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FRANÇOISE DE DINAN SON HISTOIRE ET SA LÉGENDE. |
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Françoise de Dinan (dernière représentante de la famille de Dinan) est la fille unique de Jacques de Dinan, seigneur de Châteaubriant, de Beaumanoir et de Montafilant, maréchal de Bretagne, chambellan du duc de Bretagne, et de Catherine de Rohan. Elle perdit son père le 30 avril 1444, à l'âge de 8 ans, et devint la plus riche héritière du duché de Bretagne après la mort, sans héritier, le 21 mai 1444, de son oncle Bertrand de Dinan Maréchal de Bretagne, seigneur de Montafilant, de Châteaubriant et des Huguetières. Seule héritière de sa lignée, elle est dame de Châteaubriant, de Beaumanoir, du Guildo, de Montafilant, de Candé, de Vioreau, des Huguetières, du Bodister de La Hardouinaye et du Bodister. Enlevée pour être mariée, elle connaît une vie assez tumultueuse et sera la gouvernante d'Anne de Bretagne en 1488. Elle fut fiancée au comte de Gavre, aîné des fils du comte Guy XIV de Laval. Elle était en même temps recherchée par Arthur de Montauban et par Gilles de Bretagne, troisième fils du duc Jean V de Bretagne.
Née en 1436 au manoir de la Roche-Suhart en Trémuson, Françoise de Dinan meurt à Châteaubriant en 1499 et est inhumée au Couvent des Dominicains à Nantes. Son épitaphe est la suivante : Cy gist Françoise de Dinan, dame de Chasteaubriant, Candé, Vioreau, les Huguetières en Rays, Montafilan, Beaumanoir, la Hardouinaie, Bodister, fille de Jacques de Dinan, seigneur desdits lieux, et de Catherine de Rohan, laquelle naquit le xx novembre MCCCCXXXVI et épousa en premières noces le prince Gilles de Bretagne, troisième fils de Jean Ve du nom et de la duchesse Jehanne de France ; et, lui décédé l'an MCCCCL, épousa en deuxièmes noces Guy XIVe du nom, comte de Laval et de Montfort, baron de Vitré et de la Roche, vicomte de Rennes, et en troisièmes noces Jean de Proesy, baron de Bove en Picardie, et décéda en son chasteau le m janvier MCCCCXCIX, en l'an lxiiie de son âge.
La Roche-Suhart, l'un des quatre membres du Penthièvre, admirablement située sur l'une des crêtes de la vallée du Gouët et limitrophe des Villages de Saint-Brieuc, cette opulente seigneurie qui s'étendait dans les paroisses de Trémuson, Etables, Goudelin, Bringolo, Plérin, Trégomeur, Tréméloir, Plourhan, et même sur l'île de Bréhat, devait voir son redoutable donjon, sentinelle avancée à l'entrée du Goëlo, tomber en 1420, après l'attentat des Penthièvre contre Jean V.
Donnée, en 1287, par Henry d'Avaugour, comte de Goëlo, en dot à sa fille Jeanne, lors de son mariage avec Geoffroy de Dinan-Montafilant, plusieurs générations de cette illustre maison, à l'encontre des Penthièvre, dont la puissance balança tant de fois celle des Ducs de Bretagne, leurs aînés et suzerains, devaient s'y montrer vaillantes et fidèles. En effet, quoique mêlés indirectement à la fortune de Charles de Blois, par la position même de leur domaine en plein Penthièvre, les sires de Dinan n'hésitèrent pas, après l'issue de la guerre de la succession de Bretagne, tranchée sur le champ de bataille d'Auray, à se rallier à la cause de Montfort. Nous voyons même Robert de Dinan, propre gendre de Marguerite de Clisson, comtesse de Penthièvre, l'instigatrice du guet-apens de Chantoceaux, rester uni à son souverain, ainsi que Jacques, son frère et son héritier.
Cependant le château de la Roche-Suhart allait payer par une entière destruction cette fidélité et d'une façon assez imprévue [Note : Plusieurs auteurs ont écrit que c'était en raison de leur révolte contre le duc Jean, V que les possesseurs de la Roche-Suhart avaient vu raser leur château, en 1420. Il y a là une confusion évidente, et voici le fait qui a pu faire naître cette confusion. Françoise de Dinan, comtesse de Laval, ayant trempé dans la conspiration contre Landais, vit un moment ses biens confisqués, en 1483 ; mais, à la chute du favori du Duc, elle rentra en possession de la Roche-Suhart et de ses autres domaines. Nous expliquons ci-dessus ce qui amena la destruction du donjon de la Roche-Suhart].
