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LE DOMAINE DUCAL A MORLAIX ET LANMEUR

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L'essai qui va suivre a pour but, en ramenant quelques instants l'attention sur deux manuscrits relatifs au sujet indiqué, de concourir à la réitération du vœu que ces manuscrits soient intégralement publiés. Le premier date de 1455. Il existe en original dans les archives départementales de la Loire-inférieure. Quant au second, qui remonte seulement à 1679, il est conservé dans celles du Finistère. Les préliminaires et les actes y furent relatés des réformations que l'ancien domaine eut à subir, notamment à Morlaix et à Lanmeur, aux époques mentionnées. Énoncer un tel contenu c'est dire le haut intérêt qu'il présente au point de vue de l'histoire tout à la fois de la province de Bretagne et de la ville de Morlaix. Certains préliminaires s'imposent à raison de l'extrême spécialité du sujet. Ils seront suivis d'aperçus concernant chacun des deux manuscrits. En terminant trouveront place quelques indications bibliographiques. — Elles ont paru n'être pas dénuées d'intérêt et pouvoir aider, pour leur part, à la réalisation du vœu déjà précisé et qui servira de conclusion à la notice.

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I.

L'importance du rôle dévolu comme sources historiques, aux documents légués par l'ancien régime fiscal, n'est plus, depuis longtemps, à démontrer. Où, plus complètement que dans leur teneur, la lumière se fait-elle sur toute une catégorie d'évènements de la dernière gravité, accomplis durant une période en ceci toute déterminée ? On parle de la période qui s'ouvrit, dès le VIIème siècle, par l'émotion populaire contre les registres du cens, survenue dans Tours, d'ores et déjà métropole religieuse de la province, pour finir à peine, vers le déclin du XVIIème, par la révolte dite du papier timbré, si sanguinairerment réprimée [Note : Voir relativement au lugubre épisode tant de l'histoire fiscale que de l'histoire de Bretagne, auquel il est fait ici allusion, les documents et la savante notice naguère publiés par M. l'Archiviste départemental Luzel. (Bulletin de la Soc. archéol. du Finistère. 1887, 2ème Partie, p. 35 suiv.)].

L'exécration qui, du commencement à la fin de l'ancien régime, se déchaîna si souvent contre les taxes publiques de toute espèce, ne laissa pas de rejaillir sur leur histoire elle-même. A l'école, au barreau, dans les rangs judiciaires, à part la classe fort restreinte des légistes dont la collaboration rémunérée et la science furent acquises aux administrations fiscales, cette histoire ne rencontra guère que répulsion. Bertrand d'Argentré, qui eut à se préoccuper des prééminences et droits honorifiques exercés à l'intérieur, voire à, l'extérieur des églises seigneuriales et chapelles tréviales, sujet prédestiné à se faire dans la réformation de 1678-1679, la part véritablement, léonine que l'on verra plus tard, leur garda rancune.

« Il y a, s'écria-t-il mélancoliquement quelque part, peu de Conseils en ces matières pour n'y estre pas beaucoup de gens fort instruits comme aussi peu ils en ont le moyen ». Ultérieurement, Pierre Hévin, de tant érudite et judicieuse mémoire, ne témoigna guère de moins d'antipathie à l'endroit de la fiscalité [Note : Il n’est pas besoin de rappeler que la législation fiscale ne fut pas moins familière que l'universalité du surplus de l'ancien droit à l'un et à l'autre de ces tant célébres jurisconsultes. Voir notamment dans le Commentaire de la coutume de Bretagne par d'Argentré, le titre second : Des droits du prince et autres seigneurs. Art. 51 et s. Quant à Hévin, qui ne connaît ses Questions féodales ?]. Cette disgrâce fut d'ailleurs encourue à raison beaucoup plutôt encore de l'arbitraire sans limites et des exécutions sans merci sur les personnes comme sur les biens des « étreignables », qui, traditionnellement, eurent cours, que des complications et du formalisme à outrance dont la fiscalité du temps demeura hérissée. C'est également ainsi que s'explique dans la presque totalité des publications historiques qui se succédèrent au siècle dernier, le silence gardé tout particulièrement à l'endroit des réformations domaniales de 1455 et de 1678-1679. Malgré les travaux de date récente par lesquels il a été réagi contre une aussi regrettable omission, les documents sur lesquels il y a lieu de revenir restent au nombre de ceux à la teneur desquels un accès de plain-pied est loin d'avoir été frayé. Il ne saurait dès lors être inutile de recourir tout d'abord à quelques indications aussi sommaires que possible relativement : 1° aux origines de l'institution du domaine ducal ; 2° à sa transrormation vers le XIème siècle et à son administration ; 3° à sa consistance dans Morlaix et Lanmeur; 4° aux antécédents immédiats de la réformation qui fut décrétée en 1455.

§ 1er.

Étant donné le sujet de la notice actuelle, la nécessité ne peut guère s'éluder de rétrograder un instant jusqu'aux époques mérovingienne et carlovingienne. Où placer ailleurs, en effet, le berceau de l'institution du domaine ducal ? Ne se confondit-elle point essentiellement avec l'exercice de la suprématie dont bénéficièrent alors dans une étendue plus ou moins considérable de la péninsule armoricaine, les chefs autochtones qui furent, selon les circonstances, les rivaux ou les alliés, voire parfois les tributaires de leurs voisins les rois des Francs en permanence de convoitise d'annexion de la même péninsule ?

Rien de moins éclairci, assurément, même aujourd'hui, que la succession des ducs ou rois armoricains durant les périodes indiquées [Note : « Nous avons recherché l'histoire de Bretagne pendant tant de tempestes ; comme en l'espesseur des nuées au plus obscur de la nuit poursuivi ce qui se pourrait du clair des étoiles, concernant notre intention… pour en faire texte et tissure de quelqu'ordre et disposition intelligible ». D’Argentré, Histoire de Bretagne, p. 122. Ed. de 1608]. Il n'en est point autrement des faits et gestes de la presque totalité d'entre eux, à commencer par les plus célèbres. L'histoire, en ce qui les concerne, n'a été que trop tôt et surtout que trop assidûment primée par la légendaire popularité et par l'inépuisable affluence des récits les plus aventurés.

Néanmoins, quoique une pleine clarté fasse ici forcément défaut, la certitude n'est-elle point que, aux époques citées, toute suprématie dériva par excellence des sources concomitantes qui vont être précisées ?

La première ne fut autre, semble-t-il, que la disponibilité dont les souverains d'alors usèrent, de territoires habités ou inhabités, épars dans les diverses régions de la péninsule. Lorsque cessa la domination romaine, l'étendue des seconds, en particulier, paraît avoir été telle que les immigrations elles-mêmes des Bretons insulaires furent impuissantes à les peupler. Vacants ou non, d'immenses espaces continuèrent donc de constituer le fonds de la plupart des dotations dont bénéficièrent simultanément et en nombre toujours croissant, les membres du haut clergé régulier ou séculier et de la noblesse toute guerrière de l'époque. — Loin d'avoir été inépuisable, ce fonds ne fut, au contraire, que trop souvent épuisé. Il serait d'ailleurs superflu de rappeler, d'une part, que la gratuité ne fut nullement de l'essence des concessions et qu'elles entrainérent tout au moins charge de service militaire, et d'autre part, qu'elles n'eurent longtemps qu'un caractère viager. Est-il besoin d'ajouter que les actes de concesssions datant de l'ère carlovingienne abondent en particulier dans les Cartulaires de Redon et de Landévenec ?

Une seconde source d'influence et d'autorité non moins assidûment ambitionnée que la précédente, ce fut la possession à titre privé du plus grand nombre que possible de terres avec manoirs, fortifiés pour la plupart, et dans tous les cas richement pourvus de dépendances adjacentes tant en cultures ou exploitations de plein rapport, qu'en parcs, bois, forêts, étangs, eaux vives ou marécages, tout spécialement appropriés aux délassements cynégétiques après les labeurs de la guerre. — Ici des textes précis peuvent étre cités. Une nomenclature s'y retrouve des plus notables d'entre les habitations ducales dont il vient d'être parlé [Note : V. Aurélien De Courson. (Cartulaire de Redon). Impr. nat. 1863 ; 1 vol. in-4°. Prolégomènes, p. CCVII et 8].

Enfin, avec et par les traditions de la fiscalité romaine s'était maintenue la perception de taxes dont l'une, à la différence de toutes les autres, semble avoir présenté tous au moins jusqu'à fin de la période carlovingienne, un caractére manifeste de généralité [Note : Cartulaire de Redon. Prolégomènes, p. CCCI et 5].

Au demeurant comment douter que les chefs dont la souveraineté s'affirma plus ou moins avant en Bretagne armoricaine, jusqu'à, la déchéance des carlovingiens, aient été non moins instinctivement enclins et assidus que leurs contemporains les chefs des Francs, à puiser tout particulièrement dans chacune des trois sources qui viennent d'être mentionnées, le secret par excellence, de maintenir et d'accroître au dehors comme au dedans le prestige de leur puissance ? Serait-ce donc que pour atteindre à un tel but l'assistance leur fit plus défaut qu'à leurs émules, d'auxiliaires serviteurs passés maîtres non seulement en familiarité d'usage du latin, mais encore en l'art de ressusciter au bénéfice des maîtres nouveaux venus les enseignements de la fiscalité impériale? L'histoire de la péninsule, s'il en était besoin, protesterait avec non moins d'énergie que l'histoire des rois Francs, contre toute supposition pareille. Ne fut-il pas de l'essence de la législation citée et dans ses destinées d'aider pour sa large part à l'avènement de la civilisation moderne ? La théorie et la pratique du droit romain, spécialement en ce qui concernait les conditions de l’exercice du pouvoir, son unité et ses prérogatives, purent en Bretagne armoricaine comme ailleurs, et l'on serait tenté de dire plus qu'ailleurs, sembler à la veille de disparaître : elles y furent voilées de l'ombre de siècles entiers de décadence et d'anarchie. Mais le réveil survint après une période plus ou moins prolongée.

Spécialement quand il s'agit du régime fiscal, n'est-ce point, s'il était permis de s'exprimer ainsi, formulaires, capitulaires, cartulaires et polyptiques en main, que se peut attester, même en des temps aussi reculés, l'existence de rudiments de comptabilité publique beaucoup moins informes qu'on a coutume assez généralement de le croire ?

Le tant célébre capitulaire de Villis [Note : V. Baluze, Capitularia Regum Francorum. Auto ?. tome I, p. 331 et Pertz Leges] en particulier ne devint-il point la charte de toute gestion régulière d'une résidence ducale ?

A la vérité, toute cour ou chambre des comptes, en œuvre de contrôle des services publics et des régies d'alors, fit défaut.

En outre, Morlaix et Lanmeur étaient encore à naître en tant que juridictions domaniales.

Que l'on ne s'y trompe point cependant. — Non seulement existèrent des lors une administration fiscale et des régies de domaines, mais encore s'entrevit, tout au moins à l'état embryonnaire, l'institution d'une haute autorité de centralisation et de vérification des comptabilités publiques.

§ 2.

La pénombre s'ouvrit où s'agitèrent les convulsions suprèmes de la dynastie carlovingienne, où se succédèrent les dévastatrices incursions des pirates du nord, l'hérédité des fiefs, la dissémination et la localisation de toute autorité de défense ou de protection du territoire ; où survinrent l'érection et la consolidation définitives de l'édifice féodal sur ses assises dès longtemps posées et incessamment étendues.

Peut-être convient-il néanmoins de ne pas exagérer les suites et les conséquences de l'atteinte, trop réelle d'ailleurs et trop manifeste, qu'eut alors à subir l'autorité ducale. Fut-ce donc vainement que Nominoé et ses successeurs immédiats brisèrent à jamais, de leurs mains irrésistiblemeut puissantes, la domination des Francs en Armorique, pour y substituer leur suprématie toute royale, et la tradition ne tendit-elle point à survivre d'une autorité dont la récupération devint le but continu des efforts que tentèrent les plus entreprenants et les plus habiles d'entre les chefs et les conseils des dernières maisons de Bretagne ?

La transformation que le domaine eut à subir par suite de l'évolution accomplie, s'accuse d’elle-même effectivement, pour occuper le sommet de la hiérarchie féodale, les ducs n'en furent pas moins réduits à n'être souvent que plus ou moins nominalement souverains.

Dès longtemps avait cessé, plus ou moins complètement, entre leurs mains, l'ancienne disponibilité de concessions immobilières à titre de libéralités pures ou de rémunération de services.

Est-il besoin de dire que si des données historiques aussi familières à chacun et à tous que celles dont il est ici parlé, sont reproduites en passant, c'est uniquement parce qu'il ne saurait y être trop insisté ?

Dès longtemps donc il n'était plus, en tout l'ancien duché, une parcelle du territoire qui ne fût rentrée dans l'enclave et dans les limites d'un fief ou d'un arrière-fief ayant sa justice propre et pour ainsi dire son gouvernement affranchis de toute autorité centrale.

Par quels liens de foi jurée, par quelles solennités d'hommages enchaîner désormais les feudataires devenus non-seulement les pairs de la maison ducale, mais encore ses compétiteurs latents ou patents, à tout le moins ses protecteurs, souvent équivoques, toujours à l'envie l'un de l'autre, dangereux, intéressés, insatiables, et ne connaissant ou ne consentant, en matière d'impôts, que ceux dont la levée se ferait par préciput, sinon exclusivement à leur profit ? Comment enfin faire place, dans un pareil milieu, à l'alimentation d'un trésor public, à quelque embryon d'un budget quelconque de recettes et de dépenses, même aux rudiments d'une liste civile ?

A la vérité, en ces mêmes temps, eurent cours, pour subvenir aux nécessités financières, maintes expéditions armées, soit au dedans soit au dehors de l'ancien duché, la force primant à tout instant l'empire du droit. Mais ce ne fut là qu'une ressource éphémère, d'avarice ramenée à, la mesure des facultés des populations ou des individus victimes de ces sortes d'exécutions.

En somme, les possessions à titre privé de la maison souveraine, à l'époque dont maintenant il s'agit, furent avant tout, les résidences plus ou moins nombreuses, plus ou moins abondamment pourvues de dépendances rurales et d'ailleurs éparses, comme il a déjà été dit dans les régions plus diverses, qu'il lui fut donné de conserver ou d'acquérir par tous les modes usités. On eût pu dire en toute vérité, d'autant d'ilots incessamment minés et menacés d'immersion par les marées féodales. Enfin, comment oublier que la couronne ducale fut tout autrement encore en péril à l'extérieur qu'à l'intérieur, et que son existence entre les rivalités et les convoitises des royaumes de France et d'Angleterre ne se put guère comparer qu'a une navigation qui souvent défia l'indomptable énergie elle-même de pilotes et d'équipages coutumiers des plus rudes aventures ? Combien d'alternatives de naufrages ne furent-elles pas à conjurer le long de côtes semées de récifs, et comment louvoyer au large en plein déchainement de tempêtes ? Enfin qui ne sait qu'à s'appesantir sans résistance sur la maison ducale au sommet et sur les classes agricoles et industrielles à la base, le régime féodal eût dégénéré en un obstacle permanent à tout essor de la civilisation ? Ne serait-il pas superflu d'ajouter que, dès lors aussi, s'engagea, pour conquérir l'émancipation des liens du même régime, la lutte tant connue qui, lente d'abord et laborieuse à l'excès, devint plus tard aussi active que persévérante ?

En réalité donc, la maison de Bretagne, chefs ou membres, ne détint pas alors à d'autres titres et avec plus de droits que ses vassaux immédiats ou médiats, les fractions de territoire qui demeurèrent ou qui devinrent ses possessions directes et privées.

Étreintes et enserrées ainsi qu'il a déjà été dit, par un ensemble de fiefs limitrophes, quoique variant tant en nombre qu'en importance, elles n'en constituèrent pas moins l'assiette du nouveau domaine par transformation de l'ancien.

Longuement se maintint à l'usage de la maison de Bretagne la toute familiale pratique consistant à circuler alternativement de résidences en résidences, dans le but d'y subsister pour un temps, des produits en nature et des autres revenus de chacune d'elles.

A en croire maints chroniqueurs contemporains et même à lire certains actes officiels, les hôtes de distinction, les officiers de service, les courtisans et plus spécialement encore les intendants, les serviteurs et leur lignée eurent tout autrement intérêt que les hauts châtelains et leur épargne à la durée de la coutume en question.

Quoiqu'il en ait été, un fait hors de controverse, c'est que par la dénomination de palais si pompeusement étalée dans le protocole final d'une foule de titres, il convient de n'entendre généralement que telle ou telle autre forteresse à grands frais érigée en vue d'assauts de toute nature à soutenir, tantôt prise sur l'ennemi du dedans ou du dehors et tantôt récupérée par lui selon les vicissitudes des batailles.

A très bon escient fut tenu pour redoutable autant que redouté le renom de plusieurs d'entre ces sortes de palais. Parfois, en effet, les réalités de l'histoire y rivalisèrent avec les plus lugubres visions de la légende. Ce n'est du reste nullement le cas de s'attarder à les décrire ou à s'enquérir des crimes qu'ils recélèrent. Il doit suffire de constater itérativement que le nouveau domaine ducal en fit autant de centres de son rayonnement.

Une suprématie héréditaire avec la consécration réelle de l'obéissance de chacun et de tous dans l'étendue entière de l'ancien duché, fut naturellement l'ambition plus ou moins ardente ou contenue des maisons qui en devinrent les titulaires. Aucune n'y atteignit. La supériorité de la force exista chez maints compétiteurs et ne cessa de tendre à s'imposer avec alternatives de succès et de revers.

La priorité de rang en fait de noblesse, acheminant à la priorité de commandement militaire en temps d'expéditions, n'en demeura pas moins une sorte de pierre angulaire du pouvoir ducal. La dignité du maître se refléta sur ses subordonnés à tous les degrés de la hiérarchie de leurs personnes ou de leurs emplois depuis les plus hauts dignitaires jusqu'aux subordonnés les plus humbles en leur domesticité. A servir le plus noble au lieu du plus fort et du plus riche, il y eut une émulation qui, sans devenir générale et absolue, — il s'en fallut de beaucoup, l'état social ayant continué d'y faire obstacle, — ne laissa pas d'avoir son efficacité relative. L'histoire ne se borna point à rendre témoignage de cette émulation. Elle l'honora.

Au point de vue de l'administration de la justice et de l'administration fiscale, alors confondues ou plutôt identifiées, la tendance qui vient d'être signalée contribua puissamment à créer en faveur des offices d'institution ducale et au détriment des mêmes offices ne procédant que d'une institution seigneuriale fût-elle du plus haut rang, la préférence qui veut être dès maintenant rappelée.

Ce ne pouvait être et ce ne fut point une préférence attributive, absolument parlant, d'une supériorité à la fois hiérarchique et centrale. Mais, pour n'avoir eu d'abord qu'un caractère tout relatif ou comparatif, cette préférence ne tendit pas moins, dès l'origine, à prévaloir. Elle se fit de plus en plus agressive et envahissante à l'endroit de toutes autres justices ou autorités.

Dans la première venue des possessions patrimoniales, l'agent, si inférieur fût-il, directement commissionné n'en constitua pas moins un représentant de l'autorité ducale et de ses revendications. Tout localisé et tout restreint que pût être ainsi l'exercice de celle-là, il ne s'étendit pas moins, à la poursuite incessante de celles-ci. L'officier ducal ne fut pas moins comptable des bénéfices de cette poursuite que du surplus des produits exigibles dans le ressort de sa juridiction, produits en nature, cens ou cheffrentes, en un mot perceptions foncières de toute espèce. Il eut en outre à exiger, dès la même époque et par surcroît, diverses taxes récognitives de la suzeraineté ou à destination de services d'intérêt général et non pas seulement d'intérêt local. Ce fut d'ailleurs avec subordination à une autorité centrale, que le même officier eut charge de cet ensemble si complexe de recettes et de dépenses.

Quelee prolongés qu'aient été déjà les préliminaires de la notice, ils exigent un complément.

En effet, ainsi que la constatation en a été faite, l'institution ultérieurement devenue si célèbre sous la dénomination de Chambre des Comptes de Bretagne et dont néanmoins, l'histoire reste à publier [Note : Une utile monographie a bien paru sous le titre Histoire de la Chambre des Comptes de Bretagne. — Paris. Siguy et Duprey. 1854, in-8° VI, 446 p. Mais l'ouvrage a-t-il répondu à ce titre, aux intentions de son honorable auteur (M. De Fourmont), et aux légitimes exigences du public instruit ou à instruire ? Il y aura lien de faire succéder plus loin sous ce rapport, une seconde annotation à celle-ci], exista en germe dès le XIème et le XIIème siècles. Il y fut alors préludé, très imparfaitement, il est vrai, surtout au début de cette période, par la tâche qu'accomplirent relativement à l'administration des domaines et droits divers, certains d'entre les familiers de la maison ducale. De ce nombre furent, il ne faut pas l'oublier, des membres du haut clergé et non pas seulement de la haute noblesse.

Sans doute, en ceci, l'obscurité demeure d'autant plus irrémédiable qu'alors encore l'écriture tendit à peine à franchir l'enceinte des monastères ou des chancelleries des évêchés, des chapitres et des églises les plus notables. — Cette obscurité toutefois n'est point tellement épaisse qu'elle ne laisse pas apercevoir l'existence de prédécesseurs des mêmes conseillers qui, à dater du XIIIème et surtout du XIVème siècles, furent désignés sous le titre de gens des comptes.

Cortège forcé des chevauchées guerrières ou pacifiques des ducs leurs maîtres, ces sortes de familiers accoutumèrent, comme il est permis de le répéter ici, de faire preuve d'un dévouement non seulement rival de celui de l'élite de la chevalerie d'épée, mais encore tout autrement assidu et surtout éclairé. Leur tâche comporta, de son essence, à défaut de popularité, dans les rangs d'une cour encore fort primitive, un esprit de suite et une connaissance du droit et des éléments de la comptabilité qui firent au contraire essentiellement défaut à une oligarchie belliqueuse partout et quand même, d'ailleurs suspecte d'indiscipline, de versatilité et d'une ambition sans limites.

Vient-on à passer des personnages alors en possession d'administrer les domaines et revenus ducaux, aux instruments dont la mise en œuvre fut nécessitée par cette administration si rudimentaire qu'on la supposer ?

