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Histoire militaire de Concarneau au XVIème siècle.

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A partir du second mariage d'Anne de Bretagne, Concarneau échappe à l'histoire pendant soixante-dix ans. Toutefois la place continua d'avoir un capitaine, décoré plus tard du titre de gouverneur, et une garnison à morte paix, c'est-à-dire entretenue en temps de paix, comme en temps de guerre.

Nous avons vu, en 1488, Hervé Garlot chargé de la garde de Concarneau. Nous le retrouvons au même poste dix ans plus tard (Lobineau, Pr., 1595. Compte du trésorier des guerres). Nous ne pouvons dire quand il cessa ses fonctions, ni quel fut son successeur.

En 1542, Concarneau, comme Brest, avait pour capitaine le célèbre Philippe de Chabot, comte de Brion et Charny, amiral de France. Il va sans dire que son titre de capitaine de Concarneau n'était qu'honorifique. L'amiral était suppléé par Jean Moraud de la Provostière, ayant titre de lieutenant.

C'est lui qui, au mois de mai 1543, reçut « Jean de Brosse, dit de Bretagne, comte de Penthièvre, duc d'Etampes, gouverneur et lieutenant général en Bretagne pour le Roi et Monseigneur le Dauphin » [Note : En 1536, le comté de Penthièvre confisqué par François II en 1465, était encore aux mains du Roi. François Ier le rendit à Jean de Brosse, dit de Bretagne, arrière petit-fils de Nicole de Blois, et peu après il le nomma gouverneur de Bretagne. Nomination du 25 février 1542 (43 n. st. Morice, Pr., 1015. — Le gouvernement de Bretagne était un brillant exil pour le Mari de la duchesse d'Etampes. Inventaire du 25 mai. Morice, Pr., III, 1046]. Le gouverneur venait inspecter l'armement des côtes en prévision d'une guerre avec l'Angleterre ; et, le 25 mai, le lieutenant de l'amiral « présenta l'inventaire et fit montre des artilleries, munitions et accoutrements de guerre étant à Conq ».

Le mois suivant, 1er juin, Philippe de Chabot mourait. La capitainerie de Brest fut donnée à François de Cugnac. seigneur de Dampierre en Beauce, qui la tenait encore en 1568 ; et Jean Moraud fut pourvu de la capitainerie de Concarneau [Note : Jean Moraud, dit lieutenant dans l'acte du 25 mai 1543, est dit capitaine dans un acte du 7 avril 1543 (1544 n. st.). Morice, Pr., III, 1051]. Il la garda jusqu'à une date que nous ne pouvons indiquer, mais antérieure à 1568.

A partir du milieu du XVIème siècle, Concarneau va passer pendant plus de soixante ans à la garde de gentilshommes parents les uns des autres.

Le premier d'entre eux fut Jean de Jégado, seigneur de Kerolain. Il a dû exercer cette charge avant 1568 [Note : Son fils Jean, né de Suzanne Le Prestre, est dit « fils de Jean, gouverneur de Concarneau » D'Hozier, Chevaliers de Saint-Michel, p. 184].

Il eut pour successeur, dès 1568, Jean Le Prestre, seigneur de Lézonnet, dont il avait épousé la fille Suzanne.

Jean Le Prestre, un des cent gentilshommes ordinaires de la chambre du Roi, lieutenant du Roi en Basse-Bretagne, maître d'hôtel de Catherine de Médicis, et, depuis, échanson ordinaire de la Reine, fut pourvu, le 29 janvier 1568.

Trois ans après, le 6 juin 1571, son fils Louis, seigneur de Lézonnet, conseiller maître d'hôtel ordinaire du Roi, lui succéda. On était en paix. Lézonnet s'absentait souvent ; la place était négligemment gardée ; et, en 1576, il arriva au capitaine une fâcheuse aventure que le chanoine Moreau a contée en détail. Il s'agit de la surprise de Concarneau par deux seigneurs calvinistes.

J'ai lu quelque part que cette entreprise se fit en pleine guerre de la Ligue : non. En 1576, l'Union n'était pas encore jurée même à Paris ; et les Ligueurs n'ont pris les armes que huit ans plus tard, en 1584. Si l'on ne craignait d'exagérer, on pourrait dire que le premier fait des guerres de religion eut Concarneau pour théâtre.