Pendant que Robert et Jacques de Dinan partageaient la mauvaise fortune du duc prisonnier à Chantoceaux, leur beau-frère, Olivier de Blois, fils de la comtesse de Penthièvre, s'emparait traitreusement de la Roche-Suhart et y plaçait garnison. Mais, voilà que les Bretons, fidèles à leur suzerain, s'étant levés sans hésiter pour le venger, assiégèrent la forteresse occupée par les gens d'Olivier, s'en emparèrent et, dans l'enthousiasme de leur victoire, la rasèrent sans merci. A sa sortie de prison, Jean V s'empressa de faire rentrer le sire de Dinan en possession de tout ce que Olivier de Blois avait confisqué ; il l'indemnisa même généreusement et lui octroya le droit de chasser et de prendre dans la forest et garenne de Plélo tout le bois nécessaire pour relever la Roche-Suhart. Robert de Dinan était payé pour savoir qu'il ne faisait pas bon être si près des Penthièvre, et il se contenta de bâtir, non loin des ruines de la forteresse démantelée, une maison de plaisance, un simple rendez-vous de chasse, au bord d'un étang.
C'est là, que nous allons voir naître la riche héritière des Dinan, restée célèbre dans nos Annales, par les déceptions et les péripéties qui agitèrent sa vie, Françoise de Dinan, perle de noblesse, gentillesse et sçavoir, au dire des chroniqueurs, la fiancée et non la femme, comme on le dit à tort, de l'infortuné prince Gilles de Bretagne.
La Biographie bretonne résume ainsi l'histoire agitée de la fille de Jacques, seigneur de Montafilant, chef de sa branche, grand Bouteiller de France, etc., et de Catherine de Rohan : « Françoise de Dinan, née à Dinan, le 20 décembre 1436, est devenue célèbre, non seulement parce que elle passait pour la princesse la plus accomplie de son temps, mais surtout parce que l'immense fortune de sa famille, qu'elle résumait à la mort de son oncle Bertrand de Dinan, maréchal de Bretagne, excita, parmi les prétendants à sa main, une rivalité qui fut une cause de troubles entre les cours de Bretagne, de France et d'Angleterre, et qui aboutit à un crime affreux. Destinée dès le berceau au sire du Gavre, fils aîné de Guy XIII, comte de Laval et d'Ysabeau de Bretagne, elle perdit son père en 1444, et fut enlevée des bras de sa mère par Gilles de Bretagne, seigneur de Chantocé, troisième fils du duc Jean V, et de Jeanne de France, soeur du roi Charles VI. Le prince Gilles la retint captive avec l'intention de l'épouser aussitôt qu'elle serait nubile. Ses projets furent traversés par un de ses rivaux, Arthur de Montauban, maréchal de Bretagne, lequel exploitant la haine du duc François Ier contre son frère, parvint à le faire étouffer dans un souterrain de la Hardouinaie, après qu'il eut été trainé pendant quatre ans de cachots en cachots, où il eut à lutter contre la faim et le poison. Après la mort de son frère, le duc de Bretagne voulut marier Françoise de Dinan, mais elle lui résista et protesta même par écrit, en 1450, qu'elle ne voulait avoir d'autre mari que le sire du Gavre, auquel elle avait été promise. Néanmoins, pour recouvrer la liberté, elle fut contrainte d'épouser le père de son fiancé, dont elle eut trois fils, et dont elle reçut le dernier soupir le 2 septembre 1486, après avoir été unie à lui trente-six ans. Ne pouvant ensuite, malgré son veuvage, s'unir au comte du Gavre, que Louis XI avait marié, en 1461, à Françoise d'Alençon, elle épousa secrètement Jean de Proisy, chambellan du roi. Elle mourut le 3 janvier 1499. Avec elle s'éteignit la branche des seigneurs de Montafilant » (Biographie bretonne, par P. Levot, art. Dinan).
