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LES MARTYRS SAINT DONATIEN et SAINT ROGATIEN

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Il n'est peut-être pas de noms qui soient restés plus chers à l'Eglise de Nantes que ceux de saint Donatien et de saint Rogatien. Le peuple les a appelés les Enfants Nantais ; et cette appellation populaire semble dire que Nantes a adopté pour ses enfants de prédilection, les deux jeunes martyrs dont le sang, généreusement versé sur la terre que nous habitons, y fut la semence féconde des chrétiens.

C'était à l'époque de la persécution des empereurs Dioclétien et Maximien, la plus longue et la plus cruelle que l'Eglise ait eu à souffrir, et qui fut le dernier combat livré par le démon à l'Eglise, avant que la liberté lui fût donnée sous Constantin. Donatien et Rogatien étaient les fils d'une famille illustre de Nantes. Jeune encore, Donatien avait embrassé la foi et reçu le Baptême. Le parfum de sa vertu se répandait autour de lui. Rogatien, plus figé, fut attiré à Jésus-Christ par les exemples et les douces paroles de son jeune frère. La persécution allait commencer ; l'évêque avait été obligé de fuir : c'était peut-être saint Similien. Rogatien ne put recevoir le baptême ; mais, comme le disent les actes des martyres de nos jeunes saints, le sang versé pour Jésus-Christ devait remplacer pour lui l'eau baptismale.

A peine le président ou Gouverneur des Gaules fut-il arrivé à Nantes, que les deux frères furent conduits l'un après l'autre à son tribunal. Ils demeurèrent inébranlables devant les menaces et les promesses du président, qui ordonna de les renfermer dans une étroite prison, pour être conduits le lendemain au supplice. Rien n'est touchant comme le récit de cette dernière nuit, que les deux frères passèrent dans les chaînes.

« Le bienheureux Rogatien, lisons-nous dans les actes de leur martyre, s'attristait à la pensée qu'il n'avait pas eu le temps de recevoir la grâce baptismale ; mais il crut que le baiser de son frère, déjà enfant de la sainte Eglise catholique, lui tiendrait lieu du Baptême. Donatien, comprenant ce qui causait la peine de son frère, fit à Dieu, pour lui, cette prière : Seigneur Jésus, qui nous tenez compte de nos désirs aussi bien que de nos actions ; vous qui vous contentez de notre bon vouloir, quand nous n'avons point le pouvoir de le mettre à exécution ; vous nous laissez, en effet, la liberté de notre volonté ; mais la souveraine puissance pour agir vous est réservée à vous seul. Faites que pour votre serviteur Rogatien la pureté de sa foi remplace le Baptême ; et si, demain, nous avons le bonheur de mourir sous le glaive, faites que l'effusion de son sang soit pour lui l'onction sainte du sacrement de la Confirmation. Ayant achevé cette prière de la bouche et du coeur, ils passèrent la nuit dans les veilles, et, quand le jour parut, il les trouva dans l'attente et des tourments du supplice et des récompenses du Seigneur ».

Conduits de nouveau devant le tribunal du président, ils lui firent cette belle réponse : « Nous sommes prêts à accepter, pour le nom de Jésus-Christ, tout ce que la colère du bourreau pourra inventer. Ce n'est pas perdre la vie que de la rendre à celui de qui nous la tenons et qui nous couronnera dans l'éternité d'une gloire surabondante ». Alors, les deux jeunes martyrs furent livrés au bourreau et cruellement tourmentés sur le chevalet. On leur enfonça dans la gorge une lance de soldat et on leur coupa la tête. « C'est ainsi, ajoutent les actes de leur martyre, qu'ils parvinrent à la gloire préparée par Jésus-Christ à ses élus : le bienheureux Donatien gagna l'âme de son frère, et son frère mérita la couronne du martyre. Donatien lui procura le salut et Rogatien devint la palme de son triomphe ».