Jamais entreprise ne fut plus téméraire, on peut dire plus folle ; pour réussir, il faut aux conjurés un allié souvent infidèle, le vent. Il doit porter leur messager aux calvinistes de la Rochelle, et, tournant à propos, ramener à Concarneau le secours des Rochellois.

Lopriac, seigneur de Kermassonnet, fut l'âme de l'entreprise. Il y engagea son beau-frère, Jean de Baud, seigneur de la Vigne le Houlle [Note : Kermassonet, commune de Kervignac, canton de Port-Louis. La Vigne-le-Houlle, commune de Languidic, canton d'Hennebont, arr. de Lorient]. Ils s'adjoignirent quelques gentilshommes de leur voisinage, recrutèrent quelques soldats ; et au nombre de trente cavaliers partirent pour Concarneau. Ils y arrivèrent « le 17 janvier, après-midi ».

Ils étaient bien renseignés : ils savaient que la porte du faubourg serait gardée par un ou deux hommes, peut-être par le portier seul. — La petite troupe s'arrêta à l'abri d'une masure non loin de la porte, et un homme s'avança seul. Le portier seul gardait la porte. L'étranger demande à parler au capitaine : le portier répond qu'il est absent ; l'autre descend de cheval, feint de chercher des lettres, laisse tomber quelques papiers, et, au moment où le portier se baisse pour les relever, le frappe d'un poignard. Il fait signe aux autres qui arrivent au galop et entrent en ville.

Ils s'emparent des quelques soldats de la garnison, les enferment ; et mettent en prison les habitants, sauf ceux chez qui se sont logés leurs chefs.

Mais à peine sont-ils entrés dans la place que le tocsin sonne de proche en proche dans les paroisses voisines ; et, dès trois heures, la nouvelle arrive à Quimper.

Un vieux capitaine, Vincent de Coatanezre, seigneur de Pratmaria, qui touche Quimper, et Jean de Tyvarlen, seigneur de Kerharo, commandant l'arrière-ban de Cornouaille, réunissent la noblesse des environs et partent en hâte. En arrivant, ils trouvent les paysans du voisinage bloquant Concarneau.

Que peuvent trente hommes enfermés dans une place ainsi investie ? Ils envoient demander du secours à leurs coréligionnaires de la Rochelle; mais les vents sont contraires ; et le secours ne sera pas en route que Concarneau sera repris.

Le nombre des assiégés diminuait chaque jour. Le 22 janvier, cinquième jour après la surprise de la place, un marchand, Guillaume Le Bris, laissé libre dans sa maison où Lopriac et un gentilhomme logeaient, les trouve tous les deux endormis de fatigue. Lopriac avait au bras les clés des portes. Le Bris frappe l'un et l'autre de leurs poignards, et court ouvrir la porte principale. Les assiégeants entrent et font main basse sur ce qui restait des trente.

C'était le jour de saint Vincent ; et en mémoire de la reprise de la ville, une procession fut établie qui se faisait encore au XVIIIème siècle [Note : Saint Vincent, le martyr de Saragosse (304), patron des vignerons. La procession, dont Moreau ne parle pas, est mentionnée dans une note sur un registre paroissial allant de 1612 à 1633].

Le gouverneur duc d'Etampes et comte de Penthièvre était mort en 1566 ; et après lui son neveu, Sébastien de Luxembourg, vicomte de Martigues, recueillit en même temps le gouvernement de Bretagne, le duché et le comté. En 1569, il obtint l'érection du Penthièvre en duché, et il mourut la même année. Il laissait pour héritière sa fille Marie, née à Lamballe, le 11 février 1562, qui, le 12 juillet 1575, allait épouser Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur, frère de la Reine Louise de Vaudemont. En 1582, le gouvernement de Bretagne devint vacant [Note : Entre 1565 et 1582, le gouvernement avait été aux mains de Louis de Bourbon, duc de Montpensier], et, pour le malheur de la Bretagne, le Roi Henri III y appela son beau-frère le duc de Mercoeur (5 septembre).