Nous allons essayer de rectifier les erreurs qui se sont glissées dans cette biographie de Françoise de Dinan. Les annalistes, qui ont donné la date et le lieu de sa naissance, ne nous disent pas où ils ont puisé leurs affirmations, pour préciser ainsi le 20 décembre 1436, comme celle de sa naissance, et Dinan, comme son berceau. Nous pouvons, grâce à des documents contemporains et authentiques, récemment découverts, fixer le berceau de Francoise de Dinan, qui n'est autre que le château de la Roche-Suhart, en la paroisse de Trémuson, limitrophe de Saint-Brieuc, et dont nous venons de parler ; enfin jeter une lumière nouvelle sur la chronologie de cette princesse.
En effet, lors d'une Enquête faite en l'année 1483, par les officiers de la juridiction de la Roche-Suhart, au nom de la comtesse de Laval, Françoise de Dinan elle-même, au sujet des aveux de foi et hommages à rendre par les vassaux de cette seigneurie, deux d'entre eux déposent, savoir, Sylvestre Le Borgne, seigneur de la Ville-Balin, âgé de 53 ans, que : « La dicte comtesse fust naquie audict lieu de la Roche-Suhart, environ 42 ans a (il y a), comme luy semble. ». (Déposition du 24 novembre 1483) ; et Perrot Tual, âgé de 80 ans, ajoute que : « Auquel lieu de la Roche-Suhard, durant leur dicte demeurance, fust naquie lad comtesse de Laval, et fust cest déposant la veoir baptiser en l'esglise parochiale de Trémuzon. » (Déposition du 25 novembre 1483) (Original aux Archives des Côtes-d'Armor, Série E, 1271).
On le voit, rien de plus affirmatif. Francoise de Dinan est née à la Roche-Suhart et a été baptisée à l'église de Trémuson, servant de chapelle au château, dont elle est proche voisine.
Mais, il y a plus, en étudiant les dates ci-dessus, l'âge de Sylvestre Le Borgne, seigneur de la Ville-Balin, qui accuse 53 ans, en 1483, et qui affirme que la comtesse de Laval fust naquie il y a 42 ans, nous arrivons, en retranchant 42 de 1483, à l'an 1441, qui serait en réalité celui de la naissance de Francoise de Dinan, et non 1436, comme on l'a écrit jusqu'ici. Voilà ce qui nous a permis de remanier la chronologie de la fiancée de Gilles de Bretagne, nous disons fiancée et non femme, car on va voir que des impossibilités d'âge s'y opposent absolument.
Il est constant que Gilles de Bretagne enleva l'héritière aussitôt après la mort du père de cette princesse ; or, d'après les généalogistes et les historiens, Jacques de Dinan mourut en 1444. Françoise, née en 1441, n'avait donc en ce moment, que trois ans. D'un autre côté, Gilles de Bretagne fut assassiné en 1450. En 1450, François de Dinan avait neuf ans. Nous laissons donc à chacun la liberté d'apprécier la curieuse lettre ci-après, écrite en 1450, tôt après la mort du prince Gilles, par ou pour Françoise de Dinan, et qui semble des plus apocryphes, bien que le sévère Lobineau l'ait insérée parmi ses Preuves.
