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HISTOIRE DE DINARD ET SAINT-ENOGAT A TRAVERS LES AGES.

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Origines. — Légende de saint Lunaire. — Saint Enogat. — Vicomté et doyenné de Poudouvre. — Dinard au XIIème siècle. — châtellenie de Saint-Enogat et ses seigneurs. — Le prieuré de Dinard et les tombeaux des sires de Montfort. — Manoirs d'autrefois en Saint-Enogat. — Descente des Anglais en 1758. — La Révolution à Saint-Enogat. — Dinard-Saint-Enogat de nos jours. — Conclusion.

Château de Dinard (Bretagne).

Au VIème siècle une épaisse et vaste forêt couvrait tout le littoral de la Manche entre l'embouchure de la Rance et celle de l'Arguenon. Là où s'élèvent aujourd'hui des stations balnéaires fréquentées, de gros bourgs, de splendides villas et tant de pittoresques chalets ; là où s'épanouit, dans un rayonnement luxueux et au milieu des bosquets en fleurs, la jolie ville de Dinard [Note : On écrit indifféremment Dinart ou Dinard ; autrefois la première forme était surtout employée, aujourd'hui la seconde semble prévaloir], régnaient la solitude la plus complète, la sauvagerie des grands bois et le silence du désert troublé par le seul rugissement des bêtes fauves.

Et cependant cette contrée n'avait pas toujours présenté cet aspect désolé : Aleth et Corseul, les cités gallo-romaines, étaient trop voisines pour que leurs habitants n'eussent pas songé jadis à créer sur les bords de la mer et le long de la Rance quelques établissements, soit pour cultiver les céréales nécessaires à l'homme, soit pour jouir de cette vie des champs qu'affectionnaient beaucoup de patriciens [Note : Il est resté dans la contrée un curieux vestige de l’époque gallo-romaine : c'est le tombeau de saint Lunaire. Les disciples de ce bienheureux déposèrent, en effet, son corps, après sa mort, dans un sarcophage de granit ayant à l'origine renfermé les restes d'un païen, comme le prouve l'inscription qu'on y lit encore maintenant Diis Manibus]. Mais la tyrannie fiscale de l'administration du Bas-Empire d'abord, et bientôt après les invasions barbares des Saxons sur les côtes armoricaines y avaient enlevé toute trace de civilisation.

« Devant les descentes répétées des Saxons, dans l'impossibilité de toute défense après le retrait ou la dispersion des garnisons romaines, les Gallo-Armoricains du littoral durent chercher un refuge dans l'intérieur ». Quant aux pirates, « ne trouvant plus rien à prendre sur cette zone dévastée, brûlée, anéantie, ils finirent (vers 460-470) par cesser leurs courses et abandonner ce rivage sans habitants, sans habitations et sans cultures, devenu par eux un désert » [Note : A. de la Borderie, Histoire de Bretagne, I, 244].

C'est alors que surgirent sur ces rives sauvages d'inextricables broussailles et une multitude d'arbrisseaux qui peu à peu devinrent en partie de grands arbres : un siècle plus tard c'était la forêt dont nous avons parlé.

Pour rendre à la civilisation ce coin de terre il fallut les émigrations d'Outre-Mer. Ce furent saint Tugdual et son disciple saint Briac, saint Jacut et saint Sieu et enfin saint Lunaire, qui venant de Grande Bretagne s'établir dans les profondeurs de la forêt, y ramenèrent la vie, y introduisirent le christianisme et laissèrent leurs noms bénis aux localités dont ils furent les fondateurs : Pontual, Saint-Briac, Saint-Jacut, Lancieux et Saint-Lunaire.

***

Si nous voulons savoir comment s'opéra cette grande métamorphose de la forêt en culture, du désert en terre habitée, de la vie païenne en civilisation chrétienne, rappelons-nous l'admirable histoire du bienheureux Lunaire :

A la tête d'une assez forte bande de moines et de laïques, Lunaire vint, vers l'an 535, débarquer sous la pointe du Décollé, « Toute la côte, à une grande profondeur, était couverte d'une forêt des plus sauvages. Les moines commencèrent par fabriquer hâtivement leur monastère. Les laïques dégoûtés par cette forêt broussailleuse d'où l’on ne pouvait tirer aucune subsistance, s'en allèrent pour la plupart chercher fortune ailleurs … Un jour étant à prier ou méditer dans un coin de la forêt, Lunaire vit se poser près de lui un oiseau tenant au bec le reste d'un épi de blé. A cette vue son cœur sautat, sa main fit d elle-même le signe de la croix, son âme cria : Seigneur Dieu tout puissant ! je vous adore, je vous bénis, je vous glorifie !

« Pourquoi cette joie débordante ? C'est que l'épi ainsi becqueté par l'oiseau disait, à Lunaire sous ces bois sauvages il y a un sol où le blé peut croître, un lieu où il en croit encore, là est le salut ! — Avec la confiance des cœurs grands et humbles, Lunaire ayant appelé un de ses moines dit à l'oiseau : Au nom de Jésus-Christ, mon maître, conduis ce serviteur de Dieu au lieu où tu as pris cet épi.

L'oiseau part, le moine le suit ; bientôt il arrive à une clairière où s'était conservé en se ressemant de lui-même un petit champ de froment ? dernier reste d'une riche culture depuis longtemps disparue avec les cultivateurs. A. cette nouvelle toute la communauté chante un solennel cantique d'action de grâce, et le lendemain tous les moines, Lunaire en tête, se mettent en devoir de jeter bas la forêt.

Ce fut un rude labeur ils étaient mal outillés pour abattre cette masse d'arbres, ils eurent recours à l'incendie, puis restait à enlever delà tous ces troncs renversés, leurs racines, leurs branchages à demi brûlés. Au bout de quatre semaines d'un tel travail, les pauvres moines n'en pouvaient plus. Perdant tout courage ils vinrent supplier Lunaire de quitter cette terre rétive pour chercher une autre plage où il fit moins dur gagner sa vie. Mais le maître inflexible : ceci, dit-il, est une tentation du diable ! Prenez courage et fortifiez-vous en Dieu.

Les malheureux obéirent et pour prix de leur constance, peu de temps après allant un beau matin à l'ouvrage, ils virent la forêt entière tombée dans la mer flotter sur l'eau. Sans douté une violente tempête, comme il s'en élève souvent sur ces côtes, une pluie abondante survenue pendant la nuit, une rageuse inondation du pétulant Crévelin [Note : Petite rivière qui coule de Pontual à Saint-Lunaire] avaient ébranlé cette masse ligneuse et délayé la couche supérieure du sol, qui avait glissé le long de la pente avec sa charge, d'abord dans la torrentueuse rivière et de là dans les flots » [Note : A. de la Borderie, Histoire de Bretagne, I. 367 et 368].

La terre ainsi rendue à la culture, les émigrés laïques revinrent près des moines, la population s'accrut bientôt sur les rivages et les paroisses naquirent à l'ombre des monastères.

***

Château de Dinard (Bretagne).