A un double point de vue, cette, nomination fut la plus lourde faute que le Roi pût commettre. Mercoeur était allié des Guises déjà en guerre avec la cour. La duchesse était descendante et héritière au septième degré de Jeanne de Penthièvre : elle prétendra ressusciter les droits anciens de sa maison au duché de Bretagne ; quand un fils lui naîtra à Nantes, elle le fera appeler prince et duc de Bretagne. Pour complaire à sa femme, Mercoeur soulèvera de nouveau la question de la succession de Bretagne ; mais les Bretons ne sont pas disposés à prendre les armes pour réaliser ces rêves ambitieux. Mercoeur a besoin d'un autre titre pour se les attacher ; il va se déclarer chef de la Ligue en Bretagne ; et voilà la guerre civile sévissant chez nous pendant dix années, les Anglais appelés par le Roi, les Espagnols appelés par Mercoeur, foulant et ravageant le pays.

Mais Mercoeur ne prit ce parti qu'en 1588. Avant cette date, en 1585, le Roi a donné Concarneau et Dinan pour places de sûreté aux Ligueurs (Morice, Hist., II, p. 356). Mercoeur va s'attacher les capitaines de ces deux places. Le capitaine de Concarneau ne se rendra à Henri IV qu'après son abjuration (25 juillet 1593), et Dinan sera la dernière ville de Bretagne restée aux mains de Mercoeur (15 février 1598) [Note : La tour de Cesson (Saint-Brieuc), ne se rendit qu'après la paix du 20 mars 1598].

Vers l'époque où les deux places étaient remises aux Ligueurs, Lézonnet vit arriver à Concarneau un personnage dont la présence pouvait lui être une cause d'embarras : c'était un prétendant au trône de Portugal, on peut même dire un Roi détrôné dé Portugal [Note : Cet épisode de l'histoire de Concarneau mériterait une étude que nous ne pouvons faire. Nous donnerons seulement quelques renseignements. Ce fait a été publié dans le Bull. de la Com. Dioc. de Quimper, t. VI (1905), p. 188-190. Le Bulletin en a trouvé la révélation dans une lettre communiquée par M. Bourde de la Rogerie, l'érudit archiviste du Finistère. Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, t. IV, p. 622].

Emmanuel-le-Fortuné, Roi du Portugal, mourant en 1521, avait laissé trois fils : Jean, Louis et Henri, depuis cardinal-archevêque d'Ebora. Jean succéda à son père et mourut en 1557, survivant à son fils de même nom, et laissant le trône au fils de celui-ci, Sébastien. C'était un enfant de trois ans ; il eut pour tuteur, Don Antonio, fils de Louis, né, semble-t-il, d'un mariage clandestin, entré dans l'Ordre de Malte et grand prieur de Crato [Note : Crato, ville de l'Alentejo, chef-lieu du grand prieuré].

A peine majeur, Sébastien périt dès le début d'une téméraire expédition en Maroc, à la bataille d'Alcazar-Quivir (17 juin 1578). Son oncle, Antoine, qui l'accompagnait, fut fait prisonnier et retenu plusieurs mois au Maroc.

Le trône revenait à Antoine ; mais, en son absence, son oncle Henri, le cardinal, publia que la naissance de son neveu était illégitime ; et, dit-on, fit détruire tous les actes qui démontraient le contraire. Il fut proclamé ; mais il mourut le 31 janvier 1580.

Quatre prétendants réclamèrent le trône : Antoine, neveu du cardinal, par son frère Louis ; Philippe II, roi d'Espagne, fils d'une soeur du cardinal ; le duc de Bragance, mari d'une autre soeur ; enfin (qui s'en serait douté ?) la Reine Catherine de Médicis, invoquant un acte de 1254, vieux de 326 ans !

La Reine va prêter secours à Antoine, peut-être avec l'espérance que le prieur de Crato, n'ayant pas d'enfant légitime, appellera à sa succession elle-même ou sa descendance. Pour Catherine, ce peut être une habileté que d'associer ainsi ses prétentions chimériques aux sérieuses prétentions d'Antoine.

Antoine avait pour lui le peuple et les religieux, très nombreux en Portugal. Il fut proclamé à Santarem. Mais, sans perdre un moment, Philippe II fit passer à Lisbonne une armée aux ordres du duc d'Albe. Battu une première fois, Antoine fut complètement défait, le 21 août 1580. Au mois d'avril suivant, les cortès portugaises reconnaissaient Philippe II.

