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HISTOIRE DE LA PAROISSE DE CORDEMAIS.

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Cordemais [Note : On a souvent discuté sur l'étymologie du mot Cordemais ; pour nous, nous avouons ne pas la connaître. L'opinion la plus communément adoptée fin XIXème siècle fait dériver ce nom de cor maris, cœur de la mer, parce que, dit-on, la mer autrefois s'avançait jusqu'au village. Cette étymologie n'a aucun fondement philologique ni historique, et nous préférerions encore celle donnée par l'abbé Déric : ever, bord, da, rivière, mais, habitation] était autrefois une paroisse du doyenné de la Roche-Bernard, dépendant de l'élection de Pontchâteau, relevant d'ailleurs directement du Roi et ressortissant au siège présidial de Nantes. La population, qui est de 2 502 habitants, s'est progressivement accrue. Déjà de 2 346 âmes en 1793, d'après un dénombrement fait à cette époque, elle était moins considérable dans les temps anciens puisqu'un état dressé en 1638 nous apprend qu'il n'y avait alors dans la paroisse que 217 ménages, plus 64 veufs ou célibataires.

Ville de Cordemais (Bretagne).

Depuis longtemps Cordemais n'a plus d'histoire : c'est une commune presque ignorée de l'arrondissement de Saint-Nazaire ; mais ce petit pays, célèbre seulement fin XIXème siècle par la richesse de ses prairies et où n'abordent que des bateaux chargés de foins, a eu jadis un port florissant où des vaisseaux venaient débarquer leurs marchandises. Il avait alors ses seigneurs, dont la suzeraineté s'étendait jusqu à Savenay. Le plus ancien de ces seigneurs que nous ayons rencontré est Tutual de Cordemais, Tutualas Cordemensis, qui vivait en 1050 et sur lequel le Cartulaire de Saint-Sauveur de Redon nous fournit plusieurs renseignements intéressants.

En 1051, le dimanche après la Saint-Michel, Eschomar de Lavau donna à l'abbaye de Redon la moitié du bourg de Savenay, sous cette seule réserve que, s’il était attaqué par ses ennemis, les bourgeois de l'abbaye seraient tenus de lui prêter main-forte [Note : Medietatem burgi de Saponiaco donavit, et nichil sibi retinuit, excepto, si aliquando contigerit ut inimici contra eum venirent, ipsi burgenses de abbatia cum aliis suis hominibus ipsos inimicos insequerentur (Cart. de Redon. p. 380)]. Le même jour, le chevalier Tutual de Cordemais, du consentement de son frère et d'un autre chevalier, Guégon, fils de Rivalt, donna à l'abbaye l'autre moitié du bourg de Savenay et tous les droits qu'il possédait dans l'église de Saint-Martin [Note : C'est l'église paroissiale de Savenay], et, en récompense de ce don, il reçut de l'abbé de Redon, Perenesius, un excellent cheval [Note : In ipsa eadem die, ad augmentum boni oneris et ad amplificatioriem loci Sancti-Salvatoris, quidam militaris vir, Tutual nomine, de Cordemes, cum consensu et voluntate sui fratris, necnon et Guegon, filius Rivalt, aliam medietatem illius supradicti burgi liberam et integram, sicuti eam libere possidebant, in elemosinam sempiternam Sancto-Salvatori suisque monachis perpetualiter, nichil sibi nec alicui mortalium retinentes, contulerunt et concesserunt. Preterea ipsi, scilicet Tutual et Guegon, quicquid juris ac proprietatis in ecclesia Beati-Martini habebant, cum duabus partibus tocius sepulture ejusdem ecclesie, prefatis monachis dederunt. Eo die, abbas Perenesius prefatis militibus, scilicet Tutual et Guegon, dedit duos optimos equos propter prefatam donationem. (Cart. de Redon, p. 380)].

La donation d'Eschomar de Lavau n'était pas purement gratuite. Pressé par des seigneurs rivaux plus forts que lui, il avait voulu se mettre sous la protection du tout-puissant abbé de Redon, afin de trouver près de lui aide et secours dans un cas de revers. C'est ce qui ne tarda pas à arriver. Rioc, fils de Frédor, vicomte de Malansac, vint attaquer le sire de Lavau : les vassaux de l'abbé de Redon à Savenay durent prendre les armes ; ils furent vaincus, et plusieurs d'entre eux furent faits prisonniers. Parmi ceux-ci étaient les deux fils d'Even du Matz [Note : Le Matz, château près de Savenay, fut jusqu'au XVème siècle la résidence des vicomtes de Donges], Jarnogon et Bili : le père s'adressa à l'abbé de Redon, offrant d'abandonner à l'abbaye un champ situé près de l'église de Saint-Jean-Baptiste de Cordemais, si Perenesius voulait traiter avec le vainqueur de la rançon de ses fils. Perenesius alla trouver Rioc et lui demanda humblement de rendre la liberté à ses bourgeois. Rioc y consentit moyennant une rançon de 300 sous. Jarnogon et Bili et les autres faits prisonniers avec eux sortirent donc de captivité, et le champ près de l'église de Cordemais devint la propriété des religieux de Redon : ils y établirent une maison qu'ils conservèrent pendant longtemps [Note : C'était le prieuré de Saint-Samson de Cordemais. Il existe encore une croix de granit dite de Saint-Samson, à peu de distance de l'église, à l'embranchement d'un chemin menant à la chaussée. La chapelle du prieuré était dans un enclos qui s'appelle encore Mur aux moines et qui se prolongeait jusqu'au chemin qui passe devant le nouveau cimetière de Cordemais]. Tutual, qui était le suzerain du sieur du Matz, approuva cette convention [Note : Decrevimus describere quatinus Evanus del Maf, pro redemptione filiorum suorum, Jarnogoni scilicet et Bili, qui cum multis aliis de Saviniaco fuerant capti, quos ceperat Riocus, Fredorii filius, de Malenzac, dedit Santo-Salvatori et abbati Perenesio suisque monachis, sicut ipse possidebat, libere et perpetuum, quemdam campum situm juxta ecclesiam Beati-Johannis, ubi monachi postea domum et esse suum diu habuerunt. Prefatus namque abbas Perenesius, rogatu et voluntate omnium illorum qui erant capti, ipsum Riocum, Fredorii filium, adiens humiliter, ab ipso requisivit quatinus suos burgenses, ipse enim suos esse aiebat quos captos habebat, sibri redderet. Quod et fecit, sed prius a prefato abbate trecentos solidos pro caritate accepit. Tunc ipse préfatus Evanus, sicuti superius diximus, annuentibus filiis suis, et annuente Tutualo qui illorum dominus erat, in elemosina sempiterna Sancto-Salvatori suisque servientibus, sine alicujus viventis calumnia, campum superius dictum contulit et concessit... Testes : Estomacus, Tutualus Cordimensis ..... (Cart. de Redon, p. 378). — M. de Courson, et après lui les écrivains bretons qui se sont occupés de Redon et de Savenay ont cité cette pièce comme antérieure à la donation d'Eschomar de Lavau ; c'est évidemment une erreur].

