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ERECTION DE LA PAROISSE DE DOULON |
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La chapelle de Notre-Dame de Toutes-Aides provoqua, au XIXème siècle, un afflux d'habitations ; dès l'an 1837, M. l'abbé Faugaret, curé de Doulon, écrivant à M. de Courson, vicaire général, disait ceci : « la population du village de Toutes-Aides est bien plus considérable que celle du bourg (de Doulon)... ; (ce village) peut être considéré comme le (vrai) bourg ».
En 1861, le pensionnat des Frères de Lamennais, qui s'était établi à la Papotière en 1852, fut transféré par le Frère Thaddée en la tenue des Portes, tout près de la chapelle. Dans les mêmes temps, la mairie s'y était aussi transportée et des écoles y avaient été ouvertes [Note : Le 23 juin 1872, le Conseil de Fabrique, craignant que le quartier de Toutes-Aides se retire de la paroisse de Doulon, fera remarquer que, dans le cas, « on enlèverait à l'ancienne (paroisse), la mairie, l'école des garçons, l'école des filles et surtout la vieille chapelle ». — Sait-on que le pensionnat de la Papotière fut l'une des dernières créations du Vénérable Jean-Marie de Lamennais ?].
Projet de transfert
Aussi
bien, dès 1864, on songeait sérieusement à transporter à Toutes-Aides le
centre paroissial : le Conseil municipal et le Conseil de Fabrique se mettaient
d'accord pour acheter, dans ce but, un terrain de trois hectares, en face du
pensionnat des Frères ; on y établirait église, cure et cimetière. Le centre
de Doulon cesserait donc d'exister comme bourg.
Cependant, rien ne fut réalisé, bien que des pourparlers fussent amorcés entre la famille Boucher de la Ville-Jossy et l'avocat chargé de l'affaire, M. Damourette. Peut-être tenait-on quelque compte de l'avis de M. Richard, vicaire général, qui écrivait : « Il vaut mieux avoir deux églises qu'une seule. Je ne suis pas partisan de la suppression de Doulon ; mais il est nécessaire qu'on érige à Toutes-Aides un nouveau centre paroissial ».
Mgr Fournier
Survint la nomination de Mgr Fournier, en 1870, à l'évêché de Nantes. Dès octobre de cette année, le nouvel évêque, se trouvant au pensionnat des Frères, rappelait les projets ébauchés et déclarait vouloir créer à Toutes-Aides « un nouveau centre paroissial ». Il priait M. l'abbé Remaud, aumônier du pensionnat, d'écrire un rapport sur cette affaire.
L'abbé demeura longtemps perplexe : fallait-il transférer le centre de Doulon, ou créer une nouvelle paroisse ? M. l'abbé Rousteau, vicaire général, venu deux fois sur place, ne voyait aucun emplacement qui répondît à toutes les exigences.
Mais le 25 mars 1871, M. Remaud étant en prière dans la chapelle, crut voir, tout-à-coup, les yeux de la statue de la Vierge, remuer et s'abaisser sur lui. Et, en même temps, une voix intérieure lui disait : « C'est ici ». La lumière était faite en son esprit. La position acquise par Doulon était respectée ; et la forte agglomération de Toutes-Aides avait son église en la vénérable chapelle. Le jour même, le rapport demandé fut écrit et déposé entre les mains de Mgr Fournier. Sans retard, le conseil épiscopal en discuta et l'approuva.
L'érection
La réalisation suivit de près : le 31 juillet 1873, le décret d'érection de la paroisse fut signée par le maréchal de Mac-Mahon, chef de l'Etat. Et l'évêque décida d'exécuter le décret le dimanche 7 décembre. M. Rousteau, en personne, viendrait installer le nouveau curé, qui n'était autre que M. Remaud.