Renonçant au moins pour un temps à la lutte, Antoine essaya vainement de quitter le Portugal pour venir en France ; il fut plusieurs mois contraint de se cacher, protégé par le peuple et les moines qui, malgré les rigueurs du duc d'Albe, lui restaient obstinément fidèles [Note : On dit que le duc fit périr 2.000 moines, partisans d'Antoine]. Enfin, en juin 1581, il débarqua à Calais. Là, il fut accueilli par Joyeuse, que la Reine-mère envoyait le saluer.

L'archipel des Açores, importante station entre Lisbonne et les Indes, tenait pour Antoine ; et la possession de ces îles avait pour lui une grande importance. La Reine Catherine arma de ses deniers, un peu malgré le Roi, une flotte de 55 voiles ; y embarqua 5.000 hommes à Dieppe et à Bordeaux, donna le commandement à son parent, Strozzi, ayant pour second Cossé-Brissac [Note : Charles II de Cossé, depuis 1er duc de Brissac et maréchal de France], et les chargea d'établir Antoine aux Açores.

Le débarquement s'opéra heureusement, le 25 juillet 1582 ; mais la flotte espagnole survint, commandée par l'amiral marquis de Santa-Cruz [Note : Alvarez de Bassano, s'illustra à Lépante (7 octobre 1571). Il se déshonora aux Açores. Malgré les protestations de ses officiers, il fit juger les prisonniers français comme pirates, troublant la paix entre la France et l'Espagne, et fit décoller les gentilshommes et pendre les autres, au nombre de 278. Il mourut en 1587, quand il allait commander l'Invincible Armada], et mieux armée que la flotte française. Un combat furieux s'engagea ; plusieurs navires français furent pris ou coulés, beaucoup d'hommes furent faits prisonniers ; Strozzi fut tué, et Cossé-Brissac se vit contraint de repartir pour la France où il ramena Antoine.

Pourtant Catherine ne se décourageait pas ; l'année suivante (1583), elle envoya encore aux Açores un petit corps d'armée de 2.500 hommes ; mais, assaillis par des forces supérieures, ils furent réduits à capituler (4 août) ; et ces désastreuses expéditions prirent fin [Note : Sur ce qui précède, V. Sismondi. Hist. des Français, XX, p. 24 et suiv. Henri Martin. Hist. de France, IX, 510-512. — Moréri, Dic. Hist. V. Antoine, t. 1, p. 179].

Serait-ce à son retour des Açores, en 1582, qu'Antoine aurait séjourné à Concarneau ? Il semblerait que c'est plus tard. En effet, malgré tous ces échecs, il n'avait pas renoncé au trône, puisque, en 1585, il exposait ses droits à la couronne dans un manifeste écrit en latin, français et hollandais, imprimé à Lyon et adressé aux gouvernements d'Angleterre, de France, et des Provinces unies (Michaud. Biogr. Universelle, II, p. 78). Il avait donc tout intérêt à ne pas trop s'éloigner de la Reine Catherine.

D'autre part, une lettre de l'ambassadeur de Toscane datée du 4 août 1585, rend compte de faits qui semblent tout récents. On y lit :

« Don Antoine, ce roi exilé, s'est enfui à La Rochelle où il est bien vu et bien gardé par les habitants de ce port ; il s'était en effet retiré à Concarneau, place appartenant à la Reine mère en Bretagne [Note : Erreur : la Reine mère n'avait aucun pouvoir à Concarneau] ; mais, comme cette place se trouve au bord de la mer, quelques navires espagnols, commandés par le neveu du marquis de Sainte-Croix [Note : Santa-Cruz nommé plus haut], tentèrent de le surprendre ; mais ayant fait diligence pour se mettre en sûreté, il échappa au péril avec son fils bâtard et Diego Botteglia son favori et ancien confident ; cependant, plusieurs de ses serviteurs moins prompts que lui à se sauver, furent pris et conduits en Espagne. On dit que cette tentative n'a pas été faite à l'insu des Guises et surtout du duc de Mercoeur. En fait, le pauvre prince a trouvé plus de sécurité près des ennemis de Dieu, qui sont aussi les siens, que près de ses propres amis » [Note : Inexactitude. Les ennemis de Dieu (les Calvinistes de La Rochelle), n'étaient pas les ennemis d'Antoine, adversaire de Philippe II, chef de la Ligue].