Nous retrouvons encore Tutual en 1060. Il est témoin d'une charte passée à Savenay, par laquelle Rodald du Pellerin donne à l'abbaye de Redon la quatrième partie de l'île d'Er [Note : Er, situé au milieu des marais de la Grande-Brière, près Besné, fait aujourd'hui partie de la commune de Donges. Tous les auteurs, D. Lobineau et M. de Courson lui-même, trompés par cette expression, insula que vocatur Her, ont placé ce prieuré d'Er dans l’île de Noirmoutier. La Grande-Brière était autrefois un véritable bras de mer, d'où émergeaient plusieurs îles maintenant réunies à la terre ferme], dans le doyenné de la Roche-Bernard, où les religieux de Saint-Sauveur fondèrent le prieuré de Saint-Symphorien [Note : Notum sit tam presentibus quam futuris quod Rodaldus de Peregrino, quidam nobilissimus miles, dedit Sancto-Salvatori suisque monachis, in elemosina sempiterna, quartam partem insule que vocatur Her, libere, sine censu et tributo, sicuti ipse possidebat. Hoc factum fuit apud Saviniacum, coram multis nobilibus, nomina quorum subterscribentur, anno ab incarnatione Domini MLX, Conano comite Namneticam urbem gubernante, Erardo illius civitatis episcopo existente et hoc donum annuante, Alveo archidiaconatum oblinente. Testes …. Tutual de Cordemes, Eschomar de Laval.... (Cart. de Redon, p. 316)].

Nous pouvons suivre pendant quelque temps les descendants de Tutual. Nous lui connaissons trois fils, Alain, Robert et Graphion. Alain intervient comme seigneur suzerain dans un accord passé entre Rosel OEil-de-Bouc et les religieux de Saint-Nicolas [Note : Il doit être question ici, non pas de l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers, comme on l'a toujours cru, mais bien du prieuré de Saint-Nicolas-du-Port de Cordemais. Par des actes que nous publierons plus loin, nous verrons que le prieuré de Saint-Nicolas était déjà fondé au commencement du XIIème siècle] pour un quartier de vigne situé à Cordemais [Note : Rosellus Œil-de-Boc, quando cepit monachilem habitum, dedit apud Cordemesium quarterium de vinea, de qua concordiam fecit B[ernardus], monachus ante Alanum, filium Tual, qui caput-senior erat illius terrae (Cart. de Saint-Nicolas d'Angers, apud coll. des Blancs-Manteaux, vol. XLV, p. 534. Bibl. nat., ms. fr. 22329)]. Il est témoin dans deux autres actes que nous citerons en leur lieu.

En 1123, Robert donna aux moines de Saint-Nicolas la part qu'il possédait dans les revenus du pont de Cordemais et dans les profits d'un pré et d'une vigne et dans la pêche de son étang. Avant de mourir, il se fit moine à Cordemais.

Graphion, le troisième fils de Tutual, parait dans la même pièce que Robert, et fait aux religieux de Saint-Nicolas le même don que son frère, c'est-à-dire la part qui lui était revenue dans l'héritage de son père [Note : Anno MCXXIII, Rohel (sic pro Robertus), filius Tualdi, dedit Deo et Santo-Nicholao suam partem de portu Cordimensi et expletorum prati unius et vinee et de piscatione unius piscatoris in stagno suo Et quando venit ad finem suum, factus est Sancti-Nicholai monachus. Similiter et Grafion, frater ejus, donavit partem suam (Cart de Saint-Nicolas d'Angers, apud D. Lobineau, II, col. 245 ; D. Morice, Preuves I, 429)].

Vers 1130, Conan III, duc de Bretagne, confirma à l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers toutes les possessions que ce monastère avait au diocèse de Nantes, et, entre autres, dans la paroisse de Cordemais, tous les dons faits par Tutual de Cordemais et ses fils, dons confirmés d'ailleurs par Eudon de la Roche [Note : In parrochia Cordimensi, que de feodo meo esse dignoscitur, Eudo de Rocha in manu mea concessit elemosinam illam quam Tualdus de Cordimense et filii sui dederant ecclesie Sancti-Nicolai ut libere et quiete sine aliquo retinaculo alicujus servitii sui habeant et retineant (Voir Arth. de la Borderie, Mém. de la Soc. Arch. d'Ille-et-Vilaine, t. XVII, p. 71)].

Alain, le fils aîné de Tutual, eut deux fils, Philippe et Olivier : nous les voyons tous deux remettre au prieur de Saint-Nicolas quatre sous de péage qu'il avait coutume d'exiger des hommes du prieuré [Note : Philippus et Oliverius, filii Alani. apud Cordimensem dederunt IV, solidos de pedagio quos ab hominibus Sancti-Nicholai exigere solebant. (Coll. des Blancs-Manteaux, XLV, loc. cit., p. 534)]. Philippe apparaît de nouveau comme témoin dans une charte où Brice, évêque de Nantes, à la prière d'Olivier de Pont-château, confirme au prieuré de Saint-Nicolas-du-Port toutes les donations faites à Cordemais par les ancêtres dudit Olivier, Daniel et Jarnogon (Coll. des Blancs-Manteaux, p. 535).

