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La démission de Nicolas Armez dans les Côtes-du-Nord.

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Je ne connais guère, dans le département des Côtes-du-Nord, au cours de l'époque révolutionnaire, de figure plus curieuse, et, à bien des égards plus énigmatique que celle de Nicolas Armez. Un chercheur avisé qui s'efforcerait de la bien mettre en lumière y trouverait certainement plaisir et profit.

Né à Paimpol, le 16 mars 1754 [Note : Nicolas était l’aîné. Il avait un frère un peu moins âgé, Louis-Marie Armez du Ruclé. Nicolas Armez au début de la Révolution signe en général abbé du Poulpry (Cf. Le Fureteur Breton n°23)], d'une famille de régisseurs, enrichie par l'achat de terres nobles que le luxe grandissant des propriétaires obligeait à aliéner [Note : Le 14 février 1749, son père acquérait encore la seigneurie de Lannévez, dont la dîme, en 1790, valait 364 # 4] pour qu'ils puissent continuer à faire figure à la cour, Nicolas Armez est chanoine du chapitre de la cathédrale de Vannes au moment où éclate la Révolution.

Nicolas Armez (Bretagne).

Imbu, dès son enfance, des idées nouvelles qui agitaient en cette fin de XVIIIème siècle tous les esprits, et surtout les esprits de la bourgeoisie et du clergé, il accepte le régime nouveau avec enthousiasme, — d'aucuns ont dit par ambition. En 1789, il est maire de Plourivo. Palasne de Champeaux [Note : Jules-François Palasne de Champeaux, sénéchal royal de Saint-Brieuc. Député électeur de la sénéchaussée de Saint-Brieuc. Député aux Etats-Généraux. En août 1789 colonel d'honneur de la garde nationale de Saint-Brieuc. Président du tribunal criminel du Département, de l'origine, 2 janvier 1792 au 20 septembre de la même année, date à laquelle il fut élu à la Convention Nationale. Il vota pour la réclusion du roi pendant la guerre et la déportation à la paix], député de la sénéchaussée de Saint-Brieuc, le fait nommer avec Bagot, maire de Saint-Brieuc, et Dubois de Bosjouan fils, procureur du roi de la sénéchaussée, commissaire pour la formation du département des Côtes-du-Nord (Arch. Nat. F. 2 l. 469).

La première assemblée électorale qui suivit et se tint à Saint-Brieuc du 25 mai au 9 juin 1790, après l'avoir nommé administrateur [Note : Son successeur au conseil général du Département fut Jacob, le futur évêque constitutionnel], le choisit comme procureur-général syndic. Il prête le serment à la constitution civile du clergé et joue un rôle important dans l'assemblée qui nomma, comme successeur à l'évêque de Regnault Belleseize, Jean-Marie Jacob, recteur de Lannebert [Note : Jacob fut sacré à Notre-Dame de Paris, le 1er mai 1791 par Gobel, archevêque de Paris assisté de Dumouchel, évêque du Gard et de Miroudot, évêque in partibus de Babylone. Cette cérémonie avait été précédée de son institution canonique qui lui avait été conférée le 26 avril par Claude Le Coz, évêque métropolitain du Nord-Ouest, sacré lui-même seize jours auparavant. Quelque temps après son entrée à St-Brieuc, il présida l'assemblée électorale qui nomma les Députés à la Législative. En l'an VIII, le premier consul le nomma conseiller de préfecture fonction qu'il exerça jusqu'à sa mort qui survint le 8 prairial an IX (27 mai 1801)]. Le 31 décembre 1791 à cause de « l'affaiblissement sensible de (sa) santé causé par l'assiduité de (ses) fonctions et le travail dont il est surchargé » (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord), il donne sa démission, que le Directoire n'accepte, et encore bien à regret que le 24 janvier suivant (Arch. Dépt. des C.-d.-N. L 7-5 f. 6). Le Ministre de l'Intérieur lui écrit lui-même le 6 février 1792 qu'il « partage sincèrement les regrets du Département à cet égard et les sentiments qu'il (lui) a a témoignés dans cette circonstance » (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