« Je Françoise de Dignan, dame de Chasteaubriand et de Montafillant, certifie a tous qui ces présentes Lettres verront et ourront : que i'ay esté et suis bien acertennée que autreffois moy estant mineure et en bas aage, feu monseigneur mon père (que Dieu pardoint) et madame ma mère firent appoinctement ensemble avec monseigneur le conte de Laval et madame la contesse de Laval, du mariage de monseigneur du Gravre leur premier et aisné filz d'une part, et moy d'autre. Et pour ce que tous deux estions mineurs d'ans et en bas aage, accordèrent et promisdrent ledit mariage, et de ce en baillèrent leurs lettres les ungs aux autres telles qu'il appartenoit, promettant de consumer et accomplir ledit mariage, nous venuz en nos dits aages. Et tantost après ce ala feu mondit seigneur et père de vie à trespassement, et demeuroy en bas aage et en la garde de madite dame et mère, d'entre les mains delaquelle ie fus depuis prinse par monseigneur Gilles de Bretaigne, lequel me voult avoir en mariage, et tous iours depuis m'a détenüe jusques à sa prinse derreinement au chasteau du Guilledou ; lequel Mgr Gilles est depuis alé de vie à trespassement, sans cite ledit mariage d'entre luy et moy feust ne ait esté jamais acompli ne consumé, pour, mon dit bas aage. Et, pour ce que de présent suis en âage suffisant de pouvoir contraicter et accorder de moy mesme mondit mariage avec mondit seigneur du Gavre ; comme i'ay tous iours eu bonne voulonté, et encore ay de ce faire, ce que bonnement ne puis de présent, pour ce que suis détenüe de Monseigneur le duc de Bretaigne ; je, Françoise dessus dite, fais veu à Dieu et à Nostre-Dame, et jure aux saints Évangiles de Dieu, et prometz par la foy et serement de mon corps, et par ces présentes, à mondit seigneur du Gavre : que jamais, tant qu'il vivra, n'aurai autre mary ne espoux que luy ; et, dès aprésent le prens pour espoux et mary, luy promettant que, toutes et quantes fois que je seray en ma franchise et liberté je serai preste et contente de l'espouser et consumer ledit mariage en sainte mère Église, et acomplir de ma part les dites promesses et convenances d'entre nos seigneurs et dames, nos pères et mères ; et rattiffie et approuve par lesd. présentes lesd. promesses et convenances par eulx faictes, sans jamais aller à l'encontre. Et, en tesmoing de ce, et affin qu'il cognoisse mieulx ma bonne voulonté, j'ay signé ceste présente cédule de mon seing manuel cy-mis. A.... le... iour de may l'an M.CCCCL, FRANÇOYSE » (Dom Lobineau (Preuves de Bretagne, 1125-1126)).
« Sur l'original, remarque Dom Lobineau, le lieu et le jour du mois sont en blanc ; » et cette circonstance confirme singulièrement nos soupçons sur l'authenticité de cette pièce.
En dépit du rapt que le prince Gilles avait fait de sa fille, Madame de Montafilant ne semble cependant pas lui en avoir gardé trop grande rancune, ainsi que nous l'apprend une lettre de Gilles lui-même aux gens de ses Comptes, au sujet d'un prêt d'argent à lui fait par sa future belle-mère. « Gilles, fils du duc de Bretaigne, seigneur de Chantocé, de Chasteaubriant, de Montafilant et de Beaumanoir, à nos chiers et bien amez conseillers les gens de nos comptes, salut. Nous vous mandons et comandons que vous allouez et mectez en clere descharge à nostre chier et bien amé escuier, conseiller et chambellan, Allain Labbé, la somme de cent escuz d'or bons et de poys de francq, queulx il a présentement baillé en nostre acquit et de nostre commandement à nostre très chère et très amée cousine, belle cousine de Montafillant, queulx elle nous avoit nagueres prestez pour bailler à Lampet, lieutenant d'Avranches... Donné en nostre chastel du Guillédo, le 26e iour de septembre, l'an mil IIIIc quarante et cinq. Signé : GILLES. Par monseigneur Gilles, de son commandement, Signé : Y. BOUGET » [Note : Archives de la Loire-Inférieure, Ch. des Comptes, .15. L, Cote ancienne, originel sur parchemin, publié, pour la première fois, par M. de la Borderie. Mélanges historiques de la Soc. des Bibl. bretons, T. II, 1883].
Et cependant la belle cousine de Montafilant et sa fille, Françoise de Dinan, que l'on n'appelle plus que Madame de Chantocé depuis ses fiançailles avec Gilles de Bretagne, n'avaient pas eu à se louer de la façon dont on les avait traitées. Toutes deux avaient été de force claquemurées au Guildo, où l'on ne manqua pas, nous venons de le voir, de les exploiter et de les rançonner. De plus, à peine l'amiral de Coëtivy, sur l'ordre du duc François, s'était-il emparé de la personne de Gilles, à la tête de deux cents lances françaises, le 26 juin 1446, que Pierre, comte de Guingamp, faisait procéder, de par le duc, à la saisie des joyaux de Françoise de Dinan.
A titre de curiosité, nous allons donner le menu du riche écrin d'une grande héritière, au XVème siècle.
« Estat des joyaux de Madame de Chantocé.
