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UN DROIT FÉODAL DANS L'ÉVÊCHÉ DE DOL AU XVIIIème SIÈCLE

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Il y a quelques années en cherchant dans les anciennes minutes des notaires de Hédé avant la Révolution, je pus recueillir quelques pièces ayant un certain caractère historique dont je pris copie, et parmi lesquelles s'en trouvaient deux concernant l'évêché de Dol et relatives à un conflit qui s'était élevé au sujet de l'exercice d'un droit féodal, entre le seigneur Evêque Comte de Dol et son Grand-Voyer. Ces deux pièces m'ont semblé intéressantes en ce qu'elles nous énumèrent d'une façon précise tous les devoirs et tous les droits qui étaient attachés à cette juridiction de la Grande Voirie, inféodée à la seigneurie du Gage, en même temps qu'elles nous font connaître un épisode inédit, je crois, de l'entrée du dernier Evêque de Dol, Monseigneur de Hercé, dans sa ville épiscopale, et de sa prise de possession de son siège. Ce sont ces raisons qui m'ont déterminé à écrire cette petite notice.

La seigneurie du Gage, en la paroisse de Rozlandrieux, évêché de Dol, nommée généralement le Gage-Cleuz, du nom de son propriétaire, pour la distinguer d'une autre seigneurie du Gage appartenant à la famille de Saint-Gilles, située dans la paroisse de Pleugueneuc, dans le même diocèse, ne figure point parmi celles que M. l'abbé Guillotin de Corson classe dans les grandes seigneuries de la Haute-Bretagne. Ce n'était qu'une seigneurie de peu d'importance ; la métairie noble à laquelle elle était attachée n'était pas considérable ; sa juridiction, de peu d'étendue, n'était que moyenne justice ; elle relevait du regaire de Dol.

Cette terre noble ne présenterait donc qu'un médiocre intérêt et nous n'aurions pas pensé à nous en occuper, si elle n'avait pas eu parmi les fiefs dépendant du domaine épiscopal une situation particulière. Elle était, en effet, le gage de la charge de Grand-Voyer et de Sergentise féodée du Comté de Dol, et c'est, sans doute, à cette circonstance qu'elle doit son nom.

La seigneurie du Gage demeura jusqu'au milieu du XVème siècle entre les mains d'une famille Le Voyer ou Le Vayer, originaire de Rozlandrieux, qui devait y être établie antérieurement depuis des siècles, c'est-à-dire depuis l'époque où commença l'usage des noms de famille, qui ne furent souvent que celui de la profession. Ce fait s'était déjà produit dans la même paroisse pour un autre office de l'Evêque de Dol, celui de Grand Bouteiller héréditaire, office attaché à la terre de la Chesnais, et à cause duquel le possesseur de cette terre, dite la Chesnais-au-Bouteiller, s'appelait lui-même Le Bouteiller, et avait pris des armes parlantes [Note : D'argent à une bouteille de... sceau avec la légende S. G. LE BOTELIER DE DOL MIL. (D. Morice, Pr. de l'Hist. de Bret.)]. On trouve un des représentants de cette famille, Riwald (Rigaldus) Butilier, témoin au don fait en 1008 à l'abbaye de Saint-Jacut du Minihy de Trédillac, et Hervéus Botelarius, vers l'année 1070, à la fondation du Prieuré de Saint-Florent de Dol.

Les Le Vayer étaient divisés, au commencement du XVème siècle, en deux branches dont l'une tenait le Gage, et l'autre possédait en Bonnemain la maison, manoir et métairie de Montferand. Cette seconde branche était représentée, en 1480, par « Jehan Le Vayer, ancien homme qui paraît aux Montres en sa robe et presente à sa place Pierre, son fils, jusarmier en brigandine » ; et en 1513, par écuyer Charles Le Voyer (Voir Montres de l'évêché de Dol, 1480-1513), qui continue la lignée des seigneurs de Montferand.

Quant à la branche du Gage, elle s'est éteinte au commencement du XVème siècle, dans la personne de Marie (P. de Courcy, Nobiliaire breton) ou Gilette, fille de Bonabes et de Philippotte de Montbourcher (Mis de l'Estourbeillon, La noblesse de Bretagne), épouse de Olivier de Cleuz.

La famille de deux (Anciennes Montres. Réformation de 1668) ou du Cleuz (Actes modernes, P. de Courcy) qui portait pour armoirie : émanché d'or et de gueules de six pièces, était originaire de l'êvêché de Nantes [Note : M. P. de Courcy, dans son Nobiliaire breton, enregistre deux familles de Cleuz ayant des armes différentes. M. le Mis de l'Estourbeillon, dans son livre La Noblesse bretonne, signale aussi deux familles bien distinctes : la première, qui avait pour armoiries : D'argent à trois coqs de sable, originaire de la presqu'île guérandaise en l'évêché de Nantes, où elle possédait au commencement du XVème siècle la terre de Cleuz, haute justice, et plus tard celle de Marsaint. On la trouve représentée en 1428 par Jehan, inscrit parmi les nobles de la paroisse de Guérande hors la ville, en la frairie de Saillé, et à Saint-Nazaire en la frairie d'Esérac ; la seconde, dite du Gage, qui blasonne : Emanché d'or et de gueules de six pièces, « aurait pour berceau les terres de Cleuz et du Gage, toutes deux en Rozlandrieux, évêché de Dol ». Cela est possible, cependant je ne vois pas sur quelles bases s'appuient l'opinion de ces Messieurs, si ce n'est sur la différence complète des armoiries entre les Cleuz de Saint-Nazaire et ceux du Gage. S'il existe dans la paroisse de Saint-Nazaire une métairie de Cleuz possédée par Jehan de Cleuz en 1426, et même une autre « de Cleuz Coyaun » (Ogée) d'où ils aient pu tirer leur nom, il n'y en a aucune en Rozlandrieux ni dans les environs, et si l'on dit « le Gage Cleuz » en parlant de la terre du Gage, c'est que cette terre a pris ce nom de Olivier de Cleuz, après que celui-ci en fût devenu propriétaire par son mariage, au milieu du XVème siècle seulement, pour la distinguer d'une autre terre du Gage située à Pleugueneuc dans le même évêché de Dol, et appartenant aux Saint-Gilles. Ce qui semblerait encore confirmer que la branche du Gage ne serait qu'une branche cadette, c'est que, lors de la Reformation de 1668 où elle paraît seule, puisque l'autre est éteinte depuis la fin du XVIème siècle, elle présente comme premier auteur ce même Jehan de Cleuz que l'on donne comme la tige de celle de Saint-Nazaire, et qui serait ainsi l'origine commune de toutes les deux. Sans doute les cadets, quand ils se séparaient de leurs ainés pour aller au loin fonder un nouvel établissement, gardaient le plus souvent les armes de la maison, soit avec un léger changement, soit avec une brisure, mais cela n'était point obligatoire, et celui qui s'éloignait les changeait quelquefois pour celles de la nouvelle famille dans laquelle il entrait quand elle n'avait plus de représentants mâles, ou même, pour une raison ou pour une autre, prenait des armoiries entièrement nouvelles], où nous trouvons mentionné Jehan de Cleux, parmi les nobles de Guérande hors la ville, en la frairie de Saille (Montres de l'Evêché de Nantes).