Nicolas Armez se retire alors à Plourivo [Note : Le 14 mars 1792 on le voit s'entremettre auprès du Département pour faire reconnaître un nommé Jean Le Calvez, légitime créancier de la nation (Arch. Dép. des C.-d.-N. Q. Correspondance 3 f. 197)]. En janvier 1793, il demande au Directoire du Département un passeport (Cf. un article dans le Fureteur Breton de février-mars 1909) pour aller aux Etats-Unis d'Amérique. Sa fortune est compromise par la suppression des droits féodaux. Pour la rétablir et pour « soutenir son engagement » il songe à faire le commerce des grains « son premier métier » [Note : Il y a là des assertions mystérieuses pour nous qui, comprises, nous feraient peut-être mieux connaître Nicolas Armez]. Le Département s'empressa bien entendu, avec des considérants élogieux, de lui accorder l'objet de sa demande.

Or Nicolas Armez n'alla point en Amérique. Il s'était tout simplement rendu dans le département du Morbihan où il avait quelques propriétés et où l'évêque de Vannes l'appelait en qualité de vicaire épiscopal. L'année suivante nous le retrouvons président du District de Pontrieux. Enfin il part pour Paris où sa nomination de commissaire du Directoire Exécutif près de l'administration centrale des Côtes-du-Nord [Note : « ÉGALITÉ LIBERTÉ DIRECTOIRE EXÉCUTIF. NOMINATION DE COMMISSAIRES. Du 26 brumaire, l'an 4 de la République française une et indivisible. Le Directoire Exécutif arrête ce qui suit : Le citoyen Nicolas Armez aîné est nommé commissaire du pouvoir exécutif près l'administration départementale des Côtes-du-Nord, à Port-Brieuc. Ordonne en conséquence qu'il se rendra auprès de la dite administration pour remplir les fonctions qui lui sont attribuées par la loi. Pour expédition conforme : REUBEL président. Par le Directoire Exécutif, le Secrétaire général : LAGARDE, etc. etc.. » (Arch. Dépt. des C.-d.-N. L 7-6 f 106)] le trouva le 14 frimaire an IV [Note : Il habitait alors chez Girardin, restaurateur, rue Nicaise, près la rue Honoré] décembre 1795). Il accepta ces fonctions. Le 22 (13 décembre), le ministre l'engageait à rejoindre son poste (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord), et le 7 nivôse (28 décembre) il prenait séance auprès de l'administration présidée par Lenormant-Kergré (Arch. Dépt. des C.-d.-N. L 7-6 f. 106).

Bien que nous n'ayons trouvé à cette époque aucun document qui nous apporte une preuve sans réplique, la lecture attentive des registres du Département donne l'impression très nette que la nomination de Nicolas Armez fut assez fraichement accueillie par les administrateurs. Leurs attaches avec le clergé réfractaire ou l'émigration devaient les indisposer — même sans qu'ils s'en rendissent un compte très exact — contre un prêtre qui n'avait pas hésité à rentrer dans la vie civile, qui, dans le département, avait donné le branle au mouvement constitutionnaliste. D'autre part, alors qu'ils avaient à peu près conservé les idées qui, en 1789, les avaient fait considérer comme des patriotes convaincus, ils se trouvaient en rapport avec un homme qui avait constamment suivi la Révolution, s'était vraiment identifié à elle, et souffrait de voir la réaction dans un département où il l'avait si vigoureusement combattue en 1790 et en 1791.