Mais une création suscite toujours une opposition, et puis, dans le cas, il y avait les vieilles habitudes qui étaient dérangées. Une cabale, donc, se forma, qui protesta d'abord contre le décret en voie de réalisation. On en vint, bientôt, aux actes, et, trois jours avant l'inauguration de la chapelle comme église, le pieux sanctuaire fut pillé : bancs et chaises furent enlevés ; le mobilier de la sacristie fut déménagé ; la vieille cloche elle-même fut descendue et les clefs de l'église emportées : tout cela, déclarait-on, appartenait à la paroisse de Doulon, et non à la nouvelle paroisse.
Restait à faire contre mauvaise fortune bon coeur : M. Remaud fit face à l'adversité ; le 6 décembre, au soir, la chapelle fut ouverte par voie de justice ; dans la nuit, les meubles furent remplacés ; M. Astier, fondeur de cloches, fit suspendre une cloche nouvelle, et, le lendemain, la cérémonie se déroula sans encombre [Note : La cloche des siècles passés est revenue, en 1949, reprendre sa place à Toutes-Aides, M. l'abbé Dérideau, curé de Doulon, ayant voulu faire cette amabilité à M. le chanoine Jonchère, curé de Notre-Dame. Elle annonce désormais, par ses tintements, les phases des offices].
La force n'ayant pas abouti, on essaya du droit : avait-on le droit d'utiliser une chapelle communale pour en faire une église paroissiale ? Un procès s'en suivit, bien qu'on fît remarquer que, église ou chapelle, le monument demeurait sur la commune de Doulon. Après deux années de chicanes, le tribunal passa outre, le 25 mars 1876 [Note : Il semble que les opposants n'aient pas songé à enlever la statue miraculeuse elle-même. Peut-être se souvenait-on que la Vierge avait su se défendre, jadis, en 1795].
Le pèlerinage
Cette victoire eut son lendemain. Au printemps de 1874, la « Semaine Religieuse » du diocèse fit paraître une étude sur Toutes-Aides, devenue paroisse aux confins de Nantes. Il s'en suivit un élan de piété envers Notre-Dame. Le jour de la fête, le 25 mars, un pèlerinage spontané dépassa tout ce qu'on pouvait rêver. Dès le matin, les ouvrières de la Manufacture des Tabacs fournirent un groupe important de pèlerines. A dix heures, Mgr l'évêque de Nantes, reçu officiellement à l'entrée de la paroisse, assista à la grand'messe, chantée par M. Rousteau, devant quatre à cinq mille personnes. Et, le soir, plus de quarante mille pèlerins emplissaient les abords de l'église, place, rues, boulevards, à une distance incroyable... M. Bougaud, vicaire général d'Orléans, futur évêque de Laval, était présent comme prédicateur du carême à la cathédrale : « Que vous êtes heureux ! disait-il à Mgr Fournier. Quel peuple vous avez ! ». L'évêque, de son côté, enthousiasmé, déclarait : « Il faut que la statue de Notre-Dame de Toutes-Aides soit couronnée solennellement : il n'y en a qu'une comme elle dans tout le diocèse ». C'était la première antienne d'une ode qui sera chantée jusqu'au bout. — Peut-être l'idée était-elle venue à l'évêque, en voyant la vénérable statue, en bois de noyer, recouverte d'un manteau de drap d'argent, et coiffée d'une couronne de brillants, tandis que l'Enfant jouait avec un sceptre doré. — C'est qu'en effet, dans la préparation fébrile de la fête, on avait vu une partie de la figure de la Vierge se détacher tout-à-coup, ainsi que le bras gauche de l'Enfant. Il y eut alors retouche forcée et peinture renouvelée, qui changeaient quelque peu l'aspect de l'antique statue.
L'Annonciation, pour Toutes-Aides, était bien la grande fête. Aussi, par les intermédiaires obligatoires. M. Remaud demanda-t-il l'octroi de l'indulgence plénière pour les pèlerins qui viendraient communier dans la sainte chapelle en ce jour du 25 mars, et une indulgence limitée pour la simple visite. Le pape Pie IX voulut bien satisfaire la première demande, et accorda trois jours d'indulgence aux simples visiteurs ; on pourra gagner ces indulgences du dimanche qui précède au dimanche qui suit le 25 mars. Si la fête est transférée après Pâques, l'indulgence est gagnée du dimanche de Quasimodo à celui du Bon-Pasteur.
