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LE DOYENNÉ DE LOUDÉAC |
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Lorsque la persécution commença dans la dernière moitié de l'année 1789, le clergé était nombreux en France et surtout en Bretagne. Cependant il était loin d'atteindre le chiffre du siècle précédent, alors qu'un évêque écrivait à saint Vincent de Paul qu'il avait 7.000 prêtres dans son diocèse, et qu'un Lazariste, écrivant au même saint Vincent de Paul son supérieur, disait qu'en Bretagne, où il se trouvait, on voyait jusqu'à 50 prêtres dans la même paroisse.
Ce nombreux clergé vivait au moyen de son titre clérical, des honoraires de messes et de quelques chapellenies. Elles étaient nombreuses ces chapellenies établies dans les églises paroissiales, dans les chapelles rurales et dans les chapelles seigneuriales. Au commencement de la Révolution, Loudéac avait encore quatre chapelles seigneuriales, trois chapelles de secours disséminées sur son vaste territoire, deux chapelles dans la ville, Notre-Dame des Vertus, la chapelle de Saint-Joseph qui est maintenant la chapelle de l'Hôpital. L'église paroissiale avait deux chapellenies, l'une appelée chapellenie de Saint-Sauveur et l'autre chapellenie des Nôs.
D'après un manuscrit de ce temps, trente-cinq paroisses du diocèse n'avaient, dans le courant de 1791, que des prêtres jureurs ou n'en avaient aucun. Voici le nom de ces paroisses :
Cesson, Cohiniac, Erquy, Hénansal, Hillion, La Bouillie, Langueux, Lannebert, Morieux, Pléneuf, Plérin, Ploufragan, Plévenon, Plounez, Plouézec, Plurien, Pommeret, Pléhérel, Planguenoual, Pléboulle, Plourivo, Quintin, Saint-Alban, Saint-Cast, Saint-Denoual, Saint-Germain, Saint-Gilles, Saint-Igneuc, Saint-Lormel, Saint-Maudan, Saint-Michel, Saint-Samson, Trégueux, Tréméven, Yffiniac.
Toutes les autres paroisses du diocèse avaient encore quelque prêtre insermenté. C'est que le nombre des prêtres jureurs fut assez restreint dans le diocèse ; 23 recteurs et autant de vicaires, et 57 prêtres habitués, 1 sur 5, voilà à peu près le nombre des jureurs dans le clergé séculier.
Le prêtre qui, dans le temps dont nous parlons, a baptisé un nombre considérable d'enfants de Loudéac, M. Guillaume Hervé, du village de Roqueton, en Plémet, ancien capucin, nommé en religion père Joseph de Loudéac, passa vingt-huit mois, sans reposer sur un lit, tant il était poursuivi. Il échappa à toutes les recherches, survécut à la persécution et mourut dans sa paroisse natale en 1815, âgé de 80 ans. La piété des habitants de Loudéac donna asile à un grand nombre de ces prêtres persécutés qui se cachaient tantôt dans un endroit et tantôt dans un autre. Ils étaient de différents diocèses, mais ils avaient des pouvoirs très étendus, tant pour leurs diocèses respectifs que pour les diocèses voisins.
LOUDÉAC.
Loudéac, à l'alternative et d'un revenu de 600 francs, avait au commencement de la Révolution 5.000 communiants. Dix prêtres desservaient cette paroisse : un recteur, deux vicaires et sept prêtres habitués.