C'est le premier du nom que nous connaissons, personnage important qui occupa à la Cour de Bretagne une situation brillante. On le voit au 1er janvier 1433 (1434) recevoir pour ses étrennes une paire de lunettes d'or (Dom Morice, Pr., II, 1260) garnies de bericles [Note : Beryl, pierre précieuse, de couleur souvent blanche, dont on faisait des verres de lunettes]. Il semble avoir eu deux fils : Jehan, l'aîné, qualifié d'écuyer et d'enfant de chambre du duc, à qui Jean V accorde le 14 août 1433, pour aider à son mariage, un don de 333 livres, reçoit encore au 1er jour de janvier 1445 (1446), pour ses étrennes, une coupe d'argent de trois marcs et sa femme « un texue de couleur long ô les garnitures dorées » (Comptes de Guion de Carné, D. Morice) , et figure en 1457, comme Maistre d'Hotel de la duchesse Ysabeau. C'est lui, sans doute, qui est la tige de la branche de Marsaint et de Moutonnet, dans l'évêché de Nantes, branche aînée, vraisemblablement, dont les armes différentes de celles de la précédente étaient : d'argent à trois coqs de sable, encore représentée à Saint-Jacut, dans l'evêché de Vannes, en 1513 par Marie de Cleuz (Montres de l'Evêché de Nantes), dame de Rédillac. Perrine du Cleuz, sa fille, dame de Marsaint et de Moutonnet, épousa vers 1478 n. h. Thébault Malor, dont vinrent plusieurs enfants, entre autres Guillemette Malor, l'aînée, mariée le 19 octobre 1498 au fils de Jehan de Rohan, seigneur du Gué de l'Isle et de dame Gilette de Rochefort (Testament de Gilette de Rochefort, dame de l'Isle, Dom Morice, Pr. III) aussi nommé Jehan de Rohan, seigneur de Trégalet qui en eut une fille, demoiselle Gilette, dame de Mersaint, accordée par contrat de mariage passé en la cour de Guérande, le 27 janvier 1511, à Marc de Carné, fils aîné de messire Tristan de Carné, seigneur de Carné et de Bonmeur, chevalier. Maître d'hôtel de la Reine, Gouverneur d'Auray, et de Jeanne de La Salle, qui fonda ainsi la branche de Carné-Mersaint. Olivier (Réformation de 1668), sieur de Carec, qui devait être un cadet, quitta l'évêché de Nantes et vint prendre pour femme l'héritière de la terre et du manoir du Gage, dans l'évêché de Dol où il fixa sa demeure ; sa descendance s'étendit dans la suite en l'évêché de Saint-Brieuc actuel où elle posséda au XVIIIème siècle, acquises surtout par des alliances, de nombreuses terres et seigneuries : la baronnie de Pestivien, le Bourgerel, Guerbrigant-Kerbabu, Lanamus, Keralouant, la Roche-Droniou, le Rest, le Modest, les Salles, les Isles, la Lande, le Cludon, Botilio, la Bouessière, le Miroir, le Bois de la Roche, etc. Lieutenant du Sire de Chateauneuf, capitaine de Fougères en 1430 et au moins jusqu'en 1434, Olivier de Cleuz commande en 1431, vingt-cinq hommes d'armes et quinze de trait au siège de Pouancé ; en 1437, au moment où le duc avait un instant craint pour sa vie menacée par ses vassaux révoltés et faisait appel au dévouement de sa noblesse, il est envoyé en toute hâte à Fougères pour chercher Messire Pierre Le Porc appelé par Jean V. En 1451 il occupe les fonctions de Chambellan et Pierre II, en le créant Chevalier de l'Hermine, lui fait don, le 8 janvier 1453 (1454), d'un collier de l'Ordre du prix de 27 livres 10 sous (Comptes de Guillaume Bogier, D. Morice, Pr. II, 1645).

Il eut de son mariage un fils : Guillaume (Réformation de 1668), qui sert en 1481 comme archer sous Jehan de Launay, se ligue contre Landais avec les autres seigneurs de la cour et après leur échec, reçoit comme eux, en 1485, des lettres de rémission.

Guillaume dut avoir deux fils : Jehan (Réformation de 1668) et Thebault. Ce dernier, homme d'armes du Sire de Beaufort en 1480, fait partie en 1488, de la garnison du Plessix-Bertrand et s'excuse, pour cette raison, de ne pas aller prendre part à la défense de Fougères attaquée par les Français de La Trémouille. Il vit encore en 1513, à Rozlandrieux, dans une maison que son frère a achetée pour lui et lui a donnée à bienfait. Jehan, l'aîné, seigneur de la Métrie par sa femme, en 1480, possède en 1513 le « manoir et mestayrie nommée Le Gaige » (Montres de l'Evêché de Dol, Rozlandrieux). Nous ne le suivrons pas, parce que nous ne voulons point ici faire la généalogie de la famille de Cleuz, mais nous occuper des droits de leur seigneurie.