Saint Enogat faisait-il partie de cette pléiade de religieux bretons venus successivement pendant trois siècles se réfugier en Armorique ? On l'a cru mais sans grandes preuves ; on a même dit que ce Bienheureux naquit à Winchester en Grande Bretagne et qu'il vécut quelque temps, après avoir abordé chez nous, dans le monastère de l'Ile d'Aaron aujourd'hui Saint-Malo. Il faut bien avouer que la vie de saint Enogat demeure historiquement dans l'ombre. La tradition seule nous apprend qu'il fut l'un des successeurs de saint Malo sur le siège épiscopal d'Aleth et qu'il y précéda saint Maëlmon l'ami du roi de Dommonée saint Judicaël. Saint Enogat vécut donc dans la première moitié du VIIème siècle. Il mourut à Aleth, la ville païenne convertie à la foi du Christ par saint Malo, le 13 janvier selon les uns, le 13 février suivant d'autres sans qu'on puisse même indiquer l'année.

On ne peut dire non plus pourquoi le nom de Saint-Enogat demeure depuis tant de siècles attaché à ce joli coin de terre qu'arrosent les grandes eaux de la mer et les paisibles flots de la Rance. Ce bienheureux moine — il devait être religieux car de son temps tous les évêques bretons appartenaient à l'Ordre monastique — ce Bienheureux, disons-nous, débarqua-t-il de Grande Bretagne en ce lieu, comme le dit certaine tradition ? Y continua-t-il l'évangélisation commencée par saint Lunaire ? Vécut il d'abord sous la règle austère des monastères d'Outre-Mer, à la tête d'autres religieux, défrichant à son tour les terres incultes de la Rance, abbattant, lui aussi, un canton de forêt sur ces plages ? Nous n'en savons rien au juste mais ce n'est point impossible. Aujourd'hui même dans la vallée de la Rance et à l'embouchure de cette rivière « la quantité de troncs d'arbres renversés ou dont les souches tiennent encore au sol par leurs racines, que l'on trouve sous les sables dans la plupart des anses et même dans des grèves découvertes, laisse pressentir combien cette vallée et les plateaux qui la couronnent étaient alors couverts d'une végétation touffue » [Note : Chèvremont, Les mouvements du sol dans le golfe normanno-breton, 193].

S'il n'est pas certain que saint Enogat ait vécu dans la contrée qui s'honore de porter son nom, on ne peut y nier au moins l'antiquité de son patronage. La paroisse de Saint-Enogat est, en effet, l'une des plus anciennes du diocèse de Saint Malo, et elle devait exister déjà lorsque ce diocèse portait encore le nom d'Aleth. Soit que la présence du Bienheureux ait sanctifié ce lieu, soit que le souvenir de ses vertus ait poussé les habitants à se mettre de bonne heure sous sa protection, il faut bien admettre que l'origine de cette paroisse se perd littéralement dans la nuit des temps.

Une preuve, entre beaucoup d'autres, de l'importance primitive et de l'ancienneté de la paroisse Saint-Enogat, c'est qu'avant 1789 elle était de toute antiquité le chef-lieu d'un doyenné.

***

Au moyen-âge on appelait Poudouvre — du breton Pou dour (pagus aquarum) — le pays renfermé entre la Rance et l’Arguenon, borné au Nord par la mer et au Sud par la forêt centrale de Bretagne. Brécilien [Note : Voyez la carte de la Bretagne du Vème au VIIIème siècle publiée par M. de la Borderie à la fin du Ier volume de son Histoire de Bretagne].

C'était tout à la fois une circonscription féodale portant le titre de vicomté et un territoire ecclésiastique érigé en doyenné. Les derniers vicomtes de Poudouvre apparaissent au XIIIème siècle ; à cette époque leur vaste fief fut démembré [Note : De Barthélemy et Geslin de Bourgogne, Anciens évêchés de Bretagne, v. 348] et nous en reparlerons. Quant au doyenné de Poudouvre, il subsista jusqu'à la Révolution, ne comprenant pas moins de vingt-quatre paroisses et trois trèves, et conservant toujours pour chef-lieu l'église paroissiale de Saint-Enogat. Aussi le curé ou, — comme on disait en Bretagne — le recteur de Saint-Enogat, doyen de Poudouvre, était-il un gros personnage dans le diocèse de Saint-Malo [Note : Voici les noms des paroisses soumises à la juridiction du recteur de Saint-Enogat : Saint-Enogat, chef-lieu du doyenné — Bourseul — Corseul et l'Abbaye sa trêve — Créhen — Lancieux. — Langrolay — Plélan-le-Petit et Saint Michel sa trève — Pleslin — Le Plessix-Balisson — Pleurtuit — Plorec et Lescouët sa trêve — Ploubalay — Plouer — Quévert — Saint-Briac — Saint-Lunaire — Saint-Malo de Dinan — Saint-Maudé — Taden — Trégon — Trélivan — Trémereuc — Trigavou — et Vildé-Guingalan].

Le territoire paroissial de Saint-Enogat avait d'ailleurs une certaine importance, comprenant celui qu'occupent aujourd'hui les deux paroisses de Saint. Enogat et de Dinard. Il renfermait, outre l'église de la paroisse dédiée au saint évêque d'Aleth, Enogat, la chapelle frairienne de Saint-Alexandre, la chapelle priorale de Dinard et plusieurs chapelles domestiques telles que celles des manoirs de la Vicomté et de la Ville-ès-Mesniers.

***

Nous venons de nommer Dinard : on appelait ainsi tout un quartier de la paroisse Saint-Enogat. Vers l'an 1180 Raoul de Moscon, chevalier d'Olivier de Tinténiac, ayant reçu de ce seigneur sa dîme de Dinard « suam decimam de Dinart » rapportant une mine [Note : La mine en Bretagne, d'après Dom Lobineau, valait environ huit boisseaux] de froment, la donna en aumône perpétuelle aux religieux Cisterciens de l'abbaye de la Vieuville près Dol, du consentement du sire de Tinténiac et de Stéphanie sa sœur. Pierre Giraud, évêque de Saint-Malo de 1184 à 1218, et le Chapitre de sa cathédrale approuvèrent cette pieuse donation [Note : Bibliothèque Nationale, Blancs manteaux. — D. Morice, Preuv. de l'Hist. de Bret. I. 817], et, en 1682, l'abbé de Notre-Dame de la Vieuville levait encore ce trait de dîme à Dinard [Note : Archives de la Loire-Inférieure, Déclaration de la Vieuville].

Mais à cette époque — fin du XIIème siècle — un autre document donne bien plus d'importance à Dinard.

De 1170 à 1190 environ, certain trouvère, dont le nom reste inconnu, écrivit une longue épopée, chanson de geste portant le titre de Roman d'Aquin ou Conqueste de la Bretaigne par le roy Charlemaigne. Un de nos plus érudits contemporains, M. Jouon des Longrain, a récemment publié cette œuvre littéraire si intéressante à tous points de vue [Note : Editée par la Société des Bibliophiles Bretons en 1880].

Ce n'est qu'un roman, il est vrai, mais son auteur a certainement vécu dans la partie de la Bretagne qui nous occupe. Lorsqu'il nous parle d'Aleth, de Saint-Servan, de Château-Malo, de Saint-Etienne, de Dinard localités subsistant encore, il prouve leur existence au XIIème siècle ; par ailleurs ce trouvère témoigne d'une connaissance très exacte des bords de la Rance quand cette rivière s'approche de la mer.