Enfin nous connaissons aussi un fils de Graphion, Bernard, qui concéda au prieuré de Saint-Nicolas toutes les coutumes qu'il pouvait avoir à Cordemais [Note : Bernardus, filius Graphionis, cosdumas quas habebat apud Cordimensem concessit (Coll. des Blancs-manteaux, XLV, p. 534)]. Cette dernière pièce est ainsi datée, an 117., dans la copie que nous avons du cartulaire de Saint-Nicolas ; nous pouvons donc supposer que Bernard, fils de Graphion, vécut jusque dans les dernières années du XIIème siècle.

A partir de cette époque, nous perdons complètement de vue pendant plusieurs siècles les seigneurs de Cordemais. Ils étaient certainement dès les temps les plus anciens sous la suzeraineté des seigneurs de la Roche-en-Savenay. Nous avons vu en effet que, vers 1130, Eudon, seigneur de la Roche-en-Savenay, confirma entre les mains de Conan III les dons faits par Tutual et ses fils. Au XVIIIème siècle, nous retrouverons les seigneurs de la Roche contestant aux seigneurs de Cordemais la prééminence dans l'église du lieu.

Mais, avant de passer aux temps plus modernes, nous devons revenir au XIème siècle et mentionner encore quelques faits intéressants pour l'histoire de Cordemais à ces époques reculées.

Nous avons parlé de la donation du quart de l'île d'Er faite à l'abbaye de Redon par Rodald du Pellerin en 1060 : quelques jours après cette donation, un prêtre de noble race, nobilissimus presbyter, Gradelon, fils de Haën, compléta ce don en abandonnant à l'abbaye l'église d'Er avec le cimetière et les offrandes faites dans ladite église. L'abbé Perenesius partit, avec quelques-uns de ses religieux, pour visiter sa nouvelle propriété, et les fidèles accoururent en foule pour recevoir de sa bouche la parole divine. Ils lui racontèrent en même temps qu'un certain chevalier, nommé Glémarhoc [Note : Ce Glémarhoc n'est-il pas le même qui, vers la même époque, donna à Arrald, abbé de Saint-Nicolas d'Angers, l'église de Saint-Pern, au doyenné de Bécherel, en l'évêché de Saint-Malo ?], ayant blessé dans le cimetière de Saint-Symphorien un domestique des moines, avait été frappé subitement d'une douloureuse infirmité, ajoutant qu'en expiation de sa faute Glémarhoc était disposé à donner à l'abbaye la part qui lui appartenait dans le cimetière et dans les terres de l’île. L'abbé accepta la pénitence, et Glémarhoc fut sans doute guéri [Note : Accidit postea, per Dei providentiam, quod Perenesius abbas ad supradictam insulam cum suis monachis pervenit ; ad cujus adventum nonnulli proborum virorum convenerunt ut ab ipso divina verba audirent. Qui inter cetera ipsi prefato abbati de quodam milite infirmo, Glemarhoco scilicet, enarrare ceperunt, qui in cimiterio Sancti-Simphoriani quemdam monachi famulum verberaverat, et ob hoc infirmabatur. Et insuper addiderunt quod ipse prefatus miles ob penitudinem facti, disposuerat Sancto-Salvatori Sanctoque Simphoriano sextam partem cimiterii illius sancti necnon sextam partem supradicte insule libere dare. Quod abbas benigne suscipiens, militem superius dictum absolvit, et beneficium totius ecclesie Sancti-Salvatoris sibi concessit (Cart. de Redon, p 316)].

Si nous avons cité ces deux faits qui paraissent tout d'abord étrangers à l'histoire de Cordemais, c'est que nous croyons avoir retrouvé nos deux personnages, Gradelon et Glémarhoc, dans des chartes de l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers, et qu'ils nous semblent, au moins l'un d'eux, appartenir tout particulièrement à Cordemais. Nous sommes même persuadé que c'est Glémarhoc qui fut le véritable fondateur du prieuré de Saint-Nicolas-du-Port.

En effet, à une date qui n'est pas absolument déterminée, mais qui n'est pas postérieure aux dernières années du XIème siècle, Glémarhoc [Note : Il peut sembler tout d'abord un peu téméraire de traduire Quirmarhocus par Glémarhoc ; mais la charte de donation de la moitié du port de Cordemais fut rédigée par les moines de Saint-Nicolas d'Angers qui pouvaient fort bien n'être pas très familiarisés avec la langue bretonne. Ne trouvons-nous pas d'ailleurs, en 1123, Rotaldus, filius Clémarhoc, et ce Clémarhoc est bien certainement le même que Quirmarhocus], fils de Ristanet, donna à Dieu et à Saint-Nicolas la moitié du port de Cordemais et la moitié des profits du port, la moitié d'un moulin et un courtil situés audit lieu de Cordemais, plus le tiers de ce qui lui appartenait dans la dîme du blé et du vin, de la laine des agneaux et des porcs de toute la paroisse de Cordemais ; enfin la moitié des anguilles pêchées dans son étang. En même temps, il confirma le don fait par Hoël et le comte Alain du tiers des étangs de Cordemais. Ces donations furent faites entre les mains de Gradelon, alors moine de Saint-Nicolas, et confirmées par Daniel de Pontchâteau et Jarnogon, son fils, seigneurs suzerains [Note : Quirmarhocus, filius Ristanet, donavit Deo et Sancto-Nicholao dimidium portum de Cordimense, et medietatem expletorum portus, scilicet voillagium, pedagium, pontonagium, et dimidium molendinum ibi, et unum curtillum, et terciam partem de sua parte decime tocius Cordumensis, scilicet annone et vini, lane agnorum, porcorum, et meditatem anguillarum de stagno suo. De hoc dono investivit Quirmarhocus Gradelonum, monachum Sancti-Nicholai, cum uno libro, in ecclesia Sancti-Petri, Nannetis, et duo filii ejus cum eo, Normannus et Ludowicus, et osculati sunt de hac donatione pater et filii ejus monachum per fidem ; librum quoque quo revestierant monachum posuerunt pro signo super altare Sancti-Petri... Pro hoc dono dedit Gradelonus monachus IV libras denariorum Quirmarhoco et filiis ejus VI denarios. Postea auctorisavit nobis idem Quirmarhocus et filiis ejus donum quod fecerunt nobis Hoelus et comes Alanus, filius ejus, de tercia parte quam habebant in stagno supradicto : qua de re donavit ei Gradelonus monachus VII solidos denariorum. Hoc donum auctorisavit Daniel de Ponte et Jarnogonus, filius ejus, ad cujus senioratum pertinebat, Namnetis, in suo hospitio : qua de re donavit ei Gradelon monachus X solidos (Cart. de Saint-Nicolas d'Angers, apud D. Lobineau, t. II, col. 245 ; D. Morice, Preuves, I, 428-429)].