Nous avons dit que le seigneur du Gage avait, à cause de sa terre, à titre héréditaire les offices de Grand-Voyer et de Sergent féodé de la Cour de Dol. Nous n'entrerons pas dans le détail de tous les devoirs que lui imposaient ces charges : nous dirons seulement que les devoirs du Sergent féodé étaient en général, la cueillette des deniers et l'exécution des sentences criminelles ; ceux de la Grande Voirie, la police des rues et des marchés et le droit à une juridiction moyenne pour le jugement des délits qui s'y commettaient. Le seigneur du Gage nous en fera connaître davantage dans la protestation qu'il adresse à Monseigneur de Hercé en 1767, protestation que nous verrons plus tard, où il indique en même temps quels droits et quels privilèges il réclame, en outre des revenus de sa seigneurie, comme compensation de ses devoirs. Nous devons faire remarquer, dès ce moment, qu'aucun des devoirs incombant à la charge de Sergent féodé n'y est mentionné. C'est que ces devoirs que les gentilshommes avaient tout d'abord accepté de remplir par eux-mêmes et en personne quand les sergentises féodés étaient peu nombreuses et ne dépendaient que du Souverain et des grands seigneurs, avaient par le fait quelque chose de bas et de répugnant, qui fit, surtout lorsqu'elles devinrent plus nombreuses et qu'il y en eut dans un grand nombre de seigneuries, que beaucoup de possesseurs tâchèrent de s'en débarrasser, soit en en faisant exercer les fonctions par des subalternes, soit en les rendant à leurs seigneurs. Il est à croire que, pour le seigneur du Gage, il en fut de même, puisque dès la fin du XVème siècle, en 1478, les montres de Dol nous présentent comme exempt de fouages « Pierre Boissière, homme de bas estat, sergent de la Court de Dol, sous Jehan de Cleux, Sr du Gaige, qui est, Sergent féauldé d'icelle court » ; qu'il fit davantage dans la suite et qu'au XVIIIème siècle il avait renoncé à tous ses droits.

Signalons en revanche un de ses devoirs de Grand-Voyer. A Dol, chaque année, l'époque de la fête de saint Samson, c'est-à-dire le 28 juillet, se tenait une grande foire qui durait plusieurs jours. Le guet et la garde de la foire étaient confiés aux habitants de Dol la veille et le jour de saint Samson. Une chevauchée formée par certains sujets de l'évêque, entre autres par le seigneur de Combourg avec les tenanciers qu'il possédait à Dol, parcourait la ville pour empêcher les désordres et protéger les marchands. Le seigneur du Gage avait aussi son devoir de chevauchée ; il confesse qu'il « devait par chascun an à sondit seigr, le troisiesme jour après le jour et feste de sainct Samson, un guet et garde à cheval à comparoir devant le chasteau de son dit seigr » mais en échange de ce devoir il avait droit à la haquenée sur laquelle il avait fait sa chevauchée et qui lui était fournie par l'évêque. Citons encore un droit tout particulier et qui ne doit pas rentrer, semble-t-il, dans ceux de la Voirie, puisqu'il ne s'exerçait pas sur la rue, mais bien dans l'intérieur de la boutique du marchand, droit important, celui de fixer le prix du pain ; toutefois le tarif ne devait avoir d'effet qu'autant qu'il avait été réglé d'accord avec le juge chatelain.

Ne nous arrêtons pas davantage à ces devoirs et à ces privilèges dont nous n'avons pas à nous occuper, parce qu'ils ne sont pas contestés. Un seul nous intéresse, qui a motivé la protestation qu'adresse M. le comte de Lanascol à Monseigneur de Hercé, son évêque, l'une de ces pièces que nous avons retrouvée dans les anciennes minutes d'un notaire de Hédé et dont nous avons parlé au début. On lit dans cette pièce : Article 13 : « En outre le special droit et privillège, lorsque son dit Seigr Evesque fait son entrée et feste en lad. Ville de Dol, de servir de maistre d'hostel au diné et à la table de sondit Seignr durant la première feste et icelle faicte estre pareillement en droit led. Seignr Evesque de faire promesse aud. Voyer ou son Alloué de les tenir en leur liberté et franchise. — Art. 14. Et après le diné dud. Seigr Evesque avoir droit led. Voyer prendre et recueillir les linges de table autant qu'il s'en est servy pour led. diner à la table dud. Seigr, pour led. Voyer les mettre à son profit ».

M. le comte de Lanascol, seigneur du Gage à cette époque, se plaint qu'il ne lui a pas été permis de remplir son office et d'user de son privilège.

Voyons, avant d'aller plus loin, comment M. le comte Quemper de Lanascol se trouve remplacer ici la famille de Cleuz et à quel titre il se présente pour réclamer les droits de Grand-Voyer de Dol des seigneurs du Gage.

Messire Jacques-Charles de Cleuz, seigneur marquis du Gage, fils de Julien et de Claudine de Kergorlay, dame du Cludon, avait eu de sa femme, Anne-Charlotte-Renée de Lemo, fille et unique héritière de Pierre de Lemo et de Marguerite de Plœuc, quatre enfants : un fils, Claude-Hyacinthe, et trois filles : Marie-Marquise, Marie-Anne-Gabrielle et Charlotte-Gabrielle-Julie. Claude-Hyacinthe qui mourut jeune, avant 1738, c'est-à-dire plusieurs années avant le décès de son père qui n'eut lieu qu'en 1746, laissa aussi de Marie-Marguerite du Parc-Locmaria, un fils et trois filles : Jacques-Claude, Marie- Josèphe, Charlotte-Marie-Claudine, et une autre dont le nom nous est inconnu. Nous ne savons quelle est la date de naissance de tous ces enfants, sauf celle de Marie-Joséphe qui vint au monde le 31 (sic) novembre 1734, dans la paroisse de Plougonnec, Evêché de Tréguier, et ne fut nommée que dix ans plus tard, le 9 mars 1744, étant alors pensionnaire au couvent de la Charité, dans l'église de Saint-Salomon de Vannes, où elle eut pour parrain et marraine, par procuration, très haut et très puissant messire Jacques-Joseph-Yves Quemper, seigneur comte de Lanascol, son oncle, et très haute et très puissante dame Marie-Françoise de Visdelou, dame du Guay (Inventaire des Archives du Morbihan, E. Supp. 1587). Elle fut mariée deux fois : la première avec N..., seigneur marquis de Pontbriand, et la seconde, en 1782, avec Claude-Marie-Joseph Bernard de Courville, seigr de la Gatinais, et mourut peu de temps après, avant 1786.

