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LE CHÂTEAU DE DOL.

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RETRAITE DE GUILLAUME LE CONQUÉRANT. — GOUVERNEURS DE LA VILLE. — MONSEIGNEUR COHON. — LES ANGLAIS A L'EAU. — LE NEZ DE M. BOILE. — MURAILLES QUI MEURENT ET FOSSÉS SANGLANTS.

Mon intention n'est pas d'écrire ici une étude archéologique et historique de l'ancien château de Dol, je serais trop inférieur à la tâche : je désire simplement utiliser quelques documents inédits, parmi lesquels le mémoire de Mgr. Cohon présente un intérêt particulier pour l'histoire locale.

I.

Le monastère de Dol joua dès l'époque de sa fondation un rôle politique [Note : Saint Samson, fondateur du monastère, se mit à la tête du mouvement qui devait rendre la souveraineté de la contrée au prince Judual]. Il est donc naturel de croire que sa position, jugée excellente, — sur une légère éminence, au milieu de bois et de tourbières, — fut fortifiée de bonne heure [Note : La plus ancienne mention de Dol est malheureusement trop sobre de traits descriptifs. Nous lisons seulement Samson, « aptissimun reperit inibi locum atque honorificum fundavit monasterium, quod usque hodie propri vocabulo Dolum nuncupatur » (Bollandistes, A. S., Jul, VI, p. 585, E. F.). Et encore : « in illo eminentissimo atque optuno loco in quo sanctus Samson quiescit in pace. » (Eod, loc., p, 591, B.)]. Qu'on se représente, si l'on veut, précédée d'un large fossé, une palissade qui servait de rempart. Dans l'enceinte pouvaient se réfugier les groupes bretons qui voulaient se mettre à l'abri d'incursions ennemies [Note : Oppidum autem Britanni vocant cum silvas impeditas vallo atque fossa munierunt, quo incursionis hostium vitandœ causa convenire consueverunt (César, De bell. Gallic., l. V, C. XXI)]. Il semble permis de songer aux villes de Crimée dont parle Montesquieu, « faites pour renfermer le butin, les bestiaux et les fruits de la campagne. » [Note : Grandeur et Décadence des Romains, ch. I]. Il n'est pas impossible qu'on n'ait mis à profit les restes d'un camp romain [Note : Qu'on ne me croie pas en fièvre de gallo-romanie. Je ne tiens nullement à mon camp. Mon but est d'appeler l'attention sur les débris authentiques d'un édicule au Mont-Dol, et sur les traditions relatives à une voie romaine qui aurait passé en Carfantin (Deric, H. E. de Bret. 1847, t. II, p. 186 ; t. I, 51-52.)]. Quoi qu'il en soit, saint Samson construisit en ce lieu son église, au sommet peut-être conique, couverte de roseau, aux murs formés sans doute de branches flexibles, artistement enlacées [Note : Vers 652, Finan dressa une belle église épiscopale, « quam tamen more Scottorum, non de lapide sed de robore secto totam composuit atque harundine texit » (Bède, Hist. Eccles., l. III, C. XXV) — Whitley Stokes, Lives of Saints from the book of Lismore, Oxford, 1890, p. CIV. — La Borderie, H. de Bret., t. I, 297-98 ; 363-64 ; 392 ; t. II, 215-220].

Que nous sommes éloignés du donjon roman que les chroniqueurs et les poètes chanteront, et de cette brillante cour archiépiscopale où, l'année 1128, le légat Gérard d'Angoulême viendra tenir concile [Note : Au concile dolois de 1128, l'évêque de Tréguier et l'évêque de Léon confirmèrent, l'un, par son anneau, l'autre, par sa mitre, la fondation du prieuré de Saint-Martin de Morlaix (Morice, Preuves, I, col. 558). Honorius. II avait recommandé à l'archevêque de Dol comme aux autres archevêques, d'avoir les plus grands égards pour son nonce, Gérard, évêque d'Angoulême (Migne, P. L., t. 166, col. 1306)].

II.