Construction de l'église
Une chapelle n'est pas une église suffisante, surtout en ville. Il fallait donc songer à construire. M. Remaud prépara la construction d'une église neuve.
Celle-ci devait être contiguë à la vieille chapelle : « C'est ici ! » avait dit la Sainte Vierge. Aussi bien, s'empressa-t-il de s'assurer les terrains proches du sanctuaire. Il acheta une parcelle de la propriété Boucher de la Ville-Jossy, devers le chevet. On a vu qu'il reçut ce qui serait, un jour, la place de l'église ; il réserva, du côté sud, le tracé d'une rue qui isolerait le monument. Il provoqua, enfin, le concours où triompha le projet du jeune architecte Bougouin.
Celui-ci, lauréat des concours de Paris, influencé, semble-t-il, par ce qu'il voyait à Saint-Donatien, conçut un plan d'église qui plut à tous et emporta les suffrages. C'était pourtant un mélange des anciens « styles », mais un mélange heureux qui flatte l'oeil dès l'abord.
La nef
Par ce qu'on y emploie le plein-cintre pour les grands arcs et pour les portes et fenêtres : « C'est du roman ! » cria-t-on, sans prendre garde que le mode de voûtement est spécifiquement gothique, ce qui permet d'ouvrir les hautes fenêtres de la nef très largement comme on le faisait au XVème siècle. Aussi bien, tandis qu'au rez-de-chaussée on a la pesanteur noble et massive des constructions romanes, l'architecte emploie-t-il logiquement le tracé légèrement brisé pour les arcs-doubleaux de la voûte et pour l'arc triomphal qui devance le sanctuaire. Chaque travée de la nef est couverte d'une voûte de plan barlong, qui transmet les poussées sur un point précis du mur latéral ; celui-ci, en ce point, devra être solidement étayé ; mais tout le reste de sa surface pourra être évidé, et il l'est, en effet, par les trois vastes fenêtres qui l'ajourent complètement [Note : Sait-on que, tout d'abord, par mesure d'économie, on avait songé à une église moins longue d'une travée et moins haute de cinq mètres ? On prévoyait de simples voûtes d'arêtes et une abside en cul-de-four sans fenêtres. On ne projetait ni sacristies, ni tribune ; la façade ne comportait pas de rosace. Au surplus, on devait employer le tuffeau comme matériau, et le dallage eût été de ciment. Quelques-uns proposaient aussi de ne bâtir qu'une moitié de l'église. Heureusement, l'on renonça à cette parcimonie qui n'eût fourni qu'une église provisoire. Et le Conseil de Fabrique, en sa séance du 1er avril 1883, entérina l'augmentation de prix considérable qu'entraînait la riche construction réalisée : un lourd emprunt fait au Crédit Foncier permettrait d'échelonner les échéances].
Une autre particularité de cette construction consiste dans l'emploi constant d'une pierre blanche et d'une pierre teintée qui alternent et brisent toute monotonie. Ainsi avaient oeuvré les maîtres-maçons de Notre-Dame du Puy, en Auvergne. A la base des gros piliers, dans la nef, le schiste de notre pays est encadré de pierres taillées dans le grès moins sombre.
La nef, en somme, n'a qu'un rez-de-chaussée et un étage. Entre ces deux parties, une double ligne horizontale stabilise singulièrement la construction, et sépare le pur roman, en bas, du pur gothique, en haut. On regrette que les colonnettes, qui reçoivent la retombée des voûtes, ne soient pas prolongées jusqu'au sol ; pour ménager la place, on les interrompt en les posant sur cul-de-lampe. — Dans le sanctuaire, l'absence de grands-arcs a permis de dessiner sur le mur de gracieuses arcatures qui enrichissent le chevet.