Le plus vif désir d'Armez aurait été de réveiller le patriotisme, bien éteint des campagnes (Cf. H. Pommeret, op. cit.), et de détruire tout germe de Chouannerie. Mais son activité se trouvait paralysée par l'attitude très correcte, trop correcte de l'administration. Lenormant-Kergré et ses collègues observaient en effet strictement la loi et se refusaient à la suppléer alors que le Département était en pleine agitation contre-révolutionnaire et que chaque effort des Chouans aurait dû rencontrer une répression immédiate. Leur souci constant de ne jamais outrepasser les dispositions légales, leur manque voulu et raisonné d'initiative, avaient pour conséquence logique d'encourager les ennemis du régime nouveau .... [Note : Notez que la proclamation de l'état de siège est du 7 nivôse an IV].

A la demande de renseignements qui lui était adressée, Armez ne s'empressa pas de répondre. Seulement le 19 ventôse an IV (9 mars 1796) il demandait au ministre l'autorisation de se rendre à Paris pour lui fournir de vive voix ceux qu'il avait recueillis et qui seraient certainement plus nombreux et plus précis d'ici quelque temps. Je ne demande point que le gouvernement paye mes frais de voyage, ajoutait-il. J'ai fait tant d'autres sacrifices qu'ils me sont devenus familiers. Celui-ci ne me coûtera point » [Note : Arch. Nat. F. 1 b II. Côtes-du-Nord 1. Cf. également Arch. Dép. des C.-d.-N. 17 L. 5, registre des délibérations du District de Pontrieux]. Et comme il sentait que cette demande ne serait sans doute pas aisément accueillie, il priait son ami Champagneux, chef de la 1ère division au ministère de l'intérieur, de faire en sorte d'aplanir les difficultés (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

Armez avait eu raison de craindre. Le ministre Bénézech lui répondit, le 1er germinal (lundi 21 mars), dans une lettre fort élogieuse, que sa présence était tellement indispensable dans les Côtes-du-Nord qu'il ne pouvait l'autoriser à venir (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord). Cette décision lui paraissait s'imposer d'autant mieux que le Journal de Perlet, dans son numéro 142 du 1er germinal même, faisait un éloge mérité du commissaire du Directoire. Ce numéro du journal, le ministre le joignait à sa lettre [Note : la page 160, le Journal de Perlet publiait un rapport, à lui adressé, de St-Brieuc, le 19 ventôse dernier (9 mars) qui se terminait ainsi : « Plus heureux qu'un grand nombre d'autres départements, nous n'avons qu'à féliciter le Directoire Exécutif du choix de celui qu'il a nommé pour son commissaire auprés de l'administration départementale. Il réunit à un patriotisme sage et éclairé un grand amour du bien, et les talents sans lesquels la bonne volonté est impuissante, il eût obtenu la plupart des suffrages si nous avions eu à choisir nous-mêmes. Il ne cesse de presser le gouvernement de prévenir les désastres qui nous menacent, en nous envoyant des renforts qui nous manquent et en mettant en usage les moyens et les remédes sans lesquels, il sera réduit, comme tous les bons citoyens à être le titre spectateur de la ruine de son pays ». Cet article visiblement inspiré par Nicolas Armez nous semblerait écrit par son ami Duval-Villebogard, commissaire du Directoire Exécutif prés les tribunaux civil et criminel,.......].

Peu satisfait, et bien résolu d'autre part à ne pas donner par écrit les renseignements que demandait le ministre, pour rendre indispensable son voyage à Paris, dans une lettre du 13 germinal (2 avril), Armez se plaint du manque d'assiduité des employés des bureaux, auxquels on n'ose adresser de reproches, dans l'état de dénûment où le gouvernement les laisse ; du surcroît du travail qui lui est imposé par la levée des fuyards de la réquisition et la levée du trentième cheval, et il termine en ces termes : « Jaloux de justifier la confiance du Directoire Exécutif, j'ai jusqu'à présent renoncé à toutes les douceurs de la vie pour tâcher de remplir toutes ses vues. Tous mes efforts m'en prouvent l'impossibilité, dépourvu, comme je le suis de secours. Si je l'avais crue relative, je n'aurais point hésité à avancer le moment auquel je me propose de vous prier de lui faire agréer ma démission. Mais je la crois absolue dans l'état actuel. Je ne suis cependant soutenu que par l'idée que l'on ne me fera point de reproches mérités et par le désir que me témoignent les amis du gouvernement actuel que je n'expose pas le Directoire au hasard d'un mauvais choix » (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