Comme nous le disions, nous pensons que c'est de la donation de Glémarhoc que date la fondation du prieuré de Saint-Nicolas-du-Port. Nous trouvons en effet ce prieuré clairement désigné quelques années après. Du temps de Jean, abbé de Saint-Nicolas d'Angers, qui vivait en 1118, deux pontonniers du port de Cordemais, Ernaud et son fils Jean, contestèrent aux moines de Saint-Nicolas de Cordemais la propriété du droit de pontonnage qu'ils disaient tenir en fief. Il fallut que l'évêque de Nantes, Brice, les menaçât de l'excommunication pour faire cesser ce différend [Note : Hernaudus et Johannes, filius ejus, pontonarii de portu Cordemesiensi, contra monachos Sancti-Nicholai ibi residentes de pontonagio decertarunt, abbate Johanne, in presentia Bricii, episcopi Nannetensis, dicentes se pontonagium de monachis in fevo tenere. Testes : Alanus, filius Tualli ; Bernardus, filius Grafionis (Coll. des Blancs-Manteau ; t. XLV, p. 534 ; D. Lobineau ; t. II, col. 245, D. Morice, ibid.)].

Ce ne fut pas la seule querelle intentée aux moines de Saint-Nicolas. Vers 1123, Rotald, fils de Glémarhoc, leur réclama tout ce que son père leur avait donné. Cette fois ce fut Daniel de Pont-château qui intervint comme arbitre : moyennant 7 sous que Rotald reçut des religieux, il consentit à abandonner ses prétentions [Note : Rotaldus, filius Clamarhoc, calumpniabatur nobis quidquid habebamus de patre suo. De hoc fecit concordiam cum eo Bernardus monachus, ante Danielem caput seniorem, et dedit ei VII solidos. Testes : Jarnogomus, filius Daniel ; Alanus, filius Tual ; Barbotinus, preses Cordimensis ..... (D. Lobineau, t. II, col. 246 ; D. Morice, ibid.)].

L'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers et celle de Saint-Sauveur de Redon n'étaient pas d'ailleurs les seuls établissements religieux qui eussent des propriétés à Cordemais. Geoffroy, comte de Bretagne, et Daniel de Pontchâteau avaient donné à l'abbaye de Blanche-Couronne l'île de Pullant, près Cordemais. Au mépris de cette donation, le petit-fils de Daniel, Eudon de Pontchâteau, s'était emparé de l'île et en percevait les revenus : les moines firent citer devant Gautier, évêque de Nantes, cinq témoins pour prouver leur possession, et parmi ceux-ci Jean, curé de Cordemais. Eudon, prêt à partir pour la croisade des Albigeois, consentit en 1210 à renoncer à son usurpation, et remit l’île entre les mains des religieux [Note : Eudo de Ponte dimisit quamdam insulam, que est juxta Cordemes, que vocatur insula de Pullent, quam violenter detinebat, cum eam Gaupridus, comes Britannie, et Daniel de Ponte, avus ipsius Eudonis, et Oliverius pater ejus, predicte abbatie contulissent (D. Lobineau, t. II, col. 333). — L'abbaye de Blanche-Couronne conserva jusqu'en 1793 la propriété de cette île, qui rapportait 1500 livres de rente. L'île n'existe plus aujourd'hui ; elle est réunie à la terre ferme et forme le pré de Pullant, sur le bord de la Loire, joignant le débarcadère où abordent les bateaux qui apportent à Cordemais le foin des îles de la Nation et de Belle-Ile et les poissons pêchés dans la Loire]. Jean, curé de Cordemais (presbyter de Cordemez), fut l'un des témoins fournis par les moines pour prouver leur droit.

Avant de poursuivre l'histoire de Cordemais aux points de vue féodal et religieux, nous devons signaler, dans la charte de Rotald, fils de Glémarhoc, la présence comme témoin du plus ancien magistrat que nous ayons rencontré à la tête de la communauté de Cordemais, Barbotinus, preses Cordimensis [Note : En 1112, Barbotin, bourgeois de Redon, reçut chez lui le comte Alain, fils d'Hoël, qui était tombé gravement malade, apud Rotonum in domo Barbotini graviter infirmabatur. Ce Barbotin, qu'on a quelquefois tenté d'identifier avec celui de Cordemais, nous semble certainement un autre personnage. Nous croirions plutôt que le prévôt de Cordemais était Barbotin, fils de Bernier de Nantes, qui, en 1080, est cité comme un des hommes de Friold, vicomte de Donges (D. Lobineau, t. II, col. 169 ; D. Morice, Preuves I, 436)]. Quelles étaient les fonctions de ce præses ? Celles de prévôt, pensons-nous : il représentait le seigneur et était chargé de rendre la justice en son nom et d'administrer la paroisse. Nous n'avons d'ailleurs retrouvé aucun des successeurs immédiats de Barbotin. Pendant près de trois siècles, les titres originaux sur l'histoire intime de Cordemais nous font complètement défaut, et quand nous rencontrons de nouveau des documents historiques à la fin du XVIème siècle, les plus grands changements se sont opérés.

A la fin du XVIIème siècle, la paroisse de Cordemais était administrée temporellement et spirituellement par le général de la fabrique. Ce général, renouvelable tous les ans par moitié, se composait de douze marguilliers qui restaient deux ans en exercice. Chaque année, six nouveaux marguilliers étaient nommés par les six qui continuaient d'être délibérants. Au mois de décembre, les paroissiens réunis en assemblée indiquaient six habitants, parmi lesquels le général de la fabrique en choisissaient deux, qui avaient la gestion du temporel pendant l'année suivante, à la fin de laquelle ils rendaient leur compte. Ces deux marguilliers ou fabriqueurs entraient autrefois en exercice au mois de mars ; mais, en 1714, « sur l'advis qui a esté proposé au général de la paroisse de Cordemais qu'il est plus à propos et plus commode que les marguilliers entrent et sortent de charge au 1er jour de l'an qu'au 14 mars, » il fut décidé qu'à l'avenir les jonctions des marguilliers courraient du 1er janvier au 31 décembre [Note : Registre des délibérations de la fabrique de Cordemais].