Peut-on parler, ici, de nefs latérales ? A peine, tant elles sont étroites. Ce sont plutôt de simples déambulatoires qui desservent le grand vaisseau. Néanmoins, leur voûte à croisée d'ogives contrebutte le mur et neutralise la poussée de la voûte centrale. En conséquence, et non sans hardiesse, l'architecte a pu se passer d'arcs-boutants à l'extérieur ; il s'est contenté de solides contreforts pour maintenir l'aplomb des murs goutterots.
La façade
La façade, créée par M. Bougouin, est harmonieuse et simple à la fois. Les assises de la construction sont nettement marquées par l'alternance de la couleur des pierres ; au rez-de-chaussée, une porte de plein-cintre, avec deux « oculus », troue l'épaisseur du mur ; à l'étage, une série de six fenêtres courtes supporte l'immense rosace à douze pétales qui doit éclairer le vaisseau ; ici encore nous sommes en plein style gothique, et même au XVème siècle, si l'on remarque les écoinçons complètement évidés.
Deux faisceaux de colonnes flanquent cette façade à droite et à gauche et se terminent élégamment par des lanternons coiffés d'un dôme. En haut, les remparts du toit sont posés sur des arcatures, les deux dernières étant ajourées ; l'autéfixe terminal forme un noble piédestal qui porte la statue de la Vierge ; celle-ci, oeuvre du sculpteur nantais Vallet, dresse la silhouette apaisante de la Mère portant l'Enfant.
Le clocher
Sur le côté nord de la façade s'élève, hardi et fier, le clocher de Toutes-Aides. Il manquait tout d'abord, quand fut ouverte l'église neuve ; celle-ci, qui avait eu sa première pierre solennellement posée le 11 août 1878, put être bénite et ouverte, par Mgr Lecoq, le 20 mars 1881. Restait à dresser son puissant donjon. L'actif curé qu'était M. Bariller le mit en chantier dès l'année 1893.
L'architecte le plaça logiquement devant l'antique chapelle, un peu en retrait. La tour monte par étages successifs qui vont en s'amenuisant quelque peu, nettement romane, portant le beffroi au-dessus du toit de l'église ; elle se termine, comme la façade, par des lanternons ajourés. Au-delà, c'est une flèche octogonale qui s'élance dans les airs, comme en la période gothique ; mais elle interrompt son élan pour recevoir une lanterne élégante qui évoque l'Angoumois. La couronne aux douze étoiles, révélée dans l'Apocalypse, cerne le dôme du faîte qui porte la croix à près de cinquante mètres de hauteur [Note : Il est juste de rappeler que ce clocher, comme les orgues du choeur, est dû partiellement à la générosité d'un paroissien, M. Emile Minatte, qui devait à Notre-Dame de Toutes-Aides la conservation miraculeuse de sa vie au moment de sa naissance. Faut-il faire remarquer qu'en plaçant le clocher devant la chapelle votive, M. Bariller garantissait la conservation de cette chapelle qui était frappée d'alignement par la voirie ?].
Les cloches
Quatre cloches habitent le clocher de Toutes-Aides depuis le 15 décembre 1895 ; elles viennent de Nancy, des ateliers de M. Jules Robert, et donnent les notes ré, mi, fadièze et la. Mgr Laroche, nouvel évêque de Nantes, devait les bénir ce 15 décembre ; gravement indisposé, — il devait mourir le 18, — il délégua pour le remplacer son premier vicaire général, M. le chanoine Leroux. — Le sermon fut donné par le R.P. Renaud, de l'Immaculée, et les chants furent exécutés par le pensionnat des Frères, soutenu par sa musique instrumentale [Note : L'une de ces quatre cloches, fêlée par un usage trop multiplié, fut refondue en 1958, par la maison Paccard, d'Annecy, et bénite par Mgr Villepelet, à l'occasion du soixante-quinzième anniversaire du couronnement de la Vierge.
Le même jour fut inaugurée la chaire à prêcher, si gracieuse en son sobre dessin, si délicatement ornée de symboles. Elle est un don de M. Guibal, président de la Fabrique.
