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ENQUÊTE SUR LE CLERGÉ INSERMENTÉ DINANNAIS EN 1797 |
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Dinan, le 10 prairial an V (29 mai 1797).
Denoual,
Commissaire du Directoire Exécutif près de la municipalité de Dinan, au suppléant
le commissaire près de l'administration centrale des C.-du-N. :
Je réponds, citoyen, à votre lettre du 5 de ce mois reçue le 8. La liste que vous y avez jointe et qui vous a été adressée par le ministre de la police générale est fausse à peu près dans tout son contenu. Cette liste me paraît avoir été faite par l'esprit de mécontentement et de vengeance. Vous n'ignorez pas sans doute que les nouvelles élections ont occasionné bien des déplaisirs à ceux qui recherchaient les places et à leurs partisans. Sans entrer dans la question de savoir si les choix pouvaient être meilleurs je dois avant tout hommage à la vérité et c'est ce que je promets dans les explications détaillées que je vais donner à chaque article de cette liste.
1. — On prétend que Deniau, président de la municipalité, loge FEILLET, prêtre réfractaire ? — Réponse : Deniau n'a point de demeure qui lui appartienne et loge chez son père, vieillard de plus de 70 ans. Feillet a son domicile dans une rue très séparée du citoyen Deniau. Il a toujours été considéré comme prêtre constitutionnel et n'a pas cessé d'être porté comme tel sur les états des fonctionnaires de la République. S'il ne fit pas sa soumission du 7 vendémiaire, c'est qu'alors il était malade et presque mourant. Il est rétabli depuis fort peu de temps.
2. — Le Renec, officier municipal, loge, dit-on, le prêtre CARRON, ex-curé de Saint-Sauveur — Réponse : J'ai la conviction et presque la certitude que depuis la loi de déportation, Carron n'a point reparu en France. Que dans le moment actuel, il est placé à Londres chez un grand seigneur catholique dont il dessert la chapelle. Le ministre de la police peut faire vérifier le fait par ses agents à Londres et je lui réponds d'avance de son exactitude.
3. — Huard, officier municipal, loge, dit-on. BERTHIER ? — Réponse : Je crois pouvoir assurer que Huard ne loge point Berthier. On dit que ce Berthier est un homme doux, disposé à faire sa soumission lorsque la législature sera fixe à cet égard. Il est muni de sauf-conduit des anciens comités de gouvernement ou des représentants du peuple. Pendant la Terreur, il fut longtemps détenu à Rochefort sur un navire. Il a été relâché par suite du 9 thermidor. Berthier est plus souvent en campagne qu'en ville où il ne se montre point.
4. — La veuve Chevalier loge le prêtre CHIL0U. — Réponse : Chilou, porteur d'un sauf-conduit des généraux, habite plus souvent la campagne que la ville et loge véritablement chez la veuve Chevalier. Cette citoyenne est très âgée. Elle et sa famille ont toujours été dans le sens de la Révolution et c'est avec plus de fruit que de danger qu'elle exerce envers Chilou une hospitalité qui ne peut ocacionner aucun ombrage.
5. — Chevalier, ravaudeur, loge, dit-on GAUTHIER, prêtre émigré ? — Réponse : Je n'ai pu encore me procurer aucune donnée sur ce Gauthier. J'en connais un de ce nom à Dinan qui n'a jamais cessé d'exercer comme prêtre constitutionnel, après avoir prêté le serment et fait la soumission exigée par les différentes lois.
6. — Les dames Gagon logent, dit-on, le jacobin ESCALLOT ? — Réponse : Je crois cette dénonciation sans fondement. Il y a du temps que j'ai ouï dire que ce jacobin était mort (cette nouvelle était fausse). Il n'habitait point Dinan avant la Révolution.
7. — Egault, frère et soeur, logent, dit-on, PALIX et CAILLEBOT ? — Réponse : Ces deux prêtres étaient aussi jacobins et ont demeuré dans le couvent de Dinan avant la Révolution : Caillebot a prêté le serment de la Constitution civile du Clergé et a habité Rennes. Palix n'a pas reparu à Dinan.
8. — La venve Broussais loge, dit-on, RÉGEARD, ci-devant prêtre de chœur? — Réponse : Je me suis assuré que ce Régeard n'a jamais reparu à Dinan depuis la loi de déportation, qu'il a vécu longtemps, caché à Saint-Malo où il se montre actuellement en public, ce qui peut facilement se vérifier.
9. — Les sœurs de la Sagesse logent, dit-on, LECUYER ? — Réponse : Je n'ai pu encore rien me procurer sur cette dénonciation.