Lorsqu'il s'agissait de traiter les affaires du temporel de la paroisse, comme de nommer les égailleurs, les collecteurs, etc., les habitants se réunissaient en assemblée politique ; lorsqu'il n'était question que des affaires touchant le spirituel, ils se réunissaient capitulairement. Ces réunions, annoncées par le crieur public au lieu du marché et au passage du Goust en Malville, avaient lieu primitivement sous l’aballet ou chapiteau de l'église [Note : Ce chapiteau était situé au côté méridional de l'église : au dessus, on avait établi un ossuaire qui subsista jusqu'à la Révolution. On jeta alors les ossements dans un puits creusé au devant du grand autel, et on construisit une mairie à la place de l'ancien ossuaire. C'était, sans qu'on y songeât assurément, continuer la tradition et revenir au lieu où s'étaient tenus primitivement les assemblées de la communauté de Cordemais] ; à partir de 1720, c'est dans la sacristie que se tinrent les assemblées de communauté.

Le bourg de Cordemais était partagé en 4 frairies : la frairie du bourg, la frairie de Venet, la frairie de la Janais des Douets et la frairie de la Folaine ou de la Janais des Montagnes. L'établissement de ces frairies ne remontait pas très loin ; nous avons pu en constater l'origine. « Le 1er janvier 1690, les paroissiens de Cordemais, assemblés en corps politique sous le chapiteau de l'église, à l'issue de la messe paroissiale, ayant mûrement délibéré sur ce qui a esté proposé par plusieurs habitans de la paroisse, que, pour la facilité du logement des gens de guerre, il falloit partager la dite paroisse en quatre cantons égaux pour loger et nourrir en leur tour et rang lès dits gens de guerre, affin que personne ne soit surchargé, ont résolu et esté d'un commun avis que la dite paroisse soit partagée en quatre frairies ou cantons de mesme nombre de maisons à loger et de pareille force et revenus » [Note : Registre des délibérations de la paroisse].

Les habitants de Cordemais n'avaient pas de biens communaux, mais ils avaient des droits d'usage assez importants sur les deux principaux marais de la paroisse. L'un, le marais du Lot, vers Saint-Etienne-de-Montluc, dépendait pour partie de la seigneurie de la Haie-Maheas, pour partie de la seigneurie d'Acigné ; mais les habitants avaient droit « d'y faire paistre et pasturer leurs bestiaux, faucher landes, couper bois, brosses, fougères, roux et rouches, comme aussi d'y prendre poisson avec toutes sortes d'engins », [Note : Aveu rendu le 30 janvier 1734 à la seigneurie d'Acigné (Arch. Tournier)] le tout moyennant une redevance de 12 livres, payables chaque année, le jour de la Décollation de saint Jean-Baptiste [Note : M. de Maurepas, seigneur d'Acigné, voulut interdire la jouissance du marais du Lot ; mais une sentence du présidial de Nantes du 12 juin 1733 le débouta de sa sentence].

L'autre marais était celui de la Roche, qui tirait, dit-on, son nom d'une roche isolée. La jouissance en avait été abandonnée aux habitants des trois paroisses de Cordemais, Bouée et Malville, par les seigneurs de Kérouan et de Donges, moyennant un sou par tête de bestial, ladite redevance payable à la grande porte de l'église, le jour de la Décollation de saint Jean-Baptiste.

C'était les marguilliers qui étaient responsables du paiement de ces redevances. Ils étaient chargés de la répartition des fouages et autres contributions roturières, et lorsque survenaient des impositions extraordinaires, c'était encore eux qui étaient tenus d'en faire la perception. S'ils ne pouvaient recouvrer la somme demandée, on les mettait en prison jusqu'à parfait paiement du subside imposé par le Roi ou par les Etats de Bretagne.

Pendant les troubles de la Ligue, nous avons plusieurs exemples de cette responsabilité encourue par les marguilliers en charge. Le 14 juillet 1595, un capitaine du duc de Mercœur écrivait de Fougeray aux paroissiens de Cordemais : « Je vous ay advertis que votre paroisse est affectée à M. de Montmartin, gouverneur de Vitré, pour la somme de 73 livres ; vous n'en avez tenu compte, mais je voy bien qu'il me faudra aller à Redon, d'où je vous feray bien venir à la raison, et n'en aurez si bon marché » [Note : Arch. de la fabrique de Cordemais].

Le capitaine Misaubin qui signait cette lettre semble en effet avoir tenu parole, car nous avons trouvé une requête du sieur Jean Even, ancien marguillier de la paroisse de Cordemais, demandant à être élargi de la prison qu'il tient à Redon, « par deffault aux paroissiens de Cordemais de paier plusieurs sommes de deniers ordonnez estre levez sur la dite paroisse ».

Le 1er mai 1596, le sieur Cousdet, sergent royal à Nantes, se rendit à Cordemais, de la part de M. Foriot, trésorier des Etats de Bretagne, pour réclamer des habitants une somme de 82 écus 3 sous à laquelle ils avaient été taxés pour leur part de la somme « ordonnée estre levée par la treufve pour l'entretenement des gens de guerre ». Il s'adressa à Guillaume Moisant et Jean Baraut, « procureurs et fabriqueurs de ladite paroisse, » et ceux-ci ayant répondu qu'ils n'avaient argent pour satisfaire à la demande qui leur était faite, il s'empara de la personne de Guillaume Moisant, et le constitua prisonnier aux prisons royales du Bouffay à Nantes.

Quelques mois plus tard, le 16 septembre 1596, un autre sergent, nommé Lebigot, se transporta à Cordemais « pour contraindre les paroissiens au paiement de la somme de 45 escuz 21 sous 3 deniers, en quoy ilz ont esté taxez et cottisez pour la treve et continuation d'icelle ». Les fabriqueurs lui répondirent qu'ils n'avaient aucun argent, et sur cette réponse il les somma de le suivre et les conduisit aux prisons du Bouffay, où ils furent incarcérés.