Les chrétiens enterrèrent les corps des saints martyrs non loin du lieu où ils avaient souffert la mort pour Notre-Seigneur Jésus-Christ. Quand la liberté fut assurée à la religion chrétienne, ils élevèrent en cet endroit un tombeau, et plus tard une église, qui existait déjà au cinquième siècle, et qui, plusieurs fois restaurée ou reconstruite, est devenue aujourd'hui l'église paroissiale de Saint-Donatien. Les reliques des saints martyrs furent solennellement transportées dans l'église cathédrale, au onzième siècle. Nous trouvons mentionnés, dans un catalogue des Reliques de la cathédrale, dressé à la fin du siècle dernier, le chef de saint Donatien et le bras droit de saint Rogatien. Ce qui a pu être sauvé de ces restes sacrés, pendant la Révolution, est conservé aujourd'hui dans deux châsses d'argent, à l'église de Saint-Donatien. Quelques fragments sont aussi conservés à la cathédrale, dans la châsse de bronze doré où sont déposées les reliques de saint Emilien, évêque de Nantes, et de saint Hermeland, abbé du monastère d'Indre. Deux croix placées dans la rue Saint-Donatien, indiquent l'emplacement où les Enfants Nantais souffrirent le martyre. Ces croix existaient déjà au dix-septième siècle et sont mentionnées par les Bollandistes comme des monuments de la tradition nantaise, sur le lieu du supplice de nos martyrs.

De temps immémorial, saint Donatien et saint Rogatien sont honorés comme les patrons de la ville et du diocèse de Nantes. Jusqu'à la Révolution, leur fête était chômée dans tout le diocèse. Leur titre de Patrons a été de nouveau reconnu et confirmé par le Souverain Pontife, en 1857, quand l'Eglise de Nantes a repris la liturgie romaine (Mgr. Richard).

Note : La fête de saint Donatien et de saint Rogatien se célèbre maintenant le dimanche dans l'octave de l'Ascension.

 

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 La date de la Translation des Reliques des Saints Donatien et Rogatien à la Cathédrale de Nantes

Une question de date est toujours un peu ardue. Afin de rendre moins revêche celle qui nous occupe, nous allons commencer par  une page d'histoire. 

Quels étaient les gardiens du tombeau des saints martyrs Donatien et Rogatien au début du XIème siècle ? En l'an 1004, ce tombeau n'était plus gardé par les Bénédictins de Saint-Médard de Soissons qu'on y avait vus avant les invasions normandes. L'évêque de Nantes Héroïcus et le comte Judicaël résolurent alors de le confier aux Bénédictins de Sainte-Marie de Déols, en Berry (on disait alors en Aquitaine). Ceux-ci acceptèrent, et, après avoir posé leurs conditions et reçu une charte qui assurait leur avenir, vinrent incontinent à Saint-Donatien-les-Nantes.  

Mais la possession de l'église de Saint-Donatien leur fut bientôt contestée. Malgré la charte de fondation, — charte qui existe encore aux Archives Nationales. — malgré les promesses faites, les excommunications portées, les imprécations formulées, les signatures données et les sceaux apposés, le chapitre de la cathédrale de Nantes affirma que l'église de Saint-Donatien lui appartenait, qu'il eût fallu, dès lors, son consentement pour l'aliéner, et qu'il entendait reprendre son bien. 

L'évêque Quiriacus, vers le milieu du siècle, soutint les prétentions de ses chanoines, et, l'année de son sacre, en 1063, « les chanoines de la cathédrale prirent, par provision .... la châsse des deux saints et la portèrent à la cathédrale », nous dit l'historien Travers. Ce fut le « premier transfert bien authentique des corps sacrés », ajoute M. Delanoue. 

A propos de ce premier transfert, une légende s'est formée qu'on nous permettra de rappeler. Dom Morice, dans ses mémoires, nous apprend qu'un légat du Saint Siège, du nom d'Etienne Torticole, vint à Nantes en cette année 1063. Ogée, l'historien nantais, nous affirme que ce fut lui qui transféra à la cathédrale les reliques des SS. martyrs. Le chanoine Méat, enfin, en 1456, à propos d'une ostension des susdites reliques, nous raconte « qu'un évêque ...... ayant tenté autrefois d'ouvrir la châsse (des martyrs), il arriva qu'au moment où sa main téméraire osait se porter sur elle, tout à coup sa tête se tourna la face du côté du dos ». « Et il resta toute sa vie dans cette situation incommode », ajoute Ogée. Tel est le prodige suscité dans l'imagination populaire par le fâcheux surnom de Torticole. 