Orderic Vital va nous introduire dans l'histoire. Il nous affirme que Guillaume le Conquérant, désirant élargir ses frontières et accaparer la Bretagne, arriva sous Dol avec une puissante armée. En des termes horribles il menaça les défenseurs et fit serment de ne pas s'éloigner avant d'avoir obtenu la reddition de la place. Mais les troupes d'Alain Fergent approchaient à marche si rapide que l'orgueilleux assiégeant en oublia ce qu'il avait juré ; il se hâta de conclure la paix avec les Dolois étonnés, battit en retraite, abandonnant des tentes et des coffres, des vases, des armes et des provisions. Je ne puis vaincre les Bretons, médita le rusé normand, eh bien ! je les épouserai ! En effet, il donna sa fille Constance au duc Alain Fergent [Note : Orderic Vital, Histoire Ecclésiastique, au chapitre XXIVème de la seconde Partie (Migne, P. L., t. 188, col. 368)].

Vraiment, — malgré quelques inexactitudes du narrateur anglais, — le baptême du château de Dol fut un solennel et gentil baptême.

Qui s'étonnerait donc que notre ville, au moyen-âge, n'ait cessé de produire de bons guerriers, — tels cet Alain, porte-étendard des archevêques, qui combattit à la première Croisade [Note : Baldricus, Hist. Hierosol., l. II ; dans Migne, P. L., t. 166, col. .1084. — Le château de Combour était une fondation des archevêques de Dol. C'est pourquoi le sire de Combour, qui porte le titre de Signifer sancti Samsonis, a charge de défendre les terres et les sujets de l'église doloise. (La Borderie, Le régaire de Dol et la baronnie de Combour)], ou ce Briant, chevalier, à qui Charles V donna deux cents francs d'or, pour les frais de la défense de Saint-James contre Louis de Navarre [Note : Jules Tardif, Monuments Hist., n° 1436].

Laissons maintenant la parole à Monseigneur Cohon, ancien évêque et comte de la cité doloise. Il va nous soumettre un plaidoyer curieux…. et instructif.

III.

Mémoire pour le Sr. Cohon, évesque de Nismes, gouverneur de la ville et chasteau de Dol en Bretagne.

Note : Paris. Archives du Ministère des Affaires Etrangères, Ms. 1508, fol. 283-284. — Cette pièce fut écrite certainement en 1662. — En effet, la lettre de Sa Majesté au sieur Du Morier était datée du 13 janvier 1662. Le 25 du même mois, Du Morier communiqua cette missive à la communauté de ville. Celle-ci répondit qu'elle n'avait point à se mêler de la question. Mécontent, l'intéressé envoya quatre jours après un sergent royal, Avril, signifier au syndic de la municipalité qu'on eût à lui trouver un nouveau logement, à lui, gouverneur, et à sa famille. (Archives de la mairie de Dol, Registre des délibérations municipales de 1642 à 1662).

Il a plu au Roy escrire au sr. du Morier, nepveu du dit sr Cohon pour luy faire commandement de sortir du chasteau de Dol à l'arrivée du sr Toreau, évesque dudit Dol et ceste lettre a esté expédiée par l'ordre de Sa Majesté sur deux expositions dudit évesque qui sont deux surprises manifestes.

Premiérement il suppose que l'on s'est emparé de sa maison par la condescendance ou permission de son prédécesseur évesque et il se justifie que ledit. du Morier est en possession du gouvernement et de la demeure affectée au gouverneur, près de 2 ans avant la nomination du sr Cupif à l'evesché de Dol ; les provisions de celuy là estant du mois de mars 1647 et le brevet de celuy-ci du douze de novembre 1648, lequel n'estoit ny parent ny allié ny assez amy du gouverneur pour le souffrir dans le manoir épiscopal, s'il n'eust eu droit d'y demeurer.

