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CAHIER DE DOLÉANCES D'ERBRAY EN 1789

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Subdélégation de Châteaubriant. — Département de la Loire-Inférieure, arrondissement de Châteaubriant, canton de Saint-Julien-de-Vouvantes.
POPULATION. — En 1790, 1.683 habitants (Déclarations des biens du clergé, Arch. de la Loire-Inférieure, série Q).
CAPITATION. — En 1785, 1.881 l. 2 s. 8 d., se décomposant ainsi : capitation, 1.184 l. 1 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 103 l. 12 s. 2 d. ; milice, 151 l. 5 s. 9 d. ; casernement, 430 l. 3 s. 9 d. ; frais de milice, 12 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3981).
VINGTIÈMES. — En 1788, 1.940 l. (Arch. de la Loire-Inférieure, C 469).
FOUAGES. — 46 feux (Procès-verbal). — En 1790, fouages ordinaires, 297 l. 14 s. 8 d. ; fouages extraordinaires, 347 l. 11 s 8 d. (Ibid.).
OGÉE. — A 11 lieues 1/2 au N.-N.-E. de Nantes, à 12 lieues 3/4 de Rennes et à 1 lieue 3/4 de Châteaubriant. — 1.600 communiants. — Le prince de Condé est seigneur supérieur de la paroisse. Erbray est un pays couvert, dont les terres sont assez fertiles, mais peu cultivées ; son sol contient une sorte de marbre et de la marne.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 4 avril 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Me Pierre Roul, notaire de la baronnie de Châteaubriant et annexes, « à défaut de MM. les juges d'icelle, employés ailleurs pour semblable commission ». — Comparants : François Guibourd de la Rigaudière ; Christophe-Rolland Guibourd de la Boullaye ; Pierre Bouchet ; Martin Ferron ; Jean Gauttier ; Jan Moron ; Gabriel Maillard ; Pierre Pouplin ; Jan Freulet ; Martin Gautier ; Joseph Rétif ; Michel Guibourd ; Julien Barbier ; Julien Ledevin ; Jan Gasnier ; Jan Geslin ; Nicolas Roul ; Jan Delaunay ; Jacques Mahé ; François Barbier ; Jacques Ferron ; Julien Peigné ; Francois Gobbé ; Nicolas Roul fils ; Ambroise Poulain ; René Le Fou ; Francois Dupin ; Joseph Mitaillé ; Jan Volteau ; Julien Morel ; Pierre Jousselin ; Jan Collin ; René Philouze ; Francois Tessier ; Victorien Vignal ; Julien Jambu ; Charles Dauffy ; René Lechat ; Ambroise Hoguerel ; Louis Gautier ; Julien Dutertre ; Jan Gazille ; Ambroise Barbelivient ; Pierre Henry l’aîné ; Pierre Henry le jeune ; Francois Ergaut ; Nicolas Couvraud ; Charles Gasnier ; Henry Houdmon ; Antoine Gasnier ; Michel Ferron ; Martin Harouin ; Rolland Collin ; Pierre Collin ; Jan La Croix ; Thomas Derouin ; Jan Dutertre ; Ambroise Raboisnel ; Ambrois Coué ; Julien Le Breton ; Jan Le Breton ; René Rétif ; Joseph Ferron ; Jan Rougé ; René Lamballais ; René Raboisnel ; Pierre Chauvin ; Jan Raboisnel ; Jan Leussier ; Etienne Augeard ; Jan Poupart ; Martin Bregeault. — Députés : Christophe-Rolland Guibourd de la Boullaye ; Pierre Bouchet.

 

Plaintes et doléances des habitants de la Paroisse de Saint-Martin d'Erbray, évêché de Nantes.

Note : Les parties imprimées en italique sont empruntées aux Charges d'un bon citoyen de campagne.

L'an mil sept cent quatre-vingt-neuf, le quatrième jour d'avril, les habitants de la paroisse Saint-Martin d'Erbray, évêché de Nantes, assemblés en corps politique, à la manière accoutumée, pour délibérer sur les plaintes et demandes à présenter aux Etats généraux fixés à tenir à Versailles, le vingt-sept de ce mois, ont arrêté ce qui suit :

ARTICLE PREMIER. — De l'impôt. — Se plaignent les dits habitants que la capitation en cette paroisse n'est point imposée ni répartie avec la justice et l'égalité qui conviendraient, les prêtres n'étant point taxés et leurs domestiques l'étant moins que ceux des autres particuliers ; que les vingtièmes et les fouages en sont de même, l'égail étant le plus souvent fait de ces impôts pur des fermiers on vassaux craignant leurs seigneurs, ce qui occasionne que les biens de ces derniers ne sont point taxés à proportion de ceux des autres particuliers.