Ici encore, même en l'absence de documents formels et précis, se révèle, ne serait-ce que par l'inéluctable exigence des choses, l'installation au service tant de l'ancien duché que de chacun des domaines dont ses souverains y furent possesseurs, de toute une série de greffes et d'archives pour la rédaction, l'expédition et la garde d'écritures sur parchemin de jour en jour plus nombreuses, en latin d'abord, et Dieu sait quel latin ! qui insensiblement fut remplacé avec toutes sortes d'avantages par les protocoles officiels en langue française. Là s'étalèrent à l'état d'essais plus ou moins informes d'abord, les actes de toute espèce, tels entr'autres que les déclarations, les aveux, les dénombrements, les pactes, les jugements et les liquidations qui s'imposèrent pour le fonctionnement du régime fiscal. La sigillographie elle-même ne laissa pas d'y poindre : la sigillographie si décriée à l'origine comme une innovation pernicieuse [Note : Dom Morice, Preuves, I. col. 480 (fin du XIème siècle). « Joannes… Dominus Comburnii decrevi omnia quæ dederunt antecessores mei ... sigilli mei munimine confirmari.... nunc filii scœculi prudentiores filiis lucis in generatione suâ facti... »] pour les chancelleries seigneuriales dont elle devait rester, en dernier lieu, l'une des rares et suprêmes ressources. L'épanouissement, si rapide et si continu jusqu'au déclin du moyen âge, de la luxueuse authenticité à laquelle concourut par excellence l'art en question, ne fut pas sans susciter des critiques. Chacun se souvient qu'elles se multiplièrent avec et par l'émulation dont sa mise en pratique donna le signal. Celle-ci fut à tort ou à raison, plus souvent, peut-être à raison qu'à tort, réputée tout autrement profitable aux scribes ou cancellistes des juridictions ducales qu'aux parties intéressées. Ce fut ainsi que, destinée à épuiser les garanties d'autorité et de conservation tout ensemble, à l'endroit des actes solennels, la sigillographie contribua inconsciemment, lors de la survenance du nouveau régime, à surexciter le déchaînement des fureurs de destruction qui, à l'irréparable détriment de l'histoire, s'acharnèrent contre les plus précieux de ces documents. Le sort des chefs-d'œuvre de calligraphie autrefois usités en régime fiscal, fut d'ailleurs de courir, plus spécialement encore que tous autres monuments similaires, les périls de ces sortes d'abolitions.

Il importe sans anticipe autrement sur l'histoire de la Chambre des comptes, de maintenant s'enquérir de la provenance des domaines de Morlaix et Lanmeur.

Il doit néanmoins être ici rappelé que, dès l'origine, qu'en d’autres termes, antérieurement à l’annexion à l'ancien domaine, les perceptions d'ores et déjà en usage dans celui ci, comprirent, indépendamment des produits de toute espèce réalisés sur les propriétés dont la maison suzeraine y fut en possession à titre privé, maintes taxes récognitives des « noblesses et autres droicts royaux et ducaux ».

Il est vrai que la formule ici reproduite ne se lit guère que dans les titres postérieurs au XIIème siècle. Mais elle n'en comporte pas moins rétroactivité en ce sens que, dès lors, préexistèrent, ne fût-ce qu'en partie, les taxes ou devoirs l'ensemble desquels elle se référa.

§ 3.

Dans l'une des anfractuosités hérissées de récifs, du littoral situé le plus à l'occident de la presqu'ile, un hâvre s'ouvre profond et sinueux [Note : La transformation, poursuivie depuis près d'un siècle, du port et du hâvre de Morlaix, se continue par des ouvrages d'art remarquables à tous égards et en harmonie avec l'importance et la prospérité croissantes de la ville actuelle]. Au nord y descendent les pentes abruptes et rocheuses d'un plateau qui fut longtemps couronné de forêts.

Sur une déclivité du même plateau exista de toute ancienneté la forteresse disparue d'où Morlaix prit origine. Position stratégique longtemps réputée d'une haute importance, elle domina tout à la fois l'extrémité intérieure du hâvre et la spacieuse vallée dont les eaux y subissent l'action des marées. Cette vallée fut séculairement le chemin de l'ennemi du dedans, eu marche vers l'Océan. L'accès maritime en devint beaucoup plus funeste encore aux populations de la contrée. Ouvert à tous ennemis du dehors, et d'une défense difficile, la navigation commerciale qui devait y atteindre à tant de prospérité, ne cessa guère d'y être de siècle en siècle à la merci des entreprises dévastatrices et meurtrières dont le souvenir s'est perpétué.

Tout en se bornant ici, quant aux origines fort obscures de Morlaix, à mentionner les savantes recherches dont elles ont fait l'objet [Note : Entre toutes veut être citée l'excellente publication devenue trop rare et sur laquelle il y aura retour, intitulée : Histoire de Morlaix, par Joseph Daumesnil, ancien maire, annotée par M. Aymar De Blois (l'ancien bénédictin), continuée et publiée par M. Allier, bibliothécaire de la ville. Morlaix, Lédan. 1879, in-8° 551 p], il importe d'emprunter à divers documents contemporains, un aperçu des circonstances curieuses et instructives à tous égards où survint son annexion au domaine ducal. Elles ont êté du reste précisées à souhait, d'abord par dom Lobineau [Note : Histoire de Bretagne, t. I. Livres XII et XV] et plus tard dans la publication de date récente à laquelle il a été fait allusion [Note : Histoire de Morlaix, chap. XXXVIIème, p 516-517]. Relativement à la période antérieure à la fin du XIIème siècle tout peut et doit se réduire à la mention suivante : Depuis la cessation de l'occupation romaine, Morlaix, après n'avoir été longtemps qu'un point presque inaperçu dans le vaste espace de l'ancien Léonais, devint un château-fort (avec dépendances rurales et même, relativement parlant, urbaines), qui, dès cette même époque (fin du XIIème siècle), ne laissa point d'avoir sa sérieuse importance [Note : Histoire de Morlaix, chap. I, p. 14].

Même encore alors la vassalité des vicomtes de Léon s'était maintenue beaucoup plus nominale que réelle. Précédemment, ses liens, à les tenir pour existants en droit, avaient été le plus souvent, de fait, contestés, méconnus, rompus selon l'évènement, tantôt de traités plus ou moins dépourvus de sanction efficace, et tantôt de prises d'armes à succès variables. Chacun sait en effet que, à maintenir leur indépendance, voire à prétendre au duché lui-même, les tant belliqueux et tant redoutés vicomtes ne déployèrent, pas moins d'obstination et ne connurent pas plus de scrupules de conscience que les anciens ducs à faire prévaloir leur suzeraineté.

Le conflit et sa durée furent dans la nécessité des situations respectives. Effectivement, à part la communauté de langage et de religion, que pouvaient avoir de commun avec le surplus de la péninsule, même bretonnante, les populations de sa région la plus occidentale et leurs chefs héréditaires, voire homériques dirait-on volontiers ? S'agissait-il du régime agraire ? Là se perpétuaient avec la ténacité la plus granitique dont il pût exister mémoire, des coutumes ou usements retenant de l'antique adscription à la glèbe et des liens les plus étroits du servage, une empreinte qui, partout ailleurs, tendait d'ores et déjà à disparaître de plus en plus ? [Note : Relativement aux mottoiers, aux Taillis, aux quevaisiers, voir dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère. Mars 1885 2ème partie, l'essai intitulé : L'Abolition de la Quevaise au Relecq. V. aussi les curieuses enquêtes de 1410 et 1411 dans Dom Morice, Preuves, t. I, col. 849 et suiv.]. S'agissait-il de la noblesse, autant et plus belliqueuse si la chose eût êté possible, en Léonais que partout ailleurs ? Traditionnellement enrôlée sous la bannière des vicomtes, à l'exclusion de toute autre, elle tenait à leur service de terre ou de mer les combattants les plus aguerris en même temps que les moins policés de l'ancien duché.

L'importance de pareils contingents et de leur disponibilité permanente ne put manquer d'être insinctivement redoutée par les ducs et par leurs conseillers. Elle n'échappa point davantage à la politique des rois de France et d'Angleterre. En tant que domaine des vicomtes de Léon, Morlaix, sa forteresse et les habitations adjacentes ne laissèrent point de présenter dès le début du XIIème siècle une certaine consistance [Note : Saint-Mathieu, paroisse la plus ancienne de Morlaix, qui dépendait de l’évêche de Tréguier, et fut fut ultérieurement transférée par le duc Jean II à Notre-Dame du Mur, exista dès avant 1110. Elle fut l'un des prieurés de la célèbre abbaye du même nom (V. Histoire de Morlaix, p. 304-305). En mars 1128, l'un des vicomtes qui eurent nom Hervé, concéda aux moines de Marmoutiers la fondation du prieuré de Saint-Martin avec ses dépendances : « Cimiterium etiam et Burgum a loco illo ubi separatur Burgus cujusdam Reharladhri, a meo Burgo. Idem meum Burgum do ego cum meis hominibus qui ibi sunt ». Donation confirmée par les évêques Galou et Raoul de Tréguier (Dom Morice, Preuves, I, col. 558. NOTA. — Les références aux preuves au lieu d'être seulement indiquées par les initiales D. M. P. en ce qui concerne Dom Morice, et D. L. P. en ce qui concerne Dom Lobineau, seront pour plus de clarté maintenues avec et par la reproduction en toutes lettres des mots à citer].

Dans la seconde moitié du même siècle s'engagea pour ne cesser que dans le cours du XIIIème, la lutte qui eut pour résultat d'abord un partage ou fractionnement imposé du Léonais en deux vicomtés, puis l'annexion progressive de ses plus notables seigneuries au domaine ducal. La possession de Morlaix, en particulier, continua d'être disputée les armes à la main. Conan IV dit le petit l'avait briguée. Geoffroi II qui lui succéda en 1169 et qui fut le promoteur de la tant célèbre assise successorale au souvenir de laquelle son nom se rattache [Note : L'un des vicomtes de Léon fut au nombre des adhérents avec serment (Dom Morice, Preuves, t, I, p. 705], parvint avec l'assistance puissante du roi d'Angleterre, Henri II son père, et au prix d'une longue succession de traités et surtout de combats, à se nantir de Morlaix [Note : V. relativement à ces hostilités Dom Lobineau, t. I, I. V p. 154 (annéé 1163); 156 (année 1169), 158 (année 1172), 164 (année 1179), 172 (année 1187). V. aussi Dom Morice, Preuves, t. I, p. XX et XXI]. Par les efforts que tentèrent pour sa reprise les vicomtes Hervé II et Guyomar VI et que continuèrent sans plus de, succès leurs successeurs immédiats, se mesure l'importance de la possession qui fut si longuement et si âprement, de part et d'autre, convoitée.

En vue de la même occupation, les préposés à l'administration du trésor ducal ne tardèrent point à user d'une tactique plus lucrative et non moins efficace que la supériorité des armes elles-mêmes dont ils furent loin d'ailleurs de répudier l’assistance. Cette tactique est à rappeler ici. Elle mit en singulier relief, quant à ce dont il s'agissait, l'habileté d'ores et déjà consommée des conseils et des agents financiers de la couronne. Sur les champs de bataille, la lutte, quoique devenue de plus en plus inégale, n'avait point encore exclu toute éventualité de vicissitudes favorables aux vicomtes. Il n'en était plus ainsi quant aux finances. A leur endroit le trésor ducal n'admettait plus, en Léon, que les capitulations à merci. Telle devenait, d'ailleurs, chez le plus fort la préoccupation du but poursuivi, c'est-à-dire l'extension continue et indéfinie du domaine et de ses prérogatives, qu'elle ne laissait que peu ou point de place aux scrupules en ce qui concernait les moyens d'atteindre à ce but. La chevalerie ès lois au service de la fiscalité ne se fit nullement en ceci l'émule de la chevalerie armée.

D'après les chroniques et surtout d'après des actes d'une irrécusable authenticité, chez los anciens comtes devenus vicomtes de Léon, les traditions de père en fils et d'oncle en neveu, furent d'autant moins soucieuses d'une bonne administration des domaines patrimoniaux et de toute épargne, qu'elles accusèrent plus de ténacité en fait d'indépendance altière et d'humeur belliqueuse.

Fut-ce merveille qu'en leurs maisons l'obération n’eût guère tardé à devenir chronique, à se faire une destinée, à compromettre à la fois et le présent et l'avenir ? Évidemment non.

Pouvait-il être en effet et fut-il, à l'extérieur et surtout à l'intérieur du Léonais d'alors, perceptions, taxations, exactions, même avec appoint de pillage, assez productives pour défrayer la permanence de l'état de guerre où, professionnellement, pour ainsi dire, s'écoula toute la vie des tant effervescents vicomtes ?

Fut-ce davantage merveille que plus tard le discrédit, le désordre et la détresse de la maison dussent atteindre à leur paroxysme par le faste et les prodigalités d'un successeur (Hervé V) dont la mémoire en demeura légendaire ? Or royal, or ducal, peu importa tant à l'incorrigible débiteur qu'à ses créanciers de Bretagne ou d'ailleurs, non moins rebelles, fut-il prétendu, aux censures religieuses elles-mêmes qu'aux inhibitions des lois civiles [Note : Il n'est ignoré de personne que l'héritage des Lombards et des Juifs qui si longtemps et en si grand nombre établis dans les villes ducales les plus notables, y furent en dernier lieu foudroyés de tant d'anathêmes, ne laissa pas de rencontrer maints participants, à tout le moins sous bénéfice d'inventaire, dans les rangs de commerçants, de joaillers entre autres, d’une irréprochable orthodoxie. Ceux-ci à leur tour héritèrent largement de l'animadversion alors inhérente à la spécialité de gain dont il s'agissait. (V. en tout ceci notamment Dom Lobineau, t I, 215, 216, 242, 163, 164)].

Finalement avec lui se succédèrent vertigineusement contre numération de deniers comptants, pactes sur pactes, de tous temps, en tous pays et en tout état de législation à l'usage de prêteurs avisés et d'emprunteurs en péril de saisie de leur corps et de leurs biens tout ensemble. Ce furent entre autres les cessions ou engagements de Brest (1239), de la coutume de saint Mahé avec exercice du droit au bail (1265) et maintes acquisitions similaires. Aussi, en 1267, un sénéchal eut-il à compter en trésorerie ducale, des revenus d'un domaine Léonais et spécialement de l'exercice qui y eut lieu, du droit de bail non encore converti en rachat [Note : V. pour cette conversion édit. de janvier 1276. Cité par Dom Lobineau, t. I, p. 271, n° LXXVIII]. Le renom des ducs Pierre Mauclerc et Jean Le Roux, son fils, est controversé. Toutefois le mérite ne leur saurait être contesté, d'avoir consommé l'annexion de Morlaix à la couronne ducale [Note : V. dans Dom Lobineau (t. I, p. 273, n° LXXX) Sommaire très concis, mais non moins remarquable de l'histoire de cette annexion. Doivent également être consultées en ce qui concerne cette histoire les annotations fort érudites de Dom Aymar De Blois, à la page 15 de la monographie déjà citée de Daumesnil (Histoire de Morlaix)]. Ils se complurent dans leur conquête.

Du séjour que tous deux y firent datèrent la célébrité relative de Morlaix et sa rivalité avec les résidences demeurées jusqu'alors le plus en faveur.

L'intéressante monographie dont il a déjà été fait mention à diverses reprises contient un précis des événements de guerre dont Morlaix fut le théâtre, depuis l'annexion accomplie jusqu'à la fin du XIVème siècle. Peu de périodes furent aussi cruellement agitées dans l'étendue entière de l'ancien duché. Le conflit entre les maisons de Montfort et de Blois devint tout particulièrement fatal à la naissante prospérité du havre et de la ville (Histoire de Morlaix. p. 517 à 520).

Comme il a été dit plus haut, le mutisme des chroniques contemporaines relativement à l'installation et au fonctionnement de la régie du nouveau domaine ducal au cours de la même période, s'explique par la pénurie de sources d'une nature aussi spéciale et d'une date aussi lointaine que celles dont il s'agit ici. Les documents qui rentrent même indirectement dans une telle sphère, n'apparaissent guère avant le XIVème siècle, et c'est seulement, à vrai dire, dans la première moitié du XVème, que cesse leur rareté.

Il faut maintenant descendre brusquement jusqu'à l'année 1394 pour revoir le manoir de Morlaix et son parc. Après plus d'un siècle y ressuscitèrent l'hospitalité ducale et les exploits cynégétiques autrefois et longtemps si chers aux ducs Pierre Mauclerc et Jean Le Roux [Note : Dux... cum paucis de suis familiaribus, apud villam de Montis Relaxi abiit et ibidem diu sejornavit curamque suam circa venationes per montana et nemora exposuit. Chronicon Brioc. (V. Histoire de Morlaix, p. 15-16)]. Ces sortes de délassements alternèrent, comme on le sait, avec les combats de la veille en expectative de ceux du lendemain. Les festins d'honneur s'y associèrent où, d'après les chroniques, la devise fut autre que la tempérance. Domaines et intendants n'existaient-ils point précisément dans le but de pourvoir aux exigences de l'hospitalité la plus large et de la meilleure chère que possible ?

Avec l'année consacrée par les souvenirs évoqués ici, s'ouvrit, selon toute vraisemblance, l'ère du passif en progrès continu qui, en 1455, nécessita une première réformation du domaine.

Il ne reste plus, avant de présenter un aperçu de cette première réformation, qu'à compléter par quelques indications les préliminaires qu'il a paru exiger impérieusement.

§ 4.

Comme il a été rappelé plus haut, les gens des comptes avaient eu à connaître, dès 1269, de la régie des terres, des seigneuries et des droits annexés en Léon au domaine ducal [Note : La présentation des comptes qui concernèrent entre autres domaines celui du Léonais, eut lieu à Musillac. Dès lors y exista sinon un siège fixe à l'usage des gens des comptes encore tenus alors par leur office même, de suivre de résidence en résidence et de chevauchée en chevauchée, la cour ducale, au moins un important dépôt d'archives qui fut ultérieurement anéanti par un incendie].

Depuis lors l'institution ne s'était pas seulement affermie, Elle avait rapidement progressé. En possession, d'une autonomie et d'attributions incessamment accrues, épiant et saisissant avec autant d'habileté que de persévérance toutes occasions d'étendre partout et à tout la suzeraineté ducale, les gens des comptes avaient, dès avant la fin du XIVème siècle, réussi à se frayer l'accès d'une autorité devenue rivale de celle du Conseil, du Parlement et des États eux-mêmes, institution alors en pleine voie de prépondérante toute relativement récente qu'elle fût encore. La centralisation et le contrôle des recettes et dépenses, ainsi que des aveux, des dénombrements et des titres constitutifs de la gestion, la décision souveraine du contentieux en le matière, la surveillance des agents comptables à tous les degrés de leur hiérarchie, l'exercice à leur endroit de l'action publique ou disciplinaire, n'advinrent pas seuls entre les mains des gens des comptes. Ils s'enquirent par surcroît, de l'emploi non-seulement de tous fouages ou aides perçus dans le duché, mais encore de tous droits sur les marchandises à l'importation ou à l'exportation. Les mêmes gens des comptes se saisirent en outre, avec le temps, de la connaissance de tous privilèges ou titres de noblesse en tant que dispense de tailles ou autres impôts. Pénétrant encore plus avant dans la sphère à laquelle il est ici fait allusion, la Chambre des comptes en vint à se faire, ou tout au moins à être constituée la promotrice ou l'exécutrice des réformations nobiliaires, acheminements ou préludes de plus en plus redoutables et redoutés aux réformations domaniales. Leur tâche enfin, et ce ne fut point sa moins rude partie, comprit aussi, à l'époque indiquée, enquêtes sur enquêtes, négociations sur négociations diplomatiques près des cours de France et d'Angleterre, tour à tour, voire ensemble, selon l'exigence des cas, à l'effet de maintenir les revendications les plus légitimes de l'autorité ducale [Note : V. indépendamment de l'enquête sur les droits des barons et du duc Pierre Mauclerc (1234) citée dans Dom Morice, Preuves. t. II, p. XXI in fine et XXII : 1° L'enquête spéciale aux droits de motte en Léon, intervenue de 1410 à 1411 entre les procureurs ducaux et ceux du vicomte de Rohan. Ibid. p. 849 et s., 2° les enquêtes sur les droits des ducs et de l'ancien duché en 1455. Ibid. 1651, et s. et Dom Lobineau, Preuves, t. II, p. 661 et s.]. L'ennemi du dedans et du dehors s'acharnait, en effet, à multiplier pour la restreindre, la supplanter ou la détruire, tantôt les assauts de vive force, tantôt les siégea avec travaux de mine, encore plus dangereux.

Les compétitions, insurrectionnelles toujours et si souvent à main armée, de certaines familles et leurs attentats sont gravês dans toutes les mémoires. A plus forte raison en est-il ainsi de la permanence des convoitises, en particulier, de la Royauté française et de ses croissants empiètements.

Au XIVème et au XVème siècles, les gens des comptes se montrèrent donc les défenseurs nés, les infatigables défenseurs des droits des duc, et de ceux du duché. Ils furent, à tous égards, les dignes ancêtres de la célèbre compagnie souveraine qui, sous le règne de Louis XIV et depuis, sut acquérir une autorité et une considération qui ne se doivent point oublier.

Il y aurait sans doute illusion à dire ou à croire qu'une auréole quelconque de popularité ait oncques rayonné sur l'institution. Le contraire précisément est la vérité. Plus d'une autre ombre se projeta d'ailleurs sur le tableau. L'ancien régime domanial et fiscal n'encourut en effet que trop souvent, hommes et choses, les sévérités de l'histoire. Il ne vit pos moins à l'œuvre des légistes et des administrateurs à qui elle ne doit pas dénier l'éloge. Dès lors existèrent, ne fût-ce qu'en germe, les traditions d'ordre intérieur et de comptabilité en fait de maniement de deniers publics, les precédents, la jurisprudence, en un mot, les éléments primordiaux et les bases fondamentales de la réglementation, encore plus suivante que compliquée, dont les monuments ont survécu, tout prédestinés qu'ils fussent de leur nature, ainsi qu'il a déjà été dit, au péril de lacérations ou d'incinérations fortuites et surtout voulues [Note : C'est le cas ou jamais de revenir ici sur l'annotation déjà mentionnée, pour la compléter au moins en partie. Entr’autres textes relatifs à la composition de la Chambre des Comptes, de 1402 à 1455. (Voir Dom Morice, Preuves, tome II, 725. Dom Lobineau, Preuves, tome II, 811, 815, 816. Dom Morice, Preuves, tome II, 745. 746, 1066, 1371, 1397. Comme on l'a déjà fait pressentir, ces indications paraissent avoir avec beaucoup d'autres échappé à l'honorable M. De Fourmont. Sa Monographie ne contient non plus aucune mention de la si importante publication du maître des Comptes, Arthur De La Gibonais, intitulée : Recueil des édits, ordonnances et réglements concernant les fonctions ordinaires de la Chambre des Comptes de Bretagne, (Nantes, Querro, 1721. in-folio). Œuvre du plus haut intérêt et dont les exemplaires sont devenus plus que rares].

Ce fut ainsi que, du commencement à la fin de la période qui précéda immédiatement la réformation de 1455, la notion, s'il est permis de s'exprimer ainsi, du domaine ducal revêtit dans nombre de titres publiés ou demeurés inédits, une précision tout au moins relative. Il est à ce sujet quelques lignes dont l'emprunt à des actes contempérains remplacera avec tout avantage une définition qui serait forcément incomplète et d'autant plus périlleuse.

Voici tout d'abord, relativement à la consistance d'un domaine privé d'alors, une description juridique à ne pas négliger. Elle se lit dans l'acte très solennel de la cession que Jehan d'Alençon consentit en 1429, de la baronie de Fougères à Jean V au nom et comme duc de Bretagne « et à Messire Eder (un éminent intendant trésorier) au nom des prélats, barons et Estats dudit duché ». Cette consistance s'entendait des « chasteau, chastellenies, terres et baronies avec toutes et chacunes leurs appartenances et dépendances, tant en rentes par deniers cens et coustumes, bleds et poulailles et autres servitudes et tous autres debvoirs, eaux, moulins, pescheries, bois, foretz, terres, prez, manoirs, distroits, juridictions, hommages, fiefs, obéissances et autres droits héritels seigneuriaux quelconques » [Note : Voir aussi partage donné à Arthur De Richemont (1440) dans Dom Morice, Preuves, t. II, 1332 et suiv.].