Mais pour faire voir à Sa Majesté que cet establissement n'est pas nouveau ny fait par entreprise, comme parle la lettre, et depuis peu d'années, l'on prouvera que dès le temps du duc Jean, un de ses fils bastard estoit gouverneur de Dol et demeuroit dans le chasteau lorsque le sr de Pledran estoit évesque [Note : Le 9 juillet 1433, Jean V donna une somme d'argent au sire de Coëtquen pour le consoler d'avoir perdu la capitaineriè de Dol, qui avait passé aux mains de Monseigneur le bâtard. Douze jours après, Tanguy — c'était le nom de ce bien aimé fils — reçut 300 livres pour l'aider à soutenir son état. Comme il ne tarda pas à mécontenter du monde, le duc, au 6 mars 1434, lui envoya ordre de traiter comme les autres habitants les « normans et estrangers » qui habitaient dans notre ville. Ce petit discours de son vénérable père n'émut pas beaucoup le gouverneur. Jean V fut obligé de le gratifier d'une nouvelle admonestation, en date du 27 mai 1435. (Bibliophiles bretons, Lettres et mandements de Jean V, Nos 2088, 2097, 2139, 2194). Quant à Mgr Mathurin de Plédran, il dut éprouver quelque difficulté à nouer des relations avec le bâtard de Bretagne. Car, élu évêque de Dol en 1504, il entra dans sa ville en 1507. — Dès les premières années de son épiscopat, il fit restaurer la magnifique verrière qui décore le chevet oriental de l'église. Dans ses statuts, imprimés à Nantes, en 1509, on lit, en guise d'épilogue, une prosopopée du vitrail : « Ecce Mathurinus prœsul reparare nitorem — Amissum properat... — Vade igitur, felix letare ecclesia Doli, — Nam patet ad cælos bella fenestra tibi ». La tombe de ce généreux et intelligent. prélat se trouve dans la chapelle absidale de la cathédrale]. Depuis ce temps là si les évesques de Dol n'ont esté gouverneurs en chef comme les derniers l'ont esté, il y a toujours eu d'autres personne pourveües du gouvernement qui ont logé dans le chasteau pour le garder et le deffendre, comme de nos jours les sieurs de la Charonnière [Note : Georges de la Charronnière fut grand gouverneur d'artillerie sous le duc de Mercœur. J'ai cité ce personnage. dans ope notice sur Charles d'Espinay (Paris, Lortic, 1896), où je tentai de faire revivre la gloire de la forteresse doloise au temps de la Ligue. — Georges de la Charronnière avait épousé Marguerite de Guémadeuc. On rencontre plusieurs gouverneurs dans la famille de cette noble dame. Le plus célèbre est celui de Fougères, à qui le roi fit tranpher la tête. Racontant cette aventure dans ses Histoires tragiques, Claude Malingre débute ainsi « La charge de gouverneur de quelque ville, place ou chasteau, dans une province, est une chose tellement sacrée... » (Rouen, 1641, 459)] et de la Gamelière ; celui cy proche parent [Note : De la Gamelière ? Lisons : de la Ramelière. Antoine de Revol, évêque de Dol, avait autour de lui, suivant la coutume, plusieurs neveux. François de Revol, chanoine, sieur des Marguerites (et de la Ramelière, si Cohon le veut bien), est qualifié de gouverneur de Dol dans l'acte de baptême de Magdeleine Ybert, le 12 août 1610 (Paris-Jallobert, anciens Registres paroissiaux, Dol, p. 138] du Sr de Revol, évesque, qui fut maintenu au titre et fonctions de gouverneur de la ville et chasteau, nonobstant l'opposition dudit sr de Revol qui s'efforça inutilement de luy oster le logement ordinaire du gouverneur.