Jacques-Claude, le fils aîné, chef de nom et d'armes de Cleuz, marquis du Gage, épouse, en présence de messire Charles-Claude Quemper de Lanascol, son cousin-germain, par contrat en date du 15 février 1765, au rapport de Me Galard, notaire, controllé à Guingamp le 27, Mademoiselle Jeanne-Jacquette de Roquefeuil, fille de messire Aymard, comte de Roquefeuil, lieutenant-général de marine à Brest, et de dame Gabrielle de Kergus-Traffagan, dont vint une fille unique, demoiselle Reine, mariée, par contrat passé à Versailles, signé du Roi, de la Reine, des princes et princesses du sang le 28 août 1785, à Jacques-Louis, marquis de Kerouartz, et qui mourut en 1806, dernière du nom.

Des trois filles de messire Jacques-Charles de Cleuz, la seconde, Marie, épousa messire Joseph-Gabriel du Parc, chevalier, seigr de Lezardot ; et la troisième, Charlotte-Gabrielle-Julie, messire Philippe-François-Louis-Alexandre, chevalier, seigr marquis de Castellane.

L'aînée, Marie-Marquise, dame du Gage, eut pour mari messire Jacques-Yves-Joseph Quemper, Chevalier, Seigneur Comte de Lanascol, juge du point d'honneur, Lieutenant de Nos Seigneurs les Maréchaux de France, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis [Note : Nous ne savons s'il possédait ces titres à l'époque de son mariage, mais nous les trouvons mentionnés dans un acte en 1765. (Arch. départ. des Côtes-du-Nord ou Côtes-d'Armor, E, 2257)]. Quoique nous n'ayons point leur contrat de mariage, on peut croire que c'est par suite de cette alliance que celui-ci devint Grand-Voyer de Dol et que sa femme lui avait apporté en dot la terre et la seigneurie du Gage avec le fief en dépendant.

Cependant, dans un acte en date de 1749, fait à l'occasion de la succession de Jacques de Cleuz, son beau-père, nous lisons : Nous, très haut et très puissant messire Jacques Claude, Chevalier, Chef de nom et armes de Cleuz, seigneur marquis du Gage, du Cludon, seigneur châtelain de Guengat, Lesascoët, Rimaison, Talvern, Quelfeu, Baron de Pestivien et du Bourgerel, Vicomte de Kerosneur, Kermeno, le Breuil, Traoüanvoas, Guerbrigant-Kerbabu, Lanamus, Keralouant, la Roche-Droniou, Kerandraou, Paulan, Kerivoallan, Kerdaniel, le Rest, le Modest, les Salles, les Iles, Runveuzit et autres terres et seigneuries, Grand-Voyer de Dol, lieutenant-colonel de la Capitainerie garde-côtes de Lannion, héritier principal et noble…. etc. (Arch. départ. des Côtes-du-Nord ou Côtes-d'Armor. Série E, N° 109, Familles).

Mais cet acte n'est qu'un inventaire ou une estimation pour parvenir au partage et il est probable que lors du partage définitif, la terre du Gage avec ses fiefs, moins toutefois le titre de marquis, et même toutes les autres terres en Roz-landrieux, la Chesnaie au Bouteiller, la Haye-Boutier, etc., furent octroyées pour sa part d'héritage à la comtesse de Lanascol, Marie-Marquise de Cleuz, ou plutôt à son fils, Charles-Claude-Yves-Joseph-François, puisqu'elle-même était déjà morte, ainsi qu'il résulte de cet inventaire où M. de Lanascol se présente au nom de son fils seul, tandis que ses deux beaux-frères se portent tous comme représentants de leurs femmes. En 1764 et 1765, nous trouvons deux marquis du Gage Cleuz : Jacques-Claude de Cleuz et Jacques-Yves-Joseph Quemper de Lanascol qui y ajoute le titre de Grand-Voyer de Dol. [Note : Aveu du 10 avril 1764 rendu à haut et puissant messire Jacques-Claude de Cleuz, chevalier, seigneur marquis du Gage. Baillée du convenant de Kermaëc-bihan, faite en 1765 par Jacques-Yves-Joseph Quemper, chevalier, seigneur de Lanascol, etc., marquis du Gage Cleuz, Grand Voyer de Dol, etc. (Arch. dép. des Côtes-du-Nord ou Côtes-d'Armor, E, 2.257)].

Deux ans plus tard, quoique son père vive encore, puisqu'il ne meurt que le 6 novembre 1781, c'est, ainsi que nous le verrons dans les actes qui seront reproduits plus loin, le fils, Charles-Claude-Yves-Joseph-François Quemper de Lanascol qui, devenu majeur et vraisemblablement comme héritier de sa mère, se dit propriétaire des terres, fiefs et seigneurie du Gage Cleuz et de la Grande Voirie de Dol, mais parmi tous les titres qu'il énumère ne fait pas figurer celui de marquis du Gage.

Maintenant que nous connaissons une des parties, occupons-nous de la partie adverse.

Après le décès de Monseigneur Dondel, arrivé le 11 février 1767, l'abbé Urbain-René de Hercé, Vicaire général de Nantes, fut appelé à le remplacer. Le 5 juillet furent célébrées à Paris, dans l'église Saint-Sulpice, les cérémonies de son sacre, puis le nouvel évêque n'eut plus qu'à venir prendre possession de son siège épiscopal.