Quant à l'énumération des « droits royaux et duchaux, souverainetés et noblesses », il y a lieu de l'emprunter notamment au partage ducal du 25 août 1440. Dans ce partage furent mentionnées, outre la consistance d'un domaine privé, conçue en termes identiques à ceux qui viennent d'être reproduits : « La garde des églises, sauvegardes, connaissances de monnoyes, de grans chemins, ports de mer, bris, peczoy [Note : Ou Pecoy, droit de bris, rigoureusement perçu surtout en Léon. Voir. Enquête 1235 « Radulphus, canonicus..... dixit quod Comes Alanus et Leonenses habebant Laganum in terris suis..... Guidomarus Leonensis jactabat se quod habebat lapidem unum pretiosiorem omni lapido pretioso, qui valebat illi singulis annis centum mille solidos ; et intelligebat de Saxo a quo trangebantur naves... Barones debent habere Peceium navium (Dom Lobineau, p. 384-385). La teneur du document reproduit par Dom Lobineau, Preuves, t. II, 410 est à compléter par le texte suivant (Voir Dom Morice, Preuves, t. I, 1006-1007) : « Riocus de Penros, senescallus Leon habuit… Die Domini in festo Beati Bartholomœi apud Mesvillac comp. Riocus de Penros Senesc. Leon de deuariis crucis de collectoribus Leon..... de vice Comite Léon.... de. Nuz de Leon ». Au nombre des taxes ducales, figurent dans les écritures des autres comptables, celles qui fureut alors perçues sur les Lombards établis à Nantes, à Quimperlé, à Quimper et à Rennes. Quant à ces derniers, le receveur ducal les désigna par la dénomination méprisante Caorsina, créée ad hoc] et ce que la mer encœuvre et decuœuvre ez plus grands marez de l'an » [Note : Les gens des comptes et administrateurs du domaine ducal continuèrent, comme on le voit, de mériter de plus enplus une participation à l’éloge que l'infatigable rimeur sains André décerna à l'archidiacre du Désert ; qui « de droit disait maint latin » (Dom Morice, Preuves, t. II, 355.) Voir surtout testament de Richard de Bretagne, comte d’Estampes de 1425 (Dom Lobineau, Preuves, 1062-1063)].

Dès lors d'ailleurs exista aussi, notamment à l'usage des ports du Léon, le droit ducal fort important connu sous la dénomination de droit de brief ou bref, c'est-à-dire de convoi, de police et de protection des vaisseaux marchands entr'autres [Note : Dom Morice, Preuves, t. I, 793-794].

Restent à préciser aussi rapidement que faire se pourra, les antécédents immédiats de la première réformation.

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II.

Dom Morice, profitant de la libéralité dont les États firent preuve à son endroit et que ne rencontra point Dom Lobineau quoiqu'il fût tout autrement méritant, dota l'histoire de Bretagne de la série de documents dont chacun connaît l'ampleur. L'affluence en ceci n'est, bien entendu, nullement à regretter, malgré certains défauts patents de sens critique. Ce fut, en particulier, à profusion et avec une visible prédilection que s'y étalèrent les textes de toute nature, commémoratifs des splendeurs de la maison de Bretagne durant l'ère qui fut celle de Jean IV le Conquérant, de Jean V et des deux fils à qui fut transmis son héritage, à savoir François Ier, de fratricide mémoire et Pierre II qui décréta la première réformation domaniale.

A la lecture de tant de documents qui semblent avoir été tout exprès accumulés en vue d'une sorte de mirage, l'horizon historique s'illumine. Oncques, de mémoire bretonne, n'exista dans le vieux duché pareil faste s'associant à autant de puissance. L'auréole, dont séculairement rayonnèrent les fronts des Nominoé, des Salomon, des Erispoé, des Alain Rébré et autres illustrations de l'histoire ou de la légende, en pâlit, si elle n'en fut pas éclipsée. Plus que jamais les ducs avaient, en effet, continué de n'être point seulement les alliés, mais de se faire les rivaux des maisons alors en permanence de compétitions de trônes. A la vérité, durant la même période, éclatèrent à l'intérieur les perfidies les plus périlleuses et, entre toutes, la conspiration dont Jean V ne triompha que par l'héroisrne de la presque unanimité d'une noblesse qui rivalisa de fidélité comme de vaillance. Le Tiers- État et les populations elles-mêmes participèrent d’aileurs du même élan. Enfin, du dehors, survinrent, spécialement à Morlaix, des invasions déprédatrices. Néanmoins s'éloignaient de plus en plus les inénarrables ravages des guerres de succession, tandis que persévéraient les évolutions de la politique ambidextre et toute d'instinct dont la dynastie ducale se vit forcée d'user à l'endroit des rois d'Angleterre qui triomphaient et de la couronne de France alors en perdition.

Dans les preuves éditées par dom Morice ce ne furent donc qu'extraits d'états de maison ou de comptes descriptifs de solennités dont la répétition y devint presque vertigineuse. Ce ne ne furent que relations officielles d'entrées, de tenues d'États, de fédérations de noblesse : ce ne furent qu'ambassades sur ambassades à défrayer, qu'institutions sur institutions d'ordres de chevalerie, que fêtes, que tournois, qu'épopées hippiques ou de vénérie, que navigations sur navigations entre la Bretagne et l'Angleterre. Bien plus fréquentes encore furent les mentions de voyages entrepris au-delà des marches ducales et dans toute l'étendue de la France, de chevauchées tantôt de guerre, tantôt d'ostentation plus ou moins exigée. Non moins fidèlement se succèdent les notices indicatives du personnel de la maison, les revues, les montres et les acquits de solde des chefs de compagnies ou d'armées. Plus complaisamment encore furent énumérés les inventaires du contenant et du contenu, en fait de trésors ducaux, tels que joyaux vaisselle d'or et d'argent, armes de toutes provenances, objets d'art de toutes catégories, costumes, étoffes, fourrures du plus haut prix. Enfin, non moins abondamment y figurent les ameublements décoratifs de châteaux ou manoirs, tels entre autres que Sucinio, que l'Hermine, que l'Estrainil et que Nantes et tant d'autres, séjours dont le renom, comme il a déjà été dit, fut tout autrement sombre encore que l'aspect. L'entassement de textes ne devint pas moindre au sujet des comptabilités tenues par les argentiers, trésoriers généraux ou particuliers, par les receveurs, par les liquidateurs de la maison ducale. Pas un nom de partie prenante omis sur les feuilles de gages, de pensions, de gratifications, d'étrennes, en un mot de rémunération aux, titres les plus divers. Que de parties prenantes et parfois quelles parties l L'énumération en est à lire et non à citer.

Tout ce qui vient d'être rappelé, résulte de preuves qui sont l'authenticité même. Mais l'authenticité est-elle moindre des autres textes publiés ou inédits où se révèle toute l'intensité de la détresse qui ne cessa guère un seul instant de contraster avec le faste dont l'éclat vient d'être entrevu ? Les chroniques de l'ancien duché ne se bornèrent point à narrer la prise en gage, à Paris, de la personne même du vicomte de Léon, Hervé VI [Note : Là, en effet, certains vendeurs de chevaux de race dont, en connaisseur expert, le vicomte avait prisé toute la valeur, se courroucèrent, fut-il prétendu, de ce que le départ de leur marchandise pour les haras du Léonais eût anticipé tout règlement du prix]. Il est en outre attesté par les mêmes chroniques et, qui pis est, par des actes administratifs, voire législatifs, solennels et géminés, qu'il ne fut guère de duc qui put échapper au reproche d'avoir levé « un estat trop plus grand que à celuy n'appartenait » [Note : Voir Mémoire des héritiers de Gilles de Raiz. (Dom Lobineau, Preuves, 1068). Parmi les pérégrinations qui, sans parler des excursions et des séjours à Paris en Angleterre ou en Picardie, contribuèrent le plus à épuiser le trésor ducal, une mention spéciale est due au voyage à Rouen, dont les mises nécessitèrent le compte de l'argentier Salomon Piriou reproduit par Dom Morice, Preuves, t . II, 918 et suiv. Encore plus ruineuses peut-être furent, entr’autres réceptions de cour plénière, celles qui se succédèrent à Nantes en 1445 à l'occasion de la venue du connétable de Richemont (Dom Lobineau) t. I, p. 625)].

A Dieu ne plaise assurément, que des excès comparables à ceux dont demeura flétrie la mémoire du trop célèbre personnage dont il s'agissait, aient existé à la charge de celle d'aucun des ducs désignés. Toutefois, naturelle aux uns et forcée chez les autres, la prodigalité devint chez tous le sujet de confessions et de regrets aussi stériles, hélas ! pour la plupart, qu'ils furent d'ailleurs édifiants.

De 1385 â 1455 s'accumulèrent quant à l'obération continue des chefs et des autres membres de la maison ducale, déclarations sur déclarations testamentaires ou par actes entre-vifs, dont quelques-unes, tout au moins, réclament citation :

« Volons que nos dettes soient payées, nos amendements faits et nos forfaits réparés sur nos biens », s'écria Jean IV, en son testament [Note : V. Dom Lobineau, Preuves, 801 à 803]. Mêmes scrupules chez Jeannette de Rohan [Note : Richard redouta sa comparution « devant le siège judicial de nostre créateur ». Dom Morice, Preuves, t. II, 1145], imités par Alain [Note : V. Dom Morice, Preuves, t. II, p. 803], par Richard d'Estampes [Note : V. Dom Morice, Preuves, t. II, p. 1145]. « Avons prié et requis, décréta Jean V, en son château de l'Hermine, le 23 janvier 1428, notre compère et féal, conseiller l'evesque de Nantes, nostre chancelier, R. P. en Dieu, l'évesque de Léon nostre confesseur, nos bien aimés chambellans et conseillers, Tristan de la Lande, grand maître de nostre hôtel, Messire Pierre Eder, gouverneur de notre fils aîné François, l'archidiacre de Rennes, premier président de nos comptes, l'archidiacre du Désert, notre conseiller, de prendre et accepter le gouvernement tant de nostre justice que de celuy de nos finances..., d'accroître ou amoindrir l'estat de nous, nos compaigne et enffants, casser ou augmenter tous gaiges et pensions que prennent de nous prélats, barons, conseillers, chambrelans, officiers... Nous convient, y lit-on aussi, faire de présent ung emprunt… pour lequel emprunt rendre, de nostre commandement se sont obligez en leurs noms privez nos dessus ditz conseillers et Jehan Mauléon, pour ce que autrement bonnement le dit emprunt ne se povait faire... nos dits conseillers se mettront... et d'abondant leur baillons... tout l'or et l’argent monnoyé ou à monnayer, vexelle d'or et d'argent, pierreries et autres choses que nous avons en nostre dict trésor pour les mettre par engaige » [Note : Dom Morice, Preuves, t. II, p, 1217 et suiv.].

En son testament solennel du 15 juillet 1440, désespérant de toute libération durant sa vie, « Yolant... d'Angeou espouse... de Franczois fils aîné de Jehan (V) duc de Bretagne », disposa ainsi qu'il suit : « Item, deffens que mes draps d'or et de soye qui sont deux et ne sont payés, ne soint donnés aux églises, ains vueille et ordonne qu'ilz soient rendus aux marchands de qui ils furent prins et qu'ilz soint dédommagez » [Note : Dom Morice, Preuves, t. II, p. 1332].

Mème douloureuse prévoyance dans le codicille (17 juillet 1450) du duc François Ier [Note : Dom Morice, Preuves, t. II, p. 1537].

Comment d'ailleurs ne se point apitoyer aussi en passant, sur le sort qui fut fait alors et pour les mêmes causes, aux joyaux et trésors de la couronne ducale, voire à cette couronne et à ses plus précieux ornements [Note : Certains de ces joyaux eurent leur dénomination et leur renommée spéciale. Lors de l'acquisition de la baronnie de Fougères, en 1429, « bailla Monseigneur le Duc audit Monsieur d'Alençon, le rubi de la caille, en gage pour X m, escus... le rubi des tems et les deux frères pour.. » (V. Dom Lobineau, Preuves, 1007)] ?

Le tout au lieu de rester sous la garde et la vigilance des mains les plus sûres, confiné dans telle ou telle autre forteresse réputée imprenable, ne circula que trop souvent avec la Cour en pérégrination ou à l'armée, pour subir engagement entre les mains des proxénètes les plus autorisés de l'époque. Le naufrage en pleine Loire, près Saumur, de l'un des coffres en trajet ne fut, hélas ! que la moindre des mésaventures de son contenu [Note : Il y eut sauvetage dont le coût figure dans l'un des comptes].

Chez les prêteurs, la dépréciation vénale de la joaillerie elle-même ne tarda point à devenir telle qu'ils se prirent à exiger concurremment avec sa mise en gage, et par surcroit la caution solidaire des principaux officiers ou dignitaires. Il n'y a que justice et vérité à rappeler avec les documents divulgués, que la condescendance des mêmes officiers ou dignitaires à subvenir à la détresse de la maison ducale ne fut égalée que par la fidélité de la plupart d'entre eux à la défendre au champ d'honneur [Note : Malgré une légère anticipation de chronologie, il convient, à tous égards, de citer dès maintenant le testament-liquidation de Pierre II, en date à Nantes (Chastel de la Tour-Neuve), du 5 septembre 1457. (Voir Dom Lobineau, Preuves, p. 1114 et suiv.). Toutes les dettes envers les principaux officiers dénommés ou leurs familles y sont précisées. Une saisine de l'or et de l’argent comptant ainsi que de la vaisselles, est déférée à l'auditeur des comptes, Pierre Bonabry, exécuteur désigné pour l'acquit des mêmes dettes « en priant et requérant ; fut-il dit textuellements, nostre très cher et très amé oncle, le comte de Richemont, nostre principal héritier, icelles debtes de nostre tems, avant toutes autres payer et contenter en manière que nostre conscience en soit deschargée et au regart des aultres debtes... du tems de nos prédécesseurs, nous enchargeons à nostre dit oncle ». Finalement, le grave et docte Hévin lui-même put, sans trop d'irrévérence envers la mémoire de Jean V en particulier et celle de ses successeurs immédiats, les tenir pour antant de ducs « à sec de finances et grands inventeurs de subsides »].

A commencer par Jean Le Roux pour finir par Pierre II, les ducs qui se succédèrent eurent donc, chacun et tous, la meilleure volonté de s'amender tout spécialement quant au faste et à la dépense. Tour à tour ils entendirent payer, sinon de leur vivant, — à l'impossible nul n'est tenu, — au moins par transmission de leur héritage, leurs dettes d'abord, et celles de leurs prédécesseurs ensuite. Non seulement pour atteindre à un but aussi désiré qu'il fut désirable, il ne répugna point à quelques-uns d'entre eux de subir la déchéance d'administration du patrimoine qualifiée en droit français actuel dation d'un conseil judiciaire, déchéance de tout temps et partout fulminée contre les prodigues, mais encore ils furent, comme on vient de le voir, les premiers à en provoquer les rigueurs.

La tâche des gens des comptes, des conseillers intimes, du ban et de l'arrière-ban des trésoriers, des argentiers, des miseurs généraux ou spéciaux, des receveurs, en un mot des agents de toutes dénominations et de tous rangs, préposés à l'ordonnancement ou au paiement des dépenses ou à la perception des recettes, tant du domaine public que des domaines privés, en fut-elle quelque peu allégée ? Hélas ! non tant il leur fallut continuer de peiner en vue de réaliser à défaut d'un équilibre qui ne fut même pas rêvé, quelque atténuation du déficit qui subsistait et qui persistait à l'état de gouffre béant. Les gens des comptes prétendirent, il est vrai, mais ce fut sans profit appréciable, au contrôle des états de la maison ducale.

Ces sortes de documents officiels dégénéraient en effet de plus en plus, — la comparaison est permise, — en autant de lettres de change à vue sur des receveurs forcés souvent de les laisser protester faute de provision [Note : V. dans Dom Lobineau, Preuves, p. 911 et suiv. « Réformation des ordonnances de l’hostel, faite à Vannes le 1er jour d'avril l'an M CCCCXV finissant, au regart d'unes autres ordonnances faites par mon dit seigneur et son conseil à Martigné ou mois de décembre MCCCCXIII ». Le duc interdit tout paiement, l'eût-il ordonnancé, non vérifié en conseil et en outre par la chambre des comptes. Dans l'édit (col. 916) sont énumérées les recettes domaniales d'alors, Morlaix compris. Les Etats de la maison ducale auxquels il a été fait plus particulièrement allusion, sont indépendamment de l'État ci-dessus qui se trouve aussi dans Dom Morice, Preuves, t. II, p. 896 ; les suivants : 1417, 1421, 1454. V. Ibid., 945-947, 1084 et s., 1643-1644]. Il ne parut pas que le crédit de la maison et du duché en eût ressenti quelque amélioration. L'insuffisance des recettes tant ordinaires qu'extraordinaires persista en s'aggravant. Un autre expédient fut tenté, vers lequel il y avait eu d'ailleurs acheminement par le précédent. Il devait consister à faire descendre dans les rangs des classes roturières et partant taillables et étreigrables selon les lois d'alors, tels et tels autres privilégiés dont la noble extraction et les titres à l'exemption des mêmes taxes paraissaient problématiques. C'était à qui, dit l'histoire, s'opiniâtrerait le plus à se croire légitime possesseur de l'état si justement envié qui consista, selon le langage de la très-ancienne coutume « à aller aux armes, aux plets et aux gibiers ». Diverses réformations de la noblesse furent donc résolues même antérieurement à 1455 [Note : « Comme le peuple, écrivit Lobineau (t. I, p. 663) se plaignait d'estre surchargé de fouages par la quantité des nouveaux annoblis, et de ceux qui prétendaient s'en exempter sur des titres de noblesse qui paraissaient douteux, le duc (Pierre II) nomma des commissaires dans tous les diocèses pour examiner cette noblesse équivoque comme l'avait fait son père, en 1427 et en 1440, et son frère en 1448 »]. L'exposé de motifs qui va être textuellement reproduit est, sans doute, quelque peu postérieur à cette dernière époque, mais il doit y avoir d'autant moins d'hésitation à le citer ici qu'il ne fut manifestement qu'une transcription rajeunie des exposés précédents. La mesure appelée à jouer, particulièrement à l'époque de Colbert, le rôle sur lequel il y aura plus tard à revenir, se justifiait, fut-il déclaré par le duc : « Pour ce que souventes fois advient que quand par l’advisement des Estats de notre pays et pour le bien et utilité de la chose publique d'icelui, l'on impose aucunes tailles, sur les bonnes villes et sur les denrées et marchandises y vendues, plusieurs des demeurants et habitants en icelles villes se veulent exempter et franchir de riens en payer les aucuns pour ce qu'ils se dient nobles personnes jaçoit qu'ils se marchandent publiquement, les autres se dient advocats et patrocineurs de cours layes ou d'église, disant la science les devoir exempter et sauver, pour lesquelles raisons, les dessus dicts diffèrent à contribuer esdits subsides et tailles et convient ez poures et misérables personnes des dites villes en porter la charge dont plusieurs fois avons ouy les clameurs et complaintes de nos subgects » [Note : Quelque nombreux et connus que puissent être les documents publiés ou inédits relatifs aux réformations de la noblesse qui devinrent les préludes des réformations du domaine, il existe, à leur endroit, un manuscrit à signaler entr'autres. Ce manuscrit indiqué à l'auteur de la notice par son savant ami de Vannes, M. le docteur de Closmadeuc, et très obligeamment tenu à sa disposition par M. le comte de Limur, l'archéologue et le minéralogiste si connue est la reproduction d'un document officiel qui fut à l'usage de l'ancienne amirauté. Il existe dans les importantes archives de la famille, et porte l'intitulé suivant : « Anciennes réformations des personnes et maisons nobles de Bretagne contenant les neuf évêchés de la province, faites pendant les années 1426 et 1535, mises par ordre alphabétique ». Grand in-folio sur papier. Un second volume, sorte d'index ou de répertoire facilite la compulsation du premier. C'est une très curieuse et très complète nomenclature, paroisse par paroisse, des personnes et des terres nobles].

Il est presque superflu de rappeler pour clore les préliminaires de la notice que la déplorable tenue de la plupart des régies ou recettes locales [Note : La réformation citée plus haut des ordonnances de l'hôtel, en d'autres termes de l'état de la maison ducale en 1415, contient une nomenclature partielle des régies, qu'il ne sera sans intérêt de reproduire. Les sommes déterminées pour les aumônes et offrandes quadra-gésimales du duc et de la duchesse et à remettre par le trésorier receveur général à leur argentier eurent assignation sur les recettes de « Rennes, de Saint-Aubin, Hédé, Dinan, Jugon, Sesson, Montcontour, Ploermel, Vannes, Reuys, Muzillac, l'Isle, Redon, Auray, Queberon, Henbond, Kemperelé, Concq, Fouesnant et Rospreden, Kemper-Corentin, Pontecroix, Pont-l'Abbé, Kaerahès, Lesneven, Aciné, Léon, Brest et Morlaix »] et de leur comptabilité fut, sans contredit, l'une des causes efficientes par excellence du désarroi financier auquel la réformation dont les actes vont être précisés eut pour but de subvenir.

Pierre II (1450-1457), ne réussit guère, paraît-il, à se concilier les sympathies de ses sujets. Il n'en eut pas moins le mérite de prêter, en fait de tentatives de réformes, l'oreille la plus attentive aux avis et aux vœux des conseillers d'élite dont il fut entouré [Note : Il convient de citer parmi les plus notables d'entr'eux, les présidents ou membres de la chambre des comptes, Jean CHAUVIN, L'ESPREVIER, Morice DE KERLOEGUEN, le conseiller Parlement KERGOUET, l'intendant DE CARNÉ. M. le comte DE CARNÉ a bien voulu signaler, entr'autres documents de famille en sa possession et relatifs à ce dernier, l’arrêt de maintenue de noblesse du 30 avril 1669, obtenu par Jean URBAIN. Preuves faites jusqu'à PAYEN DE CARNÉ (1425)]. Aux éliminations subies par les rôles nobiliaires, suivies d'une première réforme judiciaire (25-27 mai et 5 novembre 1451) [Note : Dom Morice, Preuves, t. II, p. 1582 et suiv. 1600] succéda au cours de la seule année 1455 toute l'activité fébrile dont il fut témoigné, entr’ autres hautes mesures d'administration, de législation ou de gouvernement, par les suivantes, savoir : 1° 21 mai 1455, signature, à L'Estrainil prés Vannes, des lettres patentes ou de l'édit concernant la réformation du domaine ducal, dont il va être plus amplement parlé ; 2° 22 du même mois de mai, ordonnance de réformation de la justice ; 3° même jour, publication de cette ordonnance en séance générale des États à Vannes ; 4° enfin « Ou mois d'octobre en plusieurs et divers jours, enquestes sur les droits royaux et anciens usages du pays de Bretagne, » perpétuellement en contestation de la part des rois de France et de leurs parlements ou conseils [Note : Dom Morice, Preuves, t. II, p, 1648 et suiv., 1651 et suiv.].

Les lettres patentes aux termes desquelles la réformation du domaine fut décrétée, seront intégralement reproduites à la suite de la notice. Elles constituent en effet de leur essence, l'un de ces documents qui échappent à l'analyse dès qu'il s'agit d'en faire exactement connaître la portée. Personne assurément ne sera surpris que les régies locales y aient été collectivement stigmatisées comme autant de réceptacles de malversations partout invétérées, partout à réprimer d'urgence.