Le sieur du Morier [Note : Le sr Du Morier s'appelait plus simplement Marin Chéreau. Il fit souche à Dol, où il épousa Marguerite Lemasson (Paris-Jallobert, loc. cit., p. 30.) Le 9 mars 1647, Mgr Cohon avait donné sa démission de gouverneur et supplié Leurs Majestés de nommer à sa place Marin Chéreau, son neveu. Le 12 mars 1647, celui-ci obtint la charge, abandonnée par son oncle. A partir de 1657, le personnage se décora du titre d'écuyer. (Mairie de Dol, Registre de 1642 à 1662). François, frère du précédent, devint trésorier du chapitre. Le 13 avril 1654, ce chanoine légua 20 livres de rente, afin que, le jour de St François d'Assise, on célébrât à perpétuité une grand'messe, suivie d'un libera, dans la chapelle de St-Sébastien, où étaient enterrés ses neveux, et où lui-même devait avoir sa « pierre tombale ». (Archives départ. de Rennes, Actes capitulaires de Dol, G. 368). Cette chapelle de St-Sébastien, dans la cathédrale, porte aujourd'hui le nom de Saint-Michel, et rien n'y évoque plus le souvenir de l'heureuse famille Chéreau. Le 31 juillet 1656, à la prière de François Chéreau, les chanoines assignèrent au mercredi suivant « le bout de l'an et anniversaire de feu dame Renée Cohon, mere dudit sieur trésorier » (A. D. de R. A. C. de Dol, G. 369)] s'est pourveu de ce gouvernement qu'en survivance du sr Cohon, son oncle, sur la démission duquel Sa Majesté l'en honora soubs le titre de gouverneur de la ville et chasteau, lorsqu'il plût à feu Monseigneur le Cardinal de Mazarin retirer ledit sr Cohon de l'évesché et l'attacher à son service personnel [Note : Phrase onctueuse. La vérité, c'est que Cohon déploya de grands efforts pour quitter Dol, où il s'ennuyait, et demeurer à Paris, où il jouissait du succès de ses prédications et de ses attaches politiques. — Sur ce personnage, je me permets de renvoyer à l'étude que j'ai publiée en 1902 : COHON, évêque de Nimes et de Dol (Paris, Gamber), et à divers articles qui paraîtront dans le Bulletin de la commission hist. et archéol. de Mayenne]. Les provision dudit sr Cohon portent la mesme qualité de gouverneur de la ville et chasteau et jusques à ce jour ceste contestation n'avoit jamais paru.

L'inspection seule de la place en doit faire le jugement. C’est un chasteau qui a pont levis et fossé au dedans de la ville, un corps de garde dès l'entrée avec les rateliers pour y poser les armes. Il y a garnison de quatorze soldats avec un commandant outre le gouverneur. Les murs en sont d'une espaisseur toute extraordinaire et retranchez sur le machicoulis pour y faire les rondes. Au logement ordinaire du gouverneur il y a magazin pour les munitions de guerre, et ce logement est planté sur l’une des portes de la ville qui est couverte et deffendue d'un fort esperon au dehors avec fossé à fonds de cuve. Dans la premiere cour il y a plate forme avec artillerie. Les maisons épiscopales ne sont point de ceste structure en aucune ville diocésaine du royaume. Mais, en un mot, le sr Toreau entrant dans l'évesché a crû que desloger un gouverneur estoit une voye asseurée pour le dégouster de son gouvernement et l'en déposséder. En effect il en fist proposer la vente au sr du Morier un jour après que la lettre du Roy luy eût esté rendue, comme s'il eust ignoré appartenoit a son oncle et qu'il n'en avoit que le dépost et l'exercice en son absence, ce que Sa Majesté jugera d'autant plus estrange que ledit sr Toreau qui avant son départ honora ledit sr Cohon de fréquentes visites ne parla jamais que des dispositions qu'il avoit à traiter civilement sua nepveu et à l'obliger par toutes voyes.

La seconde supposition dudict sr Toreau est que le gouverneur occupe la plus grande partie de sa maison épiscopale, ce qu'il n'eust pas osé avancer s'il eust esté bien informé de l'estat du chasteau de Dol, composé de trois grands corps de logis séparés l’un de l'autre par deux cours spatieuses.

Le premier des trois, le plus logeable, le plus commode et le plus beau, est sur le portail du chasteau à vingt pas de la cathédrale, ce qui a fait que les seigneurs évesques l'ont choisi et retenu pour leur demeure, mais avec liberté de prendre dans les autres logemens du chasteau ce qui leur manque pour leur train et ils en ont tousjours usé de ceste sorte, laissant aux gouverneurs ce qu'ils occupent dans le second corps de logis esloigné du premier de plus de deux cens pas, en sorte qu'ils ne sont point incommodés par le meslange des familles. S'il y en avoit quatre plus grandes que celle du sr Toreau, il les pourroit loger commodément après qu'il se sera mis en devoir de réparer les lieux de son habitation qui sont faciles à remettre et son prédécesseur avoit commencé de le faire.