Le 20e jour d'aoust l'an 1446, rendit Jehanne d'Aunay, en la présence de monseigneur de Guingamp, Thebaud de la Clartière et Rolland de Carné, les joyaux et choses que ensuivent, et queulx ladite Jehanne avoit en garde et charge pour Madame de Champtoucé, sçavoir est : Ung petit Benoistier d'argent doré avec son aspergeoir. Item ung tableau d'argent doré, ouquel y a l'Annunciation Nostre-Dame. Item ung aultre tableau d'or à ung imaige de Saint Jehan. Item ung petit bacinet avec ung petit bouillouer d'argent doré. Item ung petite salière d'or enlaquelle y a au fond une licorne. Item ung joyau d'or en faczon de moricle garni d'un gros rubi, d'une grosse perle, d'ung diamant plat, avec trois autres perles pendantes. Item ung autre joyau en faczon d'une fleur, ouquel il y a ung oaeseau de perle, et audessus de l'oaeseau y a ung diamant pointu, et audessous un rubi avec trois perles pendantes. Item une bague en faczon d'un compaignon, en laquelle y a trois perles, ung rubi avecq trois perles pendantes. Item ung collier d'or à la vieille faczon, ouquel y a quatre balais, quatre saffirs à sept couples de perles de compte, et y a oudit collier une bague pendante en laquelle y a trois perles, trois diamants pointus et ung diamant au milieu. Item ung autre collier à la vieille faczon à douze attaches garnis de perles, et à chacune attache ung rubi ou milieu, et est ledict collier en faczon d'une ciercle. Item une rose blanche a ung diamant, une perle et ung rubi estant hors de son lien. Item une petite chesnette d'or à un petit gresillon. Item une petite chesnette d'or à quatre caiers. Item ung diamant plat assis en ung anneau d'or plain. Item ung autre diamant pointu esmaillé de rouge clier, et a petites rouczes clières. Item ung rubi enchassé en ung anneau d'or plein. Item ung autre rubi enchassé en une verge d'or esmaillée de blanc, et petites roses clières dessus. Item ung autre diamant a dos d'asne enchassé en une verge d'or esmaillée à chievron. Item ung autre diamant pointu esmaillé de gris à petites rosettes vermoilles. Item ung tissue cramoisi broché d'or a une garniture d'or esmaillé de bleu a petits solals d'or, et y a enladite garniture branlans. Item ung autre tissu violé garni d'or a branlans. Item ung autre tissu noir garni d'or, que madite dame porte. Item ung petit tablier d'iviere. Lesquelles choses dessus dites, et par les espèces que dit est, ont esté baillées en garde à la femme Charles de Lespervez du commandement du Duc, et pour valloir à ladite Jehanne et ses causes ayans, leur a esté baillé ceste signée de la main de mondit sieur de_Guingamp, et des mains dudit Clartière et de Charles de Lespervez. Signé : PIERRE, et T. DE LA CLARTIÈRE présent fut. Item a esté baillé une verge d'or en laquelle avoit un grenet de rubi et une petite émeraude par mondit sieur Pierre à Jehan de Noncelles, quelle verge d'or estoit en la garde de ladite Jehanne d'Aunay, et non comprinse entre les autres choses et espèces cy-dessus. Signé, PIERRE ».
Et est joint à l'acte précédent celui qui suit :
« Je, Bertran Millon certifie à tous à qui il appartiendra que bientoust après la prinse de Monsieur Gilles, au tems après que Madame de Chantocé fut amenée devan la Duchesse, Madame de Montafilant retint devers elle ung tissu et saincture de la faczon d'Engleterre garni d'or, que elle avoit autres fois donne à madite dame de Chantocé sa fille, et que estoit en la garde de Jehanne d'Aunay, et comprins en l'inventaire des choses que lad. Jehanne avoit en garde, pesante ladite garniture ung marc d'or ou environ : et disoit madite dame de Montafilant le faire pour ce que mondit sieur Gilles lui avoit ordonné une autre garniture du dit poys d'ung marcq d'or en rescompance dudit tissu, quelle elle n'avoit pas eu. Et pour valloir à ladite Jehanne ainsi qu'il appartiendra ly en ai baillé ceste présente relacion signée de ma main du commandement de madite dame, le 6e jour de Décembre l'an 1446 » Signé Bertrand MILLON. Original (Dom Morice. — P. 2. Col. 1406-1407).