M. Pierre Ruello, le recteur, né à Collinée en 1733, prêtre en 1759, était recteur du Gouray en 1766, et de Moncontour en 1773. Il est dit au registre rapportant son installation à Loudéac, en 1776, qu'il était aussi chef des missions diocésaines. M. Ruello avait de la science et il était au courant des affaires et c'est ce qui lui valut l'honneur d'être choisi par ses confrères pour les représenter, en 1789, aux Etats-généraux. M. Ruello s'oublia un instant dans ce nouveau poste ; il fit le serment de la Constitution civile du clergé, mais son erreur ne dura pas, il fit sa rétractation au bout de quelques jours. Par suite, obligé d'émigrer, il passa à Jersey, d'où il revint en 1801. Il reprit l'exercice de ses fonctions pastorales, et, en 1802, il fut de nouveau nommé à la cure de Loudéac, élevée au degré de cure de première classe. Les prêtres étaient rares à cette époque, la persécution en avait fait périr un grand nombre et rendu infirme un plus grand nombre encore ; le clergé ne se recrutait plus depuis dix ans. Dans cet état de choses, M. Ruello qui avait beaucoup de zèle, s'adonna tellement au travail qu'on dirait, en lisant les registres de son temps, qu'il était seul prêtre dans la paroisse. Il édifia de nouveau ses paroissiens par son zèle et sa charité qui furent admirables, surtout pendant une disette et une maladie contagieuse qui désolèrent le pays au commencement du XIXème siècle. Il était sans cesse occupé à procurer aux malades les secours de la religion lorsqu'il fut atteint lui-même de l'épidémie qui l'emporta à l'âge de 72 ans, le 2 juillet 1805. On n'a cessé de prier sur sa tombe et d'y porter les petits enfants, qu'au moment où a cessé d'exister le cimetière des Pritaux où il fut enterré.
M. Cyprien Jéglot, né à Loudéac en 1723, prêtre en 1747, était premier vicaire dans la paroisse quand la Révolution éclata. Il refusa le serment, se cacha dans le pays et y rendit de grands services en faisant des baptêmes, des mariages et visitant les malades. Il vit la fin de la persécution, mais il était déjà vieux, et nous voyons son décès arriver en 1804 ; il était âgé de 81 ans.
Un autre M. Jéglot, dit le Cadet, et neveu du précédent, prêtre habitué en 1789, refusa aussi le serment, passa à Jersey où on le trouve parmi les émigrés et qualifié de prêtre de Loudéac, au diocèse de Saint-Brieuc. Il n'est pas porté comme mort dans l'exil et nous ne le revoyons plus après la Révolution.
M. Olivier La Salle, prêtre habitué en 1772, second vicaire en 1789, émigra aussi en 1792, pour refus de serment. On le voit compté parmi les prêtres passés à Jersey. En 1804, on le voit reprendre ses anciennes fonctions et il disparaît dans le cours de cette même année, appelé probablement à quelque poste dans une autre partie du diocèse.
Jean-François Guilmoto, né dans la ville de Loudéac en 1742, prêtre en 1765, vivait dans sa paroisse natale comme prêtre habitué, émigra en 1792, comme ses confrères insermentés, et se retira à Jersey. Rentré à Loudéac, en 1802 ou en 1803, on le voit travailler beaucoup jusqu'à son décès arrivé en 1817. Il n'était pas vicaire, mais ii avait du patrimoine. Il mourut à l'âge de 75 ans.
M. Julien Brajeul, né dans les environs de la chapelle de Saint-Guillaume en 1739, prêtre en 1768, était prêtre habitué en 1789. Ayant refusé le serment constitutionnel, il passa en 1792 à Jersey, où il est mentionné en ces termes : « Le 17 novembre 1794, missire Julien Brajeul, prêtre de la paroisse de Loudéac, au diocèse de Saint-Brieuc, en Bretagne, âgé de 55 ans, et décédé hier, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse » (Extrait du registre de la paroisse protestante de Saint-Broladre).
M. Jean Lehelley, né au village de Bodin, en Loudéac, y vivait en prêtre habitué en 1789. Ayant refusé le serment, il émigra en 1792, nous ne savons dans quel pays, mais assez probablement en Angleterre. Au retour de l'exil, il fut nommé vicaire à Loudéac, d'où il passa à La Ferrière comme recteur en 1814. Quelques années après, il fut transféré à Saint-Caradec, où il est mort recteur en 1825 et âgé de 71 ans.
M. François Tresvaux, dit abbé Desfossés, naquit dans la ville de Loudéac en 1754, d'une famille bourgeoise. Il fut ordonné prêtre en 1779. Après son ordination, il rentra dans sa famille et travailla avec zèle dans la paroisse, mais sans aucun titre ecclésiastique.