Le logement que nous tenons a esté restabli à nos despens et avant que le Sr du Morier l’habitast il n'y avoit ny sale ny chambre qui ne fust en débris. Et hors de là il ne faut point qu'il cherche de retraite ; la ville de Dol ne consiste qu'en une seule rüe, les habitons si vous en exceptez le chapitre, les officiers et cinq ou six bourgeois, sont tous nécessiteux, de vile et basse condition et impuissans à faire la despense d'un logement convenable à un gouverneur. Et la nouveauté du dessein qui esclot maintenant les allarme desja par la crainte qu'ils ont qu'on leur demande une chose impossible.

Quant à ce que dit le sr Toreau qu'on le met à l'estroit et qu'il n'aura pas les lieux vastes qui lui sont nécessaires pour les conférences qu'il veut tenir avec ses prestres, il void bien à présent l'erreur et le mesconte de ceste allégation, car il a en relais hors de son logement une sale magnifique qui joint sa chappelle épiscopale, vraysemblablement destinée à ceste sainte application [Note : C'est tout-à-fait de l'ironie du genre Cohon. Le vieux « mazarin », comme on disait alors, avait appris plus d'un tour dans la fréquentation de son bon maître. La chapelle du château était dédiée à Sainte Magdeleine. En décembre 1902, pendant que les ouvriers ajoutaient un corps de bâtiment au groupe scolaire, — qui a remplacé le palais de Mgr Dondel, détruit en 1885, — on découvrit un petit sceau de forme ovale, portant l'image de la sainte, avec ces mots : MAGDELAINE MARIE. Ce joli sceau, qui me fut montré, me parut être du XVIIème siècle. Une autre pièce du château médiéval que le seigneur Cohon n'a pas occasion de décrire, c'est le puits. Souvent, il était très profond, construit avec grand soin, orné de belle ferronnerie. Celui de la forteresse doloise n'a point laissé de traces. Etiam periere ruinœ !].

Ainsi le Roy ne blessera point sa piété faisant justice à l'oncle et au nepveu et leur conservant une chose dont ils jouissent par un titre fort légitime et par une possession qui n'est point usurpée. C'est le jugement qu'ils attendent de Sa Majesté et qu'ils continueront de mériter par leurs très humbles et fidelles services. ANTIME DENTS, évesque de Nismes.

IV.

Vous souvient-il du fort marseillais de Notre-Dame, qui charma le voyage de Bachaumont et La Chapelle : Gouvernement commode et beau — A qui suffit pour toute garde — Un suisse avec sa hallebarde — Peint sur la porte du château.