Cette parenthèse étant fermée, revenons aux reliques de nos martyrs, transférées à la cathédrale en 1063, par l'évêque Quiriacus et son chapitre, « malgré les réclamations des moines » de Saint-Donatien. Ceux-ci, par représailles, nous conte Albert de Morlaix, emportèrent en Berry la table de marbre qui couvrait le tombeau de l'évêque Déomar enterré à Saint-Donatien. 

Mais ce gage ne pouvait suffire comme compensation. L'Abbé de Déols, Raymond XIII, en appela à Rome, nous dit Mabillon. L'affaire fut étudiée en concile, en 1067, à Saint-Jean de Latran ; on y décida de remettre à plus tard la sentence, mais le pape Alexandre II obligea l'évêque Quiriacus à réparer, avant toute chose, « tout le dommage » causé aux moines. Les reliques des deux martyrs furent donc rapportées à Saint-Donatien. 

Le procès demeura pendant jusqu'en 1092, soit pendant vingt-cinq ans. En 1092, ni l'évêque Quiriacus ni l'Abbé Raymond XIII n'existaient plus. Quiriacus avait été remplacé par son frère Benoît de Cornouailles, en 1079, et l'Abbé de Déols était désormais Audebert. L'évêque et l'Abbé, conseillés sagement par le légat du Saint-Siège, Amatus, archevêque de Bordeaux, passèrent un compromis. Le texte complet de cet accord nous a été conservé : les moines rendront la pierre tombale de l'évêque Déomar ; ils abandonneront l'église des martyrs Donatien et Rogatien ; mais ils garderont les quatre églises acquises par eux, Aindre, Montrelais. Mauves et Saint-Géréon. Ils pourront même en acquérir une cinquième .... 

Cette dernière clause marque l'intention d'offrir une compensation pour l'église de Saint-Donatien enlevée aux Bénédictins. Alors pourquoi ne pas leur laisser l'église même de Saint-Donatien ? Parce que celles-ci contient un trésor inestimable que veut garder lui-même le clergé nantais : les restes des deux martyrs Donatien et Rogatien. 

« Les moines acceptèrent, déclare M. Delanoue dans sa vie des SS. Donatien et Rogatien de Nantes (2ème édition, p. 102) .... L'an 1100, ils rendirent les corps des saints martyrs nantais au chapitre », ajoute-t-il en citant Travers. 

Ces corps furent-ils transférés tout de suite à la cathédrale ? Tout porte à le croire. Les chanoines brûlaient du désir de les posséder, et rien ne les empêchait plus d'opérer ce transfert. Comment n'auraient-ils pas fait en toute légitimité, après le compromis de Bordeaux de 1092, ce qu'ils avaient fait par voie de séquestre en 1063 ? Au surplus, précisément à cette époque, l'évêque Benoît de Cornouailles achevait la cathédrale romane, dont le choeur a subsisté jusqu'au XIXème siècle, et dont la crypte existe encore. Quel joyau plus précieux pouvait-on rêver pour le nouvel et riche écrin ? Aussi Travers, au XVIIIème siècle, s'appuyant peut-être sur des documents aujourd'hui disparus, affirmait-il assez judicieusement, semble-t-il, en gardant cette fois une certaine réserve que les reliques des deux martyrs furent transférées à la cathédrale « à la suite des accords de 1092 »

Telle est l'histoire de la Translation, autant qu'on la peut connaître aujourd'hui. Aussi les Acta Sanctorum de Bollandus parus, pour les saints fêtés le 24 mai, en 1688, ont-ils fait leur cette opinion : « cette église, disent-ils en parlant de Saint-Donatien, appartint quelque temps aux moines de Bourg-Déols en Berry. Vers la fin du XIème siècle, elle fut restituée par eux aux chanoines de Nantes, et maintenant elle jouit du titre d'église paroissiale. Quant aux reliques sacrées des saints eux-mêmes, elles furent transférées à l'église cathédrale ». Nulle date ici n'est indiquée ; mais on sent que le second fait, suit le premier de bien près. 