Demandent les dits habitants que les différents impôts levés chaque année sur cette paroisse, et qui ne tendent qu’au même but, c'est-à-dire qu'à frayer aux dépenses publiques, soient dorénavant tous supprimés et réunis en un seul sous le nom de capitation ou autrement, et pour lequel il ne sera fait qu'un seul rôle, et sur lequel alors tout individu sans distinction, soit ecclésiastique, noble ou roturier, sera, sans partialité ni égards, imposé suivant les biens, revenus ou aisance qu'il aura ou possédera dans cette paroisse, et que chaque année la collecte de cet impôt soit adjugée au rabais à un collecteur qui fournira caution, et qui en fera passer le montant dans les coffres de Sa Majesté, et que le prix d'icelle adjudication soit réparti au marc la livre sur le même rôle.

Se plaignent aussi les dits habitants que les droits que font actuellement payer les fermiers généraux sont exorbitants, tant pour le contrôle des actes, sols pour livre, papiers et parchemins timbrés, et que les dits habitants ne peuvent connaître le motif de ces augmentations ; pourquoi ils demandent qu'il soit fait un nouveau tarif, moins cher, et soumis à toute notoriété.

ART. 2. — Droits féodaux. — Se plaignent les dits habitants de ce que les seigneurs percevant, suivant leurs rôles rentiers, les rentes jadis assises sur la totalité de chaque masure ou tenue, dépendante de leurs fiefs (voir la note 1 qui suit), s'emparent actuellement des vagues qui se trouvent en icelles (que les vassaux ou tenuyers n'avaient sans doute laissés de la sorte que pour leur commodité), même des arbres qui y ont cru, ou afféagent le fonds aux tenuyers de la dite masure, et souvent même à des étrangers, pour une autre rente bien plus onéreuse que ne l'était la première (voir la note 2 qui suit).

Note 1 : Les aveux de la seigneurie de la Courpéan montrent que les mouvances comprennent surtout des masures, dont les rentes se paient solidairement (Arch. de la Loire-Inférieure, E 380). Consultons, par exemple, l'égail des rentes dues sur la masure de Lapreaye et Cornillière, en 1758 : les rentes solidaires de cette masure s'élèvent à 27 boisseaux d'avoine menue, moitié comble et moitié trocollée, mesure de Châteaubriant, 10 poules. 48 s. t. Voy. aussi l'égail de la masure de la Rousselière, de 1758, et l'égail de la masure de la Bricardière, de 1764 (Ibid., E 381). D'autre part, la baronnie de Châteaubriant percevait les rentes suivantes : 127 l. 14 s. 10 d. monnaie ; 6 l. 12 s. 1 d. tournois ; 12 chapons ; 2 poulets ; 147 poules 1/2 ; 83 boisseaux 4 godets d’avoine grosse comble, mesure de Châteaubrint ; 340 boisseaux d’avoine menue comble, même mesure ; 291 boisseaux d’avoine menue, moitié comble et moitié trocollée. Le revenu total de ces rentes montait en 1783 à 2.293 l. (Arch. du musée Condé, à Chantilly , F1 et F7).