Dès le début du XVIIème siècle, les murailles Doloires n'avaient pas besoin d'autres soldats. Ce qui fit subsister le titre de gouverneur, c'est qu'il permettait aux évêques-comte d'augmenter leurs revenus personnels ou d'offrir une sinécure a quelque membre de leur maison. D'ailleurs on désirait le maintien d'une gendarmerie décorative. Lorsque, dans les premiers mois de 1644, Mgr. Hector d'Ouvrier, gouverneur, quitta son siège épiscopal, la petite troupe était retirée depuis un certain temps. Mais, le 30 décembre 1644, les chanoines donnent charge à leurs députés aux Etats de présenter les réquisitions nécessaires « pour le restablissement de la garnison du chasteau de Dol » [Note : Archives départementales de Rennes, Actes capitulaires de Dol, G. 368]. Soit que le .vénérable chapitre eût demandé dans cette affaire le secours de son nouveau prélat, soit qu'il eût agi plutôt à l'instigation de celui-ci, les échevins apprirent, dès le début de janvier 1645, que Cohon désirait « pour le bien et utillitté de cette ville y faire restablir la garnison, laquelle depuis quelques années en avoit esté ostées ». En conséquence, l'évêque voulait que les députés de la bourgeoisie doloise aux Etats de Bretagne proposassent « en l'assemblées desdits estatz le retablissement de ladite garnison » [Note : Archives de la mairie de Dol, délibération municipale du mercredi 4 janvier 1645. (C'est par erreur que, dans sa brochure sur Dol et ses alentours, M. Toussaint Gautier attribue au mois de février 1645 la lettre de Cohon aux échevins)]. Monseigneur prit soin d'assister lui-même aux Etats. Les démarches qu'il souhaitait furent couronnées de succès : le mémoire précédent nous a permis de le constater... Et les choses marchèrent leur train régulier jusqu'au commencement de l'année 1662. Mathieu Thoreau, nommé au siège de Dol, et sacré, n'avait point encore fait son entrée dans sa ville ? Mais il était tenu au courant de la situation de l'évêché par son frère, Philippe, qui, le samedi 10 mars 1657, avait été installé grand chantre au chapitre de Dol [Note : Archives départementales de Rennes, Actes capitulaires de Dol, G. 369. « Illustrissime Philipe Thoreau de l'Aubertiere, clerc du diocese de Poictiers » et camérier d'honneur de Sa Sainteté, est pourvu « de dignité de chantre, premiere apres la pontificale en l'eglise de ceans »]. Il est possible que Philippe ait eu des difficultés avec les neveux de Mgr. Cohon, qui avaient place parmi les chanoines et dans le gouvernement de la cité épiscopale. N'était-il pas ambitieux et intrigant ? Sans doute, il cherchait à profiter de l'autorité nouvelle de son aîné. Les contestations surgirent donc. Mgr. Cohon usa de son influence en faveur de Marin Chereau, sieur du Morier. Je ne sais comment la controverse entre les deux pontifes fut tranchée. La chose certaine, c'est que Philipppe Thoreau, sieur de l'Aubertière, devint un beau matin gouverneur des ville et château de Dol [Note : Le chanoine Philippe Thoreau se montra si bon administrateur que le ciel me préserve de raconter ses méchantes histoires. (Le lecteur pourra d'ailleurs recourir à Depping, Correspond. Administr, sous le règne de Louis XIV, t. II, p. 572-573). En général, on félicite ce gouverneur d'avoir organisé le service d'eau. Sans doute, on lui doit beaucoup à ce point de vue. Pourtant, il ne faut pas oublier que, dès l'année 1642, les échevins étaient préoccupés de « faire courir l'eau de la pompe pour l'utilité » de la ville. (Mairie de Dol, délibérations municipales de 1642 à 1662)]. Malgré les quelques réparations qui avaient été faites au cours du XVIIème siècle, en quel triste état apparaissaient alors les ponts-levis et les murailles ! Notre personnage, plein d'activité, songea sérieusement à leur rendre un petit air gaillard. Du moins nous le pensons, en présence d'un document, daté du 15 juin 1693, et qui est intitulé : Estat des plus urgentes reparations a faire a la ville de Dole pour la mettre hors d'insulte et empecher un coup de main [Note : Cette pièce, datée de Saint-Malo, 15 juin 1693, signée Garangeau, est accompagnée d'un plan soigné des fortifications, « fait et levé par Picot, ingénieur » (Archives départementales de Rennes, Intendance de Bretagne, C. 364)]. Nous apprenons que l'artillerie de la place se composait de 9 canons et de 3 pierriers, mais elle manquait de poudre et d'affûts !