Telle était donc l'opinion générale à la fin du XVIIème siècle. Nous la retrouvons telle encore au début du XVIIIème siècle. Dans sa « Vies des Saints » parue en 1701 le prêtre érudit Adrien Baillet, — un impitoyable hagiographe de l'école janséniste, écrit à propos de nos martyrs et de l'église de Saint Donatien : « On y plaça honorablement leurs reliques. L'église fut mise, au dizième siècle, sous la disposition des Bénédictins de Bourg-Déols... en Berry, et restituée à la fin du siècle suivant aux chanoines de Nantes ; et depuis on en a fait une paroisse. Les ducs de Bretagne leur ont bâti encore une autre église, dont ils ont fait d'abord un chapitre collégial, et ensuite une chartreuse. Les reliques des deux saints avaient été transportées longtemps auparavant dans l'église cathédrale .... »

Jusqu'au XVIIIème siècle, donc, nul ne se risque à citer un nom propre d'homme pour la translation qui nous occupe. Pour la date tous gardent un prudent silence, sauf Travers qui affirme nettement la date de 1100 ; peut-être ce dernier avait-il en main des documents qu'aujourd'hui nous ne possédons plus. 

Les choses étant ainsi, comment Dom Lobineau et, à sa suite, le bréviaire nantais, sont-ils arrivés à dire que la Translation des reliques des Saints Donatien et Rogatien eut lieu seulement en 1145 ? C'est ce qu'il nous reste à montrer. 

Dom Lobineau, dans son bel ouvrage « Vie des saints de Bretagne » (p. 3) paru en 1725 déclare ceci : « Les corps des deux saints furent levés de terre en l'an 1145, par Albert, évêque d'Ostie, qui en fit la translation à l'église cathédrale de Nantes, en présence de Hugues, archevêque de Rouen et de plusieurs autres prélats ; et ces reliques précieuses sont encore conservées dans cette église dans deux châsses de bois doré... »

Ce texte est copié, en partie, d'Albert de Morlaix. Toutefois le bon Albert qui écrivait en 1635, n'avait apporté aucune précision sur la date, et n'avait cité aucun témoin du fait, comme tous les historiens qui précèdent Dom Lobineau. Voici son texte: « Cette église (de Saint Donatien) fut possédée quelque temps par les religieux et moynes de Bourg-Dieux en Berry ; mais depuis ils la rendirent au chapitre de Nantes ... Leurs saintes reliques (des martyrs) furent depuis levées de terre et se gardent au trésor de la cathédrale de Nantes ..... (pour S. Donatien) dans une châsse de bois doré ; les ossements de son frère Saint Rogatien sont conservés... dans un coffre ou châsse tout semblable au précédent »

Tel est le texte d'Albert de Morlaix. Alors, où Dom Lobineau a-t-il trouvé la date de 1145 et les noms des témoins de la Translation ? Son édition princeps nous donne en marge sa référence : « Lettre de Hugues de Rouen à Albert », lettre citée par Dom D'Acheri à la suite des Œuvres de Guibert de Nogent (appendice, p. 690). 

Or, que dit cette lettre ? En voici le passage qui nous importe : « Au fils de l'Eglise romaine, Albert, évêque d'Ostie, maintes fois légat du Siège apostolique, Hugues, pécheur et cependant évêque de Rouen. Révérend Père, ..... nous aimons à nous rappeler comment, ..... dans la cité de Nantes. nous avons eu l'honneur de vous assister. Là, en présence d'une foule nombreuse de fidèles, vous avez reçu les corps des saints martyrs Donatien et Rogatien, frères, et vous les avez exposés à la vénération ; après l'exposition, vous les avez remis à leur place avec l'honneur qui leur est dû .... » [« suscepta proesentasti, proesentata recolasti »]. 