Note 2 : Un aveu de la seigneurie de la Courpéan, de 1731, porte le droit pour le tenancier de « faucher des litières » dans les landes et communes dépendant du fief de la Herbetière « et d'y faire pacager les bestiaux » (Arch. de la Loire-Inférieure, E 382). — En 1748, en 1778 et surtout en 1781, le seigneur de la Courpéan a conclu de nombreux afféagements sur les terres vaines et vagues ; la plupart de ces afféagements comprennent moins d’un journal de terre (Ibid., E 380). — A la veille de la Révolution, le prince de Condé se préoccupait de mettre en valeur les terres vagues dépendant de ses domaines. C’est ce que montre l’article 12 du bail de la terre de Sion consenti, le 23 septembre 1786, par le prince à Louis-Gérard Malherbe, fermier des forges de la Hunaudière : « comme il dépend de la terre de Sion une quantité considérable de landes, et qu'il est trés intéressant de mettre en valeur celles qui peuvent en être susceptibles, le preneur est et demeure autorisé par les présentes à faire ce qu’il croira le plus convenable, soit en les cultivant par lui-même, soit en prenant le conseil de S. A. S. à Châteaubriant, qu’il serait avantageaux d’en afféager une partie, pour, après les actes d’afféagements passés et ratifiés part S. A. S., copie en être remise audit preneur auquel appartiendront pendant la durée de son bail les délivrances qui y auront été stipulées » (Ibid., E 1325). — A Erbray même, le prince de Condé possédait, autour du bois du Druillay, 195 journaux de vagues (Arch. du musée Condé, Etat des bois et buissons… [mars-avril 1728]), qui furent loués pour le pacage moyennant 90 l. par an, en vertu d’un bail de 1775 (Ibid., F7) ; sur un bail antérieur de ces landes, voy. également le Cahier de doléances de Saint-Jean-de-Béré, ART. 11. Une note de la « Réclamation du district de Châteaubriant sur le rachat des droits seigneuriaux », de 1791, dit qu’à Sion « le seigneur a vendu, depuis six ans, pour vingt-cinq mille livres de bois abattu dans les communes, sans compter une quantité considérable de chênes dont il a disposé pour son usage » (Ph. SAGNAC et P. CARON, Les Comités des droits féodaux et de législation et l’abolition du régime seigneurial (1789-1793), p. 287).

Demandent donc iceux habitants qu'il ne soit plus permis aux dits seigneurs de s'emparer dans la suite, ni même d'afféager les dits vagues, puisqu'il paraît que la concession a été précédemment faite par ceux qu'ils représentent (aux fins des anciennes rentes) de la totalité du terrain enclavé dans chaque tenue ou masure, et que les afféagements qu'ils en ont consentis depuis quarante ans à des étrangers soient déclarés nuls et comme non avenus, en conséquence les rentes supprimées, et que le terrain retourne au profit des vassaux tenuyers, qui seront également déchargés des rentes qu'ils ont consenti payer pour les afféagements qu'ils ont eu la faiblesse de prendre d'un terrain qui leur appartenait ; que même les anciennes rentes soient sans solidité et séparément franchies au denier vingt, sur le pied d'une année commune faite des apprécis de chaque année depuis cinquante ans ; que, de même [Note : La fin du paragraphe a été ajoutée en interligne], le terrain que les dits seigneurs ont enclos à leur profit en icelles masures, à partir depuis quarante ans, retourne aussi au profit des dits vassaux.

Se plaignent les dits habitants que la sergentise ou amas des rentes et les redditions d'aveux sont la ruine de la plupart des familles, puisque fort souvent il en coûte à plusieurs particuliers, pris à faire cette corvée, au moins quatre à cinq années de leur faible revenu, soit pour le prix qu'ils sont obligés de donner pour faire cet amas, qu'ils ne savent pas faire, soit pour les frais d'assignation, sentences de condamnation, saisies de leurs revenus, moyens de blâme, etc. (tous frais injustes et ridicules) que fournit et fait rendre contre eux le procureur fiscal de chaque seigneur par le juge de ce dernier, à fin de reddition d'aveux qu'ils font rendre très souvent au détriment des malheureux vassaux peu instruits, manquant des titres prouvant la légitimité de leurs droits et qu'iceux seigneurs leur refusent constamment, quoiqu’ils soient consignés dans leurs archives.

Demandent que toutes ces corvées soient supprimées et que les rentes soient amortissables, comme est ci-devant dit : sinon, que le seigneur soit obligé d'en faire l'amas lui-même ou gens de sa part dans l'étendue de chaque masure, d’après avoir indiqué, par un billet de publication dûment certifié du recteur ou du vicaire de la paroisse, le jour et l'endroit où il fera le dit amas, sur un mémoire que les vassaux et tenuyers de chaque masure seront obligés de lui remettre en main une fois seulement et dont il donnera un reçu, et que le prix des avoines et autres denrées soit fixé à jamais sur le pied d'une année commune faite des apprécis de chaque année depuis cinquante ans, afin de détruire les abus qu'il y a chaque année de faire un nouveau mémoire pour la collecte d'icelles, à cause de leur augmentation ou diminution, ce qui occasionne très souvent que la plupart des redevables sont cruellement grevés ; et que, pour ce qui concerne les aveux, il y ait un temps limité à proportion des articles à y porter ; et que le procureur fiscal du seigneur n'ait plus droit de faire assigner par la suite un vassal qui ne peut ni ne veut se refuser à ce devoir, sans au préalable justifier l'avoir fait avertir au moins six mois auparavant, par lettre ou autrement ; que le seigneur ne puisse, sous quelque prétexte que ce soit, refuser à son vassal la communication des titres nécessaires à ce dernier, soit pour prouver la légitimité de ses droits envers le dit seigneur ou envers ses voisins, et qui sont consignés dans les archives de sa seigneurie ; qu'au surplus tous frais pour chaque aveu ne puissent excéder la somme de vingt-quatre livres.

