de la tour du Chat et l'on s'y rend par le vieil escalier de pierre accolé à cette tour. « La fenêtre de mon donjon, écrit Châteaubriand, s'ouvrait sur la cour intérieure ; le jour, j'avais en perspective les créneaux de la courtine opposée, où végétaient des scolopendres et croissait un prunier sauvage. Quelques martinets, qui, durant l'été, s'enfonçaient en criant dans les trous des murs, étaient mes seuls compagnons. La nuit, je n'apercevais qu'un petit morceau du ciel et quelques étoiles. Lorsque la lune brillait et qu'elle s'abaissait à l'Occident, j'en étais averti par ses rayons, qui venaient à mon lit au travers des carreaux losangés de la fenêtre. Des chouettes, voletant d'une tour à l'autre, passant et repassant entre la lune et moi, dessinaient sur mes rideaux l'ombre mobile de leurs ailes. Relégué dans l'endroit le plus désert, à l'ouverture des galeries, je ne perdais pas un murmure des ténèbres. Quelquefois le vent semblait courir à pas légers ; quelquefois il laissait échapper des plaintes ; tout à coup une porte était ébranlée avec violence, les souterrains poussaient des mugissements, puis ces bruits expiraient pour recommencer encore. A quatre heures du matin, la voix du maître du château, appelant son valet de chambre à l'entrée des voûtes séculaires, se faisait entendre comme la voix du dernier fantôme de la nuit » [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, I, 133 et 134].
La chambre du grand écrivain conserve son mélancolique aspect. D'une simplicité extrême, elle est parcimonieusement éclairée par deux étroites fenêtres donnant sur les créneaux. On y voit un petit lit de fer avec son armature semblable recouverte de rideaux en calicot blanc. Ce lit vient de l'hôpital Marie-Thérèse que fonda à Paris la vertueuse compagne de Châteaubriand, Céleste Buisson de la Vigne ; on dit qu'elle voulut y mourir et que Châteaubriand, prêt à son tour à quitter la vie, s'y fit transporter pour rendre le dernier soupir. Ce lit, avec son crucifix et son bénitier, furent ensuite apportés de Paris à Combour, ainsi que le bureau et le fauteuil de travail de l'illustre vicomte.
En face du lit est un buste du comte de Chambord, baptisé avec l'eau du Jourdain qu'avait rapportée Châteaubriand de Terre-Sainte. A la tête du lit un dessin représente Châteaubriand sur sa couche funèbre. Par ailleurs, la chambre est meublée d'une armoire en forme de bahut et d'un vieux coffre, renfermant l'un et l'autre les archives du château de Combour échappées au pillage révolutionnaire. Au milieu du petit appartement une vitrine contient les décorations de Châteaubriand et quelques pièces importantes des archives du château ; signalons parmi ces papiers les lettres ducales de Pierre II autorisant en 1454 le baron de Combour à réparer son château, les lettres royales de Henri III érigeant en 1575 le comté de Combour, les preuves de noblesse faites par Châteaubriand en 1786 pour monter dans les carosses du roi et enfin le contrat de mariage du même daté de 1792.
Ce n'est pas sans émotion qu'on visite cette petite chambre où Châteaubriand enfant acquit le courage d'un homme : « Quand mon père, raconte-t-il, me disait avec un sourire ironique : Monsieur le chevalier aurait-il peur ? il m'eût fait coucher avec un mort » [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, I, 134]. Et ce lit d'hôpital, où voulut mourir M. de Châteaubriand, ancien ministre, ancien ambassadeur, quelles réflexions ne suggère-t-il pas ? On s'arrêterait longtemps volontiers à rêver à René, le rêveur sublime, au haut de cette tour solitaire !
Mais il nous faut quitter ces sommets et descendant les degrés de pierre revenir à la réalité du présent. Avant néanmoins de quitter ce château toujours d'aspect seigneurial mais où règne aujourd'hui une généreuse et noble hospitalité, nous devons signaler la visite que fit à Combour S. A. R Madame la princesse Hélène d'Orléans, fille du Comte de Paris, le 9 août 1891. Elle y fut reçue par Mme la comtesse de Châteaubriand — celle-là même qui restaura si magnifiquement l'intérieur du château — et par sa fille, Mlle Sibylle de Châteaubriand ; celle-ci vient en 1898 d'épouser le comte de Durfort, appartenant à la même famille que le duc de Duras, le vendeur de Combour, en 1761, à M. de Châteaubriand.
Nous terminerons ce chapitre par une dernière citation de Châteaubriand ; on ne peut le quitter quand on parle de Combour :
« Si mes ouvrages me survivent, dit-il, si je dois laisser un nom, peut-être un jour ; guidé par ces Mémoires, quelque voyageur viendra visiter les lieux que j'ai peints. Il pourra reconnaître le château ; mais il cherchera vainement le grand bois, le berceau de mes songes a disparu comme ces songes. Demeuré seul debout sur son rocher, l'antique donjon pleure les chênes, vieux compagnons qui l'environnaient et le protégeaient contre la tempête. Isolé comme lui, j'ai vu comme lui tomber autour de moi la famille qui embellissait mes jours et me prêtait son abri ; heureusement ma vie n'est pas bâtie sur la terre aussi solidement que les tours où j'ai passé ma jeunesse, et l'homme résiste moins aux orages que les monuments élevés par ses mains » [Note : Mémoires d'Outre-Tombe, I, 179].
(abbé Guillotin de Corson).
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