La chapelle votive
L'un des traits de génie, que montra l'architecte, M. Bougouin, dans la conception de l'église de Toutes-Aides, fut assurément la conservation de la chapelle de la Vierge et son intégration dans le monument en 1880.
La discussion fut âpre à ce sujet, et les hésitations multipliées. Pouvait-on détruire le sanctuaire vénéré depuis des siècles ? Devait-on construire en dehors de lui ?... M. Bougouin trouva le moyen de conserver l'essentiel du monument de 1610, et de l'unir à la construction nouvelle. Le mur latéral du nord, avec ses précieuses fenêtres, le mur du chevet qui contient la niche où s'abrite la statue miraculeuse, furent intégralement respectés. Le mur de façade disparut sous le clocher, et celui du sud fut sacrifié pour donner accès complet à l'église neuve.
Restait à orner la chapelle votive. Cette ornementation suivit de près l'édification de l'église. En 1883, l'on préparait les fêtes du couronnement de la statue de Notre-Dame de Toutes-Aides [Note : Ces fêtes du couronnement étant le point culminant des splendeurs de Toutes-Aides, formeront l'épilogue de ce travail]. On voulut alors renouveler tout l'aspect intérieur du vieux sanctuaire.
Sous la direction de M. Bougouin, le mode de voûtement fut entièrement repris : la voûte en berceau continu, tapissée de lattes de bois, fit place à une triple nef ; deux rangées de sveltes colonnettes soutinrent de beaux arcs de plein-cintre qui limitent les travées ; chacune de celles-ci est couverte d'une voûte d'ogives aux arcs brisés qui reposent aussi sur les colonnettes. A droite et à gauche de ce vaisseau central, deux nefs latérales, très étroites, se resserrent entre les colonnes dégagées et les murs du monument. Le tout, peint en bleu, forme une gracieuse avenue qui conduit à la Vierge debout dans sa niche.
Celle-ci se dresse, en sa robe dorée, au-dessus de l'autel de 1840 qui a été conservé dans son ensemble. Toutefois, comme on l'a vu, un tabernacle neuf et précieux fut offert par les paroissiens en 1908, et les enjolivures en bois découpé, qui formaient retable, viennent d'être supprimées.
Le mur demeuré de l'ancienne chapelle est tapissé d'ex-voto de marbre. Parmi ceux-ci, se dresse le bas-relief qui marquait jadis l'emplacement du couronnement de la Vierge en 1883, sur le boulevard de ceinture, devant le pensionnat des Frères. Lorsque les Frères furent spoliés de leur établissement, ce bas-relief se trouva en danger de disparaître ; on le transporta dans la chapelle en 1911 ; il est une bonne réplique des couronnements de Vierge si fréquemment sculptés au tympan des cathédrales : la Trinité couronne la Mère du Fils-de-Dieu-fait-Homme. C'est une oeuvre de Joseph Vallet.
La consécration
Ouverte au culte en 1881, l'église de Toutes-Aides fut abondamment ornée, selon le goût du temps ; des inscriptions pieuses, posées sur un fond jaune-paille, se lisaient partout : invocations à Notre-Dame, texte complet du Magnificat, etc. Dans les hautes verrières, les formules se continuaient selon la litanie de Lorette...
Quand l'ornementation fut terminée, l'on songea à la consécration. Mgr Laroche, évêque de Nantes depuis deux ans, voulut bien procéder à la longue cérémonie, avec ses vicaires généraux, MM. Leroux et Allaire. Deux futurs évêques se trouvaient dans le clergé présent : M. Chapon, qui obtiendrait le siège de Nice, et M. Gouraud que Pie X sacrerait évêque de Vannes. M. Bariller, curé de Toutes-Aides depuis près de vingt ans, chanta la première messe sur l'autel consacré. C'était le 22 octobre 1895. Ce même jour, M. Bariller fut nommé chanoine honoraire de la cathédrale.