L'édit débuta donc par un réquisitoire de la plus haute véhémence, voire par un acte d'accusation en bonne et due forme, fulminé contre tous comptables au service du domaine ducal [Note : Il ne saurait être hors de propos de faire observer que la teneur des lettres patentes de 1455 fait partie du Recueil de règlements publié par La Gibonais, et déjà cité. Dans l'original, soigneusement conservé aux archives de la Chambre des comptes jusqu'à la suppression de celle-ci, la désignation du domaine à réformer fut laissée en blanc. L'édit se trouva ainsi constituer une sorte de formulaire à l'usage de toute réformation qui viendrait à être décrétée]. Leur comparution fut en outre décrétée à la barre d'une haute cour d'assises fiscales tout exprès instituée à l'effet de redresser et de réprimer leurs erreurs ou prévarications. La même haute cour, — circonstance qui ne doit point être omise, — eut également mission de tracer certaines règles de nature à les éclairer et à les guider dans l'accomplissement de leur mission et pour la tenue de leurs écritures.

Une particularité à signaler dès maintenant fut le concours prêtè à la mise à exécution de l'édit tout à la fois par le receveur ducal alors en plein exercice à Morlaix (Pierre Lemarol) et par son prédécesseur immédiat (Jehan Du Penhoat).

Que ce concours fût obligatoire, il n'est guère permis d'en douter. Toutefois le silence des procès-verbaux à l'endroit non-seulement d'un forcement en recette ou d'un rejet quelconque de dépense, mais encore de toute injonction ou de tout blâme encouru par l'un ou par l'autre de ces agents locaux, n'en demeure pas moins à la décharge de leur mémoire.

Mais l'incident ici noté en passant, n'aurait-il point une portée historique tout autrement significative ? N'aide-t-il point pour sa part à déterminer le véritable caractère de la mesure décrétée, sans d'ailleurs faire disparaître la rigueur des censures auxquelles il y fut donné cours ?

Il y aurait sans doute erreur ou exagération à ne considérer celles-ci que comme une sorte de phraséologie officiellément comminatoire et par conséquent plus ou moins dépourvue d'efficacité.

Mais s'écarterait-on de la vérité en s'autorisant de la teneur de l'édit de 1455 prise dans son ensemble, pour en dégager au fond et avant tout l'un des règlements rudimentaires par lesquels il fut préludé à la législation ultérieure en matière de comptabilité publique ?

A l'état également rudimentaire s'y fraya aussi accès, du moins semble-t-il, la consécration, ne fût-elle que virtuelle : 1° de l'exigibilité, sauf exercice de recours en réduction ou décharge, de toute taxe légalement décrétée ; 2° de l'institution d'une juridiction spéciale et à double degré pour le jugement du contentieux. Ultérieurement, comme il sera dit plus loin, fut imputée de très-haut et à grand bruit, aux autorités judiciaires de l'ancien duché, une tendance systématique, sinon à méconnaître absolument l'une et l'autre des règles ici rappelées, au moins à en paralyser l'application.

Quoiqu'il en ait pu être, à peine signées sur l'original et expédiées en copies de toute authenticité, les lettres patentes du 25 mai 1455, Morlaix vit accourir, armé de cette copie et de la délégation la plus complète qui se pût obtenir de l'autorité souveraine, un triumvirat drapé de pourpre et d'hermine. Il se composait en effet savoir : comme chef, du président de la chambre des comptes, Morice de Kerloëguen et comme assesseurs : 1° de Guillaume de Kergouet, l'un des seigneurs du Parlement ; 2° de Hanriot Le Saulx « secrétaire et auditeur ès ditz comptes ». Tous trois d'ailleurs étaient en outre membres du conseil privé et au premier rang des officiers ou familiers de la maison souveraine.

D’où put venir à Morlaix l'honneur, qui fut peut-être encore moins brigué que prévu, de primer en fait de réformation du domaine, tous autres siéges de juridictions ducales ?

Fut-ce que là, plus impérieusement encore que partout ailleurs, le désarroi des finances eût exigé remède ?

La participation déjà signalée du receveur sortant et de son successeur en pleine activité de charge, à l'œuvre de la haute cour suffit à bannir une telle hypothèse.

Fut-ce à raison de l'importance, relativement majeure des possessions et des perceptions ducales dont il s'y agissait, compris Lanmeur ? Rien ne répugne à une telle supposition. Mais il résulte en outre des lettres patentes elles- mêmes : 1° que Morice de Kerloëguen, le chef éminent de l'une des plus notables familles du pays, était en outre procureur ou intendant général des châtellenies ducales du Léon ; 2° qu'avec lui, Guillaume de Kergouët et Hanriet Le Saulx furent « commissaires pour les domaines existantz dans les trois evêschez de Tréguier, Cornouaille et Léon » [Note : Il résulte d'ailleurs du manuscrit de Limur, cité plus haut, p. 257, note 1 : 1° que lors de la réformation de 1426, des familles Kerloëguen et Le Saulx figurèrent parmi les nobles d'Elestreuc (Léon) ; que avant 1455 une famille Kergouet habita le manoir de Crozou-Hal, en Fouesnant (Quimper). Le silence des biographies à l'endroit de Morice de Kerloaguen est d'autant plus pour surprendre, que dans les Preuves, abondent, à son endroit les indications. Peut-être dans des archives de famille, quelques-uns tout au moins se retrouveraient-ils des documents produits à l'appui de la maintenue de noblesse qui fut prononcée lors de la réformation de 1667 en faveur de ses descendants. Il résulte du Mandement de retenue et nomination des gens des comptes du 3 août 1492 (Dom Morice, Preuves, t. III, p. 730) qu'un autre Morice Kerloaguenesiégeait alors comme auditeur. Hanriet (ou Henri) Le Saulx est mentionné comme clerc des comptes et comme ayant été gratifié d'étrennes, notamment dans l'un des extraits des comptes-rendus par De Carné en 1445. Lobineau, Preuves].

Deux passages de l'édit méritent particulièrement attention.

Dans le premier s'accuse déjà une tendance qui prévalut après l'annexion, c'est-à-dire la substitution du bail à ferme à la tenure convenancière [Note : « Que de nouveau bailliez à prys raisonnables.... aussy nos héritaiges qui sont à demaine… pour cens et féaiges à gens solvables qui soyent tenus de eddiffier »].

De même se dessina dans le second passage une menace d'abolition des droits de motte et de quevaise [Note : De vous... enquérir quel proufilt ou dommaige pourrons avoir « pour enfrenchir plusieurs hommes serfz que aulchuns ont ès éveschez de Léon et de Cornouailles pour le nous rapporter par escript affin d'en ordonner par nostre Conseil comme verrons avoir à faire »].

Dès le 2 juin 1455 s'ouvrit la série des actes et procès-verbaux de la haute cour réformatrice. Elle s'adjoignit outre l'ancien et le nouveau receveurs dont les noms ont été déjà cités, deux autres collaborateurs, à titre, semble-t-il, d'experts nobles, à savoir : Jehan et Guillaume de Kerloëguen. La réformation eut lieu d'ailleurs « o ladvis et en présence de Tanguy de Kersulguen, bailli de Morlaix » [Note : A s'en tenir, aux procès-verbaux de cette première réformation, les autorités locales n'auraient nullement été animées de l'esprit de resistance qui se manifesta si implacablement lors de la seconde. En 1455 le miseur de Morlaix fut Goulven De La Boyssière et le contrôleur, Pierre De Tuomelin (Histoire de Morlaix, p. 48)].

Dans l'original les actes cités sont précédés d'une transcription intégrale des lettres patentes. Cet original survit, comme on l'a dit en commençant, dans les archives départementales de la Loire-Inférieure [Note : Comment, soit dit en passant, s'expliquer la persistance du confinement d'un dépôt aussi remarquable à tous égards et aussi magistralement classé, dans une succession indescriptible de couloirs et de réduits d'autant plus sombres et froids en toute saison, que la hauteur en est plus exagérée ? Une pareille installation, qui n'a pu être que provisoire, n'est-elle point à déplorer s'agissant surtout du département de la Loire-Inférieure et de son chef-lieu ?]. Il fut, aux termes des mêmes lettres patentes « radigé en beau livre et parchemyns ...... pour éternelle mémoire » et calligraphié avec tout le luxe alors usité [Note : Le recto du feuillet initial comporterait très utilement une reproduction par l'héliogravure. Les signatures des trois commissaires figurent sur l'original. Celle du président Kerloagnen est remarquablement correcte. Il la fit précéder d'une certification du nombre des feuillets cotés, certification réitérée en 1678 par le commissaire de Bouyn qui, de sa plume autoritaire, traça sur tous les blancs du manuscrit un indélébile serpentin].

Il convient de maintenant passer du contenant au contenu. Or les « rentiers des chastellenies de Mourlaix et Lanmeur qui furent faictz et refformés » en 1455, sont comme les lettres patentes et encore plus que celles-ci des documents qui ne comportent point une analyse et qui sont à lire et à publier intégralement.

Dans leur agencement les matériaux affluent tellement et ils sont si disparates, que les rentiers peuvent, sans la moindre irrévérence, être comparés à autant de mosaïques tout à la fois informes et monumentales en leur spécialité.

Si, relativement au domaine dit muable, c'est-à-dire à l'ensemble des taxes qui ne furent pas de provenance foncière, le nombre et la diversité des énonciations dépassent toute supputation précise, il n'en est guère autrement quant aux rentiers du domaine non muable. Les mentions y abondent, qui furent empruntées soit à l'économie agricole la plus primitive, soit à des écritures analogues sinon identiques aux livres dits de raison.

Mais l'élément dominant, l'élément caractéristique, l'élément capital au point de vue de la notice, c'est le recensement descriptif qui s'y rencontre tant du vieux château de Morlaix et de ses dépendances urbaines et rurales [Note : Entr'autres indications curieuses, sont à signaler : 1° la mention d'une garenne ducale ; 2° la description avec mesurage, de l'ancien parc au duc, théâtre des chasses légendaires dont il a été parlé (V. Histoire de Morlais, p. 16 et suiv. la teneur qui eu fut publiée par dom Aymar De Blois)] que des édifices, ainsi que des voies ou des places publiques et des héritages de toute nature dont se composaient alors la ville adjacente et sa banlieue. Toutes deux y ressuscitent avec leur population, leurs institutions financières, leurs
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industries, leur commerce de terre ou de mer, leur configuration, leur physionomie. Il ne reste plus qu'a, pourvoir le manuscrit d'une reproduction ou reconstitution du plan géométrique qui fut dressé ; qu'à supputer la somme récapitulative des censives, cheffrentes, fermes et autres perceptions domaniales ; qu'à énumérer ou cataloguer les fonctions ou professions exercées ; qu'à dénombrer nominativement les membres des trois ordres, ainsi que des divers corps de métiers, sans parler de séries entières de tenanciers à convenant. Quelques particularités sont d'ailleurs à noter.

Dans la redevance annuelle d'une paire « d'esperons dorés, » imposée à l'une des habitations de la rue du Bourret, se reflète avec éclat un souvenir des préoccupations si éminemment hippiques des anciens vicomtes.

Par la multiplicité des fermes de halles ou de marchés, ainsi que par celle des foires s'atteste l'existence d'un courant déjà très notable d'activité commerciale, industrielle et agricole dans Morlaix et dans ses alentours.

La mention qui suit relativement aux « Bris et penzay » a son intérêt. « Selon les dits comptes, l'usement et gouvernement des dites chastellenies de Mourlaix et Lanmeur, le duc prend ès dits bris en cas qu'il n'y aurait sauvement, le tout, mes quant il y a saulveurs le duc prend les deux partz et les saulveurs le tiers ».

Enfin, il est dans la réformation de 1455 des pages qui doivent continuer de provoquer toute l'attention, voire toute l'attraction qu'elles ont déjà si légitimement exercée. Ce sont celles qui furent consacrées à l'enquête ouverte par la haute cour réformatrice au sujet de « La Distribution et confrontation des bournes de la dite ville de Mourlaix ». L'importance capitale de ce document au point de vue de la topographie a été déjà trop bien mise en relief pour qu'il y ait à y revenir. Mais il restait à faire également ressortir la consécration, par la même enquête, de l'imprescriptibilité du domaine ducal. Le seul fait d'une telle enquête, équivalut à décider qu'à défaut de représentation d'un titre exprès et régulier de concession, toute étendue de terrain bâti ou non bâti, inculte ou en culture, rentrant dans le périmètre déterminé par les bornes récupérées, serait reprise comme usurpée sur le domaine [Note : V. Histoire de Morlaix, p. 520 et le texte de l'enquête. La résolution qu'exécuta le rigide commissaire de 1678-1679, de procéder de même ou plutôt d'imprimer un effet rétroactif à la première enquête et au bornage qui suivit, suscita l'unanimité de prestations qui sera ultérieurement constatée].

Il convient aussi de rappeler 1° que Morlaix devint, notamment de la part du duc Pierre, l'objet d'nne sollicitude toute spéciale ; 2° que certaines données intéressantes sur les revenus municipaux à la même époque n'ont pas laissé de survivre [Note : V. Histoire de Morlaix, p. 520 et 108] ; 3° enfin que dans l'intervalle à désormais franchir d'un seul élan pour ainsi dire, de 1455 à 1677, se plaça un document sur lequel l'attention doit aussi être appelée pour épuiser les indications relatives à la réformation de 1455 et à ses suites.

L'original du registre ou livre formé des nouveaux rentiers, prit place dans les arcanes de la chambre des comptes pour n'en sortir que par nécessité absolue et que par ordre supérieure. Mais ce ne fut pas sans qu'une copie authentique et non moins minutieusement dérobée aux investigations du public, à commencer par les « étreignables » eux-mêmes, en restât entre les mains du receveur en titre. Cette copie se transmit naturellement de successeur à successeur du même fonctionnaire, non sans subir en sa teneur tous remaniements nécessités par les mutations annuellement ou plutôt quotidiennement advenues tout spécialement dans le personnel des redevables. L'ossature pour ainsi dire des rentiers originaires n'en survécut pas moins à l'usage de l'anciernne recette domaniale de Morlaix et de Lanmeur jusqu'à sa suppression par le nouveau régime.

Une épave de cette ossature a survécu.

Elle consiste en un registre existant dans les archives dèpartementales du Finistère et de provenance essentiellement Morlaisienne, où se retrouvent, également avec la teneur des lettres-patentes du 25 mai 1455, les rentiers d'alors, mais rajeunis de près d'un siècle.

La confection du nouveau registre suivit de peu d'années l'annexion et tout porte à croire qu'il inaugura dans Morlaix et Lanmeur l'ère du domaine devenu royal. Aucune indication d'ailleurs ne s'y rencontre des circonstances dans lesquelles eut lieu, sa rédaction et en particulier de l'autorité par les ordres de qui elle fut entreprise. Il constitua une reproduction aussi complète et aussi littérale que possible des rentiers de 1455, accompagnée ou suivie d'annotations ou de mentions les plus diverses et souvent les plus curieuses, le tout à placer dans l'intervalle écoulé de 1537 au 23 juillet 1586 [Note : V. du reste l'Inventaire sommaire des Archives départementales du Finistère. (Série A. DOMAINES DE MORLAIX ET LANMEUR, p. 55 et s.) L'auteur de la Notice ne saurait oublier l'obligeance désintéressée avec laquelle le document cité lui fut communiqué d'office par son honorable et savant ami M. l'Archiviste Luzel. Le corps principal de l'œuvre émana de la plume du receveur Henri Ballavenne, qui ne laissa pas d'être versé en son genre et à ses heures, dans la pratique de la calligraphie et de l'enluminure. Il y fut surpassé par le fils qui lui succéda. La transcription des Rentiers de 1455, une fois accomplie, le père inscrivit sur quelques-unes des pages non utilisées du registre, un sommaire des actes de naissance, de mariage et de décès des membres de sa famille associant ainsi ses archives domestiques à la conservation et à la durée du registre domanial. La nomenclature s'arrêta en 1547. Mais les deux mentions ainsi conçues y furent ajoutées : « Allas : le vendredis XXY octobre 1557… trespassa mon cher et bien aymé père... mary et espoux de Sebille de Guicaznou sa compaigne... Iterun Allas ! « Le VYème octobre 1557 trespassa ma très chière et bien aymé mère Sebille de Guicaznou... ». Dans le ms. de Limur, la Trêve de Guicaznou et ses nobles habitants firent l'objet de mentions très-explicites : Les mentions consacrées par M. KERVILLER dans sa tant remarquable Bio-Bibliographie bretonne (t. II. 59, n° 120) aux Balavenne, (il y aurait, d'après l'autographe de 1537, à écrire Ballavenne), ne font que trop présumer l'identité des victimes des arrêts de radiation des 15 septembre et 21 novembre 1670, avec les descendants de l'ancien receveur].

« Les mines d’estain, plomb, cuivre, vif argent et autres métaux fors l'or, » ayant donné lieu à des larcins, François-Guillart l'un des gens des comptes, fut désigné en 1529 pour procéder contre les délinquants dans les ressorts de Cornouaille, Carhaix, Morlaix et Lantreguer (Dom Morice, Preuves, t. III, p. 946).

Il est indispensable, en ce qui concerne le registre de 1537 et tout d'abord la consistance du domaine ducal lors de sa transformation en domaine royal, de se référer à un État des revenus du Roi en Bretagne dressé pour l'an 1534 (Dom Morice, Preuves, t. III, p. 1011 et suiv.).

Quoique aucune mention des suites données aux réformations de noblesse de 1426 et de 1448 ne se retrouve, soit dans le registre original de 1455, soit dans le registre de 1537, il résulte de la mention d'un compte de Bogier, en date du 3 octobre 1456, insérée dans le second compte de Jean du Bois, de 1457, que des « commissaires sur le fait des annoblis et indûment supportés de fouages et taillées » en avaient dressé un état [Note : Dom Morice, Preuves, t. II, p. 1728. Le manuscrit de Limur abonde en détails précis au sujet notamment des enquêtes ou réformations effectuées paroisse par paroisse aux termes des lettres patentes de la reine duchesse du 16 septembre 1513. Il en contient le texte entier].

Enfin, sur l'un des derniers feuillets du registre de 1537, figurent les mentions authentiques de la production qui en fut prescrite au greffe de la Cour de Morlaix, par arrêt intervenu durant un procès.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

III.

La notice n'a déjà que trop duré. Il y a donc urgence de parler du second des manuscrits sur l'impression entière desquels il s'agit d'insister [Note : Sans faire absolument défaut, les documente publiés à l'aide desquels pourrait se laisser entrevoir l'histoire de la régie domaniale, de Morlaix et Lanmeur, de 1537 à 1678, n'en sont pas moins d'une extrême rareté. Il y aurait à se reporter surtont aux tenues d’Etats et à tout spécialement consulter le § XVI de l'Édit, en réponse aux remontrances des des Etats de juin 1579 (Henri III) reproduit dans Dom Morice, Preuves, t. III, p. 1445 et suiv.]. Comme lorsqu'il s'est agi du manuscrit de 1455, quelques mots relatifs au contenant, seront suivis d'un coup d'œil sur le contenu. Il y aura également lieu, ainsi que précédemment, de ne point isoler de ses préliminaires immédiats, la Réformation dont il sera parlé. En outre, pour plus de clarté, l'aperçu dont elle fera l'objet à semblé pouvoir et devoir être scindé. — Un paragraphe distinct et final y sera consacré aux procès-verbaux concernant les prééminences et droits honorifiques dans les églises et chapelles tréviales.

§ 1er

Le manuscrit de 1678-1679, de même que le registre de 1537. passa, en 1791, du bureau de l'anciennne régie domaniale dans celui de l'enregistrement et des domaines, et de là : 1° dans les archives municipales de Morlaix ; 2° enfin, dans celles du département du Finistère. L'inventaire sommaire de celles-ci en contient une description et des extraits auxquels il y a lieu de se référer [Note : V. aussi le même inventaire, p. 58 et suiv.]. Une observation, toutefois, a paru devoir être faite au sujet du même manuscrit.

Dans l'avertissemenent dont il fit précéder la publication par le ministère de l'instruction publique, des lettres et des instructions de Colbert, M. Pierre Clément (de l'institut) ne négligea point de constater que la « correspondance du tant célèbre contrôleur général des finances a été merveilleusement conservée, soit en minutes, soit en copies qu'il faisait faire à de très habiles calligraphes, dans une écriture magistrale, dont le secret est aujourd'hui perdu » [Note : V. Correspondance, instructions et mémoires. Paris, 1863. 7 vol. grand in-8°, t. I. Intr., p. VII].

Il suffit d'un simple regard pour reconnaître que la chancellerie de la Chambre des comptes de Bretagne eut, elle aussi, à son service pour la transcription sur vélin d'un format monumental s'il en fût, — des actes et des procès-verbaux de la seconde réformation, des calligraphes qui rivalisèrent avec les plus renommés dans Paris.

Les préliminaires et les causes de la réformation accomplie de 1677 à 1679, non-seulement à Morlaix et à Lanmeur, mais encore dans tous les autres ressorts de juridictions originairement ducales, ont été retracés officiellement dans des documents qui, à raison de leur importance, seront reproduits textuellement ci-après dans l'appendice de l'essai. Ces documents sont, à savoir : 1° le réquisitoire du procureur général près la Chambre des comptes de Bretagne et l'arrêt conforme de cette cour souveraine, en date du 10 janvier 1676 ; 2° un rapport émané de Colbert en personne et l'arrêt conforme du Conseil, intervenu le 19 mars 1678, sous la tente de Louis XIV, au camp, devant Ypres ; 3° enfin, l'ordonnance du commissaire de Bouyn, rendue le 2 septembre 1679 relativement aux prééminences et droits honorifiques.

Ces documents sont d'ailleurs à combiner avec les lettres, les instructions et les mémoires constitutifs de la correspondance citée du célèbre contrôleur général. Il y apparaît préludant avec l'inflexibilité qui le fit surnommer l'homme de marbre, à la mise en œuvre d'un régime de centralisation absolument exclusif des franchises provinciales en général et en particulier de tout maintien des conditions et des réserves du pacte de réunion de l'ancien duché à la couronne de France.

Il ne saurait être un seul instant contesté que de tous les pays dits d’États, la Bretagne ne fût à la fois le moins préparé et par tempérament le plus rebelle à ce nouveau régime, c’est-à-dire à l'ingérence de l'administration centrale, spécialement en fait de finances.

L'histoire toutefois consacrera-t-elle comme entièrement conforme à la vérité, l'aperçu suivant que le docte éditeur de la correspondance de Colbert a tracé de la situation de l'ancien duché lorsque survint sous les auspices les plus lugubres qui se pussent déplorer, la nouvelle réformation domaniale et fiscale qui, d'autorité royale, y fut décrétée ?

« Récalcitrants par nature, mal disposés, de tout temps et obstinés dans leur mauvaise humeur, incapables de se plier aux exigences de la situation, les États de Bretagne firent cause commune avec les mécontents du Parlement et occasionnèrent des mouvements d'opinion qui finirent par éclater avec une violence terrible. Divers édits sur le tabac, les gabelles et le papier timbré dont la province crut s'exonérer par une contribution extraordinaire jugée exorbitante, ayant, été rétablis en 1675, l'exaspération devint générale et détermina une révolte cruellement réprimée » [Note : V. Lettres, instr. et mémoires, t. V, p. XVII. Au sujet de la révolte et de la répression mentionnées par M. Clément, deux citations se présentent, pour ainsi dire, d'elles-mêmes. Ce sont : 1° la publication intitulée : « La Révolte du papier timbré advenue en Bretagne en 1675, Histoire et documents, par M. Arthur de la Borderie (correspondant de l'Institut), Saint-Brieuc. Prudhomme, 1884, in-12. Il est peu de récits aussi instructits et aussi intéressants à tous égards, mérite absolu et par suite, en dehors des dissidences nées ou à naître de certaines appréciations de l'éminent historien ; 2° la notice aussi érudite que consciencieuse due à M. l’Archiviste départementel du Finistère Luzel, intitulée Documents inédits et publiée dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère (2ème livr. de 1887, 2ème part. p. 35 et s.)].