Franchissons un demi-siècle. Certain dossier des Archives nationales prouve qu'au commencement de son épiscopat, Mgr. Dondel voulut en finir avec la forteresse [Note : Archives Nationales, Carton S. 3255. Evêché de Dol, Palais Episcopal. (Deux plans qui faisaient partie du dossier sont maintenant dans la série N)]. Le 10 mars 1752, ce prélat « représente qu'il est si peu décemment logé et si à l'étroit depuis trois ans qu'il est en place, n'ayant que deux chambres pour luy et pour sa suite, qu'il se voit dans l'absolue obligation de demander la permission de faire démolir deux anciens châteaux qui servoient ci devant de palais épiscopal à ses prédécesseurs ainsi que les batimens superflus et inutiles du château des Ormes et dépendances et de faire construire un nouveau palais épiscopal dans la ville de Dol ». L'affaire marcha bon train. Et le 2 avril 1753, un ouvrier, Yves Fiat se tuait « en travaillant à la démolition du château » [Note : Paris-Jallobert, A. R. P., Dol, p. 163]. L'annaliste dolois, Juhel de la Plesse, a noté qu'on vendit les bois des Ormes pour couvrir les dépenses du bâtiment neuf, — lequel fut construit en 1755, « par le sieur Baudouin, architecte » [Note : René-François-Timothée Juhel de la Plesse (dont le titre semi-nobiliaire provenait d'une terre non féodale, située à Kercou, faubourg de Dol) composa, avant la Révolution, une chronique dont le texte original est conservé aux archives presbytérales de la ville. Pendant la Révolution, il se mêla très activement à la politique du temps. Peut-être essaya-t-il de préserver les bibliothèques et les archives. Pourtant, il présida à la « disparition générale de tous les signes de royauté, féodalité et fanatisme. ». On sait quel vandalisme est contenu dans cette formule. Il sollicita même « l'abatis de la flèche de la ci-devant église Notre-Dame ». Je voudrais croire qu'il ne mit pas beaucoup de zèle à soutenir sa motion, car la flèche existait encore sous l'empire ; menacée de nouveau par les édiles, en mai 1807, Juhel la défendit intrépidement. Il murut le 27 mars 1810. Il était alors conseiller municipal et premier adjoint].

V.

Bien que Dol continuât d'être le siège d'une capitainerie garde-côtes [Note : Tout le territoire qui s'étend le long des côtes était divisé en capitaineries, ayant à leur tête un officier, chargé de veiller à la défense des côtes, et d'organiser dans chacune des paroisses faisant partie de la capitainerie des compagnies de garde-côtes. Parmi les capitaines dolois de cet ordre, nous citerons Jean-Joseph de Saint Pair, qui fut tué à la tête de sa troupe, la veille de la bataille de Saint-Cast, et Charles-Julien-Bonaventure Toullief, père de l'illustre jurisconsulte. (Paris-Jallobert, A. R. P., Dol, p. 125, p. 131)], — chaque membre de la milice bourgeoise logeait en sa maison [Note : La milice bourgeoise prenait les armes et paradait dans les cérémonies. De concert avec la maréchaussée, elle pouvait faire la police. — Messire de Normanville, brigadier de maréchaussée, qui mourut en 1784, était un toulousain. (Paris-Jallobert, cod. loc., p. 101)], — avec le vieux château disparurent à jamais les hauts faits d'armes dolois. — Seul, le mince filet d'eau du Guyoul essaya un jour de sauver l'honneur de la cité. Voici le trait :

Le vendredi 9 juin 1758, durant la guerre désastreuse que l'Angleterre fit subir à la France, pénétrèrent tranquillement dans la ville épiscopale, à six. heures du matin, 2.000 fantassins et 500 cavaliers anglais. Ces braves gens, ayant rencontré des dragons français sur la route de Pontorson, estimèrent d'une vraie sagesse de quitter Dol, le 10, vers onze heures de la matinée. Au reste, ils n'avaient causé aucun dommage et s'étaient contentés d'exiger la nourriture nécessaire. Leurs repas nous coûtèrent « 1.500 livres ». En s'en allant rejoindre les « 110 vaisseaux » qui les attendaient dans la rade de Cancale, — c'est Juhel de la Plesse qui consigna tous ces détails, — fantassins et cavaliers se pressaient tant que plusieurs tombèrent dans la rivière. — Et le minuscule fleuve rit avec goguenarderie en sa barbe limoneuse, oh ! très limoneuse !

VI.