Quand il s'agit de payer, on trouve toujours de la résistance, et, comme on le voit, les Cordemaisiens du XVIème siècle ne faisaient pas exception à la règle. Ils étaient pourtant de zélés ligueurs. Mais si, dans la plupart des provinces de France, la Ligue fut une véritable révolte contre l'autorité légitime du souverain ; si surtout elle fut une cause de désordres et une source de malversations commises par des seigneurs ambitieux et cupides qui ne cherchaient que leur intérêt dans leur prétendue opposition au roi de France, il n'en fut pas de même en Bretagne. M. de Kerdrel (Bull. de la Soc. Arch. d'Ille-et-Vilaine, année 1862, p. 235) nous semble avoir parfaitement résumé le caractère de la Ligue en Bretagne. « Ce fut, dit-il, quelque chose de considérable et de grand : jusqu'à l'abjuration d'Henri IV, la Ligue en Bretagne eut une organisation puissante et constitua un véritable gouvernement. Parlement, Conseil d'Etat, Chambre des comptes, Cour des monnaies, Etats provinciaux, armée régulière, Université, impôts légalement assis et perçus, règlements de police, il ne lui manqua rien pour mériter ce nom ». Ce n'est pas à nous Bretons de juger trop sévèrement le duc de Mercœur d'avoir songé un instant à reconstituer l'ancienne indépendance de la Bretagne, et nous n'avons pas le courage de blâmer nos Cordemaisiens d'être restés jusqu'en 1598 fidèles au parti qu'ils considéraient comme le parti national.

Dès le commencement de la lutte du duc de Mercoeur contre le pouvoir royal, les habitants de Cordemais se trouvèrent mêlés activement aux opérations milaires. Jean de Montauban, seigneur du Goust en Malville, le plus proche voisin de Cordemais, avait embrassé le parti opposé au duc de Mercœur. Le 26 mai 1589, sur l'avis que reçut le Conseil bourgeois de Nantes, que ce seigneur fortifiait, sa maison et y faisait un amas d'hommes, il fut décidé qu'on attaquerait la place du Goust avec canon. Le lendemain, on apprit que Jean de Montauban, assisté de 45 hommes seulement [Note : Suivant Oger, le seigneur de Goust n'aurait eu avec lui que son frère et six hommes d'armes], s'était emparé du château de Blain. Pour le chasser de cette place, le Conseil commanda 200 hommes, qui reçurent chacun par jour une demi-livre de poudre et 15 sous de paie : de plus, une ordonnance du capitaine Gassion, commandant de Nantes, obligea les paroisses voisines de Blain, et Cordemais en faisait partie, à s'assembler au son du tocsin pour courir sur les convois et les secours qu'on tenterait de faire entrer dans le château de Blain (Travers, Hist. de Nantes, I. III, p. 23).

Le Goust, abandonné par son propriétaire, fut facilement repris par les ligueurs, mais Blain se défendit avec succès On eut beau augmenter le nombre des assiégeants, le chevalier du Goust résista à toutes les attaques, et au bout de plus d'un mois on fut forcé de lever le siège. Pour prévenir toute surprise sur la place du Goust, on y entretenait une garnison. Le 21 juin, le conseil de Nantes donna ordre au curé de Cordemais (Pierre Babouin) et au sieur de la Chevalleraye (Julien Poher) d'aller en garnison au Goust avec les soldats qu'ils pourraient réunir, ceux qui y étaient ayant été commandés pour le siège de Blain. Le lendemain, le conseil fixa la garnison du Goust à 12 soldats commandés par le capitaine et le curé de Cordemais, auxquels il fut assigné pour leur entretien 210 livres par mois sur les paroisses de Malville et de Cordemais.

La question d'argent se présentait donc encore ; elle ne pouvait manquer de soulever des difficultés. A peine installé au Goust, le curé de Cordemais écrivit au capitaine Gassion pour se plaindre de ce qu'il n'était pas payé et de ce qu'il ne pouvait conserver les soldats de la garnison qui n'étaient point armés et qui ne recevaient aucune solde. Le 3 juillet, le Conseil répondit à Pierre Babouin qu'il pouvait user de contrainte, qu'on lui enverrait les mousquets qu'il demandait pour ses soldats et qu'on aviserait aux moyens de forcer les habitants de Malville et de Cordemais à l'entretien de la garnison du Goust.

Cette contribution, que l'on croyait ne devoir être que fort temporaire, semble d'ailleurs s'être perpétuée pendant de longs mois. On trouve en effet dans les Archives de la fabrique de Cordemais la copie d'une lettre de M. de Mercœur, du mois de mai 1591, relative à la garnison du château du Goust : « Philippes-Emnmanuel de Lorraine, duc de Mercœur et de Penthièvre, pair de France, prince du Saint-Empire et de Martigues, gouverneur de Bretaigne, au sieur de Vignancourt, l'ung de nos capitaines de chevaux-légers, salut : Ne pouvant satisfaire à la nourriture des gens de guerre de vostre charge et compaignie que nous avons ordonnez au mois d'avril passé en la maison du Goust, en laquelle nous les avons délaissez ce présent moys de may, et voulant pour certaines causes qu'ils y demeurent encorre ou partye d'iceux le moys de juing prochain, nous vous demandons faire lever sur les paroisses par chacun des ditz moys de may et juing la moictié de ce qu'elles ont esté imposées pour le dit moys d'avril. Donné à Nantes, le … jour de may 1591 ».