Le maître-autel
Le nouvel autel, tout de marbre, méritait cette consécration : au-dessus du marchepied de teinte rouge, il forme une table légère avec gradins pour les cierges. Le tabernacle, très large, a sa porte ornée délicatement d'épis et de raisins, et flanquée de deux admirables statuettes en marbre de Carrare : la Vierge et saint Jean. Au-dessus, la croix dorée, porte un Christ en bronze, très étiré, d'un réalisme émouvant, de Lambert-Rucki et qui semble inspiré du crucifix de Perpignan. Le dais qui l'abrite est enjolivé, lui aussi, le long de ses colonnes de face, de statuettes blanches : ce sont des anges armés des instruments de la Passion : croix et couronne d'épines, lance et roseau avec l'éponge. Des rinceaux plantureux, en bronze doré, encadrent le tout richement. Deux candélabres, enfin, se dressent à droite et à gauche, étoffant l'ensemble.
Signalons que le parquet du sanctuaire est délicatement marqueté ; l'appui-main, pour la communion, est de pierre polie et figure une série de couronnes encadrant chacune une croix.
Les vitraux
Le 28 mai 1944, en la nuit qui précédait la fête de la Pentecôte, le quartier de Toutes-Aides subit un violent bombardement ; entre autres dégâts, les verrières de l'église furent pulvérisées ; il fallut donc les remplacer. En 1958, le peintre verrier Maurice Rocher, élève du célèbre Maurice Denis, fut chargé de réaliser l'oeuvre artistique. Grâce à son talent délicat, les hautes fenêtres de la nef sont fermées de simples verres, mais savamment teintés, qui précipitent dans le vaisseau une abondante lumière. Les baies du rez-de-chaussée sont meublées de vitraux aux teintes claires aussi, afin que fussent bien éclairés les déambulatoires et la chapelle votive ; mais ils sont tous agrémentés de symboles de la Vierge, d'armoiries ou de scènes historiques. Il convient d'en faire l'inspection.
Du côté du midi, derrière la chaire, on voit, tour à tour : l'étoile de la mer et la tour d'ivoire, le miroir de sainteté et la porte du ciel, l'ancre de l'espoir et l'olivier de la paix, la blanche colombe et le lis immaculé, la rose de Saron et la tour de David, le vase d'or et la maison d'or, le soleil ardent et la lune paisible, l'étoile qui conduit la nacelle au port, et enfin, la couronne royale et le drapeau de la vieille France.
Tout ceci n'est que tracé, comme au fusain, sur une mosaïque de verres teintés de couleurs chaudes et savamment combinées ; celles-ci précipitent, à l'intérieur, une luminosité qui chante à l'oeil une étonnante symphonie.
La diversité dans la forme et dans le coloris des verrières, à Toutes-Aides, a fait croire à d'aucuns que plusieurs auteurs ou même plusieurs écoles, étaient intervenues. C'est cependant le même artiste, Maurice Rocher, qui a dessiné et coloré tous les vitraux de l'église, ceux de l'abside, comme ceux de la nef et de la façade.
Au bas de l'église, les verrières extrêmes sont ornées simplement de fleurs ; mais, entre elles deux, des hublots contiennent les armoiries de Mgr Lecoq, qui bénit l'église en 1881, et celles de Mgr Villepelet qui en vit la restauration après 1944. Pour ces armoiries, on s'est contenté d'un dessin schématique posé sur des surfaces vitrées de diverses couleurs. Il ne faut donc pas, pour les lire, tenir compte de ces couleurs qui ne sont pas celles des blasons. Il en sera de même des armoiries du pape Léon XIII posées au bas de la chapelle votive [Note : Mgr Lecoq blasonne « parti, à dextre, de gueules à deux léopards d'or, qui est Caen ; à senestre, d'azur à trois poissons d'argent, qui est Luçon ; au chef de Bretagne, d'argent semé d'hermines ». Et Mgr Villepelet « écartelé aux 1 et 4 de Bretagne (d'hermines plein), aux 2 et 3 de Berry (d'azur à 3 moutons d'argent) » ; une croix d'or sépare les quatre parties, et la statue de Notre-Dame la Blanche, d'or, est placée « en coeur » sur un écu d'azur, rappelant la cathédrale de Bourges. Quant au pape Léon XIII, il blasonne « d'azur à l'if de sinople, terrassé de même, adextré d'une comète, accosté en pointe de 2 fleurs de lys, à une fasce brochant sur l'if, le tout d'argent »].