Enfin, comme on devait s'y attendre, le 11 floréal an IV (30 avril 1796), Nicolas Armez adressait sa démission par la lettre suivante que nous citons en entier, car elle laisse sous-entendre combien est pénible la fonction de commissaire auprès d'une administration aux tendances hostiles, et dénote plus que jamais le souci de s'éloigner des Côtes-du-Nord, souci qui l'avait déjà hanté en 1793 lorsqu'il demandait un passeport pour les Etats-Unis d'Amérique.

Citoyen Ministre, écrit-il, depuis le commencement de la Révolution, je sers la chose publique dans les places de maire, de procureur-général syndic, de président d'administration et de commissaire du Directoire Exécutif. En acceptant celle-ci, je ne m'étais point dissimulé que ma santé en souffrirait autant que mes intérêts. Mais de même que je n'en ambitionnai jamais aucune, je ne sus jamais aussi résister à la perspective qui m'était offerte d'être utile. Mes dispositions à cet égard n'ont point changé. Si le Directoire juge à propos de n'employer soit à Paris, soit en tout autre pays étranger d'Europe, ou aux Etats-Unis d'Amérique [Note : Est-ce une simple figure de rhétorique, pour mieux faire valoir l'impossibilité où il était de conserver le commissariat ? N'est-ce pas plutôt une hantise du nouveau-monde ? Il y eut assurément du roman, sinon un roman, dans la vie de N. Armez], qu'il manifeste son intention et je pars. Je serais même fâché, je ne vous le cache point, citoyen ministre, qu'on me laissât en ce moment dans une inactivité qui serait, n'en doutez point, présentée comme une disgrâce par les ennemis de la chose publique. Qui sait même s'ils n'en tireraient point avantage contre elle ?

Si la mission à laquelle le gouvernement pourrait me destiner était d'une telle urgence qu'il n'eût point eu le temps de fixer son choix sur un sujet pour remplir mes fonctions, je pense que mon frère [Note : Louis-Marie Armez du Ruclé], commissaire du pouvoir exécutif près l'administration d'Yvias, ne se refuserait pas à les exercer momentanément et je garantis que la désignation provisoire qu'en ferait le Directoire aurait l'assentiment de tous les patriotes. Salut et fraternité, N. ARMEZ (Arch. Nat. F 1 b 11. Côtes-du-Nord).

Cette lettre était évidemment fort habile. Mais Armez avait beau feindre qu'on dût lui donner un poste où sa présence serait tellement urgente qu'on n'aurait pas le temps de lui choisir un successeur, le ministre, satisfait de son commissaire, estimait qu'il ne serait nulle part plus indispensable que dans les Côtes-du-Nord.

Ne recevant pas de réponse, il revient à la charge d'une manière plus pressante, le 29 floréal an IV (18 mai 1796) (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord). « J'ai fait plus que mes facultés physiques ne me permettaient », écrit-il. Il insiste à nouveau sur le choix du futur commissaire, tant l'administration de Lenormant-Kergré lui inspire de défiance. « Je ne le dis point pour me donner de l'importance » déclare-t-il, et cette déclaration est rigoureusement exacte. Contrairement à ses prévisions son frère Louis-Marie n'accepterait point, et nous commençons déjà à entrevoir les difficultés qui surgiront bientôt et laisseront le commissariat sans titulaire pendant près d'un an [Note : Qu'il y eut entente ou non, le refus de Louis-Marie Armez, suivi du refus des patriotes les plus en vue du Département, constituait une suprême habileté. C'était indiquer d'une manière très nette au gouvernement que la place de commissaire était intenable et le resterait tant que durerait l'administration en exercice]. Pour lui, il servirait encore la République dans une condition moins assujettissante, mais il rentrerait « également sans regret dans la classe de simple citoyen, heureux même de l'idée que, dans le concours, des sujets plus dignes l'auront emporté ».