Ce ne fut pas sans doute sans protestation que les Cordemaisiens se soumirent à cette contribution. Nous n'avons pas rencontré la preuve matérielle de leur résistance en cette occasion ; mais nous voyons ailleurs qu'ils ne se faisaient pas faute de recourir à l'autorité supérieure lorsqu'on leur imposait des corvées extraordinaires. Le 25 novembre 1597, François de la Lande, seigneur de Kermartin [Note : Le seigneur de Kermartin était l'un des principaux officiers du duc de Mercœur. C'est lui qui tua au Mont-Saint-Michel Charles de Gondi. marquis de Belle-Ile, second duc de Retz, parce que celui-ci, par une infraction de la trêve, avait voulu, le 22 mai 1597, s'emparer de ce poste important], l'un de leurs compatriotes, capitaine commandant au château de Blain, leur écrivit la lettre suivante : « Messieurs les paroissiens de Cordemez. je vous avertiz comme Monseigneur le duc de Mercœur m'a donné une commission pour faire travailler aux réparations et fortifications du château de Blaing ; partant, je vous pry ne faillir à m'envoyer dedans demain prochain trois hommes garniz de bêches, pelles, picz, barres de fer et hottes propres pour travailler aux dites réparations, et continuerés de fournir chascune sepmaine les diz trois hommes jusques au parfaict accomplissement de ce qui est requis » [Note : Archives de la fabrique de Cordemais]. Les Cordemaisiens protestèrent : ils envoyèrent une supplique aux Etats de Bretagne, remontrant que, par les articles de la trêve, « il était défendu de faire aucunes fortifications pendant icelle trêve, » que d'ailleurs « il leur était impossible de satisfaire à la sommation du sieur de la Lande, la plupart des paroissiens s'étant retirez de cette ville, et les autres si pauvres qu'ilz sont contrainctz d'aller avecque leur famille mendier leur vie ». Les Etats firent droit à, cette requête et défendirent au seigneur de Kermartin de contraindre les suppliants à aller travailler pour les fortifications, au château de Blain ou ailleurs.

Bien qu'ils eussent obtenu gain de cause au sujet des fortifications du château de Blain, les habitants de Cordemais n'étaient pas moins forcés de se procurer de l'argent pour faire face aux taxes qui leur étaient imposées pour l'entretien des troupes de la Ligue. Aussi, malgré les protestations des possesseurs, voulurent-ils soumettre au droit de fouage toutes les métairies situées dans l'étendue de la paroisse, que leurs propriétaires fussent d'ailleurs nobles ou non. Il s'en suivit de longs procès où les habitants finirent par triompher. Le plus sérieux fut celui que Charles de Montauban, peigneur de la Laujardière et de la Haye-Maheas, et Jacquette de la Lande, sa femme, intentèrent en 1604 aux paroissiens de Cordemais qui, « profitant des divisions passées, avaient soumis aux fouaiges et autres contribution roturières » les métairies de la Coudre, de la Joncheraye et de la Prinsaye en Cordemais [Note : Nous ne nous arrêterons pas à signaler toutes les occasions où des demandes particulières d'argent ou de corvées furent faites aux habitants de Cordemais ; nous noterons seulement les deux suivantes. — Au mois d'octobre 1630, Philippe de Cospean, évêque de Nantes, s'adressa aux paroissiens de Cordemais pour recommander une quête en faveur de Jean Esnault et Jeanne Lepris, sa femme, qui faisaient trafic de mercerie, et dont la boutique, sise sur la place du Bouffay à Nantes, joignant l'escalier du Palais, avait été incendiée par malveillance. — Au mois de juin 1678, on reçut à Cordemais l'ordonnance suivante : « Le marquis de Molac, lieutenant-général pour le roy en Bretagne dans le comté Nantais et gouverneur de la ville et château de Nantes. Le sieur de la Foucquerie-Cochon estant obligé d'envoyer incessamment à Brest des bois pour les vaisseaux du Roy, lesquels il a acheté dans la forest de Blain, nous ordonnons à tous ceux qui peuvent faire des charrois dans les paroisses de Blain, Fay, Hérie Legâvre, Plessé, Grandchamp, Bouay, Safré, Vay, Bouveron, Malleville et Cordemes, de faire les charrois desdits bois jusques au port de la Coqueraye, proche ledit bourg de Bouay, qui est le plus voisin de ladite forest. Fait au château de Nantes, le 25 juin 1678 » (Arch. de la commune de Cordemais)].

Il y avait en effet un nombre considérable de petits fiefs dans la paroisse de Cordemais. La plupart d'entre eux, il est vrai, ne conféraient pas à leurs possesseurs toutes les immunités de la noblesse, mais ils leur assuraient certains privilèges que chaque propriétaire était toujours tenté d'augmenter.

Deux de ces fiefs avaient appartenu à deux des familles les plus puissantes de la Bretagne, les Rohan et les Acigné, et en avaient tiré leur nom. Le château de Guémené-Guingamp, situé sur le sillon de Bretagne [Note : Il existe encore au village de la Hurette quelques ruines du château de Guémené-Guingamp : on les désigne aujourd'hui sous le nom de ruines du Château-Brun], rappelait le souvenir de cette illustre maison de Rohan qui joua pendant de longs siècles un si grand rôle en Bretagne et qui possédait dans une foule de paroisses des fiefs auxquels elle avait donné son nom [Note : Le principal fief de la paroisse de Couéron, voisine de Cordemais, était aussi le fief de Guémené].

Quant à la maison seigneuriale d'Acigné, elle était au bourg même de Cordemais, sur le tertre où s'élève aujourd'hui le calvaire. Il n'en reste plus aucune trace, mais, il y a quelques années, on y voyait encore un moulin qui avait conservé le nom de moulin d'Acigné, et nous savons, par une délibération de 1790, que les fourches patibulaires de la seigneurie d'Acigné étaient situées près de ce moulin. Par sa situation qui dominait le bourg, on serait presque tenté de croire que cette maison avait été dans l'origine le lieu féodal de Tutual de Cordemais et de ses fils. Après la mort de ceux-ci, elle serait passée entre les mains des seigneurs d'Acigné qui lui auraient donné leur nom, qu'elle aurait perdu au XVIIIème siècle pour ne plus s'appeler que seigneurie de Cordemais.

Le fief d'Acigné entra dans la maison de l'Angle au XVème siècle. En 1417, Jean de l'Angle, possesseur du fief d'Acigné en Cordemais, était écuyer du duc de Bretagne et capitaine du château de Pirmil. En 1470, Jean de l'Angle, sieur de Liburen en Missillac, avait épousé Marie de Saint-Jean, de la paroisse de Cordemais : ils eurent pour fils Jean époux en 1510 de Françoise des Bouschaux, dame de la Billais. En 1635, Julien de l'Angle et Yvonne Laurent, sa femme, s'intitulaient sieur et dame de l'Angle, Venet et Acigné. De 1669 à 1690, nous trouvons un autre Julien de l'Angle, marié à Marie de l'Espinay, qualifié de haut et puissant seigneur d'Acigné, l'Angle, la Biliais et Venet. Les seigneurs d'Acigné avaient un sénéchal à Cordemais, devant lequel étaient appelées les contestations qui survenaient entre le général de la fabrique et les ouvriers par exemple qui étaient employés pour les besoins généraux de la paroisse.