Ayant refusé le serment, il partit comme ses confrères en 1792. Il est cité par M. de l'Estourbeillon comme prêtre de Loudéac, retiré à Jersey.
Rentré à Loudéac en 1802, il reprit ses anciennes fonctions qu'il remplit avec un nouveau zèle. Il dirigea pendant quelques années la congrégation des hommes, et, plus tard, il fut chargé de la direction des nombreuses filles des Tiers-Ordres, charge qu'il occupa jusqu'à l'époque de sa mort arrivée le 22 mars 1830 ; il avait 76 ans.
M. François Fresnais était jeune et prêtre habitué au moment de la Révolution. Quoique insermenté, nous pensons qu'il n'émigra pas. Après la tourmente, nous voyons quelques enregistrements signés de lui, et l'Ordo de 1807 annonce la mort de M. François Fresnais, prêtre de Loudéac, décédé en mars 1806, âgé de 45 ans. Ni les registres ecclésiastiques, ni les registres civils, ne mentionnent ce décès à la date indiquée.
M. Pierre Le Bris, né dans la ville de Loudéac en 17.., était distingué par ses talents et ses connaissances ; il ne fut, néanmoins, que prêtre habitué jusqu'en 1791. Il prêta alors serment à la constitution civile du clergé et il devint vicaire sous le Breton, curé intrus. Vers l'année 1795, il tomba dangereusement malade ; sa foi se réveilla alors, il regretta ses erreurs, il les rétracta et mourut vers l'année 1796, à l'âge de 58 ans. Ainsi, sur les 10 prêtres desservant la paroisse de Loudéac, il n'y en eut qu'un qui fit le serment en 1791, et il le rétracta avant de mourir.
LA MOTTE.
Depuis vers 1639, Loudéac avait quatre trêves : La Motte, Saint-Barnabé, Grâce et Saint-Hervé. Le recteur de Loudéac était le vrai pasteur de ces trêves, et les prêtres qui les desservaient n'étaient que ses vicaires. Le recteur de ces trêves n'avait que la qualité de curé, comme les vicaires de ce temps-là. La Motte était la trêve la plus importante des trêves de Loudéac. Elle comptait 2.000 communiants en 1772, et en 1791 elle avait 4 prêtres, à savoir :
M. Thomas Rochard, curé-recteur, né dans la paroisse en 1726 et prêtre en 1758. Après avoir refusé le serment, il passa à Jersey en 1792, et on trouve au registre de la paroisse protestante de Saint-Broladre : « Le 17 novembre 1795, missire Thomas Rochard, prêtre de la Motte, paroisse de Loudéac, au diocèse de Saint-Brieuc, en Bretagne, âgé de 70 ans et décédé d'hier, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse ».
M. Guilmoto, dit le cadet, parce qu'il était plus jeune que son frère qui resta toujours prêtre habitué à Loudéac, était, à l'arrivée de la Révolution, vicaire de M. Thomas Rochard ; il refusa de faire le serment, partit en 1792 pour Jersey, et il est mentionné parmi les prêtres retirés dans cette île.
M. Louis Viet, prêtre habitué, refusa le serment et se retira à Jersey, où il est qualifié de prêtre de La Motte, au diocèse de Saint-Brieuc. Il dut rentrer avant la fin de la persécution, probablement en 1797, car on trouve des baptêmes faits par lui, avant la rentrée des autres prêtres. Il fut nommé recteur de La Motte en 1803, et, quelques années après, curé de Plouguenast où il est mort en décembre 1829.
M. Mathurin Dumond, prêtre sans fonction à La Motte quand la Révolution commença, est peut-être ce prêtre Dumond qui avait quitté le diocèse avant 1789 et qui y rentra à l'époque du serment. Quoiqu'il en soit, la liste des prêtres du diocèse nous montre Dumond, prêtre de La Motte, jureur en 1791. Il devint recteur intrus de la paroisse et il fut tué par les Chouans.
SAINT-BARNABÉ.
Saint-Barnabé, autre trêve de Loudéac, avait, en 1772, mille communiants et pour recteur M. Joyeux.