Au commencement du poème l'archevêque de Dol vient trouver Charlemagne et le conjure de lui aider à délivrer la Bretagne de l'oppression d'un roi païen nommé Aquin. Il apprend au grand empereur que Grimouart et ses cousins Clarion, Grihart, Florion, Avisart, Corsalion et Néron, tous Sarrasins et féroces barbares, occupent le château de Dinard à l'embouchure de la Rance : C'est Grimouart, dit-il, qui

En Dinard est ô (avec) riche garnison ;
Fors d'une part assauldre n'y pot l'on
[Note : L'assaillir ne peut-on]
Quar mer y enclot par tretout environ.

Remarquons cette situation du château de Dinard s'élevant à l'extrémité d'un promontoire et presqu'entouré par la mer. C'est bien là que se voyait encore au XVIIème siècle « un emplacement de chasteau (chef-lieu de la seigneurie de Saint-Enogat) joignant par endroit la rivière de Rance »  [Note : Archiv. de la Loire-Inférieure, Déclaration de la châtellenie de Saint-Enogat] ; c'est encore là que fut créé, à la fin du siècle dernier ou au commencement de celui-ci, un fort moderne aujourd’hui abandonné. Cette position est singulièrement forte, en effet, et l'on comprend bien qu'au moyen-âge on y ait construit un château pour surveiller l'entrée de la Rance.

Notre trouvère met en scène une armée bretonne, levée par l'archevêque de Dol lui-même, assiégeant le château de Dinard. « Le lignage d'Aquin s'y défend courageusement. Grimouart son neveu en est le châtelain ; ses cousins sont avec lui ; ils sont plus de mille païens. Les Bretons leur lancent des dards de toute espèce, au moyen de l'arc et du feu grégeois qui les brûle ainsi que le château. Les Sarrasins s'enfuient à Quidalet [Note : Guic-Aleth le bourg d'Aleth, aujourd'hui Saint-Servan] en traversant la Rance. Aquin manque d'éclater en voyant ce désastre ; il avait le quart de sa famille dans Dinard [Note : Le Roman d'Aquin, sommaire, CIII] : ».

Moult fut Aiquin courocé et iré
De son chastel qu'il voit enxin bruslé,
Et de ses hommes qu'il voit ars et greslé
[Note : Le Roman d'Aquin, 52].

Que ce siège de Dinard raconté par un trouvère soit une œuvre d'imagination, nous l'admettons volontiers mais que ce trouvère, auteur du Roman d'Aquin ait inventé l'existence du château de Dinard dont les ruines subsistaient longtemps après lui, c'est inadmissible. Cette forteresse s'élevait donc dès le XIIème siècle à Dinard, fière et imposante sur sa base granitique rongée par les flots de la mer. Ceci nous amène à parler de la seigneurie de Dinard.

***

Cette seigneurie s'appelait la châtellenie de Saint-Enogat.

De l'ancienne vicomté de Poudouvre démembrée au XIIIème siècle — comme nous l'avons dit — sortirent, entre autres seigneuries, celles de la Bellière, du Plessix-Ballisson et de Saint-Euogat. Cette dernière, dont nous avons seulement à nous occuper, fut formée de quelques paroisses notamment de Saint-Enogat, Corseul et Pleurtuit ; elle ne tarda pas à entrer dans la composition de la châtellenie de Plancoët, dont le château s'élevait au bord de l'Arguenon.

D'abord propriété de la maison de Dinan, Plancoët appartenait au commencement du XIIIème siècle à Marguerite de Dinan ; cette dame épousa en premières noces Guy sire de l'Argentaye [Note : Le château de l'Argentaye en Saint-Lormel commandait le cours de l'Arguenon : « Toute barque qui y passait, devait carguer ses voiles, tirer le canon et crier trois fois : « Dieu garde Monsieur et Madame de l'Argentaye ! » puis offrir sa marchandise » (Anciens évêchés de Bretagne, V. 363)] dont elle eut un fils nommé comme son père. Devenue veuve de bonne heure, elle était en 1232 remariée à Juhel de Montfort, fils puîné du baron de Montfort-la-Cane, qui lui donna deux garçons ; elle vivait encore en 1237 [Note : Anciens évêchés de Bret., V. 364].

Après Marguerite de Dinan son fils aîné Guy de l'Argentaye eut le fief de Plancoët. Homme violent et peu scrupuleux, il persécuta et dépouilla si bien les Bénédictins de l'abbaye Saint-Aubin-des-Bois, qu'il finit par être excommunié, lui et ses vassaux. Sa terre fut mise en interdit et force lui fut de réparer le mal causé. Guy de l'Argentaye tourna alors son activité dévorante contre ses frères utérins Geoffroy et Olivier de Montfort. Ayant vainement plaidé contre eux, il leur fit, les armes à la main, une guerre cruelle qui ensanglanta toute la contrée. Le testament de Geffroy de Tournemine nous a révélé la part que prirent à cette guerre la plupart des seigneurs voisins ; il nous fait connaître les incendies, les meurtres, les pillages, tous les crimes qui en furent la conséquence.

Mais Geoffroy et Olivier de Montfort finirent par chasser de Plancoët Guy de l'Argentaye en 1252, et ce dernier fut réduit au rôle-subalterne de sénéchal de la comtesse de la Marche en Penthièvre [Note : Anciens évêchés de Bret., V. 364 et 365]. Quant aux deux frères de Montfort, ils réparèrent par de bonnes œuvres les terribles effets de la guerre qu'ils venaient de soutenir et ils fondèrent en Saint Enogat le prieuré de Dinard où ils furent inhumés au commencement du XIVème siècle.

Leur successeur Pierre de Montfort, sire de Plancoët en 1346, ne laissa qu'une fille, Jeanne de Montfort, qui épousa Pierre du Guesclin, seigneur du Plessix-Bertrand, et lui apporta la terre de Plancoët [Note : A. de Barthélemy, Mélanges archéologiques sur la Bretagne].

Plus tard Typhaine du Guesclin, femme de Pierre de Tournemine, sire de la Hunaudaye, vit son château de Plancoët pris et rasé par le duc de Bretagne Jean IV en 1389. Mais elle vendit au successeur de ce prince, le duc Jean V, en 1417, la châtellenie de Plancoët, c'est-à-dire les « ville, chastel et mottes de Plancoët, de Sainct Enogat et de la Motte-aux-Montfortins [Note : Terre noble en Pleurtuit, qui tirait son nom de sa motte féodale et de ses possesseurs les sires de Montfort-Plancoët] ô leurs fonds, appartenances et dépendances » [Note : Lettres de Jean V, publiées par M. René Blanchard, III, 11]. Le 24 octobre 1420 Jean V céda ces terres et seigneuries à Robert de Dinan, baron de Châteaubriant [Note : Lettres de Jean V, publiées par M. René Blanchard, III, 35]. La nièce et héritière de celui-ci, Françoise de Dinan, femme de Guy XIV comte de Laval, les donna à son fils François de Laval, sire de Montafilan ; mais ce dernier mourut en 1524, sans laisser d'enfants de sa femme Françoise de Tournemine [Note : Guillotin de Corson, Les Grandes Seigneuries de Haute-Bretagne, I, 40].