La fin tragique de Gilles de Bretagne semble avoir fait oublier les méfaits d'une orageuse jeunesse, voir même ses relations criminelles avec les Anglais, dont il est prouvé maintenant qu'il était bien réellement l'agent en Bretagne : des documents contemporains font pressentir en effet une sorte de trahison. Nous passons également sous silence la conduite privée du jeune prince qui laissait, paraît-il, beaucoup à désirer, notamment pendant son séjour au Guildo. Ses escapades ont même fait dicton, dans nos parages, où l'on appelle encore de nos jours, « courir le Guildou, » pour dire chercher aventures.
Tout cela assurément n'excuse pas le déni de justice, les rigueurs, disons le mot, la barbarie du duc François Ier, à l'égard de son frère ; et la postérité semble n'avoir retenu que la cruelle agonie d'un prince trahi de tous côtés.
Il ne rentre pas dans notre cadre de retracer les étapes de la voie douloureuse suivie par celui dont saint Vincent Ferrier avait prédit le martyre à la duchesse de Bretagne, avant la naissance de ce prince infortuné.
Voici en quels termes le vieux chroniqueur Alain Bouchart résume la cruelle occision de Monseigneur Gilles : « Pendant le temps que le Duc et Mgr le Connestable faisaient la guerre aux Angloys en la Basse-Normandie, Monseigneur Gilles de Bretagne estoit detenu prisonnier au chasteau de Hardoynaie, en la garde de 0llivier de Mes, Robert Rouxel et autres que avoient exprès commandement de par Arthur de Montauban, de le murdrir et occire. Et leur donnoit entendre celuy de Montauban que ce qu'il en faisoit faire c'estoit par ordonnance du Duc, mais pour ce qu'il ne leur en estoit rien apparu par lettres authentiques, ils craignirent loccire de glaive de peur d'en estre reprins.
A celle cause, le refermèrent estroitement dedans une grosse tour en une chambre basse, et délibérèrent de le faire mourir de faim, car ils furent par le temps de six semaines sans luy bailler que manger ne que boire, tellement que le bon prince quant il véoit par la grille de la chambre où il estoit passer les gens, il crioit à la faim, suppliant humblement les passanz qu'ils eussent pitié de luy, mais personne n'en osoit faire semblant, fors une jeune femme voisine du chasteau qui se advantura une nuyt d'entrer ès fossez, en l'endroit de sa chambre, et par la grille lui mectoit du pain tel que elle en avoit, dont il fut substanté par six semaines, et une nuyt, ainsy que s'en vinz réciter a aucuns anciens de celuy temps, ladicte jeune femme fist venir à ceste grille, par devers Monseigneur Gilles et à sa requeste, un religieux de l'ordre de Monseigneur sainct Françoys, auquel il récita son piteux traitement, et comme on le vouloit faire mourir sans confession, et supplia à ce religieux qu'il le vouloit réconcilier et recevoir au sacrement de pénitence, ce quy luy octroya et l'ouyt en confession, et après qu'il eut esté confessé et absoubz, il en chargea le religieu que, incontinent qu'il serait adverty de sa mort, qu'il sentoit estre prochaine, il se tirast par devers le duc son frère, quelque part qu'il fust, et que à sa requeste il luy assignast iour a comparoir en jugement, en personne, par devant Dieu, au quarantiesme iour après le iour qu'il les luy feroit assavoir, pour réparation ; ce que le religieux luy promist faire.
Or est-il que ces mauvais garnemens icy qui en garde ce jeune prince avoient, furent moult effrayez de ce que il vivoit si longuement. Finablement, un jour de samedy vingt et quatriesme iour d'avril, l'an M.CCCC.L, au plus matin, Olivier de Mes et trois autres de ses compaignons entrèrent en sa chambre en laquelle ils le trouvèrent couché au lit, et de plaine arrivée luy misdrent autour du col une longue serviette ou touaillon dont ils luy avironnèrent la gorge, et l’un tiroit decza et l’autre delà de toute leur force et les deux autres tenoient le corps affin qu'il ne se remuast, et tellement le pressèrent que, entre leurs mains, le jeune seigneur rendist l'esprit » [Note : Les grandes Chroniques de Bretaigne, composées en l'an 1514, par Maistre Alain Bouchart, 4e livre : « Comment le duc François de Bretaigne marcha en Normandie, et de la piteuse mort de Monseigneur Gilles, son frère »].