Il s'était gardé, bien entendu, de fournir le rapport écrit que le ministre lui avait demandé il y avait deux mois en ça et que vraisemblablement il ne devait jamais fournir. Néanmoins le 8 prairial (27 mai) il l'annonçait pour le moment où il aurait reçu une dénonciation qui lui était annoncée, de laquelle devaient jaillir de nouvelles lumières (Arch. Nat. F. 1 b II. Côtes-du-Nord).

Trois jours après, dans une lettre vraiment impatiente, il donnait une troisième fois sa démission. Il alléguait que sa présence à Paris était absolument et immédiatement indispensable. Il promettait néanmoins, lorsque son successeur serait nommé, de lui donner tous les renseignements utiles, de lui indiquer les obstacles qu'il aurait à surmonter, de faire même ses efforts pour les lui aplanir (Arch. Nat. F. 1 b II. Côtes-du-Nord).

A cette nouvelle mise en demeure, lu ministre, qui jusqu'alors avait fait la sourde oreille aux récriminations du Commissaire du Directoire, résolut de prendre une décision. Mais auparavant il tint à consulter la députation des Côtes-du-Nord (29 prairial, 17 juin 1796) (Arch. Nat. F. 1 b II. Côtes-du-Nord). La réponse ne se fit pas attendre, et le 3 messidor (21 juin), les députés, réalisant pour une fois l'unanimité jusqu'ici impossible et qui devait l'être dans la suite, déclarèrent que la démission d'Armez compromettrait gravement la situation du département (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord). Le 11 messidor (29 juin) le ministre refusait de l'accepter (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

Nicolas Armez ne se laissa pas convaincre. Puisqu'on ne voulait pas accepter sa démission, il saurait bien l'imposer. La franchise n'ayant pas réussi, il réussira par des moyens détournés. Il feignit de se rendre au vœu du ministre, se bornant. désormais à demander un mois de congé qui lui était nécessaire pour rétablir sa santé, et pour lui permettre de s'occuper de ses affaires personnelles. Une deuxième fois, le 20 messidor (8 juillet) il revint à la charge (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord). La réponse n'arrivant pas, le 5 thermidor (23 juillet), il insistait à nouveau.

Citoyen Ministre,
Puisque c'est un parti pris de différer à accepter ma démission, je n'insiste plus pour l'obtenir. Mais je liens fortement à ce que vous me permettiez de m'absenter pour un mois. Les motifs que je vous ai allégués pour que vous m'accordiez un congé sont si puissants que je ne puis croire que la demande que j'en fais soit défavorablement accueillie.
Salut et fraternité,
N. ARMEZ
(Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

Cette dernière lettre arriva à Paris hors de propos. Le 6 thermidor (24 juillet), le ministre s'était enfin résolu à lui accorder satisfaction. Armez en avisa l'administration centrale, le 17 (4 août), qui nomma Daniel-Kérinou pour le suppléer pendant son absence [Note : « Du dix-sept thermidor an IV. Séance tenue par les citoyens Lenormand-Kergré, président, Le Febvre, Daniel et Limon. Le citoyen Armez, commissaire, a exposé à l'administration qu'il avait obtenu une permission du Ministre pour prendre un congé et qu'il allait s'absenter pour environ un mois. Le Département, après avoir (sic) ; Arrête de nommer et nomme pour le remplacer, commissaire suppléant, l'un de ses membres, le citoyen Daniel-Kerinou. Arrête de plus qu'il sera écrit au Ministre de l'Intérieur, pour lui exposer que l'administration, déjà surchargée de travail, allait éprouver le vide d'un de ses membres, et lui demander l'autorisation nécessaire pour prendre quatre adjoints avec voix délibérative, qui aideraient les quatre administrateurs restants ». J. Le Febvre. F. Limon, Lenormand-Kergré, président. (Arch. Dépt. L 7-6 f 132)].