Vers cette époque la châtellenie de Saint-Enogat fut distraite de Plancoët et fut elle-même divisée ; le Grand bailliage de Saint-Enogat, ne comprenant pas moins de douze fiefs, fut vendu le premier ; les du Breil, sires de Plumaugat, l'achetèrent et il finit par être uni à la châtellenie de Pontual en Saint-Lunaire. Quant au reste de la seigneurie de Saint-Enogat, comme l'ancien château de ce nom s'y trouvait, on lui conserva le titre de châtellenie. C'était au commencernent du XVIIème siècle la proprieté de Jean d'Avaugour et de Marguerite d'Illiers, seigneur et dame du Bois-de-la-Motte ; mais le 2 juin 1634 ils vendirent cette terre seigneuriale de Saint-Enogat à François Ladvocat, seigneur de la Crochaye, et à Françoise du Breil, sa femme. Ceux-ci en rendirent aveu au roi le 15 avril 1638 [Note : Archives de la Loire-inférieure. V. Saint-Énogat].

A partir de cette époque et jusqu'à la Révolution, la famille Ladvocat — qui habitait ordinairement en Ploubalay le manoir de la Crochaye, — posséda Saint-Enogat En 1653 fut inhumée en l'église de Saint-Enogat Françoise du Breil, qualifiée « dame de la paroisse » [Note : Généalogie de la maison du Breil, p. 88].

François Ladvocat, seigneur de la Crochaye et fils des précédents, épousa Perronnelle du Dresnay. Il en eut Jean Ladvocat, également seigneur de la Crochaye, époux de Claudine du Breil, qui rendit aveu au roi en 1678 pour sa « châtellenie de Saint-Enogat » [Note : Archives Nationales, P, 1710] et mourut le 18 décembre 1714.

René Ladvocat fils de Jean et seigneur de la Crochaye après lui, rendit aveu pour Saint-Enogat en 1715 et fit hommage au roi pour cette terre en 1729 [Note : Archives de la Loire-Inférieure, B, 1029] ; il prenait les titres de vicomte de Dinan et de chevalier de Saint-Lazare ; il décéda à la Crochaye le 16 mai 1743. Deux jours après il fut inhumé dans la cimetière, à la porte de l'église de Saint-Enogat, suivant ses dernières volontés [Note : Pâris-Jallobert, Registre paroissial de Saint-Enogat].

Il laissait deux fils successivement après lui seigneurs de la Crochaye et de Saint-Enogat : Jean Ladvocat, qui fournit aveu pour Saint-Enogat en 1744, épousa Marie Durand et mourut sans postérité — et Francois-Xavier Ladvocat qui fit également la déclaration de Saint-Enogat en 1757 [Note : Archives de la Loire-Inférieure. V. Saint-Enogat] et s'unit à Marie-Rose Chrestien de Tréveneuc.

Claude Ladvocat, probablement fils de ces derniers, dut finir la série des seigneurs de Saint-Enogat. En 1792 sa veuve, Elisabeth Rouxel, en qualité de tutrice des enfants qu'elle avait eu de lui, réclama contre sa prétendue émigration et le séquestre mis sur ses biens en Saint-Enogat. Cette dame habitait alors la Provôtaye en Corseul [Note : Archives d'Ille-et-Vilaine. Directoire de Rennes].

La châtellenie de Saint-Enogat n'avait en dernier lieu pour domaine proche que « l'emplacement du chasteau de ladite chastellenie, sis en la paroisse de Saint-Enogat et joignant la rivière de Rance, avec son colombier, ses garennes, nielles, vallons et deports, le tout contenant environ dix journaux de terres » [Note : Archives de la Loire-Inférieure.. Déclarations de Saint-Enogat en 1638 et 1678].

Saint-Enogat relevait directement du roi en sa cour de Rennes et jouissait d'une haute justice s'étendant sur un certain nombre de fiefs. Le seigneur de Saint-Enogat avait des droits de « bouteillage, coustume et trespas au port de Dinard » tous les bateliers, passant de Dinard à Saint-Malo, devaient « devant luy ou ses officiers comparoir pour recevoir police ; et luy doibvent lesdits bateliers chacun 60 sols par an pour ledict passage » [Note : Déclarations de Saint-Enogat en 1638 et 1678]. Enfin les droits de supériorité et de fondation dans l'église paroissiale de Saint-Enogat et ceux de fondation seulement dans l'église priorale de Dinard appartenaient au seigneur de Saint-Enogat [Note : Déclarations de Saint-Enogat en 1638 et 1678]. Aussi avait-il dans ces sanctuaires les prééminences avec bancs et enfeus, et y voyait-on au siècle dernier peintes et sculptées sur les murailles ses armes : d'azur à la bande dentelée d’argent, accostée de trois coquilles d’or, posées 2 et 1, qui est Ladvocat [Note : Potier de Courcy. Noblesse de Bretagne].

***

Retournons sur nos pas et transportons-nous de nouveau au XIIIème siècle.

A cette époque le passage de la Rance donnait déjà une certaine importance au petit port de Dinard. C'est pourquoi il s'y trouvait un hospice, sorte d'hôtellerie religieuse et charitable, comme on en rencontre encore sur les hauteurs des Alpes ; il s'appelait l'Hôpital Béchet, et sa chapelle était dédiée à sainte Madeleine ; les voyageurs pauvres y trouvaient gratuitement un repas, un coucher et, au besoin même, l'hospitalité pendant quelques jours.

En ce même temps vivaient, avons-nous dit, Geoffroy et Olivier de Montfort, seigneurs de Plancoët et de Saint-Enogat. Dans leur jeunesse ces deux chevaliers prirent part aux dernières croisades ; ils furent faits prisonniers chez les infidèles et ne recouvrèrent leur liberté que par l'entremise des religieux Trinitaires établis pour la rédemption des captifs. Pour témoigner leur reconnaissance à ces bons moines, ils fondèrent à leur retour en Bretagne, au fond de la baie sablonneuse et fertile de Dinard, un prieuré pour remplacer l'Hôpital Béchet, tombant vraisemblablement en ruines, et ils chargèrent ceux dont ils avaient éprouvé l'ardente charité de desservir eux-mêmes ce pieux établissement [Note : Manet, Grandes Recherches ms. sur Saint-Malo et ses environs. (Archives municipales de Saint-Malo)].

En 1324 Alain Gonthier, évêque de Saint-Malo, vint consacrer solennellement la nouvelle église des Trinitaires de Dinard, qu'il dédia aux apôtres saint Jacques et saint Philippe [Note : Albert Le Grand, Catalogue historique des évêques de Saint-Malo]. Vers le même temps fut construit le logis conventuel, dont quelques parties ogivales subsistent encore ; enfin le sanctuaire reçut la dépouille mortelle des deux nobles fondateurs qui voulurent reposer de chaque côté du maître-autel élevé par leur piété.