Ainsi s'accomplit la prophétie de saint Vincent-Ferrier à la duchesse, mère de Gilles, qu'elle devait donner le jour à un martyr.
Gilles de Bretagne est assurément l'une des plus mélancoliques et des plus tragiques figures de notre histoire de Bretagne ; il semble avoir porté malheur à tous ceux qui lui tenaient de près ou de loin.
Quant à Françoise de Dinan, de nouvelles déceptions l'attendaient.
Ce ne fut pas, en effet, au jeune seigneur du Gavre que le duc de Bretagne allait donner la main de Françoise, mais bien au comte de Laval, père du sire du Gavre et veuf d'Ysabelle de Bretagne, vu que le très cauteleux roi Louis XI avait de sa propre autorité, arrêté le mariage du jeune sire du Gavre avec Françoise d'Alençon : la politique a des rigueurs à nulles autres pareilles ! Qu'on ne s'imagine pas cependant que Françoise de Dinan fut ici sacrifiée et livrée à un vieillard ; le comte de Laval était encore jeune et gaillard : ne devait-il pas faire son bonheur pendant trente-six ans et la rendre mère de trois enfants ? [Note : Jacques de Laval, troisième fils de Françoise de Dinan, eut en partage la Roche-Suhart, dont il jouit peu d'années, ainsi que son héritier, qui mourut sans enfants, en 1522. Jean de Laval, cousin-germain de ce dernier, et petit-fils comme lui de Françoise de Dinan, hérita de la seigneurie de la Roche-Suhart, qu'il vendit, en 1542, à Anne de Pisseleu, duchesse d'Etampes. Cette terre fit ainsi retour au Penthièvre devenu duché-pairie; en 1569, en faveur de Sébastien de Luxembourg, et porté par l'héritière de ce prince à la maison de Lorraine, en raison de son mariage avec le célèbre chef de la Ligue en Bretagne, Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur. Il devait être vendu et revendu plusieurs fois depuis, et devenir finalement la possession des Bourbon-Orléans].
Il est permis toutefois de croire que ces amours imposées à Françoise de Dinan n'avaient pas complètement réalisé l'idéal de ses rêves, car, après avoir perdu le comte de Laval, en 1486, nous la voyons épouser (mars 1494), secrètement il est vrai, un petit gentilhomme français, Jean de Proisy (noble de Picardie), chambellan du roi.
Il faut avouer que cette vie tourmentée prêtait matière aux romanciers, aussi le vicomte Walsh, entre autres, s'en est-il donné à coeur joie dans son roman pseudo-historique, Le Fratricide, où palpitent les angoisses réelles, l'innocence (très contestée aujourd'hui) de Gilles de Bretagne, auprès des tendresses imaginaires de Françoise de Dinan. Tout cela s'écroule devant les révélations de l'histoire écrite sur preuves.
En résumé, Françoise de Dinan n'a jamais été que la fiancée de Gilles de Bretagne ; elle n'est pas née à Dinan, comme on l'a cru jusqu'ici, mais bien au château de la Roche-Suhart, dans la banlieue de Saint-Brieuc, en 1441, et non en 1436, ainsi que nous venons de le voir [Note : Si la ville de Dinan possède le tombeau de Françoise de Dinan, Saint-Brieuc, qui fut son berceau, possède par contre la statue tumulaire de Gilles de Bretagne, son fiancé. Cette effigie, en bois de chêne, provenant de l'abbaye de Boquen, représente Gilles en chevalier, armé en harnois blanc, c'est-à-dire avec l'armure à plates d'acier poli, le haubert couvert d'une cotte à manches courtes semée d'hermines, l'épée sur la jambe gauche, la tête nue à longs cheveux plats, mains jointes, les pieds chaussés de solerets à poulaines et appuyés sur un levrier. Un dais gothique protège la tête].
Toutefois, si le pays de Saint-Brieuc vient enlever à Dinan le berceau de cette femme célèbre, du moins cette dernière ville possède son tombeau : Françoise de Dinan voulut en effet reposer auprès de ses aïeux, dans le choeur des dominicains de Dinan, 1499.
(Vicomte Arhur du Bois de la Villerabel).
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