10 — Geron loge, dit-on, LE TULLE, prêtre émigré ? — Réponse le crois Le Tulle à Londres ou dans les environs. S'il était revenu en France, il serait vraisemblablement logé chez son frère ou chez sa sœur.
11. — La Duval loge, dit-on, RICHARD, de Broons ? — Réponse : Ce Richard est un vieillard infirme, renvoyé des prisons de Saint-Brieuc. Quand il est venu à Dinan, il a logé chez la Duval.
12. — Mlle Granvry loge, dit-on, BRIAND ? — Reponse : Ce Briand habite la commune de Quévert. Il obtint dans le courant de l'an III un sauf-conduit de l'agent national du district de Dinan, autorisé à cet effet par les représentants du Peuple.
14. — Les Bergaires, dit-on, logent HOUITTE ? — Réponse : Je ne connais pas le nom des logeurs. Il est ou mal écrit ou supposé. Houitte est un vieillard infirme, longtemps détenu et traité à l'hôpital militaire, par suite des coups que lui avaient donné les soldats. Il a reçu des généraux un sauf-conduit. C'est presque un imbécile.
15. — Haslé, sur Doré, loge, dit-on, son frère ? — Réponse : Ce HASLÉ, frère de l'habitant de Dinan, demeure dans les environs de Lamballe et l'on m'a assuré que depuis la Révolution, il n'était venu qu'une seule fois à Dinan où il a passé huit jours.
16. — Roumain loge, dit-on, le Père Aimé ? — Réponse : le P. Aimé n'a pas paru à Dinan depuis 1791 que les jours derniers et son séjour a été de peu de durée. Il a fait sa soumission et exerce publiquement dans la commune de Plérin près DE Saint-Brieuc. Vous pouvez facilement le vérifier.
17. — Mme Anger loge, dit-on, CHARTIER, prêtre déporté ? — Réponse : Je n'en ai aucune connaissance, car je l'eusse fait arrêter. Je puis assurer que le mari de la citoyenne Anger, actuellement prisonnier de guerre, est un excellent patriote.
18. — La veuve Guillaume, dit-on, loge LE SAGE. — Réponse : Le Sage a des sauf-conduits des généraux, habite Corseul, fraternise avec les patriotes. Il ne se montre pas à Dinan.
19. — La Paterne loge, dit-on, SONI ? — Réponse : J'ai pris jusqu'à ce moment des informations infructueuses. Ce nom est inconnu ou mal écrit.
20. — Les Levret, dit-on, logent leur frère ? — Réponse : Le prêtre LEVRET habite les environs de Broons. Il ne vient que furtivement à Dinan.
21. — La Dujardin loge, dit-on, SERINIO ? — Réponse : Je n'ai pu rien acquérir sur cet article. Le nom est inconnu ou mal écrit.
22. — La Gingard loge, dit-on, ROBICHON ? — Réponse : Ce Robichon n'a aucun domicile fixe. Je ne le crois pas déporté par le fait. Il a obtenu des sauf-conduits à différentes époques. Il est partisan de la soumission et travaille de tous ses moyens à y déterminer les autres prêtres.
23. — Douarin, dit-on, loge l'émigré GUÉRIN ? — Réponse : D'après tous les renseignements possibles, je n'ai pu découvrir d'autre Guérin, prêtre, que l'ex-recteur de Plouër, et s'il vient dans cette commune c'est clandestinement. Il habite très paisiblement la commune de Plouër et on m'a dit qu'il ne l'avait jamais quittée.
24. — Mlle de Ferron loge, dit-on, LE COQ et MONCOQ ? — Réponse : Le Coq habite le canton de Tréfumel. S'il vient à Dinan, c'est furtivement. Ce prêtre est un très mauvais sujet. Je le crois très dévoué aux chouans. Moncoq n'est point revenu en France. C'est un homme de plaisir qui a trouvé moyen de s'arranger à Jersey et qui y est resté.
25. — Beslay père, dit-on, loge FÉRARD ? — Réponse Beslay père est un excellent républicain et le prêtre Férard, homme de plaisir comme son confrère Moncoq, n'a pas une foi assez robuste pour être revenu en France s'exposer aux dangers que courent les gens de son espèce. Cette dénonciation est absurde.
26. — Loaisel et de Rais logent, dit-on, CHAIVIN ? — Réponce ; Chauvin est muni d'un sauf-conduit des généraux. Il est inscrit sur le registre de population de Dinan où il a un domicile privatif et ce prêtre m'a promis de faire sa soumission aussitôt après que le rapport de Dubruel aura été décrété.