Frère Jean de Laure rendit aveu en 1527 au roi pour son prieuré de Dinard, dont jouit cent ans plus tard en 1629 et 1645 frère Thomas Delescluse. Le 11 mai 1653 frère Claude Virot et le 16 juin 1674 frère Chrysostôme Lambot firent à leur tour des déclarations analogues. Nous y voyons qu'à cette dernière époque le prieuré de Dinard se composait de ce qui suit : l'église et la maison priorales avec leurs jardins et vergers, le tout du pourpris contenant sept journaux de terre — la métairie de la Mettrie — le trait de dîme de la Gauveraye en Pleurtuit et une autre dîmereau en Saint-Enogat — la chapelle de la Motte-aux-Montfortins, également en Pleurtuit, avec une dîme se levant sur la terre du même nom et six livres de rente dues par le seigneur du lieu — une rente de quinze mines d'orge et d'une mine de froment à prendre sur la dîme de Léhen en Ploubalay — enfin quelques autres petites rentes tant en blé qu'en argent [Note : Archives de la Loire-Inférieure. Déclarations du prieuré de Dinard en 1653 et 1674].

En revanche le prieur de Dinard avait diverses charges, entre autres l'entretien et le service de deux chapelles de Dinard et de la Motte-aux-Montfortins et l'obligation de faire d'abondantes aumônes et d'effectuer, au moins tous les trois ans, le voyage assez long de Dinard à la maison-mère de son Ordre, l'abbaye de Cerfroid au diocèse de Meaux [Note : Archives de la Loire-Inférieure. Déclarations du prieuré de Dinard en 1653 et, 1674].

A la fin de ce XVIIème siècle le prieur de Dinard fit enregistrer les armoiries de son pieux établissement ; c'était un écu portant : de sinople à la croix d'hermines [Note : Bibliothèque nationale. Armorial ms. de 1696].

En présentation du père Général de l'Ordre de la Rédemption des captifs, le prieuré de Dinard était possédé au siècle dernier par frère Antoine Vaillant qui, par sa déclaration du 4 septembre 1728, fit monter le total de ses revenus à la somme de 948 livres ; les charges, modifiées par le Bureau diocésain, s'élevaient à 261 livres ; partant restait net au prieur 687 livres [Note : Archives d'Ille-et-Vilaine. Etat des bénéfices de l'évêché de Saint-Malo].

D'après les intéressantes Grandes Recherches de l'abbé Manet, les rentes du prieuré de Dinard étaient un peu plus considérables quand vint la Révolution. L'état fourni en 1790 porte, dit cet auteur, un revenu net de 1211 livres, laid en rentes sur les Aides et Gabelles qu'en produits fonciers dans les paroisses de Saint-Enogat, Ploubalay et Pleurtuit [Note : Archives municipales de Saint-Malo].

Antoine Vaillant eut pour successeur frère Guillaume Jehannot en 1746 et frère Antoine Guillaumet en 1752 ; puis vint frère Claude Horiot qui fut le dernier prieur de Dinard [Note : Archives d'Ille-et-Vilaine. Registre des insinuations de l'évêché de Saint-Malo]. Ce trinitaire vivait seul dans son charmant ermitage, desservant l'antique chapelle priorale, priant Dieu pour les sires de Montfort bienfaiteurs de son Ordre et consacrant ses revenus en aumônes faites aux pauvres ou employées au rachat des captifs.

Vint la tourmente révolutionnaire : l'Ordre de la Sainte-Trinité disparut comme tant d'autres congrégations, et le prieuré de Dinard demeura désert. « Alors, dit l'abbé Manet, la paroisse de Saint-Enogat désira vivement d'en faire la résidence d'un vicaire » [Note : Grandes Recherches ms. sur Saint-Malo et ses environs] ; ce qui n'eut pas lieu. La Révolution progressait vivement, en effet, dans la voie de l'impiété, et, le 31 mars 1791, l'établissement charitable qu'avait fait naître l'esprit religieux cinq siècles auparavant, fut mis en vente nationalement et adjugé à un particulier [Note : Archives d'Ille-et-Vilaine. I Q. 330].

Aujourd'hui l'ancien prieuré des Trinitaires à Dinard est une habitation séculière délicieusement assise au fond de cette vaste baie entourée de verdure qui porte toujours le nom de grève du Prieuré. C'est une maison d'aspect sévère, conservant son cachet monastique ; à son Orient se dressent les murailles découronnées de sa vieille église.

Dans ces ruines vénérables, soigneusement entretenues, se trouvent, ignorés du public, deux tombeaux remarquables, tels que notre Bretagne en possède peu d'aussi intéressants. Ce sont ceux des deux frères fondateurs du prieuré, Geoffroy et Olivier de Montfort.

Formés d'arcades ouvertes dans les murailles du sanctuaire et se faisant face l'un à l'autre, de chaque côté du maître-autel, ces tombeaux ont été construits sur le même plan et vraisemblablement par le même architecte.

Leurs arcatures ogivales sont intérieurement trilobées de la façon la plus gracieuse ; sur leurs sarcophages par malheur mutilés s'étendent couchées les statues des chevaliers. Mais il est regrettable qu'aucune inscription n'accompagne ces belles effigies.

L'un des chevaliers est représenté la tête ornée d'un tortil de baron, les cheveux roulés, reposant sur un coussin ; il est revêtu d'un surcot, porte l'épée au côté et a près lui ses gantelets ; ses pieds sont fâcheusement brisés et leur support a disparu en même temps qu'eux. Son bras retient un bouclier sur lequel on distingue fort bien une croix gringolée, constituant les armoiries des sires de Montfort qui portaient : d'argent à la croix de gueules gringolée d'or. Aux angles de la pierre quatre petits anges agenouillés semblent veiller sur le défunt et prier pour lui, L'écusson plein de Montfort que porte cette statue semble indiquer que là repose l'aîné des deux frères, Geoffroy de Montfort.

Vis à-vis, sous la seconde arcade git l'autre chevalier. Son costume est à peu près le même que celui du précédent, mais la statue mieux conservée laisse voir les pieds posés sur un lévrier emblème de la fidélité. Quatre anges prient également aux côtés du défunt dont l'écu un peu différent de celui de Geoffroy — probablement parce qu'Olivier étant cadet avait dû briser les armes paternelles — présente la croix gringolée des Montfort brochant sur un lion.

Telles sont ces deux belles statues tumulaires, dignes d'être signalées à l'admiration des artistes et au respect des chrétiens.

Au-dessus de ces tombeaux et s'enroulant dans les détails de leur architecture, s'élèvent de grands jasmins blancs, mêlés au lierre envahisseur et tapissant avec lui les murailles : leurs longues branches fleuries retombent sur les mâles figures de ces guerriers du moyen-âge, s'entrelacent autour des petits anges si gracieusement pieux, et, couronnent poétiquement ces sépultures antiques. Entre les tombes, au bord d'un parterre de fleurs remplissant toute la nef du temple, sur un bloc de pierre dernier débris de l'autel disparu, entourée elle-même de verdure et de fleurs, se dresse une vieille madone de granit contemporaine des religieux Trinitaires ; c'est la vierge Marie assise sur son trône de reine, tenant entre ses bras maternels son adorable petit Jésus. Elle est là, souriant, semble-t-il, aux petits anges qui lui recommandent les âmes des sires de Montfort, et bénissant encore une fois ces vaillants soldats croisés, aux bras de fer, au cœur charitable et à l'âme chrétienne ; elle est là, la divine Mère, dans ses ruines monastiques, ruines désolées quoique parées de fleurs, elle est là comme l'Espérance, rappelant au voyageur attardé en ces lieux que l'âme immortelle reçoit au ciel sa récompense, quoiqu'oubliée bien vite ici-bas ; l'assurant que la main dévastatrice de l'homme irréligieux accumule en vain les ruines des sanctuaires, tant que l'esprit d'une population reste attaché à la foi des aïeux.