La première fois que nous voyions mentionnée la châtellenie de Cordemais, c'est en 1711. Les seigneurs de la Haie Maheas (ou la Haie-Lelou, comme on appelait alors ce fief) avaient acquis la seigneurie d'Acigné sur la famille de l'Angle. En 1700, Jean-Baptiste-Gaston Lelou, chevalier, seigneur de la Chapelle-Glain, apparaît, avec sa femme Marquise Gabart, comme seigneur de la Haie-Maheas et châtelain d'Acigné ; en 1711, il s'intitule seigneur de la châtellenie de Cordemais. En 1713 et 1717, sa fille, Marie-Anne Lelou, prend le titre de dame de Cordemais. Elle était mariée à Pierre Dodun qui, dans un acte de 1723, est nommé « seigneur de la Haye-Maheas, la châtellenie de Cordemais, le fief Eder, la Musse et la Clartière au dit Cordemais, Vigneux en Saint-Etienne-de-Montluc, et autres lieux ». En 1734, nous trouvons « René Cochon de Maurepas seigneur de la Haye-Maheas et de la châtellenie de Cordemais, fief Eder, la Clartière et la Musse en Cordemais, Vigneux en Saint-Etienne-de-Montluc, et autres lieux, conseiller secrétaire du Roy, maison et couronne de France, et ancien conseiller du Roy au conseil supérieur du cap François et isle de Saint-Domingue ».

A la même époque, un aveu nous fait connaître les droits attachés à la châtellenie de Cordemais : « Droits de justice haute, moyenne et basse ; droit de hallage et par chacun vaisseau et autres bateaux portant sel qui arrivent aux estiers et autres endroits sous la dite juridiction une trentée d’icelluy ; pour chacune chantée charoyant quelque chose des dits estiers 20 deniers ; droits de lots et ventes ; rachapts et droits de chasse, épaves et gallois, désérance de ligne, succession de bastart, droit de pourvoyance de mineurs, inventaires et autres ; ban de vigne à vendanger, garenne à coulis, refuge et vol de pigeons ; droits de coutume de deux foires qui se tiennent au dit bourg et port de Saint-Nicollas, le jour de Nativité et Décollation de saint Jean-Baptiste ; droit d'un moulle de cercles de pipe de chacune charretée qui y sont débitées ; droit de prières nominales, de banc et d'enfeu dans l'église paroissiale de Cordemais [Note : Jusqu'en 1711, dans tous les aveux, ce droit de prééminence dans l'église de Cordemais est reconnu appartenir au seigneur de la Roche en Savenay. En 1745, une contestation s'éleva entre le procureur fiscal de la Roche et celui d'Acigné « Me Pierre Rousset, procureur-fiscal de M. le comte de Donges, seigneur des vicomtés de Donges et baronnie de la Roche au siège de Savenay a dit que le seigneur comte de Donges estoit seigneur fondateur de l'église de cette paroisse comme baron de Savenay ; qu'il y a plus de deux cents ans qu'il est par luy et ses autheurs propriétaire de la baronnie de la Roche inféodée par Sa Majesté des droits de prééminence et fondation en la dite église, et que par conséquent ledit Rousset en sa dite qualité devoit être muni par le général de cette paroisse d'une clef du coffre des archives ; qu'il est surpris d'apprendre que M René Luxurier procureur-fiscal de la chastellente d'Assigné qu'on appelle depuis peu d'années la chastellenie de Cordemais, soit saisi d'une clef qu'il a dit estre du coffre des archives »] ; droit de fourche patibulaire à quatre piliers, de potence et carcan au dit bourg de Cordemais, pour punir les malfaiteurs [Note : Le 13 septembre 1790, le Conseil municipal de Cordemais arrêta : « 1° Que le banc qui se trouve placé dans l'église paroissiale proche le sanctuaire sera, dans le jour, transporté hors de ladite église, avec le moins d'endommagement que faire se pourra, et mis dans le cimetière ; 2° Que le pilori situé près le mur dudit cimetière vers midi sera aussi dans le jour arraché et laissé sur le lieu ; 3° Qu'il sera pareillement dans le jour procédé à la démolition des piliers et fourches patibulaires dressés près les moulins sur le chemin conduisant du bourg de Cordemais à l'Arceau » (aujourd'hui pont du Tertre, sur le chemin de Cordemais à Saint-Etienne-de-Montluc)] ; droit de montaux et moulins, où ses vassaux estagers sous la banlive sont obligez d'aller faire moudre leurs grains ; droit d'avoir un sergent féodé, franc et exempt de fouage, solde et tout autre subside, gabelle et devoir dans ladite paroisse » [Note : Archives Tournier].

A René de Maurepas succéda sa fille « haute et puissante dame Anne-Blanche-Victoire de Maurepas, mariée à haut et puissant seigneur Louis, marquis de Coutances, chef de nom et d'armes, chevallier, seigneur fondateur patron des Selles de-Raon et Selles-Guénaut en Touraine, le Genest, le Grand et le Petit-Repinsais, la Benaste, les seigneuries de la Bouvardière et la Haut-Indre et Saint-Herblain, ancien capitaine de cavalerie au régiment de la Reine, chevalier de l'ordre de Saint-Louis » [Note : Le 29 décembre 1765, les habitants de Cordemais, réunis en assemblée politique, avaient donné mission à Guillaume François, sieur de Saintdo, de faire procéder à la réparation du pont et arceau de Venet ; mais le marquis de Coutances, comme seigneur de Cordemais, s'opposa à cette délégation].

Anne de Maurepas était veuve en 1775 ; en 1787, elle apparaît comme épouse non commune en biens de messire Antoine de Barruel-Beauvert, capitaine de dragons.

La seigneurie d'Acigné était donc devenue la plus importante de la paroisse de Cordemais ; mais il y en avait beaucoup d'autres.

(Lucien Merlet).

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