Dans le langage ainsi tenu, la pensée de Colbert est, sans doute fidèlement reflétée. Son œuvre s'y trouve en outre appréciée à un point de vue tout moderne. Enfin, la condamnation fulminée contre les États et contre le Parlement de Bretagne y est réitérée en sa plus impitoyable rigueur.

L'histoire aquiescera-t-elle sans réserves à un pareil jugement ?

Il est, on l'a déjà dit, permis d'en douter.

Que la résistance non-seulement des deux hautes autorités provinciales dont il vient d'être parlé, mais encore de l'opinion, fût systématique, granitique si l'on veut et qui pis est, à tendances résolument particularistes ou même insurrectionnelles, le fait hélas ! n'est que trop certain [Note : L'opinion qui eut cours en Bretagne du temps de Colbert, spécialement au sujet des intendants de police de justice et de finances, des fermiers généraux et des réformations domaniales, devint tout au moins aussi véhémente que celle qui, plus tard, fut exprimée dans les termes suivants par le comte de Mauron-Bréhan (père du comte de Plelo et neveu par alliance de l'intendant Ferrand) : « Ministres de la tyrannie, chefs de publicains, fléaux qui ravagent une province et d'un coup de plume réduisent à la mendicité un million d'innocentes créatures... Troupe de scribes et de brigands qui sous prétexte de refformation et sous l'authorité du Roy y (dans le duché de Penthièvre) commettaient toutes sortes de pillages et d'injustices » (V. Revue historique de l’Ouest. Juillet, 1886, p. 171)]. Comment, en outre, révoquer en doute un seul instant, que par la nécessité des choses, autant et plus que par la volonté des hommes, le maintien du pacte d'autonomie scellé en 1532 ne fût de jour en jour davantage atteint de caducité, et qu'il n'eût depuis longtemps dégénéré, spécialement quant à l'administration des Finances, en un véritable anachronisme ?

Il n'est pas moins indubitable d'ailleurs que la chambre des comptes ne fût alors d'autant moins armée contre l’invétération des abus de gestion et des désordres de comptabilité, que son institution suscitait plus de méfiance et d'esprit de rivalité de la part des deux autres grands corps de l'État provincial. Nul fait enfin à la fois plus indéniable et plus notoire que la trasformation de l'ancien domaine ou plutôt de ses épaves en une sorte de proie que se disputaient à l'envie l'une de l'autre la prévarication et la convoitise impunies.

Maïs la part ainsi faite à la légitimité des réquisitoires rétrospectifs ou contemporains, de quel droit exclure toutes circonstances atténuantes en faveur des administrateurs et des contribuables de la province ? Pourquoi l'omission d'un blâme sinon un éloge tacite à l'endroit de l'intronisation, même sous un grand règne, d'un régime de centralisation non moins assidu en fiscalité qu'en politique, à comprimer sur toutes lèvres la doléance comme la protestation, et à ne connaître d'autres armes contre la résistance que les supplices et que la terreur ?

Il faut donc revenir en ceci à quelque équité, c'est-à-dire aux exigences du juste et du vrai, en tenant compte des circonstances de temps et de lieux.

L'histoire, si l'on ne s'abuse, imputera d'autant moins à crime aux habitants de l'ancien duché leurs erreurs au sujet des combinaisons financières et des mesures de gouvernement survenues de 1663 â 1675, que furent plus absolues leur faiblesse et leur impuissance une fois la force matérielle introduite par l'autorité centrale dans les luttes qui s'engagèrent.

Ni alors, ni depuis, maintes délibérations et maints votes en témoigneraient au besoin, ne faillit pas plus en Bretagne qu'ailleurs, la résignation aux sacrifices les plus onéreux pour subvenir aux splendeurs du règne et plus tard à ses revers et à son inénarrable détresse.

§ 2.

Les représailles sanguinaires dont les insurrections dites du papier timbré furent suivies, cessaient à peine, lorsque débuta la continuation d'une œuvre dès longtemps préméditée et mûrie en haut lieu, à savoir la réformation générale de l'ancien domaine annexé. Une telle mesure impliquait, comme chacun le sait, d'une part, la confection de nouveaux rôles et papiers terriers dans chacune des juridictions d'origine ducale où subsistait la perception de revenus fonciers et d'autres droits de même provenance ; d'autre part, la revendication et la reprise des usurpations qui s'étaient multipliées avec extension par leur durée depuis la précédente réformation ; enfin la poursuite et la répression des malversations et détournements imputés aux comptables de tous les degrés.

Si une révision des titres et des nomenclatures nobiliaires la plus rigoureuse dont il y eût à garder souvenir, avait pu s'accomplir sans obstacles, sans incidents mais non sans grand émoi et surtout sans grands coûts de productions de titres et de procédures dans la province entière, il n'en devait point être ainsi, tant s'en fallut, d'une renaissance avec appoint de perfectionnements tout modernes, de la réformation fiscale qui s'était accomplie dès l'an de grâce 1455.

L'inflexible contrôleur général put longtemps croire à un naufrage de l'œuvre sur les écueils suscités par la résistance, tantôt ouverte et tantôt d'inertie, qui de toutes parts se manifesta, La ferme générale et l'installation d'un intendant délégué de l'autorité royale en sa plénitude, sans parler de la suprématie dévolue au Conseil du roi avaient entr'autres mesures, causé non-seulement à Rennes, siège des États et du Parlement, mais encore dans tout l'ancien duché une surprise sans précédents. A l'horripilation avait succédé la colère. Il ne fut point jusqu'à la Chambre des comptes elle-même qui n'encourût suspicion tout au moins de tiédeur. Un renvoi à la correspondance, aux instructions et aux rapports de Colbert devient ici indispensable, le devoir s’imposant de ne guère donner place qu'à la teneur du manuscrit de 1678-1679.

Elle s'ouvrit par la harangue-réquisitoire du procureur général près la Chambre des comptes. Le texte en est reproduit textuellement dans l'appendice. En conformité des conclusions de cette harangue abondamment pourvue d'une pompe tout officielle et de circonstance, intervint le 10 janvier 1676 un arrêt décrétant la réformation voulue.

Relativement à la nouvelle opération fiscale exceptionnellement dispendieuse et compliquée qui fut ainsi prescrite, de même qu'aux attributions dévolues à la Chambre des comptes, il est à noter que dès 1525 intervint au sujet de sa compétence et de celle du Parlement, le règlement dont l'article 2 fut visé dans le réquisitoire cité. Aux mêmes fins survint, entre la Couronne et les États, le 12 janvier 1674, le contrat que Colbert mentionna dans son rapport « au Conseil d'Estat du Roy, sa maiesté y estant, tenu au camp devant Ypres, » rapport suivi d'un arrêt conforme le 19 mars 1678. Un véritable assaut d'autorité et non pas seulement de phraséologie y fut livré tout à la fois au réquisitoire du parquet de la Chambre des comptes et à l'arrêt de celle-ci. Ils y périrent. Vainement le procureur général s'était-il ingénié à rappeler, dès 1676, comme il a déjà été dit, que « les choses avaient changé de face dans la province et que tout semblait debvoir y estre refformé ». Vainement aussi, dénonçant la persistance du désordre des finances et l'inanité des réformations antérieures, le même chef du parquet de la Chambre des comptes avait-il hautement flétri, en ce qui concernait les mêmes réformations, « la connivence ou l’ignorance mesme des personnes qui, n’y ayant qu’un intérêt passager : n’envisageant dans les recouvrements effectués par elles que leur profit particulier, se mettaient peu en peine d'en assurer la continuation à Sa Maiesté ».

Il importait de mettre fin, sans plus tarder, à une aussi déplorable situation. Colbert et le Conseil du roi avaient épuisé la coupe de l'expectative et de la patience. Deux années s'étaient écoulées durant lesquelles avaient finalement échoué les efforts suprêmes de l'administration centrale des finances et de l'intendance générale. Toutes négciations, toutes injonctions, toutes mises en demeure étaient demeurées sans résultats appréciables.

La même autorité dont la main de fer venait de s'appesantir sur les populations se déterminait donc à ressaisir l'offensive. Plus de révoltes à redouter. Les gibets, naguère par centaines au service de la répression encourue par les révoltes contre le papier timbré, se dressaient encore à l'horizon de la province et l'occupation militaire n'y cessait que lentement avec ses humiliations et ses exactions pécuniaires [Note : Colbert, comme il a déjà été dit, a été loué par la presque unanimité de ses biographes, tout particulièrement pour avoir, en Bretagne et selon le langage présentement usité : « fait prévaloir l'intérêt de l’État sur les exigences, égoïstes, partiales et intéressées des groupes provinciaux... de n'avoir jamais capitulé à leur endroit... d’avoir su résister aux tendances séparatistes et à la chasse au principe de l’unité légalement poursuivi jusques dans ses dernières conséquences »].

Ce fut donc sans contradiction que dans le rapport cité du 19 mars 1678, qui débuta par un précis résumant les antécédents de la réformation et en dernier lieu l'arrêt précité du 10 janvier 1676, un brevet rétroactif d'impuissance, voire de népotisme tout au moins relatif, fut décerné à la Chambre des comptes de Bretagne. La teneur textuelle en pourra être lue dans l'appendice. Il fut notamment reproché à la Chambre des comptes d'avoir, quatre ans auparavant, en désignant des commissaires pour la confection des papiers terriers ou « refformation des domaines et droits domaniaux... nommé aucuns des officiers d’icelle… âagés, incommodez et peu laborieux, et presque partout destiné les officiers de ladite Chambre pour les lieux d'où ilz sont nattifz, où ils ont tous leurs parentz et alliez et trouvent les plus intéressez... ». Ledit papier terrier fut-il ajouté, qui devrait être fini, est à commencer dans dix-huit des vingt-quatre barres royales et corps de domaines appartenant à Sa Majesté, et peu avancé dans les autres « tant à cause du peu de tems que les ditz commissaires se donnent pour ce travail, que par les oppositions et prises à partye que l'on leur faict dans toutes les affaires qu'ils jugent et encore sur les appellations qui sont interjettées de leurs jugementz et sentences relevées au parlement de la dicte province sans que jamains il ayt ordonné par provision, ny obligé les appelanz de consigner les sommes aux quelles ils sont condamnés, comme il est expressément porté par le contract des États du 13 janvier 1774, aux termes duquel Sa Majesté peut nommer telz commissaires que bon lui semblera pour le dict papier terrier et refformation ».
La conclusion déduite de pareilles prémisses se pressent.

Avant d'insister sur son implacable rigueur, se présente tout naturellement à l'esprit un souvenir historique dont l'évocation devient véritablement obligatoire en dépit de la haute antiquité à laquelle il se réfère.

Chacun se rappelle la distinction établie, même avant l’ère impériale, entre les provinces romaines. Les unes, pacifiées vieille date, échurent au Sénat pour le plus grand honneur et profit de ses notabilités. Mais César et à son exemple Octave Auguste et ses successeurs se réservèrent les territoires d'annexion récente, à maintenir comme tels, sous l'absolutisme du régime militaire. Il y eurent d’ailleurs leurs domaines privés et leurs procurateurs. Enfin, sur les unes et sur les autres descendit une nuée de publicains aux opérations et spéculations de qui ne fit que rarement défaut l'appui des effectifs de cohortes et de garnisaires libéralement tenus par Rome et dans toute province, au service du recrutement militaire et du recouvrement des l'impôts. Payer par provision, sauf recours à l’autorité suprème en son lointain séjour et à grands frais de patronage ou autres, tel fut, durant l’ère indiquée, le régime dont l'histoire n'est que trop connue.

Il n'y a pas la moindre exagération â dire de la réformation de 1678-1679, que l'ancien duché y redevint la province celto-romaine d'autrefois et que la seule différence à signaler entre le fonctionnement du même régime à l'une et à l'autre époque, résida dans les perfectionnements que la plus récente y apporta.

La teneur du manuscrit suffira, si l'on ne s'abuse, à justifier pleinement la double assertion qui vient de se produire [Note : Les principaux extraits à consulter de la correspondance et des mémoires de Colbert relativement aux préludes de la grande réformation du domaine en Bretagne, sont notamment les suivants : Tome II, p. XLIX, LXV et suiv. XCI à XCVII, C à CVI et suiv. de l'Introduction, relatifs aux rentes, à la taille, aux révoltes causées par l'établissement du papier timbré, aux fermes et au Domaine. Tome IV, p. 563, 566 et suiv. Arrêt du Conseil et Ordonnances concernant les forêts de Bretagne en particulier. Ibid. Introd. p. I à III et Lettres, p. 27 et 34. Instructions sur l'Administration provinciale. Tome VI, Introd., p. c et suiv. et texte, p. 60, 73 et suiv. sur la ferme des frais de justice. Ibid. Introd. p. IV, VII et suiv. XXI. Récriminations des Parlements].

L'autorité que les nouveaux commissaires tinrent de l'institution royale ne consista pas seulement à primer, quant à la poursuite de la réformation, toutes autres compétences. Elle impliqua, en outre, aussi expressément que possible, la prérogative : 1° de révoquer à volonté tous officiers des sièges dans le ressort desquels les domaines à réformer se trouvaient situés ; 2° d'imprimer aux décisions à intervenir le caractère d'arrêts exécutoires par provision sans opposition ni appel-possibles [Note : « Seront leurs jugementz et sentences exécutés par provision nonobstant oppositions ou appellations qui doivent estre au conseil pour y estre jugées et terminées au rapport des sieurs commissaires à ce deputtez par Sa Moiesté en la Chambre du domaine, au chasteau du Louvre, à l'appartement des Tuilleries, aultrement on n'aurait pu voir la fin de ce travail dont la fin est très importante au bien des affaires du roy » (V. à l’Appendice le rapport cité de Colbert)] et ne comportant que l'éventualité d'un recours au Conseil d'État ; 3° enfin de participer dans la mesure la plus large à l'exercice du pouvoir réglementaire.

Un complément parut indispensable, qui ne devint pas le moindre des griefs à la manifestation publique ou privée desquels l'imminence d'un retour des châtiments naguère expérimentés par la province, put seule et non sans efforts faire obstacle. Ce complément ne fut autre que la disposition suivante de l'arrêt du Conseil :

« Le Roy ayant faict Estat des deniers qui doivent provenir de la restitution des sommes qui seront justiffiées estre deues par la dite refformation et confection du papier terrier pour estre employez aux dépances présentes de la guerre ; il est nécessaire que la dite refformation soit faicte à la requeste, poursuite et diligence de Maistre Jacques Buisson, fermier général des domaines de France et droictz domaniaux, ou ses procureurs spéciaux à ces effects sur les conclusions des Procureurs de Sa Maiesté à chascun siége et jugés par les Commissaires de la dite Chambre (des Comptes) à ce deputtez par Sa Majesté avec les officiers des dictz siéges, non suspectz et non intéressez aux dictes uzurpations et, fut-il, dit en terminant, recevra (le dit Buisson) aux cautions par luy baillées tout ce qui sera deubt à Sa Maïesté... Sur les deniers de la quelle recepte, lit-on en outre dans l'arrêt, les appoinetementz des sieurs commissaires et des employez à la confection du papier terrier et refformations des domaines et autres fraiz faictz ou à faire seront pris et payés ».

Le rapport et l'arrêt peuvent se résumer ainsi qu'il suit : 1° La suspicion que les membres du parquet de chacun des sièges qui seraient saisis de la réformation à poursuivre, encoururent sans distinction, fut préventivement tenue pour légitime. 2° La ferme générale dut, par suite, se constituer partie civile en permanence à la barre de tout commissaire départi. 3° Cessionnaire à forfait de tous profits à réaliser par les mesures décrétées, elle eut en outre à pourvoir, sauf compte ultérieur avec l'État, aux avances et frais nécessaires.

Comme chacun le sait, l'histoire de l'exécution fiscale qui fut ainsi décrétée, reste encore à entreprendre. Un coup d'œil sur son ensemble n'en aurait par suite que plus d'intérêt. Mais il dépasserait de beaucoup les limites tracées à la notice. Elle ne comporte plus, en effet, qu'un nombre restreint d'emprunts au registre de la réformation qui fut spécial aux ci-devant ressorts de Morlaix et Lanmeur. Ces emprunts toutefois nécessitent quelques préliminaires.

La rigueur qui, de 1668 à 1670 présida, de la part de la Chambre réformatrice, à la révision des titres et des rôles de la noblesse de tous rangs, devint presque légendaire [Note : Dès 1656 et 1661 survinrent, comme on le sait, divers édits répressifs de l'usurpation des titres de noblesse. Le 22 juin 1664, déclaration plus rigide encore. Elle fut suivie en septembre de la même année d’un édit portant révocation de lettres de noblesse obtenues depuis 1634 et accordant pour toute compensation aux nobles dépossédés l'exemption des tailles pendant l'année 1665. Le 22 mars 1666, nouvel arrêt du Conseil portant règlement général pour la recherche des usurpations. Par l'article 17 fut prescrite la confection d'un catalogue contenant les noms, surnoms, armes et demeure des véritables gentilshommes, pour être enregistrés dans chaque baillage (Voir Lettres et Instructions, t. IV, p. 232, t. V, p. 445 et t. VI, p. 23)].

Elle ne fut pas moins dépassée de très-loin, dix, ans plus tard, en ce qui concerna la réformation du domaine. A tout instant s'y manifestèrent, de la part du pouvoir central, l'implacable rancune et l'exaspération sans limites en sa violence auxquelles il a été déjà fait allusion [Note : Colbert fut animé à l'endroit des autorités elles-mêmes de l'ancien duché pays d’États, du même esprit qui détermina, de sa part, dès le 25 décembre 1671, l'envoi an, gouverneur de la Provence, autre pays d'États, de lettres de cachet pour l'internement en Bretagne de dix d'entre les députés qui avaient refusé de voter le don gratuit. (Ce gouverneur fut M. de Grignan). V. également sa lettre du 21 septembre 1679, ci-après].

Il ne fut pas une seule des humiliations et des avanies, inséparables de toute capitulation à merci, que la province vaincue n'eût à endurer.

Colbert, dans une correspondance contemporaine de la réformation si âprement poursuivie [Note : V. Lettre du 9 mars 1679 à Denis Godefroy, de tant érudite mémoire, alors garde des archives de la Chambre des comptes de Lille. (T. II, p. 93, n° 38)] réclama « la connaissance de tout ce que le Roy catholique tirait des Estats des pays cédés [Note : Traité de Nimègue, du 26 février, même année] à toutes sortes de titres, comme aydes extraordinaires, dons gratuits, subsistances, fourrages, fortifications et autres prétextes pendant les années de la guerre et de la paix ».

Tout autrement inquisitoriale encore fut quant à la Bretagne, traitée, elle, en pays conquis, l'activité sans répit ni trève que le contrôleur général ne cessa de déployer. « J'ai travaillé, écrivit-il à M. de Chaulnes le 8 août 1680, depuis peu de jours à examiner toutes les difficultés qui se rencontrent dans la confection du papier terrier et de la réformation des domaines, avec les deux commis qui en sont venus depuis peu. J'espère que je règleray la plus grande partie des difficultés qui s'y rencontrent » (Lettre autographe). De plus, répondant de Sceaux, le 3 juillet 1682, à une lettre de M. du Moulinet, en date à Quimper-Corentin du 26 juin précédent, Colbert après une verte réprimande au sujet de l'écriture peu lisible du même correspondant, s'exprima ainsi : « Il me suffit de vous répéter ce que je vous ai écrit plusieurs fois, c'est-à-dire qu'il faut en finir dans cette année, la réformation des domaines et la confection du papier terrier, parce qu'il ne convient au service du roy ni au bien des peuples que ce travail soit infiny ; mais il convient en mesme tems que vostre application soit telle que ce travail soit parfait et qu'aucuns des droits ne soyent omis... en travaillant de bon matin et finissant tard ».

La combinaison financière que l'ancien duché eut à subir de force et à ses dépens, continue de se recommander de plus en plus, à l'attention de quiconque se préoccupe de connaître en toute sa vérité l'histoire de l'époque.

Comment nier que de cette combinaison n'aient jailli de sinistres lueurs, non-seulement sur la province livrée sans défense aux spéculations de traitants tout puissants, mais aussi sur le grand règne lui-même ? Voulue par l'auteur « du mémoire sur les finances » (1661), et aussi en dernier lieu (1675), de « l'Ordre estably par le Roy pour l'administration et conduite de ses finances » [Note : V. T. VII, p. 201 et T. II (2ème partie) p. 83, n° 32, et p. 189], l'aliénation à forfait et à tout prix au lieu d'un simple engagement sous rachat, du profit supputé de la réformation à poursuivre, n'eut-elle pas son éloquence ? La pénurie d'un trésor dès longtemps impuissant à suffire par ses recettes à l'accroissement sans limites des dépenses [Note : Dès le 8 avril 1672, une aliénation des biens et valeurs dits petits domaines, fut décrétée jusqu'à concurrence de 400,000 livres de revenus], ne laissa pas sans doute de réussir à se voiler une fois de plus de tout l’éclat dont rayonnait encore le royaume. En fut-elle moins hideuse en sa réalité.

Mais il est plus que temps de rentrer, pour n'en plus sortir, dans le contenu de l'obscur registre émergé des greffes abolis que l'on sait. Par ce contenu, le lecteur qui voudrait bien s'y référer, serait pleinement renseigné sur les épaves de domanialité et de fiscalité d'origine ducale, que le commissaire à la réformation de 1678-1679, s'ingénia si laborieusement à exhumer, voire parfois, semblerait-il à créer de compte à demi avec la ferme générale. Mais tout autrement ardue deviendrait une supputation quelconque du bénéfice procuré par les mêmes épaves [Note : L'annotation suivante, due à M. l'Archiviste Luzel, donne une idée des proportions auxquelles la réformation citée atteignit en fait d'écritures : « Presque tous les domaines royaux en Bretagne avaient été engagés à la fin du XVIIème siècle, aux ducs de Penthièvre. Le 14 mai 1716, les domaines de Carhaix, Quimper, Ploërmel, Hennebond et Auray furent adjugés à Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, pour la somme de 958,000 livres. — En 1751, le duc de Penthièvre accorda pour 9 ans, à Pierre Pauzet, la régie des neuf domaines de Jugon, Lannion, Quimper, Carhaix, Hennebond, Auray, Ploërmel, Lesneven et Dinan. Le Conseil fit observer que pour recouvrer les droits usurpés il serait bon de dépouiller les 98 volumes de la grande réformation de 1678, exécutée par les Commissaires du Roi. En consequence on fit faire des extraits... et états à colonnes présentant le tableau des terres et droits seigneuriaux. Ce travail fut terminé en 1756. Il coûta 24,230 livres 15 sous et 11 deniers. Il comprit 144 vol. in- 1° de déclarations et 18 vol. d'Etats. » (Voir Inventaire sommaire, p. 54)].