Rapprochement providentiel ! A la porte de l'ancien prieuré de Dinard vient de s'établir une maison de religieuses Trinitaires de saint Jean de Matha ; Dieu a voulu, paraît-il, que le souvenir de ce pieux fondateur de l'Ordre de la Rédemption des captifs se perpétuât à Dinard en dépit des révolutions.

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D'après ce qui précède il est facile de se rendre compte de ce qu'étaient Saint-Enogat et Dinard avant 1789 : on ne voyait à Saint-Enogat qu'un bourg assez vulgaire et à Dinard un simple village. Néanmoins plusieurs choses distinguaient ces deux localités : comme paroisse Saint-Enogat se trouvait à la tête d'une vaste circonscriplion décanale ; de son côté Dinard avait les souvenirs de son vieux château, les privilèges de sa châtellenie, les charités de son prieuré et l'animation de son petit port. Çà et là, dans la campagne, s'élevaient plusieurs manoirs, non pas d'élégantes villas comme de nos jours, mais de solides maisons de granit, précédées chacune de sa cour bien murée au portail monumental, et accompagnées de jardins clos de douves pleines d'eau.

C'était l'hôtel du Doyenné, résidence du recteur de Saint-Enogat, doyen de Poudouvre, et situé un peu loin de l'église paroissiale, au village de Saint-Alexandre. Cette maison était voisine d'une chapelle signalée en 1681, reconstruite et bénite en 1738, dédiée de tout temps à saint Alexandre qui donnait son nom a tout un groupe d'habitations. Outre le pourpris du manoir presbytéral, le tiers des dîmes de la paroisse de Saint-Enogat appartenait au recteur-doyen dont le revenu net était d'environ mille livres au siècle derniers [Note : Archives d’Ille-et-Vilaine. Etat du diocèse de Saint-Malo]. C'était ensuite la maison noble de la Vicomté possédée dès le commencement du XVIème siècle par la famille Chauchart du Boisthomelin qui l'habitait encore en 1789. Admirablement placée à l'opposé du Bec de la Vallée, sur les falaises de la Rance dont elle domine le cours, entourée de beaux bois et siège d'une juridiction seigneuriale, la Vicomté — dont le nom rappelle les anciens vicomtes de Poudouvre — constituait une belle résidence, décorée d'une chapelle dédiée à Notre-Dame du Bois [Note : Cette chapelle était eu grande vénération parmi les marins et surtout les gabariers de la Rance], d'une motte féodale, d'un colombier, de garennes et de pêcheries en Rance [Note : Archives de la Loire-Inférieure, V. Saint-Enogat].

La Baronnais et la Belle-Issue étaient deux manoirs tranquillement assis dans l'anse du prieuré de Dinard. Le premier appartenait dès 1513 à Berthelot Ladvocat, seigneur de la Crochaye, et au moment de la Révolution à René Collas, seigneur de la Baronnais, qui n'avait pas moins de dix-neuf frères et sœurs vivant ensemble. On racontait que leurs père et mère, François Collas et Renée de Kergu, invitèrent certain jour à dîner un grand personnage qui n'accepta qu'à condition d'être reçu dans l'intimité de la famille ; or celui-ci fut fort étonné de voir dressée une table de vingt trois couverts, et encore plus surpris d’apprendre que ses hôtes et leurs vingt enfants la rempliraient avec lui [Note : Châteaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe].

Quant à la Belle-Issue, propriété au XVIIème siècle de la famille Gaillard. elle passa, par suite de mariages successifs. aux mains des Bossinot, puis des Poulain du Reposoir qui la possèdent encore à la fin du XIXème siècle.

Le manoir de l’Ile-Célée appartenait en 1513 à Julien de la Cour [Note : Bibliothèque de Rennes. Réformation ms. de la noblesse de Bretagne] et celui de la Ville-ès-Mesniers était en 1698 la maison de campagne de Marie Loret, femme de François Gaultier, sieur de la Palissade ; cette dame y fit alors construire une chapelle en l'honneur de Notre-Dame de saint Malo et de saint Guillaume [Note : Archives d’Ille-et-Vilaine. Registre des insinuations du diocèse de Saint-Malo].

Enfin il faut encore placer parmi les anciens manoirs de Saint-Enogat un intéressant logis de la fin du XVème siècle ou du commencement du XVIème, qui porte le nom de maison du Prince Noir.

C'est une construction de granit en bel appareil, derrière laquelle s'élèvent une tourelle au toit conique et son tourillon. Elle se voit encore au beau milieu du Dinard moderne et fait contraste avec les jolies villas qui l'entourent. Ses ouvertures ornées de sculptures assez curieuses et les grands manteaux de ses cheminées lui donnent un bon air de vénérable antiquité.

Malheureusement on ne possède aucune notion historique sur cette maison. La tradition locale qui prétend qu'au XIVème siècle Edouard, prince de Galles, surnommé le prince Noir, y logea et lui laissa son nom, n'est pas admissible, car ce logis, quoiqu'ancien, ne remonte certainement pas à une époque aussi reculée.

Toutes ces maisons nobles, généralement habitées par leurs propriétaires, donnaient une certaine vie à la paroisse de Saint-Enogat. Par ailleurs le territoire renfermait un bon nombre de villages, mais bien des points, occupés aujourd'hui par de nombreuses constructions, demeuraient alors incultes et déserts.

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Néanmoins la situation générale de Saint-Enogat était assez prospère lorsque les horreurs de la guerre s’abattirent sur cette paroisse.

C'était en 1758 ; une flotte anglaise, portant toute une armée, menaçait les côtes de Saint-Mato, « se proposant de prendre cette ville, non par un siège régulier, mais par une attaque violente et de haute lutte » [Note : A. de la Borderie, Bulletin de l'Association bretonne, classe d'archéologie, 1892, p. 283].

Mais les Malouins étaient sur leurs gardes : voyant le 3 septembre s'avancer la flotte ennemie, ils coupèrent la chaussée du Sillon et se fortifièrent ; puis leur gouverneur envoya dans la Rance cinq vaisseaux corsaires qui s'embossèrent entre Saint-Malo et Dinard pour protéger la rade. Le lendemain les Anglais levèrent l'ancre et, se rapprochant de Saint-Briac, ils vinrent mouiller dans l'anse de la Fosse, sous le promontoire de la Garde-Guérin qui domine le littoral entre les bourgs de Saint-Briac et de Saint-Lunaire.

C'est là que se fit sans obstacle la descente de leur armée. « Cette opération dura jusqu'au soir et versa sur le territoire une armée de huit à treize mille hommes dont deux cents dragons à cheval. L'infanterie campa au pied de la montagne, dans les hameaux de la Chapelle, de la Ville-Hue, la Fosse, la Marre, etc. La cavalerie s'installa dans le bourg de Saint-Lunaire. L'avant-garde poussa une reconnaissance jusqu'à la pointe de Dinard, où elle voulut prendre des alignements, mais la canonnade des bâtiments stationnés dans les eaux de la Rance força ce détachement à regagner le corps d'armée.