Remarquez ces mots de l'ambassadeur : « On dit que cette tentative (de surprendre Antoine) n'a pas été faite à l'insu des Guises, notamment du duc de Mercoeur... ».

L'intervention des Guises et de Mercoeur, de Mercoeur surtout, semble assez probable.

Comment comprendre qu'Antoine ait choisi Concarneau, même pour un séjour passager ? Lui fallait-il un port, où il pût, dans une circonstance donnée, s'embarquer pour le Portugal ? Il y avait des ports sur l'Océan et hors de Bretagne. Il fallait se garder d'un port du gouvernement de Mercoeur. Le duc est cousin et allié des Guises ; les Guises sont alliés de Philippe II, chef suprême de la Ligue, et ils ont besoin de lui. C'est lui rendre un service que de lui signaler la retraite d'Antoine et de lui fournir le moyen de le prendre. Sa capture a d'autant plus d'intérêt que le prince ne renonce pas encore au trône de Portugal : témoin le manifeste qu'il publie cette année même.

De La Rochelle, Antoine passa en Angleterre, puis en Hollande, et de là revint à Paris où il mourut le 25 août 1595 [Note : Les historiens espagnols (trop facilement crus et répétés) ont vilipandé Antoine. Impossible d'accorder certaines des accusations portées contre lui, avec le dévoûment que lui gardèrent le peuple et les moines de Portugal].

Nous avons dit que, en 1588, le duc de Mercoeur se déclara chef de la Ligue en Bretagne. Au mois d'avril 1589, Henri III lui enlevait le gouvernement ; et, le 7 juin, il nommait à sa place, avec le titre de lieutenant général, Henri de Bourbon, prince de Dombes [Note : Un jeune étourdi de dix-sept ans ! Né le 12 mai 1573 (et non 1563 comme on lit dans Moréri, erreur de typographie, puisqu'au même endroit, l'auteur indique le mariage de ses parents, en 1566].

Lézonnet resté fidèle à Mercoeur fut en grande faveur auprès de lui ; « et il en reçut tant d'honneurs et de profits qu'il excitait l'envie ». Il avait sous la main « une belle garnison d'une compagnie de chevau-légers, un régiment de gens de pied et du canon » [Note : Moreau, p. 162, parlant de 1594. — Nous verrons plus loin que la garnison de Concarneau en 1595 était beaucoup moindre] ; il n'était pas homme à laisser ce monde oisif : au commencement de l'année 1590, il conduisit toute sa troupe devant le château de Pont-l'Abbé, appartenant à Toussaint de Beaumanoir, vicomte du Besso, commandant de l'infanterie royale. Le moment était bien choisi. Beaumanoir assiégeait Ancenis où il allait recevoir une blessure mortelle.

Lézonnet assisté de tous les Ligueurs du canton voisin, s'empara sans peine de Pont-l'Abbé ; et dès ce moment, il tint sous la main de Mercoeur toute cette partie de la Basse-Bretagne.

Au début de l'année suivante, il eut une vive alerte ; mais il était sur ses gardes : Grézille de la Tremblaye, capitaine de Moncontour, à quarante lieues environ de Concarneau [Note : Moncontour, chef-lieu de canton, arr. de Saint-Brieuc. La route de Rennes à Saint-Brieuc suivie pendant tout le moyen-âge passait par Moncontour réputé la clé de la Basse-Bretagne], sans ordre et secrètement, tenta un coup de main sur cette place. Il arrive à l'aube ; il se tient caché avec sa troupe dans les bois du Moros ; la nuit venue et la mer basse, il envoie un soldat porter un pétard à la porte aux Vins et il suit avec tout son monde. La sentinelle de la tour voisine tue le soldat ; l'alarme est donnée, et la garnison court au rempart. La Tremblaye reconnaît qu'il n'a qu'à s'en aller, laissant là plusieurs morts (janvier 1591).

Il était temps: pendant sa courte absence, Saint-Laurent, maréchal de Mercoeur, avait surpris Moncontour et il pressait l'attaque du château quand une heureuse diversion lui fit abandonner le siège [Note : Le marquis de Coetquen, beau-père de Saint-Laurent, réunit en hâte une troupe armée. Ce qu'apprenant, Saint-Laurent marcha à sa rencontre. Il fut battu à Loudéac (janvier 1591). C'est la date du combat de Loudéac qui nous donne la date de la tentative sur Concarneau].