A en croire certaines correspondances familières et contemporaines qui sont restées inédites, les pouvoirs exorbitants dont le mandat de commissaire royal à la réformation comporta l'exercice, ne furent rien moins que pour déplaire à l'humeur comme aux aptitudes professionnelles du maître des comptes François Bouyn [Note : Un dossier biographique a été ferme en ce qui concerne cet éminent commissaire par les soins de l'honorable M. Trévédy (ancien président du Tribunal civil de Quimper), qui a bien voulu en donner connaissance à l'auteur de la notice. François Bouyn fut dans divers actes dénommé d'abord sieur de Reins (14 novembre 1673), puis (9 janvier 1709), sieur de Cacé (manoir voisin de Rennes). Un acte de décès daté du 30 mai 1716 le concerna-t-il ? De nombreux membres de la famille dont il fut le chef occupèrent à leur tour un rang élevé à la Chambre des comptes].


Quoiqu'il en put être, par les rigueurs dont il usa, si outrées qu'elles fussent, il ne sortit point de son rôle de fidèle interprète de la pensée et d'exécuteur résolu des volontés d'un maître insatiable en fait d'obéissance passive.

Sous ce dernier rapport, c'est entre cent autres de même nature que la lettre suivante a été choisie.

Adressée le 21 septembre 1779, c'est-à-dire en plein cours de réformation, à M. de Chaumes, le trop célèbre gouverneur, cette lettre a paru d'autant plus curieuse et significative que Colbert y peignit d'après nature l'affollement de la terreur que les États eux-mêmes ressentirent des nouveaux agissements de l'administration centrale.

« Pour ce qui est des alarmes des députés des Estats sur la commission de M. Bechameil [Note : Secrétaire du Conseil d'État, M. Béchameil fut, s'il est permis de s'exprimer ainsi, l'un des hauts garnisaires au service de la réformation. A raison précisément de son office, sa venue dans la province naguère si impitoyablement châtiée, ne put y paraître qu'un très sinistre présage de répression itérative et bref délai. Néanmoins dans la même lettre Colbert daigna congratuler son correspondant d'avoir fait voter « vite et bien » par les États une surélévation du don gratuit. Il n'y dissimula point davantage ses appréhensions prophétiques au sujet de la diminution du rendement des fermes et de la détresse croissante du trésor public], permettez-moi de vous dire qu'il est difficile d'oster ni d'entreprendre de guérir des terreurs paniques ; il suffit seulement de bien establir tout ce qui concerne les domaines du roy, et toutes les fois que les officiers de la province feront en cela bien leur devoir, Sa Majesté ne cherchera point d'autres officiers pour y travailler. Mais aussi toutes les fois que les officiers tomberont dans quelque abus préjudiciable aux droits de Sa Majesté elle ne peut pas s'empescher de se faire la même justice qu'elle ferait au dernier gentilhomme de son royaume, et les terreurs des députés ne sont d'aucune considération dans ces occasions » (V. T. IV, p. 133). Partout et toujours le vœ victis !

Ce fut donc de propos très-délibéré que du commencement à la fin de sa mission, le réformateur à qui le ressort de Morlaix et Lanmeur échut en partage, recourut à des allures toutes proconsulaires qu'il se complut par surcroit à minitieusement décrire dans les procès-verbaux qu'il rédigea.

Comment passer sous silence à ce sujet la fastueuse promulgation de son propre édit réglementaire, en date du 13 juillet 1678 [Note : V. manuscrit de 1678-1679, f°s 5 à 9 et s. Ce ne fut rien moins que tout un volumineux code de procédure avec tarification des frais d'actes spécifiés à l'usage des réformations présentes et futures des ci-devant domaines ducaux. La publication à son de trompe, la lecture aux prônes paroissiaux, enfin l'affiche en eurent lieu dans toute l'étendue des ressorts royaux de Morlaix et de Lanmeur], ainsi que l'installation, également dès son arrivée à Morlaix, d'un prétoire avec greffe et appariteurs spéciaux, doté d'audiences à tout le moins hebdomadaires ? Survinrent ultérieurement la suspension d'abord, la révocation ensuite du procureur du roi du siège en tant que participant officiel à la réformation [Note : V. Ibid., f°s 34, 44, 45 et 55]. Le syndic lui-même de la municipalité de Morlaix eut son tour. Il se vit en effet appréhender au corps d'ordre du commissaire royal et ramené à sa barre par l'huissier d'audience pour s'être permis d'en sortir sans autorisation et sans avoir signé au procès-verbal [Note : V. Ibid., f° 44]. Encore ne s'agit-il ici que des plus notables d'entre les incidents similaires ou analogues dont fourmille la relation officielle. [Note : Le procureur si récalcitrant fut Clete (ou Clet) Gourcun. D'après Daumesnil (Histoire de Morlaix, p. 195), ce chef de parquet, alors en charge depuis 1660, aurait été député aux Etats cette même année et depuis en 1675 et 1697. Le syndic fugitif fut Joseph Coroller. Quant au bailli Maurice Oriot, sieur de Kergroat, qui fut l'un des assesseurs du Commissaire, il parut se résigner à ce rôle. Au nombre des autres notabilités de Morlaix, en fonctions lors de la seconde réformation, l'auteur cité mentionne, entr'autres, les juges et consuls commerciaux, Guy Jégou, sieur de Guerlan, Jean Éon de Villoroux, Ferrière de Bussé, Guerin de Villemain et Siochan de Praterou (Voir Ibid. p. 139). Le Commissaire des Anges de Losven, le contrôleur Le Gac de Guéréon (p. 66), l'avocat conseil, écuyer Jean de Kerault, sieur du Boislaurent (p. 68), le greffier notaire, François Le Roux, sieur de Saint-Molf (p. 69). Le gouverneur royal fut à la même époque le comte de Boiséon qui eut pour lieutenant Hervé de Rostiviec de Coëtanlem, major de la ville. (p. 86-87)].

Les formes qui furent à l'usage du commissaire royal et leur spécialité sont dès à présent assez connues pour permettre de s’occuper maintenant quelques instants du fond même de son œuvre.

Les interminables relations officielles dont la trame et la chaine s'y déroulèrent, en rendent sans doute la lecture trop souvent fastidieuse. Mais sa teneur entière n'est-elle pas instructive, sous tous rapports, à un bien autre degré ?

En ce qui fut relatif notamment à la confection du nouveau papier terrier, la main et la plume ne s'y révèlent-elles point d'un feudiste dès longtemps passé maître en pratique domaniale et fiscale ? Fut-il labeur que n'affrontât, fut-il question que ne résolut, fut-il obstacle dont n'eût raison le réformateur qui eut nom François Bouyn ?

Sans doute à n'envisager que les moyens mis en œuvre pour atteindre au but qu'il poursuivit, il en fut bon nombre dont les consciences les moins timorées durent s'alarmer grandement même en un temps où les adversaires de la réformation ne connurent guère plus de scrupules que ses promoteurs. Mais l'exécution des ordres de l'autorité royale quels qu'ils pussent être, ne devint-elle point l'irrémissible loi de tout commissaire accomplissant la tâche de réformateur du domaine ?

A Morlaix et Lanmeur la participation à la panique dont s'émut quelque peu Colbert lui-même qui la causa, ne fut pas uniquement déterminée par le manifeste de la nouvelle opération fiscale.

Elle provint surtout de l'exhumation de la réformation de 1455 et de la rétroactivité qui y fut imprimée [Note : Voir f° 45 à 47].

De ces deux mesures tout spécialement, résulta durant près de deux années dans les greffes de la réformation, un amoncellement indescriptible de parchemins et de papiers de toutes provenances, aveux, dénombrements, déclarations, mémoires, dires, contredits, productions de titres, requêtes, suppliques ou au contraire protestations, contestations, récriminations. Qui n'eût dit d'une inépuisable série d'armes les plus diverses, hors de service pour la plupart, extraites du fond de tous les arsenaux connus ou inconnus, jadis au service des procédures féodales les plus disparates ?

Or, la même main qui les classa toutes et qui s'aida de certaines d'entre elles pour l'accomplissement de la réformation entreprise, ne fut pas moins assidue à briser toutes les autres afin de la consolider d'autant plus efficacement.

A peine entrevue la résolution de faire du rétablissement de la circonscription assignée à l'ancien domaine par la Réformation de 1455, le point de départ ou plutôt la loi de la confection du nouveau papier terrier, éclata dans toute l'étendue de la région limitrophe, la panique à laquelle il a déjà été fait allusion. Qui eût pu y douter, un seul instant, de l'imminence des évictions préméditées ?

Elles ne se firent point attendre.

En dépit des protestations indignées et des résistances désespérées qui succédèrent a la terreur du début, le commisaire armé de la réformation primitive comme d'un glaive, se mit à l'œuvre.

Jour par jour, pied à pied, sur les lieux mêmes, furent, à grand apparât, réitérés les enquêtes et autres préliminaires imités des procédures de 1455. Il y eut, — mesure tout autrement sérieuse et agressive, — reprises ou réunions de terrains effectuées aussitôt que décrétées sans recours possible. Ainsi furent récupérées la consistance et les limites originaires du vieux domaine ducal. Survint aussi, par suite, un rétablissement ou placement à nouveau de toutes bornes jugées utiles, avec empreinte d'insignes royaux [Note : La transcription du « Proceix verbal et la description des bornes de la ville et fauxbourgs de Morlaix suivis selon la Réformation, » avec la relation des incidents survenus et notamment de la formidable instruction par écrit à laquelle donnèrent lieu la délimitation des juridictions de Morlaix et de Penzé, ainsi que la, résistance opposée avec succès par le seigneur de celle-çi, Thomas Morand, maître des requêtes de l'hôtel, n'exigea pas moins de quinze des feuillets sur parchemin d'énorme format, constitutifs du second manuscrit. Paroisse par paroisse de Morlaix furent décrits, y compris les couvents, propriétés bâties, édifices publics, rues, places ou quais].

Quant à l'inénarrable contentieux qui fit cortège aux agissements de la seconde Réformation du domaine à Morlaix et Lanmeur, il devint le thème incessant des relations que le commissaire royal en retraça, non sans une visible complaisance, dans les actes et procès-verbaux constitutifs de l'accomplissement de son mandat, Non moins infatigable et précise qu'autoritaire, sa plume excella en ce genre [Note : Les visites de lieux, les enquêtes, les débats sur place et les audiences durèrent du 18 août 1678 au 27 juin 1679. Au début des opérations prit part, au nom de la ferme générale, « noble homme Mittern de Kergonnan ». Le réformateur ne procéda, d'ailleurs, qu'avec l'escorte du greffier Jonno, de l'huissier 0llivier Etesse, de l'interprète breton Nayl, ainsi que « d'escuiers Michel Gillart et Estienne de la Bouessière, arpenteurs et priseurs nobles ». Les avocats Jean Le Mat et Guy Chrestien suppléèrent d'office durant ses disgrâces le procureur du roi (Gourcun) en désaccord tout à la fois avec le réformateur et avec l'avocat Laureau, du siège de Morlaix, représentant à titre permanent, du fermier général, partie poursuivante. (V. f°s 2, v°, 32 à 47 et 83 du ms.)].

Il n'en fut pas autrement de tout le surplus de la seconde Réformation. Sur son registre, de par l'autorité de la précédente et du nouveau souverain, reparurent avec exaspération tous les chapitres, titres ou articles de celle-ci,
énumératifs ou générateurs de redevances, de droits ou de taxations quelconques [Note : En voici la nomenclature d'après le texte même de l'édit du commissaire : « Maisons, chasteaux, terres et fiefz, rentes, justices et jurisdiction, halles, coutumes, droitz de poidz, ballances, mesures, foires et marchés, préminences, seigneuries, isles, islotz, accrues, attérissementz, droitz de bancz, batteaux, pontz, péages, passages, pescheries, boutiques, eschoppes, bois, prés, places, pasturages, fours, moulins, colombiers, garennes, estangs et autres biens et hérittages quelconques tant nobles que roturiers. » (Voir ms. de 1678-1679, f° 4 v°)].

Baux, fermes, marchés à renouveler, résilier ou majorer, s'y ajoutèrent et à plus forte raison forcements de recettes ou autres redressements, et répressions encourus par les comptables et les préposés de tous rangs.

Est-il besoin de répéter ici que de la combinaison des textes des deux réformations, résulte un ensemble de documents et de données dont l’importance exceptionnelle pour l'histoire de la période comprise entre le début du XVème et le déclin du XVIIème siècles n'est plus à signaler [Note : L'inflexible rétroactivité imprimée à la première réformation en tous ses chapitres, s'affirma spécialement par l'arrêt en date du 11 juillet 1679, transcrit avec son préambule circonstancié sur le registre de la seconde. (f°s 59 à 62). Après débats contradictoires et sur productions géminées de titres d'une haute ancienneté pour la plupart, les paroissiens de Plouégat-Moysan s'entendirent condamner à la reprise du service et au paiement des arrérages courus depuis vingt-neuf ans, d'une rente de cent trente livres, de provenance ducale inscrite an folio 41 verso du registre de 1455] ?

A ne l'étudier qu'isolément et en lui-même, le manuscrit de 1455 présenterait déjà un haut intérêt. Cet intérêt redouble dans le commentaire extensif dont cette première réformation fut pourvue par les actes de la seconde et spécialement par les indications techniques et topographiques qui y abondent. — L'empreinte du sceau de Colbert lui-même s'y grava.

A ce point de vue, l'attention ne saurait être trop assidûment appelée sur la forme comme sur le fond des rapports si remarquablement descriptifs et circonstanciés, que le réformateur inséra dans sa relation magistrale. Œuvre des arpenteurs experts dont il fit en ceci ses collaborateurs officiels et dont il dirigea la main, ces rapports ne devinrent-ils pas un acheminement décisif aux opérations du cadastre moderne dont Colbert entrevit l'économie et dont il anticipa de ses vœux la réalisation ? Peut-on, d'ailleurs, ne pas ajouter, également au sujet des mêmes travaux, qu'il est bien peu de municipalités dont les archives pourraient rivaliser avec celles que Morlaix ressaisirait par la publication de la teneur entière des deux manuscrits ?

Il ne reste plus qu'à compléter les indications relatives à la seconde réformation, par l'aperçu réservé d'avance à son chapitre final, le chapitre concernant les prééminences et droits honorifiques exercés au dedans ou au dehors tant des églises de tous rangs, cathédrales, collégiales ou paroissiales, que des chapelles tréviales, Ce couronnement de l'édifice fiscal ne fut pas, comme on va le voir, la moins curieuse de ses parties si diverses.

§ 3.

La réalisation de toutes plus values procurées aux finances de l'État par la révision des rôles de la noblesse [Note : Envisagé, il est vrai, à un point de vue purement descriptif et nullement fiscal, ce sujet a provoqué, récemment encore, entre autres publications, une notice intéressante et spirituelle, où de nombreux extraits ont été introduits, des annotations marginales dont l'un des membres de la cour réformatrice eut la fantaisie d'enrichir une sorte de répertoire-journal à son usage, des arrêts de cette tant redoutée juridiction. (Voir dans la Revue historique de l'Ouest. t. I, p. 433, Un armorial breton au XVIIème siècle par M. le Vicomte P. Du Breil de Pontbriand). Les confidences maintenant divulguées du magistrat révisionniste, semblent de nature à justifier de plus en plus les réserves exprimées dès l'origine à l'endroit de certains arrêts, soit de maintenue, soit de radiations, surtout prononcées par défaut. La révision de celles-ci notamment, reste, en tant qu'elle présenterait intérêt, permise, voire toujours pendante à la barre de l'histoire et de la vérité. (Voir aussi le manuscrit conservé à la bibliothèque de l'Arsenal (n° 1040), intitulé : Armorial de Bretagne, suivant la Réformation de 1668)], précéda de plusieurs années, ainsi que l'occasion s'est déjà présentée de le rappeler, la réformation itérative du domaine à Morlaix et Lanmeur. De quel bénéfice s'était-il finalement agi [Note : Voir à ce sujet : Des Réformations de la Noblesse de Bretagne dans le XVIIème siècle, par M. Du Chatellier, de tant docte mémoire. — Revue de Bretagne et Vendée, t. X, janvier et février 1875)] ? Peu importait désormais. Il y avait eu emploi sur l'heure, de tous deniers récupérés au fur et à mesure que s'étaient succédés les holocaustes de titres et de rangs et les inscriptions aux fouages, accrues ou non d'amendes expiatoires.

Toutefois subsistait une épave. La valeur en était équivoque et la réalisation difficile. La cession à forfait que la ferme générale en pourrait accepter devait risquer d'autant plus fatalement de dégénérer en un pacte léonin au détriment de l'État. Mais qu'y faire ? Était-il profit si minime qu'on le suppose, que pût dédaigner l'État au paroxysme de sa détresse financière ?

L'épave en question ne fut autre que la supputation du profit espéré des procès nés ou à intenter, ainsi que des amendes encourues ou à encourir au sujet de l'exercice non autorisé de prééminences ou droits honorifiques dans ou sur les édifices à l'usage du culte public.

A peine la seconde réformation engagée dans cette voie, survint une panique nouvelle qui, si elle ne surpassa pas les précédentes, les égala tout au moins en intensité. Très-grand avait été le nombre des possesseurs d'héritages passibles de redressements de limites. Mais combien plus grand le nombre ne devait-il pas devenir des maisons, des familles ou des individualités en possession de manifestations emblématiques plus ou moins vulnérables fiscalement parlant ?

Aussi ne fut-il bruit que de la chasse, — comparaison dont le succès ne rédima personne, — concertée à leur endroit et à leur péril entre le trésor royal et la ferme générale sa cliente.

Le récit que le chapitre indiqué de la seconde réformation en contint et dont quelques mots sont à dire, va s'éclaircir d'avance à souhait par les citations qui vont suivre. Leur étendue relative sera d'autant moins regrettée qu'elles en deviennent tout la fois, plus topiques et plus autorisées. Elles seront empruntées à un livre dont le titre n'y laissa point pressentir leur tant opportune présence, et qui eut pour auteur un moderne légiste breton, émule de Pierre Hévin lui-même en connaissance des matières féodales.

Dans ce livre, à tous égards remarquable [Note : De la propriété des eaux courantes par Championnière, Paris Hingray, 1846, in 8°], se lisent les lignes ainsi conçues [Note : V. Ibid. p. 546, n° 329] : « Peu de coutumes mentionnaient les droits honorifiques qui cependant étaient reçus partout... Ce fut seulement une simple règle de jurisprudence qui les attribua généralement au haut justicier. De droit commun, ce seigneur jouissait des honneurs de l'église mais seulement à défaut de fondateur.... Lorsque l'origine du droit ou de la possession fut oubliée, poursuivit le savant auteur [Note : V. Ibid., p. 549, n° 330], il devint à peu près impossible d'en justifier ou d'en déterminer le caractère. C'est pourquoi, dit Loyseau, ordinairement ès procès intentés pour les honneurs de l'église, le demandeur perd sa cause, parce que ne pouvant fonder son droit, il faut que le défendeur soit déclaré absouds, et de là vient qu'on aime mieux se battre que plaider... Je crois qu'il y a maintenant plus de deux mille querelles entre les gentilshommes de France... et il n'y a possible année qu'il n'en soit tué plus de cent sur ce sujet ».

M. Championnière ajouta que l'ordonnance désirée par Loyseau, pour mettre un terme à ces fureurs homicides, intervint, quant à la Bretagne, en 1529, et qu'elle fut ainsi conçue : « …. Avons ordonné qu'aucun, de quelque qualité ou condition qu'il soit, ne pourra prétendre droit, posession, autorité, prérogative ou prééminence.... Sinon qu'ils soient patrons ou fondateurs d'icelles et qu'ils en puissent promptement informer par lettres et titres de fondations » [Note : Consulter aussi sur la matière le « Traicté des droits honorifiques des seigneurs és églises » par Mathias Maréchal, Paris, 1621, in 12°, alors à sa quatrième édition].

L'exercice des prérogatives spécifiées dans cette ordonnance n'en continua pas moins de ne s'étayer, dans beaucoup de cas, que d'une possession héréditairement séculaire qui s'attesta par une affirmation générale et devenue de style dans les aveux. — Ils contenaient, de la part du déclarant, certification : « d'avoir et maintenir ses armes, armeries, tombes, enffeux, bancs et escabeaux ès églises » [Note : Mention transcrite d'après un aveu en date du 18 juin 1541 relatif à la terre du Plessix-Nizon].

Avec le temps la production d'actes de concessions émanant de la souveraineté ducale ou royale, se hérissa forcément de difficultés. Elles redoublèrent à l'époque et dans les circonstances où survint la réformation domaniale qui fut poursuivie avec toute l'âpreté que l'on a pu voir. L'épanouissement des signes de toute espèce figuratifs de prééminences ou droits honorifiques exercés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des édifices à l'usage du culte public et de leurs annexes ou dépendances, sacristies, cimetières, ossuaires, avait continué de revêtir un caractère de plus en plus vertigineux. Entre les édifices religieux des neuf diocèses de la province l'émulation avait persisté en fait de profusion d'emblèmes commémoratifs tels que devises, écussons, litres ou lisières, blasons, verrières, armoiries, tombes, sépultures monumentales. En cette spécialité de décoration interne ou extérieure, l'oratoire de la trève la plus humble rivalisa parfois avec les collégiales ou les églises métropolitaines le plus en renom. Quelques-unes des œuvres maîtresses en ceci, qui datèrent de la Renaissance, survivent pour faire d'autant plus regretter l'abolition de toutes les autres par la volonté consciente ou inconsciente de l'homme bien plus souvent encore, hélas ! que par la succession des siècles.

Une réformation domaniale survenant, l'ensemble aussi indescriptible qu'il fut complexe dont il vient d'être fait mention, n'y fut naturellement envisagé qu'au point de vue des exigences financières. Elles s'y frayèrent un accès au nom de la prérogative royale. Il importa peu que l'institution eût été destinée à perpétuer par l'art religieux, les traditions de famille. Elle relevait essentiellement de l'autorité souveraine et de cette autorité seule avait pu émaner la consécration légale de l'usage, sous quelque forme qu'il fût survenu, des droits prétendus.

Les contraventions aux règlements et ordonnances sur la matière ne se comptaient plus depuis longtemps. Elles restaient passibles de réparations pécuniaires dont la poursuite et le recouvrement constituaient une valeur cessible à forfait. Ce mode de réalisation parut, comme on l'a vu, s'imposer à raison de la détresse financière de l'État. Enfin, l'hésitation sembla d'autant moins permise que l'extension de la Réformation domaniale aux prééminences et droits honorifiques n'était, en somme, qu'un complément de la révision des rôles nobiliaires naguère accomplie dans le but de susciter une digue à la marée montante des dispenses de contribution aux fouages et aux taxes d'intérêt général ou provincial.

Très logiquement donc succéda aux précédents chapitres de l'œuvre réformatrice en ce qui concerna les anciennes juridictions devenues royales de Morlaix et Lanmeur, un chapitre spécial aux prééminences et droits honorifiques dont l'exercice restait à y constater.