M. Mathurin Joyeux, prêtre, né dans la paroisse, rejeta le serment, passa à Jersey où il est mentionné et qualifié de curé de Saint-Barnabé. Revenu de l'exil en 1801, il fut, en 1803, nommé recteur de son ancienne paroisse ; mais, en 1808, il eut une triste affaire qui le rendit malheureux. Par trop de complaisance pour un parent qui avait de la répugnance pour l'état militaire, il engagea le maire à donner de faux papiers au jeune homme qui s'éloigna du pays. Quelque temps après, il commit l'imprudence d'y revenir pour prendre des papiers vrais, mais il fut reconnu, dénoncé, arrêté et incorporé dans un régiment qui allait au feu. Quant au maire et au recteur, le premier fut condamné à un an et le recteur à deux ans de prison. Après l'expiration de sa peine, M. Joyeux fut rétabli dans le ministère paroissial, mais comme vicaire seulement. Il redevint recteur et il administrait la paroisse de Tramain lorsqu'il fut frappé de paralysie ; il se retira à Saint-Barnabé où il est mort en 1820, âgé de 63 ans.
GRACE.
Grâce, autre trêve de Loudéac, avait mille communiants en 1772. Quand la Révolution commença, le recteur de cette trêve s'appelait Thomas-Mathurin Carcreff. Il refusa le serment et il passa à Jersey où se trouve son nom parmi les prêtres exilés. Au retour de l'exil, il se trouva trop faible pour être mis à la tête de la paroisse de Grâce ; il demeura néanmoins dans la localité et il y est mort en 1806, âgé de 48 ans, et qualifié de vicaire de Grâce.
M. Robin, autre prêtre insermenté, de Grâce, est mentionné de la manière suivante dans l'ouvrage de M. de l'Estourbeillon, sur les prêtres émigrés à Jersey : M. Robin, prêtre de Grâce, au diocèse de Saint-Brieuc.
SAINT-HERVÉ.
Saint-Hervé, la plus petite des quatre trêves de Loudéac, ne comptait que 700 communiants. Le recteur, M. Lebigot, prêtre, né à Loudéac, refusa le serment, s'exila à Jersey et au retour de l'exil il fut nommé nous ne savons où.
CADÉLAC
Cadélac, qui fait maintenant partie de la paroisse de Loudéac, a été, avant la Révolution, une paroisse de 700 communiants. La cure était à l'alternative et son revenu était estimé 600 francs. Cette paroisse, que la tradition dit et qu'en réalité nous croyons avoir été plus ancienne que celle de Loudéac, était renfermée dans les bornes suivantes : une ligne prenant au Pont-Rouge la rivière d'Aust et la côtoyant jusqu'à Saint-Caradec, pour suivre ensuite la route nationale jusqu'à Loudéac, jusqu'au chemin de Derrière par lequel elle tomberait à gauche de Perrée dans la route de Pontivy, route qu'elle suivrait jusqu'au Pont-Rouge, premier bout de la ligne ; tout le terrain renfermé dans ce cercle, à peu d'exceptions près, composait la paroisse de Cadélac.
Les habitants de cette paroisse étaient loin d'être partisans des innovations apportées par la Révolution. Quand leur paroisse fut, comme les autres, créée commune, le recteur fut nommé maire. Les choses allèrent assez bien jusqu'en 1791. On devait alors faire de nouvelles élections pour nommer un maire, trois conseillers municipaux et six notables. Les habitants de Cadélac, mal conseillés, refusèrent de se soumettre, se disant bien gouvernés. Les choses en restèrent là jusqu'à l'année suivante ; mais au commencement de l'année 1792, le directoire du district de Loudéac prit contre Cadélac plusieurs arrêtés et il finit par statuer que le sieur Lehéran, maire et curé de la paroisse de Cadélac, était déchu de toutes ses fonctions civiles, et que, après en avoir conféré avec M. l'évêque (l'intrus), la paroisse de Cadélac était provisoirement réunie à celle de Loudéac, que les portes de l'église seraient fermées et patefichées en présence d'une commission nommée par le district. Le tout fut exécuté en cette année 1792.