Pendant l'après-midi les troupes de terre, abandonnées à la plus brutale licence, se livrèrent à la profanation, au pillage, au meurtre, au viol, à l'incendie. Toutes les relations du temps, et même les récits anglais, s'accordent sur ce point. Ces soldats, indignes de leur nation et de leur siècle, mirent leur gloire à brûler de pauvres villages, à dépouiller d'augustes sanctuaires, à détruire les moissons, à enlever sur leurs navires des laboureurs sans défense, à commettre toutes les exactions, toutes les cruautés, tous les excès. Le village de Saint-Alexandre, près Dinard, fut réduit en cendres, ainsi que la maison de Pontual et toutes les grandes propriétés des environs Trois fois dépouillé par eux, laissé complètement nu, le curé de Saint-Briac s'enfuit en habit de femme. Le presbytère, quarante-deux maisons, vingt-deux barques du port de cette commune, les blés de toutes les fermes voisines furent livrés aux flammes, l'église minée. Pendant un jour et une nuit on ne vit qu'incendies dans le canton maritime situé entre la rivière de Saint-Briac et la Rance » [Note : Robidou, Panorama d'un beau pays, 228].

La paroisse de Saint-Enogat fut un peu moins maltraitée grâce au vicaire Julien Aillet. « Ce vénérable prêtre, dit l'abbé Manet, alla se présenter directement au prince Edouard, duc d'Yorck, » qui accompagnait le général Bligh dans cette expédition anglaise. Il implora si vivement pitié pour son peuple qu'il toucha le cœur des ennemis : « Ne crains rien, ministre, lui répondirent le prince et le général, ton peuple sera épargné s'il nous fournit des vivres » [Note : Grandes recherches manuscrites sur Saint-Malo et ses environs. — Les généraux. anglais donnèrent aussi une sauvegarde à M. Chauchart, seigneur de la Vicomté]. Néanmoins les Anglais brûlèrent la Ville-ès-Meniers et Saint-Alexandre [Note : Robidou, Panorama d’un beau pays, 228].

« Le mardi 5 septembre, dès quatre heures du matin, plusieurs détachements s'avancèrent de nouveau à Dinard, d'où nos vaisseaux les repoussèrent comme le jour précédent. Leur camp occupait une lieue de côte entre Saint-Briac et Dinard et faisait face du côté de la terre » [Note : Robidou, Panorama d’un beau pays, 228].

Les Anglais ne plièrent leurs tentes que le 8 ; abandonnant la contrée qu'ils avaient en partie dévastée, ils gagnèrent par terre le Guildo, pendant que leur flotte se dirigeait vers Saint-Cast ; c'est là qu'ils furent battus le 11 septembre par les volontaires bretons et définitivement chassés de nos côtés.

Un amusant épisode du séjour des Anglais à Dinard eut pour théâtre le prieuré des Trinitaires. Voici comment le raconte le bon abbé Manet : « Les Anglais causèrent une belle peur au pauvre prieur de Dinard, frère Antoine Guillaumet, qui n'avait point quitté son monastère situé près de la grève ; quelques officiers étant descendu chez lui et lui ayant demandé à se rafraîchir, le hasard voulut que l'un d'eux se trouva mal immédiatement après avoir vidé son verre. Ses camarades le crurent empoisonné, et des menaces de mort contre le bon religieux s'en suivirent. Celui-ci ne perdit cependant pas la tête afin de prouver à ses hôtes qu'ils n'avaient rien à craindre, il avala de suite une copieuse lampée du vin contenu dans la même bouteille. L'Anglais, d'une autre part, ne tarda pas à revenir de sa syncope, et l'on se quitta en riant de l'aventure » [Note : Grandes recherches manuscrites sur Saint-Malo et ses environs].

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Vint 1789 ; Saint-Enogat fut alors érigé en commune dont Dinard fit partie. Un an plus tard fut décrétée la constitution civile du clergé français et les troubles éclatèrent au sein de nos religieuses populations maritimes.

Saint-Enogat avait pour pasteur depuis vingt ans Guillaume Le Moyne, vénérable prêtre qu'aidait dans son saint ministère un vicaire nommé François Haquais. L'un et l'autre, regardant avec raison comme sacrilège le serment de fidélité à cette constitution civile du clergé, refusèrent de le prêter.

Chassés par suite de leur église, ils eurent la douleur d'y voir installé comme curé un malheureux religieux cordelier, Mathurin Dubois, que nomma, le 7 juin 1791, l'évêque constitutionnel d'Ille-et-Vilaine, Le Coz [Note : Archives de l'archevêché de Rennes, Registre de Le Coz]. Un autre prêtre, également moine, frère Claude Horiot, prieur de Dinard, eut aussi la faiblesse de faire le serment schismatique ; mais il ne tarda pas à ouvrir les yeux à la lumière venant de Rome et il rétracta solennellement son erreur.

Pendant ce temps les prêtres demeurés fidèles à l'Église, étaient forcés de se cacher pour administrer les sacrements à leur population refusant toute relation avec les prêtres assermentés, qu'elle appelait des intrus. Chassée de son église, « la famille religieuse s'improvisait en paroisse vivante. L'autel se relevait dans les ravins, au fond des bois, sous le chaume ; la ferme devenait quelquefois un temple. Des villages se transformaient en grandes hôtelleries catholiques où le sacrifice était offert et tous les secours du ministère prodigués. Au sein de ces réunions formées en dépit des dangers, des fatigues et de la distance, l'exaltation s'emparait des têtes, la persécution mettait une auréole au front du prêtre réfractaire. Il avait le verbe de feu pour embraser les âmes, pour allumer au dehors l'incendie qui dévore les oppresseurs. Son autorité s'accroissait de tous les
obstacles mis entre lui et le peuple qui avait soif de sa présence et faim de sa parole. Il devenait apôtre et quelquefois martyr. Dans l'un et dans l'autre cas il était le héros, le roi de la foule croyante et passionnée qui s'attachait à ses pas comme le naufragé à la planche de salut. Traqués dans les bois, dans les vallons, dans les cavernes, les attroupements pieux avaient une autre ressource. Des pêcheurs emportaient sur les flots prêtres et fidèles. Là l'office était célébré. L'escadrille priait, chantait, écoutait la parole sainte, se courbait pour recevoir cette bénédiction furtive que donnait sur l'abîme, au milieu des vents et des vagues furieuses un ministre arraché à la paix du temple ; puis les nautonniers ramenaient à la rive la clandestine réunion »
[Note : Robidou, Panorama d'un beau pays, 317].

Quand la persécution devint par trop violente, force fut au bon recteur de Saint-Enogat de quitter sa chère paroisse. Il se décida à passer en terre étrangère, mais il n'y vécut pas longtemps ; le 24 juillet 1793, Guillaume Le Moyne mourut dans l'île de Jersey, âgé de soixante-sept ans ; son corps y fut inhumé le lendemain dans le cimetière parroissial de Saint-Hélier [Note : De l'Estourbeillon, Les Familles françaises à Jersey, 422].

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Durant la première moitié de ce siècle la commune de Saint-Enogat n'offrit rien de particulièrement intéressant ; mais vers 1850 Dinard commença à prendre de l'importance. Le goût des bains de mer se répandait alors et la beauté des plages de cette contrée fut facilement appréciée des amateurs. Bientôt de nouvelles constructions s'élevèrent en grand nombre sur la côte et dès 1853 le rectorat de Saint-Enogat fut érigé en cure de seconde classe. Peu de temps après, le curé, M. Le Graverend, voyant une vraie ville surgir à Dinard même, y transféra le chef lieu de sa paroisse et y construisit dans une admirable position l’église qui domine la baie du Prieuré.