Aussi, à la date du 2 septembre 1679, un édit spécial du commissaire à la réformation intervint-il et fut-il publié en la même forme que l'édit général, sur les réquisitoires combinés du représentant de la ferme générale et du procureur substitué d'office au titulaire. Il y fut déclaré que « Faute aux prétendants des prœminences, tombes, bancs, escabeaux et chapelles prohibitives avec voûtes, escussons et autres droicts honorifiques dans les esglises collégiales, parocchiales, trévialles et autres chapelles... en premier et arrière ressort.... d'avoir fait apparoir titres valables, il serait descendu aux dittes esglises pour faire estat et procès-verbal de touttes les prœminences des dittes esglises par mesurage et blasons des escussons qui s'y trouveront et ce aux frais de ceux qui présenteront les dits droicts, à défaut d'avoir induit leurs actes pour la propriété ».

Un itinéraire fut tracé quant aux visites résolues. « Avons ordonné, fut-il ajouté en terminant, que les vicaires, procureurs nobles, marguilliers et trésosiers des dittes paroisses se présenteront devant nous lors de notre déscente pour déclarer les noms des prétendants des dits droicts, à peine de trente livres d'amende, et sera la présente ordonnance leüe et publiée aux prônes des grandes messes des dittes paroisses. Enjoignons aux vicaires d'en rapporter leurs certificats et à tous autres d'y porter état ».

Dès le 4 septembre 1679 s'ouvrit donc et se prolongea de la fin de l'été à une notable partie de l'automne, une véritable odyssée presque homérique en son originalité comme en son étendue. Sa lecture embrasse, en effet, le contenu entier, à part quelques blancs, recto et verso de cent dix feullets du format gigantesque dont il a été déjà parlé. Elle se heurte en outre incessamment à des répétitions de protocoles qui furent d'autant moins économisées que les contrevenants firent les frais des rôles du registre. Enfin, la monotonie est par surcroît à subir de nomenclatures dépourvues de toute reproduction coloriée des émaux décrits.

Les pages de l'interminable collection de procès-verbaux de prééminences et droits honorifiques, devenue le couronnement de l'œuvre réformatrice, n'en demeurent pas moins aussi instructives que curieuses. Une singulière transparence y règne en dépit des formules et de la phraséologie officielles. Partout se pressent ou s'entrevoit l'émotion terrifiée que suscitèrent par leur apparition à pied ou à cheval, aux portes des églises ou chapelles tréviales, voire conventuelles, le commissaire et son escorte en constatation de prééminences. — La maréchaussée d'alors eût été impuissante à suppléer l'escouade fiscale.

Il n'y a point à suivre celle-ci en ses expéditions urbaines ou rurales ; mais il est certains incidents à citer pour en donner quelque idée.

Les réquisitions du Commissaire royal et surtout ses explorations ne connurent guère de limites. Elles s'étendirent aux oratoires à l'usage des communautés religieuses comme à la généralité des édifices à destination du culte public. Les reliquaires eux-mêmes n'y échappèrent point, qu'ils fussent en vue pour la décoration des autels ou renfermés dans les trésors anxieusement protégés des sacristies. Quant à la chasse, — car de quelle autre expression se servir désormais ? — quant à la chasse aux écussons et armoiries, il résulte des procès-verbaux, qu'elle se poursuivit par imitation de tous les modes précédemment ou encore usités. Tantôt elle atteignit comme le vol du faucon aux cimes les plus sourcilleuses des tours, nulle ascension ne répugnant au commissaire assisté de son blasonneur. Tantôt, au contraire, elle se fit presque souterraine, à la découverte de signes ou d'intersignes latents sous l'amoncellement des ruines ou sous le feuillage du lierre. La croix hors du cimetière, le pal de justice armorié ne furent point omis dans les relations héraldiques. La profusion et la diversité des emblèmes ou monuments qui s'y étalèrent tinrent du prodige. Elles eussent pu paraître exclure tous inventaires circonstanciés et descriptifs. Il n'en fut ainsi que du genre de monuments funéraires invariablement désignés par la mention suivante qui fut répétée de procès-verbal en procès-verbal « Et à l'esgard des tumbes plates n'en faisons un estat particulier ny le mesurage, attendu le grand nombre et que l'Esglise en est pavée, sauff néanmoins aux propriétaires d'icelles à fournir la justification de la propriété » [Note : Voir folio 90, v°]. Tout fruste qu'un pareil dallage eût pu devenir au contact de la circulation quotidienne des fidèles, il dut subir à son tour la main-mise fiscale.

Ainsi qu'on l'a rappelé il y a peu d'instants, les seules comparutions obligatoires sous peine d'amende furent celles des vicaires, procureurs nobles et marguilliers, considérés comme tenus professionnellement de concourir à titre d'indicateurs officiels aux constatations des prééminences exercées. Toutefois, quoique restreintes en apparence au personnel inférieur de l'administration paroissiale, les injonctions du Commissaire équivalurent de fait à des convocations tout au moins implicites, à l'adresse des membres du clergé supérieur. Ils ne s'y méprirent point et s'empressèrent en général de venir répondre à l'interpellation, en quelque sorte sacramentelle, par laquelle débutèrent toutes les enquêtes et qui eut pour objet la constatation des mémoires à l'intention desquels la prière ou les prières dites « nomniales » furent à réciter selon les rites déterminés par l'église et sa liturgie.

A l'occasion de l'accomplissement de cette formalité, divers incidents se produisirent. Ce fut ainsi qu'il fut unanimement déclaré par les membres du chapitre de la collégiale de Notre-Dame du Mur : « que partie des prétendantz droictz ne font aucuns biens à l'Esglise en reconnaissance des prétentions qu'ils y ont » (1).

A Lanmeur le Commissaire interrompit aussi les explorations en cours, pour insérer les réclamations suivantes : « Et en l'endroit, nous a été requis de la part du sieur « vicaire perpétuel, de Messires Jan Salaun curé et 0llivier « Geffroy faisans pour eulx et pour les aultres prestres, que « nous eussions à leur donner pour appurè l'indigence des « dites vittres et aultres estantes en la dicte esglise et de « recevoir leur plainte en ce qui leur est tout à fait « incommode et presque impossible de célébrer la saincte messe « aux autels au-dessus et t côté desquels sont les dittes vittres, attendu l'indigence d'icelles et que les particuliers « y prétendantz droitz d'y mettre leurs écussons et armes « ne font aucunes réparations des dittes vittres. Pour test « effet ilz nous demandent, ajouta le commissaire, qu'il leur « soit permis d'en disposer au profit de ceux qui voudront les réparer et mectre en estat..... et que soient destitués les y prétendantz droits faulte apprès la publication faite à l'endroit du prosne.... ». Sur quoi intervint sans désemparer une ordonnance prononçant la déchéance et la mise aux enchères sollicitées, à défaut par les détenteurs de prééminences d'avoir exécuté dans le délai d'un mois, à dater de la publication, le rétablissement exigé [Note : Voir folio 186].

Une double égide contre les assauts livrés à la possession de leurs blasons et autres signes de prérogatives « és églises », ne fit point défaut aux prééminenciers de haut rang. Ils disposèrent, en effet, d'archives héréditairement abondantes en fait de parchemins et d'ancienneté, ainsi que de l'assistance non moins précieuse des légistes spéciaux et aguerris dont ils firent leurs officiers ou leurs conseillers. Le commissaire royal se vit même, à l'occasion, érigé par ceux-ci en juge ou arbitre des querelles et débats nés des compétitions de préséances ou d'antériorité, médiation qui ne fut point exempte du péril de provoquer quelque arrêt abolitif tout à la fois des droits respectivement prétendus et du litige [Note : Voir entr’autres mentions de litiges de cette nature, celles qui concernèrent le marquis de Locmaria et la maison de Goesbriant. Fol. 128, 174, 175].

Mais les productions de titres d'un pareil ordre ne purent être que des exceptions.

D'autres productions survinrent qui furent suivies, les unes de décisions favorables, les autres de contredits avec expectative de jugements définitifs.

Toutefois, les prévisions fiscales à l'endroit des non comparutions à la barre ambulante du réformateur, ne laissèrent point de se réaliser dans une large mesure, fait constaté par de nombreux procès-verbaux et tout spécialement par le tant caractéristique incident de Lanmeur, cité plus haut. En réalité donc et, d'une part, la panique survenue, d'autre part les obstacles aux justifications exigées y ayant aidé, nombre d'emblèmes restèrent sans défenseur. A l'endroit de leur possession, le silence du temple déserté ne fut troublé que par la voix de l'indicateur et que par les mensurations du blasonneur officiellement à l'œuvre [Note : Si laborieuse devint la tâche de celui-ci que l'expert noble, en titre, Jean Chrestien dut être suppléé de temps à autre par Thomas Gouaffec, sieur de Launay et par Yves Charles, sieur Des Touches. Voir fol, 124 et 131, v°].

Quelques-uns tout au moins des incidents qui se succédèrent au cours des verbalisations réunies en un chapitre final, comporteraient assurément citation, ne fût-ce que par emprunts textuels à la relation du commissaire. Mais l'aperçu qu'il s'agissait de présenter est à tenir dès maintenant pour plus que suffisamment complété. Voici toutefois un passage du préambule des procès-verbaux de la visite « en l'esglise conventuel de Saint Dominicque en la paroisse de Sainct Melaine.... Rendu proche le grand autel de ladicte esglise nous avons attendu environ un quart d'heure les révérendz pères prieur et procureur du dict couvent pour…. nous donner à leur connaissance, leurs déclarations à qui peuvent appartenir les escussons estantz dans les vittres de la dicte esglise.... et voyant quoy que advertiz ils ne font estat de s'y trouver pour obéir, nous avons enjoint à l'huissier (Etesse) d'entrer dans leur dit couvent et de leur répéter la sommation ». L'huissier frappe aussi vainement aux portes du couvent qu'à celles de la sacristie. Il est réexpédié avec ordre de parler au premier religieux venu pour réitérer la sommation. « Ce qu'ayant fait une fois, deux fois, trois fois, à la fin a comparu le père Dominicque Prigent, procureur de l'ordre » [Note : Voir f° 109, v°. Veulent aussi être signalées : 1° la délégation des fossoyeux par un vicaire pour se tenir aux ordres du commissaire royal (V. f° 105) ; 2° la requête des chefs de la corporation des cordonniers de Morlaix, en maintenue de la possession de l'humble banc d'osier qu'elle crut non moins compromis que les sièges à écussons (f° 88 v°)].

Le trafic dont le chapitre terminal de la réformation domaniale de 1678-1679 devint l'instrument [Note : Elle aida indubitablement aux prétentions du fermier qui consistèrent à envisager, comme passibles de taxes, les lettres de réintégration et de maintenue qu'on obtenait du roi pour les droits honorifiques et prééminences dans les églises lorsqu'on prétendait qu'il y avait été fait quelque changement par exemple en ôtant les armoiries. Voir Coutumes de Bretagne (édition de 1745, t. I, p. 396-397)], ne fit que préluder à un trafic tout autrement étendu, sinon plus productif. Effectivement moins d'un quart de siècle plus tard, sous la pression des exigences financières et d'un état de guerre devenu de plus en plus désastreux, les juridictions royales elles-mêmes, soit par fractionnement, soit au contraire par réunion de ressorts furent transformées en valeurs à l'enchère [Note : Voir : 1° édit de mars 1695 portant que « par commissaires députés, il serait procédé à la vente et aliénation à titre d'inféodation et de propriété incommutable des justices et seigneuries des paroisses des prévotez, vicomtez, chaztellenies, vigueries et autres juridictions ordinaires dans l'étendue du royaume » par démembrement de leur siège principal ou chef-lieu ; 2° édit d'avril 1702 confirmatif et extensif du précédent ; 3° troisième édit, en date du 26 décembre 1703, qui « permet aux acquéreurs (contrairement aux arrêts des parlements) d'instituer pour l'exercice des dites justices tels juges capables qu'ils jugeront à propos, gradués ou non gradués » Voir Henrys annoté par Bretonnier. Paris, 1708, Gosselin m 1° t. I, p. 154-155. Les trafics ne s'arrêtèrent plus. Indépendamment, en effet, des engagements consentis à la maison de Penthièvre, et le 14 mai 1716, au comte de Toulouse, cités dans la note empruntée plus haut à l'Inventaire sommaire des archives du Finistère (p. 54), survint l'acte qui vient de faire l'objet du Mémoire de M. Paul Ducroquet, intitulé : Une aliénation de biens domaniaux au profit de la province de Bretagne en 1759. (V. Annales de Bretagne, juillet 1887). Enfin, on ne saurait omettre le très intéressant aperçu publié sous ce titre NOTIONS HISTORIQUES SUR LES IMPÔTS ET LES REVENUS DE L'ANCIEN RÉGIME, dans le Journal officiel du 16 décembre 1881 (p. 69, 22 et suiv.) V. spécialement le paragraphe DOMAINES (p. 69, 23)].

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IV.

En l'absence des indications bibliographiques par lesquelles la notice va se terminer, les aperçus dont les manuscrits de 1455 et de 1678-1679 ont fait l'objet, risqueraient d'être incomplets.

Le premier paraît être demeuré presque entièrement inédit; un extrait des lettres patentes par la transcription desquelles il débuta et, qui émanèrent du duc Pierre II, extrait cité par la Gibonais) et la description de l'ancien parc ducal reproduite par le comte Aymar de Blois, ayant seuls été publiés, du moins à la connaissance de l'auteur de la notice. « Un vieil et aimable bénédictin tout chargé d'ans et de science », écrivit en parlant de M. de Blois, M. Alexandre qui cita les notes savantes, ingénieuses et critiques... du même érudit, jointes aux mémoires laissés par le maire Daumesnil, à qui M. Alexandre également, consacra une éloquente notice biographique [Note : V. Histoire de Morlaix p. 9].

A la différence de Dom Lobineau et de Dom Morice, le comte de Blois connut la valeur du document cité. Il l'apprécia dans la trop modeste annotation préliminaire qu'il consacra aux recherches de Daumesnil. « On y a joint, écrivit M. Aymar de Blois, quelques notes et quelques articles tirés d'une pièce dont il parait que l'auteur n'avait aucune connaissance. C'est la réformation du domaine ducal faite à Morlaix par ordre du duc Pierre II en 1455... Il n'est, malheureusement que trop ordinaire, ajouta au sujet de ce document, le savant antiquaire Morlaisien, de juger de l'esprit et des usages des siècles passés par l'esprit et les usages du nôtre » [Note : V. Histoire de Morlaix p. 13. Lecture prise du passage emprunté à la page 9 de l'Histoire de Morlaix, M. le comte Aymar de Blois, a signalé une erreur échappée à M. Alaxandre dans la dénomination d'ancien bénédictin donnée (p. 238 et 243) au savant annotateur des Mémoires de Daumesnil. Il n'appartenait à aucun ordre religieux].

Quant au volumineux manuscrit de 1678-1679, à part les procès-verbaux descriptifs de prééminences, son corps principal, c'est-à-dire l'ensemble formé tant des préliminaires que des constatations relatives à la fois au domaine foncier et au domaine consistant en des droits mobiliers de leur nature, semble aussi à réputer inédit. Que des actes tels que le réquisitoire du procureur général près la Chambre des comptes de Bretagne, l'arrêt conforme de cette chambre, le rapport au Roi par Colbert et l'arrêt du Conseil, qui suivit n'aient été imprimés nulle part, soit isolément, soit avec d'autres actes, c'est ce qui n'est guère vraisemblable. Néanmoins les recherches tentées pour éclaircir le fait sont jusqu'ici demeurées sans résultat.

Mais il en a été tout autrement d'abord du chapitre des prééminences, puis de la seconde description cadastrale de Morlaix et de ses faubourgs.

En effet, le chapitre indiqué et même la teneur de l'un des aveux produits lors de la seconde Réformation furent insérés en partie dans la publication des recherches et manuscrits de l'ancien maire Daumesnil, qui fut due en 1879, à M. le Bibliothécaire Allier [Note : Histoire de Morlaix, p. 342. « Dans la bibliothèque de la ville il existait, écrivit au sujet des mêmes recherches, M. ALEXANDRE, un volumineux manuscrit aux feuilles jaunies et poudreuses. Il est là, perdu, oublié sur les rayons. C'est à peine si de loin en loin quelque rare lecteur vient ouvrir ce livre abandonné... Il fut la seconde œuvre de Daumesnil, nommé garde des archives en 1750. Au maire, succéda l'écrivain. Il fit les annales de la ville qu'il avait gouvernée.... » (Ibid, p. 9). L'ouvrage fut publié par souscription].

Tout récemment, d'après un manuscrit conservé à Nantes dans la bibliothèque du cercle Louis XVI, l'honorable M. Pitre de l'Isle du Dreneuc, a fait de la collection de procès-verbaux de visites des églises et chapelles par laquelle se termine le manuscrit de 1678-1679, l'objet d'une série d'insertions sous le titre suivant : Armoiries et prééminences des familles bretonnes dans les églises du ressort de Morlaix et Lanmeur, dans un intéressant recueil, la Revue historique de l'Ouest [Note : 1ère année. Mars 1886. Documents, p. 521 et suiv. ; 2ème année, p. 19 et suiv. 49 et suiv., 120 et suiv., 193 et suiv. Nantes. Grimaud].

Enfin d'importants extraits textuels des procès-verbaux de la même Réformation relatifs à la description cadastrale de Morlaix, ont trouvé place dans le travail déjà mentionné à diverses reprises, de M. l'Archiviste Luzel [Note : p. 54 et suiv.].

Quoiqu'il ne se soit agi que de fragments plus ou moins étendus de l'œuvre du Commissaire départi, les publications qui viennent d'être citées n'en demeurent pas moins un éminent service rendu à la cause des études historiques. Tout autrement éminent encore serait le service qui consisterait en une reproduction intégrale de la teneur des deux manuscrits. Il a été facile de constater que de l'une et de l'autre des réformations domaniales accomplies à Morlaix, est résulté un ensemble, réellement indivisible, de sources authentiques qui intéressent au plus haut degré l'histoire de la domanialité fiscale. A une divulgation complète et dès longtemps désirée, de ces sources applaudiront tous les esprits éclairés.

EN RÉSUMÉ, il s'est agi de motiver le vœu qui vient d'ètre réitéré. Des longueurs à supprimer, des erreurs à réparer existent indubitablement dans la notice. Sa conclusion n'en demeurera pas moins pleinement justifiée [Note : La recherche et la publication par les sociétés savantes dans le ressort desquelles existèrent les anciens domaines autres que Morlaix et Lanmeur, des manuscrits de la Réformation dont ces domaines firent aussi l'objet, doivent également donner lieu ici à la manifestation d'un vœu qui du reste se trouvait déjà tout au moins implicitement exprimé].

(Henri Hardouin).

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APPENDICE

CY ENSUYVENT les Rentes des Receptes et chatellennies de Mourlaix et de Lanmeur, faictz et refformés par le commandement et ordonnance du Duc nostre souverain seigneur et Messires de son Conseil, par vertu des lettres et commission de mondict séigneur, dont la teneur suilt : PIERRE, PAR LA GRACE DE DIEU, duc de Bretaigne, comte de Richemont et de Montfort, à nos bien ammés et féaulx couseilliers les gens de nos comptes, salut. Il est venu à notre noticze et cognoissance et sommes à plein informez par plusieurs gens de nostre Conseil et aultrement que le faict de nostre demaine est grandement diminué longtemps a, et chascun jour diminue, et que les receveurs et aultres officiers de nosdictes receptes ordinaires n'en font pas à leurs comptes qu’ilz randent davant vous si bon ne si grant rapport que leurs prédécesseurs avoint accoustumé de faire, ains dict que plusieurs des deniers et rentes de nos dictes receptes sont moultes vacquantes et de nulle valeur, et combien que par vous leur ayt esté plusieurs foys enjoinct les proufitter et mettre en valeur, ilz ont esté et sont encores négligens et en deffault de ce faire, aussi par leur nonchaloyr, faveurs, supportz ou aultrement ont obmis et délaissé à s'enquérir et rapporter à leurs comptes plusieurs rachatz et soubzrachatz, vantes, lodes et retors de héritaiges, brys, penzoys, galloys, espaue, deshéranczes, subcesious de bastardz et aultres deniers advenus par plusieurs foys en leurs mains quy grandement nous eussent peu (pu ) valoyr, mesmes que plusieurs de nos subgectz nobles et aultres ont acuilly possession sur partie de nos terres, demaines et seigneuryes et les usurpements en nous défraudant et que plusieurs terres, tenues d'héritaige et aultres nous appartenant qui à présent sont de peht rapport et valeur nous pourroint moult valloir par chacun an, si elles estoint baillées par héritage à cens ou rente, et aussy que plusieurs de nos fours, moulins, cohues sont cheuz en ruyne et de nul proufilt, par default de rapparation, et d'aultres qui seroint bons dédeffier pour l'accroissement de nostre demaine et pourroint beaucoup valoyr, s’ilz étoint mys en repparation et baillés à gens qui les proufiteroint. A toutes lesquelles choses et aultres qui touchent le byen et accroissement de nostre demaine est très nécessaire chose pourveoyr par toutes les manières convenables, le plus breff que faire se pourra. Pour quoy nous, acertainez de vos loyaultés qui donnerez sufficzance et diligence, vous avons aujourd'huy commis et instituez, commectons et instituons par cestes présentes ou deux de vous, apellés en vostre compaignye ceulz de nos officiers des lieulx où vous vacqucrez es choses cy devant et amprés decclairés que bon vous semblera pour enquérir et faire information sommairement et de plain de toutes les rentes et debvoirs nous debuz et apartenant en chacune de noz receptes, en faire rentiers et minuz où seront decclairez les nomps et sournomps des personnes quelz tiennent et doybvent, et sur lequel ypotecque, et à quieulz termes et tems, en faire faire ou bailler adveu, affin de continuation au tems advenir, de contraindre les procureurs de noz courtz et barres à vous bailler les termes par escript de cieulz quilz tiennent noblement et prochement de nous leurs héritaiges à foy rachat. Et en cas que lesditz procureurs nayent faict bailler lesdites tenues, les contraindre par toutes les voyes deues et raisonnables ad ce faire ; et ce faict, mectre et radiger par escript en beaulx livres et parchemyn icelles tenues noz réceptes affin de mémoire perpétuel ; de vous acertainer et enquérir quel proufilt ou domaige pourrons avoir pour en franchir plusieurs hommes serfz que aulchuns ès éveschés de Léon et de Cornouaille pour le nous rapporter par escript, affin d'en ordonner par nostre conseill, comme verrons avoir affaire. Aussy vous enquerrez si ès temps que nosditz officiers ont rapporté par leurs comptes choses frostes et vacquantes, comme dict est, si celles choses ont esté de nul proufilt et à qui il serait trouvé, affin de le recommanczer pour nous avecques et l'amende pour ceulx que il appartient. Item voulons que toutes les choses que tronverès estre frostes, vacquantz et de nulle valeur en nosdites receptes vous les profitez et baillez, à rente et à féaige, au plus profitablement que estre pourra pour vous ; et si en trouvez aulchune avoir esté mal faictes et baillés par aulchuns de noz recepveurs ou aultres officiers au temps passé, voulons que les cassez et annullez, et que de nouvel les baillez à prys raisonables ; et aussy nos héritaiges qui sont à demaine que les baillez à héritaige par cens et féaige à gens solvables qui seront tenuz de édiffier, en cas que trouverez que ce soyt le bien et accroissement de noz revenuz et receptes, et non aultrement, et les baillées que ainsi vous ferez voulons valoir et tenir à jamais, comme si nous mesmes les avions faictz. — Item — pour ce que en plusieurs de nosdictes receptes a plusieurs qui ce tiennent comme à volunté par les fermiers d'icelles, d'an en an, ainsi quilz les tiennent par les debvoirs d'icelles ne sont point esclardez par les comptes de nosdictz receveurs en la manière comme ilz se doibvent lever et exiger, pour quoy plusieurs abuz peuvent estre faictz en charge de nostre concienze et foule du peuple et diminution de notre financze. Nous voulons que de ce que vous enquérez au vroy (vrai) et en baillez institution et enseignement à nos-ditz recepveurs pour régler et gouverner la chose au temps à venir, ainsi que trouverés ce debvoir estre, et que ès receptes que ferez vous faictes aseoir et registrer iceulx debvoirs. — Item — voulons que vous enquérez des rachatz, soubz rachatz, rentes d'héritaige, brys, penzoys de mer, espauez, galloys, deshérences, successions de bastardz et aultres telles choses semblables qui ès temps passez ont esté recellés sans estre rapportez à compte, et que en esligez les deniers des parties que les debvront par appointement, composition ou aultrement, ainsin que verrés estre le plus proufitable pour nous ; et lesdictz deniers faictes bailler à noz recepveurs ordinaires des lieulx où telles choses se trouveront en respondre ; — Item — voulous que contraingnés tous recepveurs, fermiers et aultres officiers qui par la fin et déduction de leurs comptes sont desmorez en reste envers nous et trésoriers et recepveurs généraulx, et aultres qui ont esté officiers de nos prédécesseurs, à les poyer réallement, et à défault, les contraingnes tant par prinse et esplatation de leurs biens meubles et héritaiges que détention de leurs personnes, sans avoir esgard a longueur de plaideryes ni aultrement. Et aussy contraingnez tous notaires, tabellyons„ passeurs de noz courtz, et aultres subgectz à vous apparoir leurs papiers et registres des contratz dont ilz ont prins les grès entre parties, affin que puissions avoir plus clére cognoissancze des debvoirs qui nous debvoint et peuvent appartenir par cause desditz contractz ; — Item, voulons que vous enquérez du faict et gouvernement de noz officiers, tant de justicze, des receptes ordinaires que de fouaige, et de ce que vous trouverès nous faictes relation pour en ordrener ainsin que verrés ce devoir estre ; voulons aussi que contrainguez et puissiés contraindre par toutes voyes deues et raisonables tous ceulx qui seront à contraindre, sans avoir esgard à assignations de plectz ne aultres choses qui pourroint empescher ce estre notre présente commission à laquelle voulons que entendez par breffs tours et termes o toute diligence ; et en ce vous instituons o tout povoir tant en faict de justifficature, procuration que aultrement, sans ce que aulchuns de noz officiers queulxconques vous puissent empescher en nulle ne auchune manière, et dès à présent leur interdisons et deffandons toute cognoissance et déscision pour ce que de noz fyes proches voulons avoir toute cognoissancze et que vous nous faictes vray et loyal rapport, sans rien épargner pour quelque officze, degré ou requeste que nulz ne aulcuns de nos officiers ayent et puissent avoir; et pour ce faire et exercer ladicte commission voulons et ordonnons que ayes par chacun jour que vacquerès pour despancze de vous et de voz gens et à chevaulx, par chacun jour à vous estre payés par noz recepveurs, à chacune recepte où vous besoignerés. Et avecques ce voulons que nosditz recepveurs poyent par votre ordonnancze les clercs, sergens, parchemyn, papiers et aultres choses nécessaires à ladite commission tant à escripre et greffier les dites rentes et tenues par escript que aultrement que par vous sera advisé pour le bien de la matyère, et que les sommes que lesditz recepveurs auront ainsin poyés leurs soient alloués en leurs comptes, en la chambre denosditz comptes, rapportant relation de bons et quittances des parties, de ce faire avecques toutes et chacune les aultres choses ad ce pertinantes et nécessaires, nous nous avons donné et donnons plain povoir et auctorité et mandement spécial, mandons et commandons à tous noz féraux subgectz en ce vous estre obéissantz et diligentz, entendons et mandons aussi à tous et chacun noz sergentz sur ce requis faire les ajornements et aultres esplectz appartenantz à leurs offices dont par vous requis. Et pour ce que plusieurs pourront avoir à besoigner de cestes présentes, nous voulions et commandons que à copye d'icelles valablement faict, foy soit adjouté comme à l'original.