Julien Lehéran naquit à Moncontour en 1730 et fut ordonné prêtre en 1756. Il obtint par le moyen du concours, en 1776, la paroisse de Cadélac. Il refusa le serment et s'exila à Jersey en 1792. Rentré dans sa paroisse en 1801, il reprit l'exercice de ses fonctions pastorales qu'il lui fallut cesser à la fin de 1803. C'est qu'à cette époque on finit d'organiser les paroisses du nouveau diocèse de Saint-Brieuc. Plusieurs paroisses furent supprimées et Cadélac fut du nombre.
M. Lehéran, qui était vieux et infirme, ne put être appelé à un autre poste ; il resta dans son presbytère, et l'année dans laquelle il mourut, il eut la douleur de voir démolir son église dont les matériaux furent employés à la construction de l'hôpital de Loudéac. Le décès de M. Lehéran arriva le 3 novembre 1807. Il avait 77 ans.
Jean Jégard, né à Cadélac, y était vicaire quand la Révolution commença. Il refusa le serment et se retira à Jersey. On le retrouve à Cadélac en 1802, et vicaire à Loudéac après la suppression définitive de la paroisse de Cadélac. Il est mort avec son titre de vicaire, dans la rue des Allées, en 1828. Il était figé de 84 ans.
M. Lecrerc, né dans la paroisse de Cadélac, peut-être à Saint-Horiec où il est mort en 1805, âgé de 56 ans, vivait comme prêtre habitué. Il refusa le serment, se cacha dans le pays et passa les mauvais jours sans être saisi. Sa mauvaise santé l'aura sans doute empêché d'avoir un emploi, après le Concordat.
TRÉVÉ.
Trévé, paroisse à l'alternative et d'un rapport de 800 francs, comptait 3.000 communiants et possédait sept prêtres à l'arrivée de la Révolution.
Louis Cherdel, né à Moncontour en 1734, prêtre en 1758, devint recteur de Trévé en 1773. Trompé par les mensonges des journaux du temps et par quelques mauvais exemples, il fit le serment à la Constitution civile du clergé, mais il ne resta pas longtemps dans son erreur, il fit peu de temps après dans l'église une rétractation publique de son serment, partit pour Jersey d'où il revint en 1801 ou 1802. En 1803, il fut de nouveau nommé recteur de Trévé où il est mort vers 1810.
François Guillo, vicaire en 1791, refusa le serment et se réfugia à Jersey. Nous penserions que c'est lui qui est ce François Guillo nommé recteur de Saint-Maudan en 1803, si nous ne voyions en 1805, sur les registres de Loudéac, la signature de F. Guillo, vicaire à Trévé.
Joseph Bridel, né en 1738 au village des Iles en Trévé, était, à l'arrivée de la Révolution, prêtre habitué dans la paroisse. Chaque dimanche il disait la messe au château d'Estuer, en Saint-Barnabé. Il ne fit point le serment, et en 1791 nous le voyons porté sur la liste des prêtres demeurés fidèles. Il dut rester dans le pays pendant les mauvais jours ; du moins, il n'est pas mentionné parmi les prêtres réfugiés à Jersey. Il est mort à Trévé en 1808, âgé de 70 ans.
M. Thomas, autre prêtre habitué, refusa aussi le serment et son nom figure parmi les prêtres retirés à Jersey.
Jean La Salle, né dans la paroisse en 1732 et y demeurant comme prêtre habitué, prêta, en 1791, le serment qui le fit devenir recteur intrus de Plémet.
Le Verger, autre prêtre habitué, fit aussi le serment et devint curé intrus de la paroisse. Il dut se rétracter puisque l'Ordo de 1833 le porte comme prêtre de Trévé mort en 1832, âgé de 78 ans.
Le Helley est, en 1791, porté sur la liste des prêtres de Trévé qui refusèrent le serment. On nous a dit qu'il fit le serment plus tard ; nous ne pourrions l'affirmer.
SAINT-CARADEC.
Saint-Caradec, paroisse dont la cure était à l'alternative, était du diocèse de Quimper au moment de la Révolution.