Libre enfin de quitter tes Côtes-du-Nord, le commissaire vint s'installer à Paris, maison do Châtillon, rue du Petit-Bourbon, près de Saint-Sulpice.

Le mois passa... On attendit quelques jours, et le 21 fructidor (7 septembre), Daniel Kérinou, perdant patience, écrivait au ministre. « .... Ce congé est expiré et il est à Paris. On assure qu'il a donné sa démission de la place. J'ai été nommé son suppléant, mais obligé de continuer la surveillance et même la direction de mon bureau comme administrateur, je ne puis remplir qu'imparfaitement les fonctions de commissaire. C'est un motif bien puissant, citoyen ministre, pour déterminer le citoyen Armés (sic) â retourner sur le champ à ses fonctions, ou à lui nommer un successeur, dans le cas où sa démission serait réelle et acceptée par le Directoire. Notre administration est surchargée, malgré la grande activité des administrateurs qui travaillent habituellement depuis sept heures du matin jusqu'à huit heures du soir. A peine peuvent ils expédier encore les affaires qui se présentent chaque jour » (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

C'étaient là les premières plaintes de Daniel-Kérinou. Il devait en faire entendre de bien nombreuses encore avant que sa suppléance ne prit fin. quelques semaines avant la destitution des administrateurs.

Quoi qu'il en soit, le 4 complémentaire (20 septembre), le ministre invitait le commissaire à rejoindre son poste. « ... Je ne doute pas, ajoutait-il, que par la continuation de vos fonctions, vous ne donniez une nouvelle preuve de votre dévouement à la chose publique et de votre attachement au gouvernement dont vous avez toute la confiance » (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

Armez ne donna point cette preuve. A cette mise en demeure, il répondit le 1er vendémiaire au V (22 septembre 1796) par une nouvelle lettre de démission. Le ministre n'insista plus, et le 11 vendémiaire (2 octobre) il adressait le rapport suivant au Directoire Exécutif.

« Le citoyen Armés (sic) commissaire près l'administration centrale du Département des Côtes-du-Nord, invité à se rendre à son poste, a répondu que les motifs les plus puissants l'empêchaient de déférer à cette invitation. Il se flatte que la manière dont il a rempli ces fonctions et les sacrifices que lui ont coûté un déplacement de neuf mois ont dû lui mériter la confiance du gouvernement [Note : Tout indique une très grande influence de N. Armez près des pouvoirs publics. Il serait intéressant d'en rechercher les causes]. Il accepterait donc avec reconnaissance une place qui ne l'obligerait pas à quitter Paris. Le Ministre de l'Intérieur met avec plaisir sous les yeux du Directoire les vœux du citoyen Armès et pense que la confiance du gouvernement ne serait pas trompée s'il l'employait au service de la chose publique » (Arch. Nat. F 1 b II. Côtes-du-Nord).

Il ne semble pas que jusqu'à l'an VI, Armez ait eu la moindre situation officielle. A cette époque, l'assemblée électorale le nomma haut juré, bien qu'il eût souhaité de préférence un siège au Corps Législatif et que tel eût été le vœu du gouvernement [Note : Les élections se firent surtout sur la question du domaine congéable et contre son maintien. Ce qui nuisit à Armez, c'est qu'il n'était pas partisan de sa suppression]. Il n'en exercera pas moins une très réelle influence, notamment auprès des ministres de l'Intérieur et de la Police générale qui le consulteront sur toutes les questions qui pourront concerner les Côtes-du-Nord [Note : En l'an VIII, Bonaparte le nommera président du Conseil général du Département des Côtes-du-Nord]. Cette influence nous apparaît indéniable, dès l'époque de son commissariat. Nicolas Armez est en effet un fonctionnaire que l'on traite avec les plus grands égards, pour qui l'on a de singuliers ménagements. Quelles en étaient les raisons ? Peut-être chercherons-nous à l'établir dans une étude postérieure.

(Léon Dubreuil).

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