Après l'abjuration de Henri IV (juillet 1593), Lézonnet rappelait à Mercoeur la parole qu'il avait dite plus d'une fois, qu'il « serait le plus fidèle sujet du Roi devenu catholique ». Lézonnet osait presque sommer Mercoeur de cesser la guerre. Enfin, ne pouvant vaincre son ambitieuse obstination, il prit son parti. Il envoya son neveu Jegado, seigneur de Kerollain, négocier sa paix avec le Roi (mai 1594).

Henri IV l'accueillit avec joie, maintint Lézonnet au gouvernement de Concarneau, lui accorda non seulement une gratification considérable [Note : D'Hozier écrit en chiffres 40.000 écus, soit 120.000 livres, 627.000 francs, au compte de Leber, qui multiplie par 5,24. Selon La Borderie, il faudrait multiplier par 15. On aurait 1.800.000 françs. D'Hozier n'a-t-il pas mis un zéro de trop ?], mais la survivance du gouvernement pour son fils François, alors enfant. Encore le Roi exprimait-il le regret de n'avoir pas récompensé, comme il aurait voulu, les services de Lézonnet. C'est dire le prix qu'il attachait à la possession de Concarneau.

Presque aussitôt, Concarneau vit arriver un hôte qui allait y faire une assez longue résidence : l'évêque de Cornouaille, Charles du Liscoët.

L'évêque était seigneur haut justicier de la ville close de Quimper ; il aurait semblé qu'il aurait dû être le chef de la Ligue dans la ville épiscopale. Depuis la mort de Henri III (1er août 1589), il avait donné des gages à la Ligue ; il avait prêté serment au Roi Charles X ; siégé aux Etats tenus à Vannes par le duc de Mercoeur ; pris part aux doléances que ces Etats adressèrent au duc, en mars 1592 (Voir ces doléances. Choix de documents sur la Ligue, p. 119). Pourtant, il n'inspirait pas confiance aux Ligueurs de Quimper.

Au lendemain de la mort de Henri III, François du Liscoët, seigneur de Coëtnempren, président au présidial de Quimper et frère de l'évêque, s'était résolument déclaré pour Henri IV. Or, Coëtnempren était beau-frère de Lézonnet [Note : Beaux-frères en ce sens qu'ils avaient épousé les deux soeurs Glé de la Costardaye (1er mariage de Lézonnet)] ; et les Ligueurs supposaient l'évêque attiré au parti royal par les deux beaux-frères.

Quoiqu'il en soit, après l'abjuration du Roi, l'évêque quitta la Ligue. Mais il se sentait mal à l'aise auprès de son chapitre ardent ligueur, et dès que Lézonnet garda Concarneau pour le Roi, l'évêque y transporta sa résidence. Il y était établi dès le temps d'une entreprise tentée par Lézonnet sur Quimper (5 septembre 1594) [Note : Au départ de l'évêque, la ville se mit en possession du palais épiscopal, et des bourgeois y festoyaient gaiment, lorsqu'un garde se précipita dans la salle en criant : « Annibal est aux portes ! ». Annibal c'était Lézonnet. Moreau, p. 170].

Le chanoine Moreau s'est tu discrètement sur cette émigration de l'évêque qu'il ne pouvait excuser. Aller à Concarneau, c'était passer à l'ennemi ; car Lézonnet avec sa belle compagnie était devenu une sérieuse menace pour Quimper.

Il connaissait tous les hommes ayant quelque influence en ville, et il se promit de rendre la place au Roi. Il associa sans peine à son entreprise le sénéchal Guillaume Le Baud, que Mercoeur avait gratifié de sa charge, et qui allait tourner contre son bienfaiteur la haute influence que lui donnait sa dignité.

Ils essayèrent d'abord de la ruse. Dès juillet 1594, des genfilshommes habitants de Quimper, tentèrent de s'introduire dans la Tour-Bihan qui était une sorte de citadelle. Mais l'entreprise échoua. Alors Lézonnet se résolut à employer la force ouverte ; et il s'y préparait quand survint un incident imprévu.