Donné à l'Estrainil de Vennes, le vingt-uniesme jour de may l'an mil quatre cens cinquante cinq. Ainsi signé PIERRE. Et ce de sa main par le Duc de son commandement.

Lesdictz rentiers faictz par Moricze de Kerloaguen, conseiller et l'un des présidentz des comptes de mondict seigneur, et procureur desdites chatellenyes, maistre Guillaume Kergouet parallement conseiller et l'un des seigneurs du Parlement, et Henriet Le Saux, seccretaire et auditeur desditz comptes, commissaire ordinaire des éveschés de Tréguyer, Cornouaille et Léon, à celle fin et aultres contenuz en la commission que dessus, o l'advis et en présence de Tanguy de Kersulguen, bailly de Mourlaix et de Lanmeur, Pierres Lemarol recepveur desditz lieulx, Jehan Nycholas du Penhouet, autrefoys recepveur desdites rentes, Jehan et Guillaume de Kerloaguen ad ce appelés, lesquieulx rentiers furent
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commanczés par lesditz commissaires, le second jour de juing l'an mil quatre cens cinquante cinq, esquieulx rentiers sont desclairés par le mynu les rentes, chefrentes, censies et aultres debvoirs debuz à mondict seigneur, lesdites rentes tant en deniers que par blez et aultres especzes avecques la nomination de cieulx qui doibvent lesditz debvoirs et à quieulx termes ilz les doivent poyer, et les gaiges et ypotecques ad ce obligés et la cognoissance et adveu des parties. Et aussi les debvoirs debuz à mondict seigneur à cause des veyrraiges, cohuaiges, moulins, fours et aultres fermes muables desdites receptes, chacun eu son endroict. — Et pareillement la déclaration par le minu des terres, demaines de mondict seigneur estantz en chacune desdictes receptes, lesquelles terres ont esté du commandement et ordonnancze desditz commissaires confrontés et prisaigés par Olivier de la Forest, Guillaume. Guichoux et Jehan Nicholas, prisaigeurs, gens savants et expers ad ce et jurés par lesdictz commissaires, et sont lesditz rentiers séparés l'un de l'aultre très particulièrement.

 

II.

Extrait des Registres de la Chambre des comptes de Bretagne et du registre de la Refformation du domaine de Morlaix et de Lanmeur.

§ 1er.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU ROY ENTRÉ AU BUREAU ; a remontré que le plus beau et le plus digne fleuron de la Juriôn de la Châbre estant la direction des domaines de la province qui luy a esté attribué indépendament en doit estre, par conséquent, le plus juste et le plus glorieux engagement ; sy bien que préférablement à tout autre employ elle se doit applicquer à s'acquitter de celui qui en maintenant ou conservant les plus importantz droitz de sa maiesté dans l'étendüe de son ressort peut marquer plus advantageusement le pouvoir et le zèle qu'elle a de l'y pouvoir faire servir et reconnoistre, et comme il est constant que les moyens les plus avantageux aussy bien que les plus efficaces qui luy ont ont été prescritz et designez par les règlements faits au conseil pour le soutien de l'authorité qui luy a esté attribué : soit pour empescher qu'on uzurpe, altère ou supprime les droitz et les mouvances qui appartiennent à Sa Maiesté en ladite province, ou pour faire en mesme temps reconnoistre le crédit ainsy que l'interest quelle a de les esliger et de les justiffier, de temps en temps sont ordonnés pour ne dire pas expliquez dans l'article second du règlement de l'an mil cinq centz vingt et cinq, rendu entre le parlement et la chambre, par lequel il luy est enjoint de procéder incessamment à la refformation des domaines et d'envoyer de temps en temps de Messieurs les Presidentz et Maistres en chaque jurisdiction pour pourvoir aux abus dont ilz pouroient avoir reçeu plainte on prendre connoissance, et comme par linexecution des jugementz rendus par les commissaires par elle députtés sur les lieux pour procéder ausdittes refformations causés par les obstacles et oppositions qu'on y apporte et par la dureté et misère des saisons qui s'est ensuivie, l'on n'a peu accomplir entièrement les refformations encommencées desditz domaines quoy que l'on n'ayt pas entièrement abandonné le soin de les ordonner non plus que celui de se mettre en estat de l'entreprendre, aujourd'huy que les choses ont changé de face dans la province, que tout semble debvoir y entre refformc et que les changementz fascheux et extraordinaires soit dans la disposition de régir les domaines et d'en compter s'y sont glissés dont l'on ne peut descouvrir non plus que prévenir les abus qu'en les éclaircissant et approfondissant la nature, l'origine et la qualité des rentes qui en dépendent et qui y sont annexées que soubz cette généralité de recepte et de despence qui s'en fait se peuvent confondre au lieu de se justiffier, et par les suites pouroient enfin ou s'uzurper ou s'anéantir pour la connivence ou par l'ignorance mesme des personnes qui n'y ayant qu'un interêt passager et dans le recouvrement présent qu'ilz en font n'envisagent que leur profit particulier et se mettent peu en soin d'en assurer la continuation à sa maiesté, et par conséquent touttes les inductions quelle en pouroit tirer pour le maintien et esclaircissement de tous les autres droitz qui en peuvent dépendre et dont elles sont les seules et les plus incontestables preuves qu'on en puisse conserver, sy bien qu'estant important d'y rémédier et n'y ayant que les déclarations particulières qu'on contraindra les debtenteurs et redevables desdittes rentes de fournir, qui le puissent faire avec effect et advantage ; il a requis y entre pourveu suivant sa remonstrance quit a donné par escrit signée Yves Morice. Et tout considéré, la chambre faisant droit sur la remonstrance du procureur-général du Roy a ordonné et ordonne qu'il sera incessamment procédé par les présidentz et maistres à la refformation et confection des rolles rentiers et papiers terriers des domaines de la province et du duché de Bretagne, recherches des entreprises et uzurpations et recellement des deniers desditz domaines et réunira les choses uzurpées le tout conformément aux arretz et reglementz du conseil rendus au faict desdittes réformations aux années mil cinq centz quatre vinez deux et mil six centz vingt et cinq ; et pour y procéder a commis et commet pour les domaines de Morlaix et de Lanmeur Maistre François Boüyn, enjoint ladite chambre à tous justiciers officiers et sujetz de sadite Majesté d'obéir audit commissaire en exécution de sadite commission et aux huissiers et sergentz royaux de mettre ses ordonnances et jugementz en exécution nonobstant oppositions ou appellations quelconques, enjoint pareillement ladite chambre au garde des livres, papiers, titres actes et enseignementz délivrer les actes nécessaires pour l'exécution de sa commission soubz son récépissé, pour les réformations faites et rédigées par escrit par lesditz commissaires, représentées en ladite chambre, et icelles veües, estre receüs et coppies collationnées estre envoyées au Greffe desdittes jurisdictions et aux receveurs desditz domaines ainsy qu'il appartiendra.

Faict en la chambre des comptes à Nantes semestres assemblés le dixième janvier mil six centz septante six. Signé PAPELART.

...... La chambre a ordonné et ordonnne qu'il sera incessamment procédé à la refformation des domaines de Morlaix et Lanmeur par Maistre François Boüyn conseiller et maistre ordinaire en ladite chambre à ceste fin commis, lequel, appelé avec luy le juge ordinaire et le procureur de Sa Maiesté sur les lieux fera assigner par devant luy les particuliers redevables des cens, rentes, et debuoirs des ditz domaines pour en passer reconnaissance et déclaration, fera et renouvellera les rolles rentiers et papiers terriers qui contiendront les fieffz et hérittages subjettes ausdittes rentes par tenantz et aboutissantz, ensemble les termes et mesures ausqueltz elles sont deubz, condemnera lesditz particuliers au payement des arrérages des ditz cens et rentes et des autres droitz et dobvoirs certains et cazuels ; informera des uzurpations faites sur lesditz domaines pour les réunir à icelluy et les rebailiera à nouveaux cens et rentes, pour lesditz rolles aiusy faitz et formés estre raportez à ladite chambre et coppie d'iceux estre délaissée au greffe de ladite juridiction, et mise és mains du receveur desditz domaines pour en faire le recouvrement et recepte en son compte, et ce qui sera jugé et ordonné par ledit commissaire sera exécuté par provision nonobstant oppositions ou appellations quelconques avecq deffences à tous juges d'en empescher l'exécution. Faict en la Chambre des comptes â Nantes, semestres assemblés le dixiesme janvier mil six centz septante six, signé PAPELART.

§ 2.

EXTRAIT DES REGISTRES DU CONSEIL D'ESTAT : Sur ce qui a esté représenté au Roy estans en son conseil que Sa Majesté voulant estre informée de l'estat de ses domaines et droitz domaniaux de la province de Bretagne, aurait cy devant nommé des commissaires pour la confection du papier terrier de ladite province, recherche des uzurpations faites sur iceux et pour pourvoir la réunion des choses uzurpées et aux restitutions deubz par ceux qui en avoient eu la jouissance, circonstances et dépendances, à quoy il auroit esté commencé par lesditz sieurs commissaires qui auroient rendus plusieurs arretz sur ce subject ; que sur la réquisition des gens des trois estatz de ladite province par le contract faict avec lesditz étatz le douziesme janvier mil six centz septante quatre, il a esté convenu par les sieurs commissaires de Sa Majesté ausditz estatz que ledit papier terrier serait continué sans frais par des commissaires à ce députtés, les juges royaux appellés, et que ce qui serait par eux ordonné seroit exécuté nonobstant oppositions ou appellations qui seroient rellevées au parlement de ladite province. En conséquence de quoy la Chambre des comptes qui a l'attribution et connaissance dudit papier terrier ou refformation des domaines et droitz domaniaux, dès il y a quatre années a nommé aucuns des officiers d'icelle pour y travailler ; mais comme ilz en ont nommé qui sont aagés, incommodez et peu laborieux, et presque partout destiné les officiers de la dite chambre pour les lieux d'où ilz sont natiffz, où ilz ont tous leurs parens et alliéz et trouvent les plus intéresés, ledit papier terrier qui debvroit estre finy est peu avancé et ne se trouve pas commencé en dix-huit des vingt-et-quatre barres royalles et corps de domaines appartenantz à Sa Majesté en ladite province, tant à cause da peu de temps que lesditz commissaires se donnent pour ce travail, que par les oppositions et prise à partye que l'on leur faict dans touttes les affaires qu'ilz jugent, et encore sur les appellations qui sont interjettées de leur jugementz et sentences relevées au parlement de ladite province sans que jamais il ayt ordonné par provision ny obligé les appelantz de consigner les sommes ausquelles ilz sont condemnés comme il est expressément porté par le contract desditz estatz dudit jour treizième janvier mil six centz septante quatre aux termes duquel Sa Majesté peut nommer telz commissaires que bon luy semblera pour ledit papier terrier et refformation desditz domaines et droitz domaniaux, ce qui est ainsy observé par tout le royaume suivant tous les arretz du conseil qui ont nommé lesditz commissaires, qui porte expressément que leur jugementz et sentences seront exécutés par provision nonobstant oppositions ou appellations qui doivent estre au conseil pour y estre jugées et terminées au rapport des sieurs commissaires généraux à ce députtés par sa maiesté à la chambre du domaine au chasteau du Louvre à l'appartement des Tuileries, autrement l'on n'auroit peu voir la fin de ce travail, dont la fin est très importante au bien des affaires du Roy qui a faict estat des deniers qui doivent provenir de la restitution des sommes qui seront justiffiées estre deubz par ladite refformation et confection du papier terrier pour estre employez aux dépances présentes de la guerre. Pourquoi il est nécessaire que ladite refformation soit faite à la requeste poursuite et diligence de Maistre Jacques Buisson fermier général des domaines de France et droitz domaniaux ou ses procureurs spéciaux à ces effectz, sur les conclusions des procureurs de Sa Majesté à chacun sièges et jugés par les commissaires de ladite chambre à ce députtés par Sa Maiesté avec les officiers desditz sièges non suspectz et non intéressés ausdittes uzurpations. A quoi Sa Maiesté désirant pourvoir et accélérer la confection du dict papier terrier et refformation des domaines ; oüy le rapport du sieur Colbert conseiller ordinaire au conseil royal controlleur général des finances ; le Roy estant en son conseil a ordonné et ordonne qu'à la requeste poursuite et dilligence dudit Buisson et ses procureurs spéciaux à cet effect, il sera incessamment procédé à la continuation du papier terrier et refformation des domaines et droitz domaniaux de ladite province de Bretagne circonstances et dépendances par les officiers de la chambre des comptes de ladite province que Sa Maiesté a pour ce commis et députtés, scavoir : le sieur CORNULIER, président en ladite chambre pour les domaines de Guerrande et Dinan ; le sieur DONDEL, de Pentreff, conseiller audit parlement et maistre des comptes de la dite chambre pour les domaines de Lannion, Saint-Brieuc, Quimper-Corentin, Chasteaulin, Carhaix, et austres de l'évêché de Cornouaille ; le sieur DU PONCEL, maistre des comptes, pour les domaines de Rennes, Sainct Aubin du Cormier, Liffré, Hédé et Jupon ; le sieur Henry DE BELESTRE maistre honoraire de ladite chambre pour les domaines de Nantes, Touffou et Loroux ; le sieur DE SAINT PÉON, maistre des comptes pour les domaines de Fougères, Bazouges et Antrain ; le sieur GODET, maistre des comptes pour les domaines de Vennes, Muzillac, Ruis, Auray et Hennebond ; le sieur BOUYN, maistre des comptes pour les domaines de Morlaix et de Lanmeur, et le sieur TRENOIS DE LOHEAC, maistre des comptes pour les domaines de Brest, Lesneven et Sainct Renan, auquel effect les tiltres papiers et enseignensentz de Sa Maiesté qui sont en la dite chambre des comptes seront communiquez audit Buisson, ses procureurs et préposez par le greffier et gardes des livres de la dite chambre et autres dépositaires qui luy en dellivreront les coppies ou extraitz qui leur seront demandés pour la conservation des intérêtz de Sa Maiesté dans la dite refformation des domaines et confection dudit papier terrier à peine de demeurer responsables en leur noms du retardement des deniers et affaires de Sa Majesté, poura ledit Buisson et ses procureurs blasmer les déclarations, adveus et dénombrementz et former ses demandes pour les droitz et intéretz de Sa Maiesté, pour estre le tout jugé par lesditz sieurs commissaires, chacun dans son département avec les officiers de chacune barre royalle de ladite province sur les conclusions des procureurs de Sa Maisté ausditz sièges ainsy qu'il appartiendra, leur en attribuant toute cour, juridiction et connoissance nonobstant les prises à partie et récusations et autres empeschements qui pouroient estre faits ansditz sieurs commissaires, et ce qui sera par eux ordonné sera exécuté par provision nonobstant oppositions, appellations et aultres empeschements pour lesquels ne sera différé et sans préjudice d'icelles ; ordonne en outre Sa Maiesté que les deniers des anciens arrérages, restitutions et autres condemnations jugées et à juger et généralement tout ce qui sera deub à Sa Maiesté sera receu par ledit Buisson que Sa Majesté a commis à cest effect aux cauptions par luy baillées de ladite ferme généralle des domaines, et au payement les redevables seront contraintz par les voyes et ainsy qu'il est accoutumé pour les deniers et affaires de Sa Maiesté et dont ledit Buisson rendra compte ainsi qu'il lui sera ordonné par Sa Maiesté ; sur les deniers de laquelle recepte les appointementz desditz sieurs commissaires et des employés à la confection dudit papier terrier et refformation des domaines et autres fraiz faitz et à faire pour raison de ce, seront pris et paiés par ledit Buisson suivant les Estatz qui en seront arrestez au Conseil.

Faict au conseil d'estat du Roy Sa Maiesté y estant tenu au camp devant Ypres le diz-neufvième jour de mais mil six centz soixante-dix-huit ainsy signé ARNAULD.

§ 3.

Extrait des registres du greffe des domaines de Morlaix et de Lanmeur.

— DE LA PART DE MAISTRE LOUIS LAUREAU, advocat en la cour, procureur spécial de maistre Jacques du Buisson fermier général des domaines de France et droitz y joints adhéré de Me Guy Chrestien avocat à la cour, substitué au lieu et place des sieurs procureurs du Roy, de Morlaix et Lanmeur par M. le Commissaire de la refformation du domaine de sa maiesté et par luy s'expédiant, a esté judiciellement remontré en ceste audiance que par plusieurs ordonnances et jugements rendus par M. le Commissaire, il a esté ordonné que tous prétendants préminences, bancs, escabeaux et droitz prœrogatives dans les églises collégialles, parrochialles, trevialles et chappelles des ressortz de Morlaix et Lanmeur eussent debnement produits leurs actes au greffe de ladite refformaion et à deffaut que de leurs prétendus droiz de prœminences ils eussent estés descheus et iceux acquis soit au Roy ou à lesglise : A quoy la pluspart n'ayant obey par un mespris aux jugementz de M. le Commissaire, lesditz Laureau et Chrestien sont fondés de conclure deffinitivement comme ils font, à ce que faute aux prétendantz droitz honorifiques, préminences, chapelles, bancs, escabeaux et tombes prohibés dans toutes les esglises qui rellèvent nûment en premier ou arrière fieff des jurisdictions de Morlaix et Lanmeur, il soit incessamment descendu aux esglises desdits ressorts aux fraiz des prétendantz et en deffaut d'avoir induit pour la justification de leurs droitz pour passé desdittes descentes, en cas de n'aparoir titres valables, estre descheus et condemnés en telle amende qu'il plaira, à Messieurs les commissaires et estre cy appres autrement pourvueüe a laquelle fin sera l'ordonnance qui interviendra leüe pronasllement aux prosnes des grandes messes et enjoint aux vicaires, procureurs nobles et marguilliers desdittes paroisses et chapelles de comparoir devant M. le Commissaire et lesditz Laureau et Chrestien audit nom pour faire leurs déclarations à qui les proéminences, bancs et escabeaux qui se trouveront dans lesdites églises et chappelles peuvent appartenir à faute d'estre vers eux procédé comme il sera veu appartenir et ont lesditz Laureau et Chrestien signé.

Nous faisant droit sur ladite remonstrance et oüy maistre Guy Chrestien advocat en la cour, eu ses conclusions et faute aux prétendantz des prœminences, tombes, bancs, escabeaux et chappelles prohibitives avec voutes, escussons et autres droitz honoriffiques dans les esglises collégialles, parrochialles, trevialles et autres chappelles qui sont soubz les ressortz de Morlaix et Lanmeur en premier et arrière ressortz : Avons réservé de descendre incessamment dans lesdittes esglises pour faire estat et procès-verbal de touttes les proéminences desdittes esglises par mesurage et blason des escussons qui s'y trouveront et ce aux fraiz de ceux qui prétenderont lesditz droitz honnorifiques à deffaut d'avoir induit devant nous leurs actes pour la propriété. Réservé de commencer nostre descente lundy quatriesme du présent mois deux heures, à ceste fin avons ordonné que les vicaires, procureurs nobles, marguilliers et trésoriers desdittes paroisses se présenteront devant nous lors de nostre descente pour déclarer les noms des prétendantz desditz droits à peine de trente livres d'amende, et sera la présente ordonnance leüe... Arresté à Morlaix le deuxième septembre mil six centz soixantedix neuff. Ainsy signé : François BOUIN ; M. le Commissaire, François JONNO, greffier.

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