M. Pierre Servel, homme remarquable par sa science et son esprit d'ordre, était, depuis l'année 1759, recteur de Saint-Caradec, lorsqu'il refusa le serment. En 1792, il passa à Jersey où il mourut entre les bras de M. Ledenmat, son vicaire, dit, dans sa notice sur Saint-Caradec, M. Audo. Voici ce que contient, à son sujet, le registre de la paroisse protestante de Saint-Hélier de Jersey : « Missire Pierre Servel, recteur de la paroisse de Saint-Caradec, diocèse de Quimper, en Basse-Bretagne, âgé d'environ 71 ans, est décédé, à Saint-Hélier, le 28 juillet 1794 et a été inhumé le 29 du dit mois, dans le cimetière de cette paroisse ».
Mathurin Ledenmat, vicaire dans la paroisse, refusa aussi le serment, suivit son recteur à Jersey. Au retour de l'exil il fut nommé recteur de Merléac et transféré à Saint-Caradec en 1812. C'est là qu'il est mort en 1815.
François Tanguy, né dans la paroisse, était tout jeune prêtre quand la Révolution éclata. Il fut pendant quelque temps précepteur au Légué, mais sans être connu comme prêtre si ce n'est par ceux de la maison. Il n'était connu que sous le nom de M. Lephilosophe. Il ne passa point à l'étranger quoiqu'il eût refusé le serment. Il se cacha à Saint-Caradec où il fit un bien immense ainsi que dans les paroisses environnantes.
Son air de jeunesse, son air dégagé, sa hardiesse poussée quelquefois jusqu'à la témérité, l'empêchèrent de tomber entre les mains des révolutionnaires. Un jour de marché ou un jour de foire, il alla, à Loudéac, fumer au corps de garde. C'est de lui-même que nous tenons ces détails. En 1806, il fut nommé vicaire à Loudéac, qu'il quitta deux ans après pour devenir recteur de Saint-Barnabé où il est mort en 1847, âgé de 86 ans.
Guillaume Tanguy, frère aîné du précédent, exerçait le ministère dans la partie bretonne du diocèse de Quimper quand arriva la Révolution. On le trouve à Saint-Caradec avant la fin de la Révolution, soit qu'il se soit caché dans la paroisse où il était employé, soit qu'il ait jugé à propos de rentrer avant les prêtres exilés. Il avait refusé le serment. S'il s'est exilé, ce n'est pas à Jersey car son nom ne se trouve pas parmi le nom des prêtres retirés dans cette île. A l'époque du Concordat il fut nommé recteur de Saint-Caradec où il est mort en 1812.
HÉMONSTOIR.
Hémonstoir, trève de Neuliac du diocèse de Quimper, aujourd'hui du canton de Loudéac, avait pour recteur, au commencement de la Révolution, M. Jean Fraboulet qui refusa le serment, se cacha ou s'exila nous ne savons où. En 1803 il fut nommé recteur au Bodéo.
Guillaume Jamin, né à Hémonstoir et y demeurant comme prêtre habitué en 1789, ne fit point le serment, ne s'exila point, mais se cacha dans le pays où il montra une activité et un zèle au-dessus de tout éloge. Dénoncé, saisi, emprisonné même, il fut néanmoins assez heureux de traverser la Révolution sans accident plus grave. Il fut, en 1803, nommé recteur de Hémonstoir où il est mort en décembre 1831, âgé de 71 ans. Dans un petit moment de paix, dans l'année 1793, M. Jamin se montra publiquement, fit annoncer que le dimanche de Pâques il dirait la messe sur une lande de Saint-Caradec : cinq ou six mille personnes répondirent à son appel.
SAINT-MAUDAN.