Dans ce texte, on le voit, il n'est point question de translation, mais d'ostension solennelle seulement. Aussi Travers ayant cité cette lettre de Hugues, ajoute-t-il malicieusement : « Dom Lobineau appelle ce fait une translation ». Pour lui, laissant au texte son sens obvis, il n'y voit qu'une exposition, « suscepta proesentasti »

L'ostension des reliques n'exclut pas leur translation, dira plus lard le chanoine Cahour. Cela est vrai ; mais elle la suppose moins encore. En 1456, on fit une exposition des reliques des deux martyrs sans les transférer nulle part. Il y a plus : si la lettre de Hugues, si riche de détails et de précisions ne mentionne pas la translation, n'est-ce pas parce que celle-ci ne fut pas faite à ce moment (1145) et sous ses yeux ? On peut même ajouter qu'elle avait été opérée assez longtemps avant 1145, car pareille ostension est faite surtout pour les yeux qui n'ont jamais eu l'occasion de voir les ossements sacrés. 

On a cru posséder un argument en faveur de la date 1145, dans le sceau épiscopal qu'on trouva en 1456 fermant le sac de cuir qui contenait les ossements de Saint Rogatien. Mais, tout d'abord, l'inscription de ce sceau demeura illisible ; on a conjecturé que c'était le sceau de l'évêque Bernard qui dirigea le diocèse de Nantes de 1148 à 1169. Mais cela ne dirait point la nature du fait qui a nécessité ensuite l'apposition du sceau épiscopal : une simple ostension des reliques, comme celle de 1145, suffisait à rendre cette apposition obligatoire. L'argument demeure donc sans valeur pour ce qui nous occupe. 

Comment, après cela, Dom Lobineau, le docte et sévère historien, en est-il arrivé à constituer son texte si précis quant à la date et aux noms de personnes ? Il semble bien qu'ayant sous les yeux à la fois le texte d'Albert de Morlaix et la lettre de l'archevêque de Rouen, il a cru pouvoir compléter l'un par l'autre. En réalité l'un affirmait un fait — la translation, — et l'autre affirmait un autre fait, — l'ostension — De là naquit une regrettable confusion. 

Dans son ouvrage écrit en 1780, le géographe Ogée se garda bien de commettre cette confusion. De l'an 1100, il déclare en effet : « Vers le même temps les moines de Bourg-Dieu cédèrent au chapitre les droits qu'ils pouvaient avoir sur l'église de Saint Donatien ». Quant à l'an 1145, il dit seulement: « Albéric, cardinal, évêque d'Ostie, tire de leurs châsses les reliques des Saints Donatien et Rogatien, qui sont reconnues, en présence d'une nombreuse assemblée, pour les restes précieux de ces illustres martyrs. Ce fait est rapporté par Hugues, archevêque de Rouen, témoin oculaire, ajoute-t-il ». Il s'en tient donc, pour 1145, à l'ostension et à la reconnaissance des reliques sacrées. Et c'est l'opinion qui semble seule tenir ferme dans l'état actuel de la critique historique. 

Comment, maintenant, le bréviaire nantais est-il arrivé à employer le texte de Dom Lobineau ? Il nous le faut voir en terminant. 

L'histoire du bréviaire nantais serait curieuse à faire. Qu'il suffise de rappeler ici le nécessaire pour la partie qui nous occupe. 

Les textes les plus anciens que nous ayons de l'Office des SS. Donatien et Rogatien, se trouvent dans trois manuscrits : le premier date de 1263 ; les deux autres sont du XVème siècle. Ces trois manuscrits concordent entre eux, à peu de choses près. Au 16 octobre, fête de la Translation des reliques dont nous parlons, ils ne disent rien du transfert commémoré. 

Il en est de même d'un texte imprimé en 1518. 