Le bourg de Saint-Enogat fut par suite mis de côté et ses habitants sollicitèrent en vain l'érection d'une chapelle vicariale au milieu d'eux. Toutefois les étrangers ne tardèreut pas à remarquer que si les plages de Dinard sont magnifiques, celle de Saint-Enogat n'est point à dédaigner : aussi s'empressèrent-ils de bâtir des villas sur le bord de la mer autour du vieux bourg. De là vint la nécessité d'avoir de nouveau une église en ce lieu. En 1867 fut donc créée une nouvelle paroisse de Saint-Enogat, succursale distincte de la cure de Dinard ; bientôt après s'y éleva une belle église dédiée à saint Enogat et bénite en 1880. Cet édifice, de style roman, est une des œuvres monumentales les mieux réussies de M. l'architecte Regnault.

En même temps que la prospérité croissante de Dinard et de Saint-Enogat nécessitait cette satisfaction des besoins religieux de la population, l'administration civile de la localité grandissait à son tour. La commune de Saint-Enogat, renfermant les deux nouvelles parroisses de Dinard et de Saint-Enogat, faisait partie du canton de Pleurtuit ; on, jugea plus convenable de transférer de ce dernier bourg, dans la jolie ville de Dinard définitivement fondée, le chef-lieu de ce canton qui prit alors le nom qu'il garde encore de Dinard-Saint-Enogat.

Dinard n'est donc plus comme jadis un simple lieu de passage ou une humble bourgade de pêcheurs, « mais bien une splendide ville qui, par le pittoresque de ses sites, l'élégance de ses constructions fantaisistes, la douceur de son climat et la beauté de sa grève incomparable » [Note : A. Orain, Géographie pittoresque d'Ille-et-Villaine], devient avec son chemin de fer et son nouveau port, une localité vraiment importante.

Les premiers constructeurs des luxueuses villas de Dinard furent M. Coppinger et le duc d'Audiffret-Pasquier ; après eux vinrent M. Camac, qui bâtit la Roche-Pendante, puis le comte Dahdah, propriétaire des Deux-Rives, le comte de Mortemart, le duc d'Hamilton, etc, etc. M. Féart, préfet d'Ille-et-Vilaine de 1858 à 1864, contribua beaucoup aussi à l'embellissement de la nouvelle ville.

Aujourd'hui Dinard couvre toutes les hauteurs dominant les grèves du Prieuré et de l'Ecluse : on y voit de larges boulevards plantés d'arbres et garnis de beaux hôtels, de vastes propriétés remplies de bosquets et égayées par des corbeilles de fleurs, de curieuses maisons accolées aux rochers et auxquelles conduisent de pittoresques escaliers. Partout règne un air d'élégance et bien-être ; partout aussi se développent les plus vastes horizons sur Saint-Malo et Saint-Servan, sur la Rance et ses riants rivages, sur la pleine mer et ses îles sans nombre ; spectacle vraiment enchanteur.

Saint-Enogat lui-même s'est transformé à l'instar de Dinard ; le magnifique parc de la Malouine s'y continue pour ainsi dire, de Dinard jusqu'au vieux bourg, par une succession de boulevards, de villas et de jardins. Toute la côte s'est peuplée comme par enchantement, et au delà du bourg se dresse le château de la Goule-aux-Fées, surmontant la grotte curieuse qui lui donne son nom, si bien aménagée par le propriétaire M. Hébert. Réuni ainsi à Dinard Saint-Enogat est devenu « une villégiature très appréciée de ceux qui aiment à la fois la tranquillité et le mouvement, mais dont la simplicité de goûts ne saurait se plier aux exigences de la vie mondaine telle qu'elle se pratique à Dinard. La plage est charmante ; on y accède par un large chemin entre de jolis mamelons » [Note : Beaufils, Paysages et monuments de la Bretagne. Arrondissement de Saint-Malo, 60] .

Cependant à peine Dinard semble-t-il atteindre son apogée qu'une station rivale prend naissance sur son propre territoire, au promontoire de la Vicomté. Là s'ouvre vers le Nord un vaste horizon et apparaît dans toute sa beauté l'estuaire de la Rance : « Ce panorama — écrit un contemporain [Note : M. Beaufils] — est d'une séduction sans pareille et l'on comprend vite que l'avenir de Dinard est ici, que cette pointe de la Vicomté, si riante si verte, ne tardera pas à attirer la vogue, à se couvrir de résidences luxueuses, à être enfin le départ et à rester le centre d'une incomparable station balnéaire comme d'un autre Dinard qui s'élèvera à côté de l'ancien. D'intelligents spéculateurs ont, dans ce but, tracé de larges avenues où pourront circuler équipages et promeneurs. Elles aboutissent à des ronds-points admirablement choisis pour le plaisir des yeux. lci c'est l'avenue du Manoir, là l'avenue Bruzzo ; plus loin l'avenue des Tilleuls ; on a planté des hêtres, des pins, créé des bois charmants ; les racines baignent dans la mer et les ombrages font dôme au dessus des grèves au sable d'or » [Note : Paysages et monuments de la Bretagne. Arrondissement de Saint-Malo, 57].

Durant un certain temps Dinard conservera certainement son élégante suprématie ; mais quand un pont projeté sur la Rance aura, reposant sur les rochers de Bizeux, réuni les plages de la Vicomté à celles de Saint-Servan, quand par suite il ne sera plus besoin, pour arriver de Saint-Malo à Dinard, de faire une traversée de mer parfois dangereuse, il est à croire qu'au lieu d'aller en bateau aborder au Bec de la Vallée, on se rendra plus volontiers à pied sec sur le promontoire de la Vicomté. Alors la station balnéaire de Dinard aura conquis tout le littoral de la vieille paroisse Saint-Enogat, depuis la Goule-aux-Fées jusqu'à la Vicomté ; embrassant toutes les plages et toutes les falaises, tous les rochers pittoresques et tous les bois verdoyants, tous les châteaux et toutes les villas de cet admirable coin de terre.

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Résumons-nous : Dinard-Saint-Enogat n'a pas d'histoire, mais seulement quelques souvenirs ; il est à désirer qu'elle ne les oublie pas dans le tourbillonnement de la vogue d'aujourd'hui. Evangélisation par les moines bretons du VIème siècle, château féodal et pieuses fondations du moyen-âge, tout cela rappelle un passé bien lointain qui n'est pas cependant à mépriser. Les dévastations commises par les Anglais en 1758 et les persécutions religieuses de 1793 sont également bonnes à retenir ; elles préserveront peut être de l'anglomanie et des excès de l'intolérance. Quoique d'origine essentiellement bretonne, Dinard est trop ville moderne et mondaine pour conserver beaucoup d'esprit breton ; souhaitons du moins qu'elle reste bien française, malgré les Anglais et les Américains qui la fréquentent. Dieu et patrie doit être sa devise ; puisse-t-elle y demeurer toujours fidèle !

(abbé Guillotin de Corson).

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