Saint-Maudan, paroisse dont la cure était à l'alternative et d'un revenu de 600 francs, ne comptait que 230 communiants. Quand la Révolution éclata, cette paroisse avait pour recteur un nommé Pharamus. Ce prêtre avait, quelques années auparavant, obtenu au concours la cure de Plémet, et un M. Jean Lejoly, prêtre, né à Loudéac, avait obtenu celle de Saint-Maudan. Sur la demande de M. Pharamus, ces deux lauréats permutèrent : M. Lejoly alla à Plémet et M. Pharamus alla à Saint-Maudan. Ces deux recteurs eurent, à la Révolution, une conduite bien différente. M. Pharamus fit le serment et devint recteur intrus d'Etables. M. Lejoly refusa le serment, fut déporté à la Guyane. Au retour de l'exil il rentra dans sa paroisse, et, à l'époque du Concordat, il fut nommé curé de Saint-Alban et de Lamballe quelques années après ; c'est là qu'il est mort vers 1820, âgé d'environ 73 ans.
SAINT-SAMSON.
Saint-Samson, paroisse du diocèse de Vannes, a été du diocèse de Saint-Brieuc jusqu'en 1803. On y comptait 600 communiants. La cure rapportait 1.500 francs, et elle était à la nomination de l'abbé de Rillé. Rillé était une abbaye située dans un faubourg de Fougères, diocèse de Rennes. Cette abbaye desservait les paroisses à elle appartenant quand les sujets ne lui faisaient pas défaut. A l'arrivée de la Révolution, le recteur de Saint-Samson s'appelait M. Darlot. Il était religieux génevéfain de l'abbaye de Rillé et avait été chargé du prieuré-cure de Saint-Samson en 1778. Quand la paroisse de Saint-Samson fut comme les autres créée commune, M. Darlot fut, élu maire. Ce fait ne lui fut pas particulier, car le curé fut nommé maire dans une infinité de paroisses. Nous pensons que M. Darlot n'était pas Breton et que sa foi était faible, si nous en jugeons par les raisons qu'il apportait devant ses confrères, pour accepter la Révolution. Quoiqu'il en soit, M. Darlot fit le serment comme le recteur de Saint-Maudan et celui de La Chèze. Ces trois jureurs qui n'étaient pas éloignés les uns des autres se visitaient assez fréquemment. Les habitants de Saint-Barnabé qui n'aimaient pas les jureurs, engageaient leurs enfants à dire des injures aux recteurs assermentés passant près d'eux sur les landes de Macoët. Bientôt le jureur de Saint-Maudan passa à la cure d'Etables et celui de La Chèze fut assassiné par les Chouans dans son presbytère. Le sieur Darlot de Saint-Samson craignant un pareil sort, crut qu'il n'avait rien de mieux à faire que de se donner la mort. Il prit du poison et, en attendant son effet, il alla faire ses adieux à ses amis du bourg. Il avait 50 ans.
BRÉHAND-LOUDÉAC.
Bréhand-Loudéac, paroisse aujourd'hui du diocèse de Vannes, a été du diocèse de Saint-Brieuc jusqu'en 1802. Cette paroisse, dont la cure était à l'alternative et d'un revenu de 800 francs, comptait 2.060 communiants. Quatre prêtres y demeuraient quand la Révolution commença : un recteur, deux vicaires et un prêtre sans titre. Aucun d'eux ne fit le serment de la Constitution civile du clergé.
M. Vincent Lepioufle, né au village des Clos-Relan, en Cadélac, en 1747, prêtre en 1772, demeura après son ordination quelque temps dans sa famille, puis fut employé comme régent au collège de Saint-Brieuc. M. Jean Jouin, né à Loudéac en 1717, prêtre en 1746, devenu recteur de Bréhand en 1763, mourut en octobre 1784. Sa succession étant ouverte dans l'un des mois de l'évêque, celui-ci nomma à la cure de Bréhand M. Vincent Lepioufle, en décembre 1784. Le nouveau recteur gagna promptement l'estime et la confiance de ses paroissiens. Ils le montrèrent surtout en le nommant maire, à l'époque de la création des communes. Ayant refusé le serment, il s'exila en 1792, passa à Jersey où nous le trouvons parmi les prêtres retirés dans cette île et noté de la manière suivante : « Pioufle, N. (Le), recteur de la paroisse de Bréhand-Loudéac, au diocèse de Saint-Brieuc ». Rentré dans sa paroisse en 1801, il en fut nommé curé d'office par les administrateurs du diocèse de Saint-Brieuc, et, en 1802, il fut nommé recteur par le nouvel évêque de Vannes. M. Lepioufle ne jouit pas longtemps du bonheur qu'éprouve un exilé rentré dans la patrie. Usé avant l'âge par les peines et les privations d'un exil de neuf années, il mourut en 1804, âgé de 57 ans.