Une seconde série de textes nous est donnée par les Propres du diocèse de Nantes, imprimés en 1622, 1675, 1721 et 1733, et qui concordent entre eux. Dans l'office de la Translation, qui a pris de l'importance, ils nous apportent la légende suivante : « La paix ayant été rendue à l'église sous l'empereur Constantin, .... l'évêque de la cité de Nantes commença à prêcher publiquement .... ; il mit toute sa diligence à augmenter dans son peuple la vénération des Martyrs Donatien et Rogatien. C'est pourquoi il décida de transférer leurs corps dans la basilique des apôtres Pierre et Paul, afin que ceux qui étaient les princes de la cité fussent honorés dans l'église des princes des apôtres. Aussi bien, le 17 des calendes de Novembre, le clergé et tout le peuple étant assemblé, l'évêque s'approchant du tombeau des martyrs, prit leurs reliques avec honneur et respect, les transporta dans la dite église et les y déposa dans le lieu le plus honorable »

A lire ce récit, l'on croirait que le transfert des reliques eut lieu dès le IVème siècle : c'est évidemment beaucoup trop dire. Seul le quantième du mois est indiqué exactement, 17 des calendes de Novembre, c'est-à-dire 16 octobre : dès le XIIIème siècle, nous l'avons vu la Translation se fêtait en ce jour. 

Une troisième série de textes, pour la Translation, se fait jour en 1782. A cette date, Mgr Frétat de Sarra fait refondre complètement le bréviaire nantais : les offices anciens sont délaissés, les traditions séculaires répudiées. Dans la fête des Saints Donatien et Rogatien, spécialement, les antiennes et les répons empruntés à la Passion de nos martyrs, — Passion qui parait dater du Vème siècle, — sont remplacés par des textes scripturaires ; les hymnes elles-mêmes, qui remontent peut-être au temps d'Alcuin, font place à des hymnes tirées du commun des martyrs. Seule demeure la lecture abrégée des Actes des deux frères, selon le recueil de Dom Ruinart. Or, c'est lors de ce bouleversement, qui sent bien le philosophisme du temps, qu'est employée pour la première fois la narration de la Translation due à Dom Lobineau : « L'an 1145, l'évêque de Nantes d'alors décida de transférer... etc. Cela fut fait en grand apparat le 17 des calendes de Novembre, par Albert évêque d'Ostie, en présence de Hugues, évêque de Rouen ... »

En 1790, Mgr de la Laurancie remania de nouveau le bréviaire nantais. Cette fois, pour le 16 octobre, on se contenta d'ajouter, au texte de 1782, le nom de l'évêque qui régnait à Nantes en 1145, à savoir Itérius. 

En 1857, Mgr Jacquemet étant évêque de Nantes, le Propre Nantais fut reconstitué par M. Richard, le futur cardinal archevêque de Paris. L'on vit reparaître très heureusement l'office du Moyen-Age, lequel paraît être du VIIIème ou du IXème siècle. Mais on se souvient que sur la Translation, ce vieil office restait absolument muet : il en notait seulement le souvenir au 16 octobre. D'autre part, on l'a vu, l'Office du XVIIème siècle tendait à faire croire que cette translation datait du IVème siècle, chose tout à fait erronée. L'on crut donc meilleur, en 1857, de maintenir, pour le 16 octobre, la « leçon tirée des bréviaires récents ». C'est-à-dire le récit de Dom Lobineau : « L'an 1145... Itérius... Albert... Hugues..,, etc. ».

Ainsi s'est, perpétuée la regrettable confusion entre la Translation proprement dite, opérée vraisemblablement « vers la fin du XIème siècle », comme disent les Bollandistes, et l'Ostension des reliques faite en grand apparat en 1145.

M. l'abbé Delanoue lui-même, dans son savant ouvrage sur Saint Donatien, n'a pas osé dire ce qui en était. Dans le précis de son chapitre, il donne nettement la date de 1100 à la Translation, et il annonce formellement une simple Reconnaissance des reliques pour 1145. Mais dans le texte même, le prudent auteur entremêle habilement les opinions diverses au sujet de ces deux événements, et laisse régner la confusion dans l'esprit de son lecteur. L'erreur ayant pour elle l'opinion quasi générale, la vérité doit elle continuer de se cacher ? Ce serait chose à voir (abbé J.B. Russon).

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