Monseigneur de Hercé ne se pressa point. Prélat modeste et simple, acceptant la haute position qui lui était offerte dans l'unique but de faire le bien, mais ne tenant point à l'éclat des représentations, ennemi des manifestations et des honneurs bruyants, le 6 septembre suivant, il fit sa première entrée dans sa ville épiscopale sur les sept heures du soir et prit possession de son diocèse sans bruit et sans cérémonies et sans avoir averti et prévenu ses vassaux de son arrivée.

Cette arrivée imprévue ne fut pas du goût de tout le monde ; d'abord, sans doute, des habitants de Dol qui auraient vu avec plaisir une de ces belles solennités, de ces manifestations grandioses qui n'avaient lieu que pour l'avènement d'un nouvel évêque, et qui eussent été heureux de fêter avec éclat la bienvenue de leur pasteur ; mais certainement des grands vassaux du seigneur Comte-Evêque qui avaient dans la cérémonie de l'entrée solennelle un rôle à jouer et un profit à retirer : le Sire de Landal qui tenait la bride de la haquenée sur laquelle était monté le seigneur Evêque, au moment où celui-ci mettait pied à terre, haquenée qui devenait ensuite sa propriété avec tous ses harnois ; le seigneur du Gage qui devait remplir doubles fonctions, celles de Maître d'hôtel à la table de son seigneur au dîner offert par lui lors de son entrée et pouvait emporter pour son paiement tout le linge qui avait servi à ce dîner, et, en outre, comme propriétaire de la terre de la Chesnaye au Bouteiller, celles d'Echanson.

Je ne sais ce que fit le sire de Landal, quant à celui du Gage, il ne fut pas content et manifesta son mécontentement.

Le comte de Lanascol avait attendu pendant longtemps l'avis de l'entrée solennelle de Monseigneur de Hercé et l'ordre d'aller remplir les charges de son fief, mais aucun avertissement n'étant venu, il s'ennuya d'attendre et chercha un moyen, tout en conservant ses privilèges, d'éviter l'ennui des devoirs.

Le temps n'était plus où la noblesse acceptait de remplir personnellement auprès de ses suzerains des fonctions qui pouvaient paraître serviles, mais qu'elle regardait pourtant comme un honneur, à cause de la haute situation des grands personnages à qui ces devoirs étaient dus ; où les barons de Pontchateau, de Chateaubriand, d'Ancenis, de Retz, même quand ce dernier s'appelait le duc de Bretagne, ne craignaient point de prêter leurs épaules pour porter l'évêque de Nantes à sa cathédrale. Ce qu'on voulait alors, c'était garder les bénéfices en laissant les charges à un mandataire. Nous l'avons déjà vu lorsqu'en 1513 le seigneur du Gage fait remplir ses fonctions de sergent féodé par un homme de bas état ; nous le voyons dans sa protestation, lorsqu'il déclare avoir le droit de faire accepter par l'évêque un alloué et un sergent bannier pour exercer son office de Grand-Voyer. Il va essayer de faire la même chose, vis-à-vis de Monseigneur de Hercé, au sujet de son service de Maître d'hôtel. Du reste, il faut dire, à la décharge des possesseurs de ces charges que depuis longtemps leur position avait totalement changé, que leur fortune s'était augmentée, qu'ils n'habitaient plus la terre, généralement peu considérable, qui servait de gage à leur office, mais souvent d'autres terres très éloignées, qu'ils vivaient à la Cour, servaient le Roi dans la magistrature ou dans l'armée et qu'il leur était souvent matériellement impossible de remplir personnellement leurs obligations.

M. de Lanascol n'est point de la famille de Cleuz ; il n'a point été habitué comme ceux-ci à figurer à ces cérémonies nouvelles pour lui, et auxquelles son père lui-même, quoique déjà marié et même veuf, n'avait sans doute point paru, en février 1749, lors de l'entrée de Monseigneur Dondel ; il n'habite pas l'évêché de Dol, mais celui très éloigné de Tréguier. Tout cela faisait qu'il n'envisageait vraisemblablement qu'avec ennui cette obligation de se déranger pour remplir des fonctions qui pouvaient lui paraître au-dessous de son importance, et qu'il chercha un moyen d'éviter ce désagrément et cette fatigue. Il y en avait un qui paraissait très simple, c'était d'offrir un remplaçant et de déléguer un mandataire à la cérémonie, et il va essayer de s'en servir.

Dès qu'il fut avisé, probablement par son sénéchal à Dol, que l'arrivée de l'évêque ne pouvait tarder, il appela à son château de Lanascol, dans l'évêché de Tréguier, où il résidait, deux notaires et leur fit dresser la procuration suivante :