A la suite des blasons épiscopaux, en voit une verrière de piété : le coeur immaculé de Marie et le saint Rosaire. Le vitrail des fonts baptismaux porte les divers objets du baptême : coquille et cierge allumé, étole et mains du baptiseur : le Saint-Esprit plane au-dessus des eaux.
Les trois chétives fenêtres de l'ancienne chapelle ont été dotées des sujets qui les ornaient avant le cataclysme de 1944 : l'échelle qui se brise, en 1795, sous le poids du soldat qui allait se saisir de la statue de la Vierge ; les marins de Rezé qui viennent, en 1840, remercier Notre-Dame de les avoir sauvés, et qui lui offrent le bateau que l'on voit suspendu à la voûte ; enfin, le couronnement de la statue miraculeuse en 1883.
Les verrières du choeur
Mais les regards se portent surtout vers les chaudes tapisseries lumineuses qui resplendissent dans l'abside ; le coloris puissant y chante une harmonie savoureuse ; les vêtures abondantes font oublier les membrures anguleuses ; les tons vifs, artistement agencés, font pardonner les auréoles quadrangulaires ; saint Joseph et saint Jean, saint Dominique et saint Bernard, saint Louis de Montfort et saint François d'Assise, forment là un somptueux cortège à la Vierge, Mère de Dieu.
En se retournant vers le portail, d'entrée, on ne peut qu'admirer la rose épanouie qui domine la tribune : quelle marqueterie de feu et d'or, d'améthystes et d'émeraudes, de saphirs et de topazes, on a posée là sur les pétales de l'immense fleur !
Toutes ces baies ajourées permettent de voir, dans l'église, nombre de détails excellents qui échappent au premier abord : tout en haut des voûtes, les clefs sont enrichis de blasons où se lisent tantôt des symboles, tantôt des armoiries. Dans les déambulatoires latéraux, les arcs viennent reposer sur des socles figurant des têtes humaines d'une diversité charmante.
L'ameublement
Il ne faut pas manquer d'examiner le chemin de la croix, discret et menu, œuvre de M. le chanoine Bouchaud : sur un fond d'ocre jaune, de simples traits dessinent, les personnages vêtus de blanc ; les uns cependant gardent leur couleur chair ; la croix obligatoire, simple et noire, est posée sur l'image ; à la douzième station, un Christ en cuivre y est suspendu.
Faut-il noter les bancs de la nef, posés en 1954, et ceux de la chapelle posés en 1961, par le bel artiste qu'est M. Monnier, et qui sont du meilleur goût ? Et les grandes orgues, de M. Debierre, qui se cachent heureusement derrière le maître-autel ? Et les confessionnaux, plantureux et discrets ? Le mobilier, ici, participe à la beauté du monument. M. Bouchet, d'Issé, y a ajouté en posant quelques stalles dans le choeur, et surtout, la magnifique porte ouvragée qui donne accès à la sacristie.
Les habitués de l'église ont pu être surpris par les transformations opérées en 1956-57 ; celles-ci pourtant s'imposaient à la suite des dégâts causés par les bombardements : les plâtres des murs tombaient ; les voûtes étaient tachées ; peintures, inscriptions, arabesques, ne pouvaient être ni conservées, ni réparées. Les artistes résolurent alors de ramener le monument à sa primitive sobriété ; apparaîtraient alors les matériaux vrais, mettant en valeur les lignes architecturales et les vitraux.
Il fallait aussi créer de l'espace pour le développement des cérémonies : le maître-autel ramené à sa forme essentielle, l'appui de communion rectifié et allongé, ont rendu le culte plus aisé.
Telle
qu'elle est maintenant, l'église de Notre-Dame de Toutes-Aides est à la fois
des plus gracieuse et des mieux adaptée à ses nobles fonctions.
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