Don Juan d'Aquila, colonel des Espagnols alliés de Mercoeur, arrivait à Rosporden. Le colonel ne se contentait pas du port de Blavet ; en même temps qu'il bâtissait à Crozon un fort qui, dans sa pensée, devait masquer et menacer Brest, il se flatta de surprendre Concarneau, et il s'avisa d'une ruse assez grossière. Comme s'il y avait eu suspension d'armes, Don Juan ne semblait plus songer à la guerre ; et chaque jour c'étaient des divertissements et des courses de bagues, qui attiraient tout le voisinage. Un jour, il envoya un officier inviter Lézonnet à une de ces fêtes. Lézonnet s'excusa courtoisement et répondit que « s'il plaisait à Don Juan de venir à Concarneau en petite compagnie, il serait enchanté de lui faire accueil ». Don Juan s'excusa à son tour ; et, après avoir exigé de Quimper une lourde contribution, il quitta Rosporden [Note : Moreau (p. 195), nomme ces ruses de D. Juan « des attrape-lourdauds ». C'est le mot juste. La date précice est donnée par le compte du miseur de Quimper, qui paya cette contribution à Rosporden les 13 et 17 août. D. Juan était venu à Quimper au même temps].

A cette nouvelle, Lézonnet fit sortir une troupe de cavaliers qui surprirent l'arrière-garde espagnole attardée au pillage, et firent main basse sur elle. Ce qu'apprenant D. Juan revint sur ses pas, et traversant les paroisses d'Elliant et de Beuzec, massacra tous ceux qu'il put atteindre et brûla les villages, notamment Rosporden. Or, les malheureux et innocents paysans massacrés et ruinés par lui étaient ligueurs. Tel était le farouche et infidèle allié de Mercoeur.

Libre de préoccupation de ce côté, Lézonnet revint à ses projets sur Quimper; mais, s'il prétendait rendre lui-même la ville au Roi, il devait se hâter, car le maréchal d'Aumont marchait de Guingamp sur Morlaix, d'où il allait venir à Quimper.

Lézonnet entend agir à coup sûr : il obtient quelques soldats de garnisons royales même éloignées, comme Guingamp et Quintin. Il partira à la tête de plus d'un millier d'hommes : il peut compter sur les intelligences qu'il a dans la place ; et il se promet un succès prompt et facile quand il arrive devant Quimper, le 5 septembre.

Il s'empare sans peine des faubourgs ; mais un secours arrive inopinément ; Lézonnet reçoit une arquebusade ; il est contraint de battre en retraite et il rentre à Concarneau, ayant perdu une cinquantaine d'hommes et jurant que les Quimpérois l'ont égratigné, mais qu'il les écorchera Moreau, p. 179).

Un mois plus tard, Lézonnet rejoignait devant Quimper le maréchal d'Aumont arrivé le 9 octobre ; et le 11, la ville capitulait [Note : Mac-Carthy (Dict. de la Conversation, V. Quimper) écrit que « Quimper finit par se rendre après un siège long et vigoureux ». Et il date ce siège de 1595, date répétée par Bouillet et autres].

Après la capitulation, Lézonnet rentra à Concarneau, il ne paraît pas qu'il ait depuis pris part à aucun fait de guerre. Sa blessure lui commandait le repos. Il vivait encore le 16 février 1595 [Note : Etat des garnisons royales en Bretagne en 1595. Concarneau : 26 salades, 30 harquebuziers à cheval, 150 harquebuziers à pied, en tout 206 hommes, plus les officiers. Choix de documents sur la Ligue, Bibl. Bretons, p. 192 et 193] ; mais il dut mourir peu de temps après.