« L'an mil sept cent soixante et sept, ce jour de lundi trente unième aoust, du matin, fut présent devant les notaires Royaux apostoliques en Tréguier et héréditaires au siège de Lanion, très haut et très puissant seigneur Messire Charles-Claude-Yves-Joseph-François Quimper, Chevalier, Seigneur Comte Chatellain de Lanascol, Keraudy, Guergadiou, Kermenguy, La Lande-Ploumiliau, Kersalic, Barach-Tournemine, le Communal, Launay-Barach, Kerdu, Kerbeuzit, Kerhaël et Trohadiou, seigneur des fiefs et juridictions et anciennes chastellenies de Guerbrigent, Kerbabus, Plounévez-Mouëdec, Kermaël, Kéravel, Kerloho, Chemillé-Kermartin, Coequ'ho et Keravis, Saint-Glen, Carhuis, Duault et Beloriant, Grand-Voyer de Doll, seigneur propriétaire de la terre, neffs et seigneuries du Gage-Cleuz, la Haie-Boutier, la Chenaie-au-Boutelier, seigneur des fiefs et seigneuries de Guengat, Lesascoet et Quemenet, et de plusieurs autres terres, fiefs et seigneuries, demeurant le plus ordinairement à son chateau de Lanascol, trêve de Keraudy, paroisse de Ploumilliau, évéché de Tréguier, lequel, par ces présentes, donne pouvoir et procuration à noble maitre Guillaume-Thomas-Gabriel de Blondel, avocat en parlement, sénéchal et premier Magistrat Civil et Criminel des dittes jurisdictions du Gage-Cleuz, grande voierie de Doll et ennexes, demeurant à son hôtel à Dol, paroisse de Notre-Dame, de, pour lui et en son nom, se présenter en l'endroit de la première entrée que doit faire en la ville de Doll Illustre et Révérend Père Monseigneur Urbain-René de Hercé, Evêque et Comte de Doll, lui faire rendre les devoirs que le dit seigneur comte de Lanascol, en qualité de seigneur propriétaire des dittes terres et seigneuries du Gage-Cleuz et les seigneurs du Gage-Cleuz, ses autheurs, sont, de tout tems immémorial en droit de faire à chaque avènement et première entrée des seigneurs Evêques de Doll ; et, en conséquence, de jouir audit nom et procuration des droits et privilèges atribués à ses dittes terres et seigneuries en pareille circonstance, des quels droits il est inféodé suivant plusieurs aveux de différents siècles ; et en cas de refus ou opposition de la part dudit Sieur Evêque, donne ledit seigneur comte de Lanascol tout pouvoir pertinant et requis audit sieur Blondel, procureur constitué, de faire touttes sommations, protestations et réservations, en général requises en pareil cas, pour l'entière et parfaite conservation de tous les droits en général dudit Seigneur Comte de Lanascol et à ce qu'il n'arive aucun préjudice à ses droits ; promettant ledit Seigneur constittuant avouer ce que fera aux fins de la présente ledit sieur procurateur constitué et aura fait et acté ce touchant, observant le dû de sa charge et n'en faire révocation. Fait et passé au chateau de Lanascol au raport de Me Francois Briand, l'un de nous, l'autre présent, ou ledit Seigneur comte de Lanascol a signé après lecture et après avoir déclaré que l'empêchement qu'il a de ne pouvoir aller en personne exercer ses droits, faire et rendre audit Seigneur Evêque de Doll les susdits devoirs et exercer ses privilèges est, que l'arrivée dudit Seigneur Evêque lui était jusques à présent imprévue et qu'il a depuis quelques mois des affaires projettées et des arrengements à faire qui l'obligent de partir ce jour pour voiager ; le tout sous les seings de nous dits notaires, les dits jours et an que devant.
CH. QUEMPER DE LANASCOL.
LE TINSORET, Notaire royal. BRIAND, Notaire royal apostolique »
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On peut voir dans cet acte que M. le Comte de Lanascol ne refuse point de remplir ses obligations ; non certes, seulement cela lui est impossible. Il ne demanderait pas mieux que d'aller à Dol ; malheureusement on ne l'a point averti à temps, il a des affaires, il ne peut les laisser en souffrance ; il a donné des rendez-vous, il faut bien qu'il s'y rende. Du reste, son sénéchal est là et il « rendra les devoirs que le Seigneur Comte de Lanascol, en qualité de propriétaire des terres et seigneuries du Gage-Cleuz ..... est en droit de faire à chaque avenement et première entrée du Seigneur Evêque de Doll ». Le seigneur du Gage est ainsi parfaitement en règle avec son suzerain, qui n'a, par conséquent, rien de plus à lui réclamer.

M. de Lanascol savait fort bien que les raisons peu valables qu'il invoquait pour ne pas faire son service en personne, ne seraient point admises par Monseigneur de Hercé, gardien lui aussi de ses droits de seigneur suzerain qui n'accepterait de mandataire que dans un cas de maladie duement constatée ou tout autre de force majeure. Il ne se faisait aucune illusion à cet égard, aussi, en prévision d'un refus dont il ne doute point, il donne à son sénéchal, en même temps que le mandat de le représenter à la cérémonie, celui de faire « toutes sommations, protestations et réservations ».

Ce qui était prévu arriva. L'évêque refusa d'admettre l'exercice par procureur des droits que le seigneur de Lanascol, comme Grand-Voyer de Dol, devait par lui-même et en personne, et fit dresser par ses juges et les officiers de sa Cour procès-verbal de l'absence de son vassal sans motifs légitimes.

M. de Blondel ne perdit point de temps ; il n'était point pris au dépourvu et tout était préparé d'avance. Soit qu'il craignît que les notaires de Dol ne lui refusassent leurs services, soit qu'il ne voulût pas les placer dans une position qui pouvait être difficile vis-à-vis de l'Evêque, soit enfin qu'il désirât que la chose restât secrète jusqu'au moment d'agir, il s'adressa à des étrangers et alla chercher dans l'évêché de Rennes, sur les confins de celui de Dol, dans la petite ville de Hédé, deux notaires royaux, MM. Mathurin Cochery et Robiou du Pont, qu'il fit venir dès la veille pour constater le refus qu'il prévoyait.

Ou les notaires avaient préparé d'avance leur acte de protestation, ou ils avaient passé la nuit à le dresser ; toujours est-il que dès le lendemain de l'arrivée de l'Evêque, dans la matinée, avant midi, ils se présentaient à la porte du manoir épiscopal et sommaient Monseigneur de Hercé de reconnaître tous les droits du seigneur du Gage.

Nous ne pouvons mieux faire que de les laisser parler.