La ceinture de murailles qui enserrait la cité de Dol avait un nœud infrangible : le château, et possédait deux boucles ornées qui pouvaient s'ouvrir : la porte St-Michel (ou porte d'en-haut) et la porte Notre-Dame (ou porte d'en-bas). La première était à l'extrémité de la rue des Carmes et donnait sur le faubourg de la Chaussée. En 1777 on commence à l'abattre. Ce fut à l'occasion de l'entrée du comte d'Artois, le futur Charles X. Nos édiles craignirent que des pierres ne tombassent sur sa tête royale. La seconde porte subit probablement quelques coups dès 1763, mais elle ne disparut complètement qu'en janvier 1785 [Note : J'emprunte ces dates au manuscrit de Juhel de la Plesse]. Elle livrait passage sur la rue du moulin, — que plusieurs pièces du XVIIIème siècle appellent avec raison rue de Hercé. (Car la transformation de l'ancien faubourg de la Boulangerie est due principalement au dernier évêque et comte de la ville).

L'ère des démolitions est inaugurée. Sur les vieux murs, livrés au mépris, on entasse les « boues » et le parfum s'en répand. Les voleurs s'y donnent rendez-vous pour piller les jardins du voisinage et surveiller les maisons ; et les « libertins » y tiennent leurs tête-à-tête [Note : Archives département de Rennes, Intendance de Bretagne, paquet C. 363-366. C'est en janvier 1786 que la communauté de ville gémit sur la malpropreté physique et morale des tant vieilles murailles].

Au tour des porches. Ils étaient frères des remparts. N'achevaient-ils pas la physionomie médiévale de la cité ? Leur granit sculpté formait une galerie de formes variées, solide, pittoresque, d'un usage agréable. Pourtant, quelqu'un demanda leur condamnation. Enervé par les chaleurs du mois d'août 1785, Monsieur Boile, habitant de Dol, se plaignit amèrement que ses voisins déposassent « leurs ordures sous les porches de cette ville » et empoisonnassent le quartier ! Il réclamit en conséquence... Que pensez-vous que Monsieur Boile réclama ? — Un règlement de police ? — Nenni ! Il sollicita, pour honorer la sensibilité de son appareil olfactif, l'autorisation de clore son porche par de la maçonnerie, c'est-à-dire d'interrompre la circulation du passage sous voûte et d'entreprendre l'altération épicière des rues [Note : Dans une lettre du 21 septembre 1785, M. Piou, ingénieur à Rennes, fit un rapport à l'Intendant, relativement aux désirs de M. Boile. (Archives départementales de Rennes, Intendance de Bretagne, paquet C. 363-366)]. Monsieur Boile, vous avez attaché le grelot !... La Révolution peut venir. Les Dolois sont habitués à entendre la pioche ruiner les monuments antiques. Ils savent, en sus, qu'on n'offense pas certains nez impunément.

Et novembre 93 est arrivé. C'est le mois noir. Sous les porches de la ville épiscopale, on aligne les caissons et on couche les blessés. Du faubourg de la Chaussée au pont des Tanguères, les sublimes vainqueurs de la Vendée et les glorieux soldats de la République se massacrent : Bella per Emathios plus quam civilia campos... — Cognatasque acies....

Puis, les cadavres sont jetés au pied des anciennes fortifications. Plusieurs mois après, ils laissaient voir encore leurs misérables membres abandonnés, d'où montait, vengeresse, une odeur de pestilence [Note : Le 6 germinal, an II, Juhel de la Plesse représente qu'il est « instant de faire couvrir de chaux les cadâvres des brigans enterrés dans les fossés de cette ville, qu'il avait déjà requis il y a plus de deux mois de prendre des mesures à ce sujet et de faire recouvrir de terre ces cadavres, qui cependant ne l'ont point été... cependant il est absolument nécessaire de remédier sur le champ au miasme pestilentiel qu'exhalent dans ce moment ces corps putréfiés. » (Archives de la mairie de Dol, Registres de la Municipalité). On était alors dans les premiers jours du printemps de 1794].

Et le poète qui porte aujourd'hui son rêve sur la pacifique promenade des douves, contemple avec mélancolie, près des murailles qui meurent, les derniers vestiges des fossés sanglants.

(F. Duine).

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