Son fils François, qui avait la survivance, était encore un enfant [Note : D'Hozier (Ch. de Saint-Michel, p. 318), le fait naître en mars 1584. Il aurait donc eu dix ou douze ans. En tout cas, né de Claude Bizien, dame de Kergomar, seconde femme de son père, remarié en 1577, François ne pouvait, à la mort de celui-ci, avoir plus de dix-sept ou dix-huit ans. — Louis de Lézonnet avait eu une première femme, Jeanne Glé de la Costardaye, morte en 1574] ; et ses fonctions furent exercées à titre de lieutenant, par son cousin Jean de Jégado, seigneur de Kerolain, jeune et valeureux gentilhomme qui allait sauver Quimper d'une attaque de la Fontenelle, en 1597 [Note : Moreau le nomme en deux endroits (p. 312-317), neveu de Louis de Lézonnet, et en un autre (p. 312) oncle de François. S'il était neveu du père, il était cousin du fils. En effet, Jean de Lézonnet, capitaine (en 1568-1571), avait eu, outre son fils Louis qui fut son successeur, une fille appelée Suzanne qui fut mère de Jean de Jégado. C'est Jean de Jégado que Louis de Lézonnet députa pour faire sa paix avec le Roi. Mémoires de Montmartin, CCC. II était trés jeune en 1594. Avant 1597, il avait pour femme Anne, héritière de Trémillec, dame de Kerlot. J'ai trouvé la date de ce mariage indiquée à 1625 (Chev. bretons de Saint-Michel). Cette date est à rectifier. Moreau donne à Jégado le titre d'époux de l'héritiere de Trémillec (p 312). Or, Moreau est mort le 23 juin 1617. Moreau dit (p. 312) : « que Kerollain faisait sa demeure à Kerlot, Pluguffan, près de Quimper ». Kerlot appartenait à sa femme. Si, en parlant ainsi, Moreau se rapportait à 1597, il s'en suivrait que le mariage de Kerollain serait antérieur à cette date. Mais la pensée de Moreau peut sembler douteuse. Kerollain devint depuis gouverneur d'Hennebont et Port-Louis].

Louis de Lézonnet, nous l'avons vu, avait le premier quitté le parti de Mercoeur en mai 1594. Son exemple allait être suivi. Quelques mois plus tard, le gouverneur de Redon, Talhouet, remettait la ville au Roi, avec le pont sur la Vilaine ; et Mercoeur ainsi séparé de Dinan, sa place d'armes vers le nord, était confiné dans le pays Nantais. Sa partie était perdue : pourtant abandonné de ses partisans, se voyant joué, sinon trahi par Philippe II, il repoussait les propositions de paix que le Roi lui adressait dès avant cette époque [Note : Sur ces propositions, voir le curieux récit de Moreau. Chap. XXIX, p. 201- 204. Il est douteux que Concarneau fût compris au nombre des placés proposées. Je l'ai écrit sans preuves suffisantes].

La surprise de Dinan (15 février 1598), et la menace du Roi d'entrer en Bretagne avec une armée, le déterminèrent.

Le Roi appela Mercoeur à Angers. Mercoeur resta à Nantes et la duchesse partit à sa place. Elle avait trente-cinq ans ; elle était belle, plus éloquente que son mari ; elle allait s'humilier devant le Roi, en lui faisant une proposition inattendue. Elle lui offrit sa fille Françoise, alors âgée de six ans, pour César, duc de Vendôme, fils légitimé du Roi et de Gabrielle d'Estrées. La favorite, surprise et charmée d'une telle alliance, intervint dans l'intérêt même de son fils ; et le Roi accorda des conditions que Sully désapprouva hautement.

Que le Roi rendît à la duchesse de Mercoeur ses possessions bretonnes : cela allait de soi ; mais le premier des articles secrets (il y en a 23) ajoutés au texte de l'édit, est bien extraordinaire [Note : Voir l'édit pour la réduction du duc de Mercoeur et Morice. Pr., III, 1657- 1664 ; et articles secrets 1664-1667].

Le parlement avait condamné Mercoeur. Par lettres du 18 avril 1589, registrées au parlement, le 26, Henri III avait « révoqué les lettres de nomination » c'est-à-dire destitué Mercoeur, et l'avait remplacé (1).

Henri IV ne tient compte de ces faits. Mercoeur est toujours gouverneur de Bretagne. Seulement « S. M. veut que, en faveur du mariage projeté, il remette sa démission du gouvernement, en récompense duquel S. M. accorda 235.000 écus, » soit 705.000 livres, évaluées au minimum, 3.702.790 francs actuels (en 1908) (2).

Et d'autres indemnités pécuniaires sont accordées à Mercoeur !

Le Roi va donner le gouvernement à son fils, le duc de Vendôme, qui deviendra un jour duc de Penthièvre. C'est renouveler la faute commise en 1582 par Henri III. La Bretagne en portera la peine. Le nouveau gouverneur n'a pas quatre ans, il prendra ses fonctions, en 1616. Quand nous le retrouverons, en 1619, à Concarneau, ses intrigues auront déjà mis en péril le repos de la Bretagne.

(Julien Trévédy).

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