27. — Mme de Langle loge, dit-on, HERVÉ, dit le P. Joseph ? — Réponse : Mme de Langle est une dévote. Elle est extrêmement âgée. Elle est peureuse jusqu'au ridicule et il passe pour constant qu'elle n'a jamais logé de prêtre. Je n'ai aucune donnée sur ce Hervé.
28. — La Merel loge, dit-on, GOUILLIAUD ? — Réponse : La Merel habite la commune de Lanvallay qui se trouve dans la banlieue de Dinan. J'ai entendu parler de ce Gouilliaud sans savoir s'il a été déporté de fait. Il n'a point de domicile fixe et ne vient point à Dinan.
29. — La Debarre loge, dit-on, LE SÉNÉCHAL ? — Réponse : Je crois cette dénonciation d'autant plus mal fondée que Sénéchal, ci-devant vicaire de Saint-Malo de Dinan, a écrit à la municipalité de Dinan, très peu de temps après la pacification de la Vendée, il paraissait qu'il s'était fixé près de Nantes d'une manière stable. Je n'ai jamais entendu parler de son retour en cette commune.
30. — La France loge, dit-on, son frère ? — C'est un ex-moine, très vieux, renvoyé il y a deux ans des prisons du Mont-Saint-Michel. Il n'est déporté ni de fait, ni de droit. (Il doit s'agir du P. Nicolas Brochardière, ex-procureur de Thorigny).
Je crois, Citoyen, avoir satisfait aux divers articles de dénonciation compris dans la note du Ministre de la Police Générale. Tout ce qui concerne les officiers municipaux est de toute fausseté ainsi que beaucoup d'autres articles.
Vous me demandez encore s'il se fait des rassemblements où l'on prêche la contre-révolution et dans lesquels on chante des Domine salvum fac Regem, etc. Sans doute, je crois bien qu'on dit des messes. Je ne vois pas même moyen de s'opposer à l'exercice du culte clandestin jusqu'à ce que la législation soit fixe. Mais j'ai pris des renseignements que je crois positifs et je puis vous assurer qu'on ne dit autres choses dans ces réunions de catholiques que la Messe et parfois des prières Pater et Ave pour la paix intérieure et extérieure.
Vous me direz peut-être pourquoi souffrir toutes ces réunions clandestines des catholiques ? - Pourquoi ne faîtes-vous pas exécuter la loi du 7 vendémiaire ? — Je réponds que les généraux en accordant en messidor dernier au delà de ce qu'on demandait, au delà de ce qu'on exposait, mirent dès lors les fonctionnaires publics dans l'impossibilité de faire exécuter les lois concernant le culte catholique. Cette conduite rendit les fonctionnaires odieux ou inexacts, car on ne pouvait plus les taxer d'infidélité. Il y avait force majeure.
Ma correspondance, dans le temps de la remise des armes, atteste que je démontrai alors les inconvénients des sauf-conduits donnés par les généraux. Ils en faisaient un moyen de se populariser et ils créaient des obstacles que nous n'avons cessé d'éprouver.
Je soutiens aussi que l'exécution de la loi du 7 vendémiaire est en quelques points presque matériellement impossible : 1° pour constater le délit d'une messe clandestine, il faut une visite domiciliaire. Or cette visite ne peut se faire que par une ordonnance du juge de paix. Le temps qu'entraînent les formalités donne celui d'avertir les prévenus, ou laisse le loisir d'achever la cérémonie. La démarche serait donc vaine et prépare l'appareil d'une visite domiciliaire sans obtenir de résultat c'est se rendre à la fois ridicule et odieux.
Je suis d'ailleurs très convaincu que les prêtres déportés de fait et rentrés sur le territoire de la République ne viennent point en cette ville ou qu'ils n'y séjournent que peu de temps. Ils savent qu'ils y courent du danger. Ils se croient et sont bien plus en sûreté dans les campagnes où ils n'ont aucun surveillant incommode, où ils se procurent des certificats de résidence, dont ils espèrent faire un jour leur profit.
... Je sens plus qu'il n'est possible de l'exprimer, la nécessité d'avoir des lois fixes sur l'exercice des cultes. L'incertitude de tous, administrateurs et administrés, est au comble. Les discussions à cet égard augmentent les embarras en raison de ce que l'espoir des partisans des prêtres paraît se réaliser, dans bien des points. Ces craintes ne m'ont point empêché de faire plusieurs réquisitoires. J'en prépare un nouveau combiné d'après les lois des 7 et 10 vendémiaire de l'an IV et du 20 fructidor de l'an III.
Signé : Denoual.
(Archives C.-du-N, Lm . 5, 110, cf. Archives Nationales, F 7, 7253).
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