« L'an mil sept cent soixante-sept, le septyeme jour du mois de septembre, entre onze heures et midy, Nous, Mathurin Cochery et François Robiou, notaires du Roy à Hédé, y demeurants séparement, paroisse de Bazouges, à deffaut de notaires royaux de Dol, certiffions a qu'il appartiendra que, sur le requisitoire de Noble Me Guillaume-Thomas-Gabriel de Blondel, sr de la Coudrays, avocat en parlement, Senechal et premier magistrat des juridictions du Gage-Cleuz, Grande Voirie de Dol et annex, demeurant aud. Dol, paroisse de Notre-Dame, nous sommes transportés de nos susdittes demeures en compagnye dud. Sr de Blondel jusqu'au pallays épiscopal de la Ville et Evêché dudit Dol ou estant arrivé à l'heure préditte, led. Sr de Blondel nous a remontré que led. Evesque et Comte de Dol fist hier sa premiere antrée imprevue et non anoncée en cette ditte ville de Dol sur les six à sept heures du soir et mesme prit pocession de son Evesché, que luy dit, sieur de Blondel, en qualitté de porteur de procuration de très haut et très puissant Seigneur Messire Charles Claude-Yves-Joseph-Francois Quemper, Chevallier, Seigneur, Comte Chastelain de Lanascol, Keraudy, Guergadiou, Kermenguy, la Lande-Ploumiliau, Kersalic, Barch-Tournemine (Barach-Tournemine), Le Communal, Launay-Barque (Barach), Kerdu, Kerbusit, Keraël, Trohadiou, Seigr des fiefs, juridictions et ancienne chastellenye de Guerbrigant, Kerbabu, Plounevez, Chemillé-Kermartin, Coequ'hoet et Keravis, Duault et Beloriant, Grand Voyer de Dol, seigneur propriétaire de la terre, fiefs et seigneurye du Gage-Cleuz, la Haye-Boutier, la Chesnaye-au-Boutellier, seigneur des fiefs et seigneurye de Guingat. Lesascoet et Quemenet et plusieurs autres terres et seigneuryes, la susditte procuration en datte du 31e aoust dernier au rapport de Briand et Letinsoret, notaires Royaux et apostolique à Treguier et heredittaire au siège de Lanion, controllée aud. Lanion le mesme jour par l'Ecoulec, laquelle demeure à la presente jointe pour y avoir recours, il est pour led. Seigneur en droit de faire rendre aud. Seigneur Evesque et Comte de Dol les devoirs que led. Seigneur Comte de Lanascol en qualitté de Seigr propriétaire de la terre et juridiction du Gage-Cleuz et grande voirie de Dol et les seigneurs dud. Gage-Cleuz, ses auteurs sont de tout temps immemorial en droit de faire à chasque avenement et premiere antrée des Seigneurs Evesques de Dol en laditte ville, et de jouir en conséquence des privilèges atribués et dus en pareille circonstance aud. Seigr de Lanascol, et enfin de faire entendre aud. Seigr Evesque, qu'il le reconnoist pour Seigneur à cause de partye de lad. terre et seigneurye du Gage pour ce qui en releve dud. Seigr Evesque, noblement et pour cause d'icelle seigneurye et voyrerye il appartient aud. Seigneur Comte de Lanascol, et il est en droit de prendre et lever sur les demeurants en laditte Ville de Dol et ailleurs les devoirs cy-après par Baillages et autres droits privillegiés comme ;

ART. 1er. Au baillage de Quarquou, vingt-deux guetes et trois quarts de guelde à pieds et vingt-deux pots trois quarts de vin au jour saint Sanson, mesure de Dol, sur les hommes du baillage.

ART. 2ème. Item en laditte qualitté a dit aussy avoir led. Seigneur clause, droit et luy appartenir le devoir de la haquenée et conduit a cheval que luy doit led. Seigneur Evesque par chascun an le 3ème soir après le jour et feste de saint Sanson à aller par lad. ville.

ART. 3ème. A aussy le droit Aulnage sur lesd. Marchandises de chasque marchand en laditte Ville et Voirye de Dol, lequel devoir se monte à deux deniers par chascun etallage, duquel droit led. voyer peut luy mesme faire exécuter en pareil droit.

ART. 4ème. De marquer les aulnes des drapiers au jour de lad. foire de saint Sanson et en prendre morceaux et de lever un denier sur chasque marchand sur ce que les dits marchans puissent et qu'il leur soit permis de vendre que premièrement leurs dittes aulnes soient marquées ; et ou les dits marchans contreviennent ils doivent payer aud. Seigr du Gage le Voyer soixante sols monnoie d'amende.

ART. 5ème. Plus a droit de prendre et lever sur les dits hommes qui veulent lever et construire porches en ladite Ville, la somme de cinq sols par chasque pillée après premièrement leur avoir esté, par led. Seigr Voyer, mesuré assiette des dits porches.

ART. 6ème. Plus a droit de se saisir des épaves et choses trouvées en cas qu'elles seront avouées et en a la confiscation.

ART. 7ème. En outre aussy luy apartient les chevaux et biens des personnes en pied qui ont esté pris et arresté en laditte Ville.

ART. 8ème. Mesme aussy avoir droit de commettre la loix de sa jurisdiction de la Voirerye à connaitre des causes de la Ville et voirerye de Dol, tant au réel qu'au personnel et avoir et retenir la quatriesme partie des taux et amandes.

ART. 9ème. Davantage a droit de citter et appeller par lad. Cour de la Voirerye les causes qui, par la Cour dud. Seigr Evesque, son Seigr, sont sujettes par les personnes demeurantes en la ditte Ville.

ART. 10ème. A pareillement droit de prendre le serment des marchands et ouvriers de mettiers, leur delivrer lettres sous son scel dont il est usé à la Cour de la Voirerye et en prendre le devoir acoustumé.

ART. 11ème. A aussy droit de donner le pris du pain aux Boullangers en la compagnye du Chastellain de son dit Seigneur Evesque.

ART. 12ème. De plus le droit de pieds et assise en lad. Ville à cause de sa ditte Voirye, faisant foy de garder les droits de son dit Seigneur.

ART. 13ème. En outre le spécial droit et privillège lorsque son dit Seigr. Evesque fait son entrée et feste en lad. Ville de Dol, de servir de Maistre d'Hostel au diné et à la table de son dit Seigr, durant la première feste et icelle faitte, estre pareillement en droit led. Seigr Evesque de faire promesse aud. Voyer ou son Alloué de les tenir en leur liberté et franchise.

ART. 14ème. Et après le diné dud. Seigr Evesque avoir droit led. Voyer prendre et recueillir les linges de table, autant qu'il s'en est servy pour led. diner à la table dud. Seigr pour led. Voyer les mettre à son profit.