Se plaignent les dits habitants que les seigneur s’emparent des successions des bâtards, tandis que les généraux des paroisses dans lesquelles il ne se trouve que trop souvent enfants abandonnés, dont les père et mère ne sont point connus et qui sont alors réputés bâtards, sont seuls chargés de les nourrir et élever.

Demandent les dits habitants que les successions en biens ou autrement des dits bâtards tournent au profit des généraux des paroisses où ils décèdent, comme aussi tous animaux domestiques qui se trouveront san être avoués de personne dans l’étendue des dites paroisses et dont les seigneurs s’emparent par droit d’épave.

Se plaignent encore de ce que les seigneurs s’arrogent le droit d’être héritiers des estocs qui se trouvent vacants dans toutes les successions quelconques, et demandent iceux habitants.

Que les parents et héritiers connus des défunts soient de préférence aux seigneurs, à qui ils n'appartenaient point, admis à hériter de la totalité des successions des dits défunts (voir la note qui suit).

Note : Le Conseil du prince de Condé a édicté, le 6 août 1783, sur les déshérences et bâtardises dans la baronnie de Châteaubriant, le règlement suivant :
« Sur ce qui a été représenté que, quoique les déshérences fussent assez fréquentes en Bretagne d'après les dispositions de la Coutume qui régit cette province, S. A. S. n'avait encore profité dans ses terres d'aucuns de ces casuels ;
Que la probité et l'activité de MM les Procureurs fiscaux étant bien connues, on ne pouvait attribuer les pertes souffertes en cette partie qu'à l'obligation où l'on était d'employer des formalités longues pour assurer les droits de S. A. S. ;
Que d'ailleurs les héritiers des successions vacantes pouvant les réclamer pendant 40 ans, MM. les Procureurs fiscaux avaient sans doute cru devoir différer de rendre compte de leur perception jusqu'après la prescription acquise ; que pendant ces délais ces officiers venant à mourir, leurs successeurs, n'étant pas instruits des anciennes vacances, étaient dans l'impossibilité de faire valoir les prétentions de S. A. S ;
Que ces considérations et plus encore la nécessité de simplifier l'ordre de la comptabilité exigent qu'il y soit pourvu par un règlement...
Le Conseil a arrêté :
1° Qu'à chaque vacance de succession arrivant par déshérence, bâtardise ou autrement, le procureur fiscal de la seigneurie donnera avis au receveur des domaines de S. A. S. en Bretagne de la vacance, de la qualité, quantité et quotité des biens qui se trouvent dans la succession, de tout quoi ledit receveur tiendra registre par chapitre particulier ;
2° Qu'après les formalités d'opposition de scellés. confection d'inventaire et ventes de meubles, desquels ledit receveur sera ainsi averti, le procureur fiscal requerra que les deniers provenant de ladite vente soient versés par ses greffiers ou tout autre qui les aura touchés dans la caisse dudit receveur, sous la caution de la seigneurie ;
3° Que le même receveur touchera, sous la même caution, les revenus des biens, soit qu'ils aient été affermés par baux judiciaires, soit que les baux conventionnels aient été continués ;
4° Qu'il touchera pareillement le prix de la vente des immeubles, si la consignation n'est pas ordonnée en justice ;
5° Qu'après la liquidation des frais, il payera au procureur fiscal et à tous autres ayant droits les sommes qui pourront leur être dues à raison desdits frais, desquelles sommes il rendra compte tant en recette qu'en dépense, ainsi que des autres casuels de fief… »
(Arch. du Musée Condé, à Chantilly, F5).