M. Pédron, premier vicaire dans la paroisse de Bréhand, est aussi compté parmi les prêtres insermentés retirés à Jersey. Au retour de l'exil il dut opter pour le diocèse de Vannes.
M. Guillaume Leverger, second vicaire à Bréhand quand vint la Révolution, était né vers 1752 au village de Belorient proche la ville de Loudéac. Il avait vingt ans quand il commença l'étude de la langue latine. Ses études ne furent pas longues : au collège il avait l'excellence tout en faisant deux classes par année. Après sa promotion à la prêtrise, il passa quelques années à Loudéac, desservant la chapelle seigneuriale de la Feuillée. Deux ans ou environ avant la Révolution, il fut envoyé comme vicaire à Bréhand-Loudéac, où il était pensionnaire au presbytère au prix de 200 francs par an. Ayant, comme tous les prêtres de la paroisse, refusé le serment, il passa à Jersey en 1792. Il est, dans l'ouvrage de M. de l'Estourbeillon, mentionné parmi les prêtres retirés dans cette île. M. Leverger ne resta pas à Jersey, il passa en Angleterre, apprit la langue anglaise et fut employé dans une université du pays. Ce ne fut qu'en 1814 ou en 1815 que M. Leverger rentra en France. Il fut alors nommé recteur de Plessala, et quelque temps après transféré à la cure du Gouray. Vers 1822, M. Leverger quitta sa cure, se retira à Loudéac où il est mort le 29 mars 1824, âgé de 72 ans.
M. Levexier, prêtre habitué et desservant peut-être quelque chapellenie, est, en 1791, sur la liste des prêtres du diocèse qui étaient insermentés. Ce Monsieur n'émigra pas et passa les mauvais jours de la Révolution caché dans les paroisses de Bréhand, de Saint-Barnabé et de Loudéac. Homme d'une activité remarquable, il rendit de grands services aux paroisses que nous mentionnons, en baptisant les enfants, bénissant les mariages et soignant les malades. C'est peut-être lui qui est ce Jean-Joseph Levexier mort curé de Plémet en août 1824, âgé de 69 ans.
La persécution eut enfin son terme en l'année 1800. Elle ne laissa pas à Loudéac le souvenir d'un grand nombre de faits très regrettables, si nous en exceptons quelques assassinats isolés et l'emprisonnement de quelques personnes qui furent bientôt relâchées. C'est qu'on comptait bon nombre de modérés parmi les autorités locales. Ils faisaient du bruit avec de gros mots, quand il s'agissait de fêtes patriotiques, ou quand ils avaient reçu quelque ordre cruel de la Convention, mais le bruit qu'ils faisaient servait d'avertissement aux suspects. Ils allaient jusqu'à écrire à des prêtres cachés et sujets à la déportation de se constituer prisonniers dans telle maison qu'on leur indiquait. C'était bien là dire aux gens : « Soyez sur vos gardes ». D'autres fois, les gens chez lesquels on devait faire des fouilles étaient avertis de faire évacuer les suspects. Des hommes recherchés, des chouans trouvés par des gendarmes chez des amis communs n'étaient pas arrêtés. Il faut pourtant dire qu'un fait regrettable de la Révolution fut la suppression de la paroisse de Cadélac. Quant à la petite église qui a fait tant de mal dans certains pays très catholiques, il n'y eut que trois femmes à y adhérer ; l'une d'elles qui était du Haut-Breil, mourut dans son erreur. Les autres se convertirent vers 1823. Elles étaient des environs de Saint-Guillaume. Elles portaient le nom de Rouault. Elles étaient soeurs et nous les croyons membres d'un tiers-ordre.
(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).
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