ART. 15ème. Item a droit led. Voyer de presenter en jugement de sondit Seigr Evesque un personnage pour exercer lestat et office dud. Voyer qui s'appelle Alloué avec un Sergent Bannier pour exercer led. Estat tant par lad. Cour de la Voirye que par celle de Dol sans qu'autres personnes puissent exercer led. Estat et office.

ART. 16ème. Comme aussy a droit led. Sr Voyer de rapporter ou faire rapporter par lesdits Alloués…. et amendes de lad. Cour de la Voirerye en chascun an et presenter le rolle d'iceux au Senechal de son dit Seigr Evesque, devant lequel se fait la taxe, led. Alloué present, et lad. taxe faitte, elle ne peut estre diminuée, ou apurement fait d'icelle sans la présence dud. Alloué et des dittes taxes est en droit led. Voyer de prendre et lever la quatriesme partye.

ART. 17ème. De plus led. Voyer confesse devoir par chascun an a sond. Seigr le troisiesme jour après le jour et feste de saint Sanson, un guet et garde à cheval à comparoir devant le Chateau de sondit Seigr et en usera à la manière accoutumée ; et entrés avec led. sieur Blondel sur son requisitoire dans la salle d'entrée dud. pallays episcopal nous avons fait demander Monsieur d'Hercé, Illustrissime et Reverendissime Evesque de Dol pour luy donner lecture du present sous led. offre dud. Sr procurateur de remplir les devoirs dud. Seigr Le Voyer en demandant aussy à exercer ceux qui sont dus aud. Seigr le Voyer. En l'endroit led. Seigr Evesque a comparu en compagnye de deux messieurs de ses Grands Vicaires dont on nous a dit que l'un estait son frère [Note : François de Hercé ; l'autre devait être M. Jean-Hyacinthe Collin de la Biochaye, ou Gilles Deric, docteur en théologie, chanoine et prieur de Notre-Dame de Fougères, qui écrivit l'Histoire ecclésiastique de Bretagne et fut nommé vicaire général en 1767, mais plutôt le premier qui en remplit les fonctions sous Mgr Dondel et Mgr de Hercé] et de N. Me Malo-Julien Olivier, Sr de la Villecunan, seneschal de la jurisdiction de Dol, Me Jan Le Poitevin se disant faire fonctions de Pr fiscal et de Me Placide Dupré, greffier de la mesme juridiction et Louis Legrand, sergent. Et après avoir donné lecture aud. Seigr Evesque de tout ce que devant, de mot à autre et à intelligible voix en presence des cy dessus denommés, led. Seigr Evesque a repondu reffuser le service et l'exercice de drois exigés par le sieur de Lanascol par procureur vu que led. Sieur de Lanascol, comme Grand-Voyer de Dol doit se presenter luy même et en personne à moins de maladie ou aultre legitime empêchement, ce qu'il a reffusé de signer, vu que les juges et officiers raportent leur procez-verbal séparé du present pour la conservation de ses propres drois à luy-même. A quoy led. Sieur de Blondel, procurateur repondant, a dit que si led. Seigneur le Comte de Lanascol et Grand-Voyer de Dol ne se presente pas luy-même et en personne pour l'exercice de ses drois et privilèges a vis dud. Seigneur Evesque de Dol, c'est que l'arrivée de celuy-cy ce fit hyer très tard et sans annonce contre la manière accoutumée et que, d'un autre costé led. Seigneur de Lanascol est party pour voiager à ses affaires dès le trante et un du mois dernier, ce qu'il n'aurait pas fait s'il avait plu audit Seigneur Eveque de Dol le prevenir du jour de son arrivée, declarant au surplus led. Sieur de Blondel aud. nom et qualitté protester contre le procez-verbal desd. juges et officiers dud. Seigneur Eveque et contre tout ce qui pourait se faire et passer au prejudice des drois dud. Seigneur Compte de Lanascol, même requérir une expedition dudit procez-verbal sous les offres de faire delivrer un autant du present aud. Seigneur Eveque lorsqu'il sera passé aux drois, le tout aux frais, risques, perils et fortunes de qu'il apartiendra.

De tout quoy, nous notaires, nous avons raporté le present notre procez-verbal pour valloir et servir aud. Seigneur Comte de Lanascol et aud. Sieur de Blondel, procurateur… sous nos seings, celuy dud. Sieur de Blondel procurateur, sous la réservation par repetition des drois dud. Seigneur Comte de Lanascol ; nous ayant, par repetition led. Seigneur Eveque de Dol declaré ne vouloir signer le present, quoyque de ce interpellé suivant l'ordonnance, après lecture luy faite du tout au chateau episcopal de Dol, sur les cinq heures du soir que nous avons conclu le present.
DE LA COUDRAYE DE BLONDEL. ROBIOU, Notaire royal. COCHERY Rr. Controllé à Hédé le 9 septembre 1767. Reçu douze sols. MACAIRE »
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Comment se termina le conflit et quel sort eut cette protestation ? En présence du refus de Monseigneur de Hercé d'admettre les prétentions du seigneur du Gage, celui-ci poursuivit-il l'affaire et en appela-t-il aux juges ? Nous ne savons. Dans tous les cas, la question n'a plus aujourd'hui qu'un intérêt secondaire et purement historique. Quelques années plus tard, en effet, tous les intéressés dans le litige, sauf M. de Lanascol qui ne meurt qu'en 1813, comme l'objet du litige lui-même, ont disparu. En 1789, le 13 août, tous les droits féodaux ont été abolis ; il n'y a plus de seigneurie ni de seigneur du Gage. Le 1er avril 1791, Monseigneur de Hercé est obligé d'abandonner sa ville épiscopale il n'y a plus d'évêché et par conséquent plus d'entrée solennelle. La Révolution a passé son niveau sur toutes les anciennes institutions, et quatre ans plus tard, le 3 juillet 1795, le dernier évêque de Dol, conduit avec son frère François, qui avait été son vicaire général, et un grand nombre de ses compagnons de Quiberon, sur la promenade de la Garenne à Vannes, tombait avec eux sous les balles des soldats de la République, à l'âge de soixante-neuf ans.

A. ANNE DUPORTAL.

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