Se plaignent encore les dits habitants d'être assujettis, comme vassaux et sans être salarisés, aux charrois des matériaux nécessaires pour la reconstruction des châteaux des seigneurs, incendiés ou tombés par vétusté, ainsi que de leurs moulins, dont ils ont seuls le profit, comme aussi d'être soumis à être forcés comme sujets par le meunier du seigneur à suivre exactement un moulin, où souvent ils sont volés, pour ainsi dire impunément, tandis que ce meunier, un quart de l'année, faute d'eau, de vent, ou de réparations, n'a pu moudre leur grain, et par conséquent n'a pas rempli ses obligations envers eux (voir la note qui suit). Pourquoi les dits habitants demandent à être exemptés des charrois ci-devant dits, et d'avoir la liberté de moudre et faire moudre leur grain où bon leur semblera, sans que le meunier dont le moulin sera sous la banlieue puisse les forcer à y faire moudre leurs grains ; qu'au surplus toutes banalités de fours, moulins, etc., soient supprimées.

Note : Les aveux rendus à la seigneurie de la Courpéan portent le droit de banalité de moulin, « au cas qu'il y ait audit moulin poids et balances » (Arch. de la Loire-Inférieure, E 382).

Se plaignent aussi les dits habitants que les seigneurs, laissant pendant plusieurs années arrérager leurs rentes, ruinent et écrasent par ce moyen leurs vassaux ; pourquoi les dits habitants demandent que, faute au seigneur de faire ou faire faire chaque année l'amas de ses rentes (au cas qu'on n'en puisse obtenir l'amortissement, comme ci-élevant est dit), icelui seigneur soit, l'année suivante, jugé non recevable à les redemander.

Se plaignent encore de ce que les bestiaux soient saisis dans les bois et forêts non clos des seigneurs, quelquefois même en y entrant (souvent aiguillonnés par la mouche ou échappés à la vigilance de leurs maîtres), par les gardes des dits seigneurs, qui, pour la plupart n'ayant pas la conscience bien délicate, ne se font point de scrupule, quoiqu'ils les trouvent au bord des dits bois et forêts, de l'apporter faussement qu'ils les ont pris et saisis dedans, afin de faire condamner les maîtres à une amende excessive et arbitraire, à laquelle les dits gardes ont sans doute part conjointement avec leurs seigneurs ou leurs officiers.

Demandent les dits habitants qu'il ne soit point permis aux dits gardes-chasses de rapporter aucuns procès-verbaux sans témoins et que, pour les empêcher de chasser, comme la plupart font, dans les grains sans distinction, ils ne portent que la hallebarde suivant l'ordonnance, et que les maîtres des bestiaux pouvant prouver que ce n'est ni par leur faute, négligence, ni malice, que leurs bestiaux sont entrés dans les bois et forêts des dits seigneurs, surtout lorsque la taille est hors de garde et que leurs bois ne sont point clos, ils soient déchargés de toute amende quelconque.

Se plaignent les dits habitants qu'en différentes paroisses, et surtout de celle-ci, les eaux sortantes des étangs des seigneurs rendent plusieurs chemins impraticables pour les piétons et voitures et souvent désolent par leurs quantités, lorsqu'elles sont lâchées, les champs sur lesquelles elles s'épanchent, de même que, lorsqu'elles sont retenues trop grandes dans les dits étangs, elles inondent les terres adjacentes. Pourquoi iceux habitants demandent que le seigneurs auxquels appartiennent les dits étangs soient obligés à faire placer et entretenir sur les ruisseaux sortant de leurs dits étangs tous et chacun les ponts et planches nécessaires pour la commodité publique, et que les propriétaires ayant des terres adjacentes des dits étangs et ruisseaux aient droit, par forme de dédommagement, de pêcher en iceux au vis-à-vis de leurs terres.

Se plaignent encore que fort souvent les bêtes fauves de toutes espèces, ainsi que les lapins et pigeons, etc., ruinent leurs moissons. Pourquoi les dits habitants demandent la suppression de toutes garennes et fuies, la permission de faire la chasse à ces animaux, en quelques endroits qu'ils se trouvent, toutefois que le général assemblé le requerra, même de les tuer, lorsqu'ils pourront, sur leur terrain, chaque propriétaire ayant permission de chasser sur le sien, même tout particulier d'avoir chez lui un fusil, pour la sûreté de sa maison seulement, ou pour veiller la nuit à la sûreté de ses bestiaux étant à la pâture.

Se plaignent encore les dits habitants d'être obligés de payer des lods et ventes pour les échanges qu'ils font entre eux pour l'amélioration de leurs terres par la réunion, et demandent que ces droits soient supprimés, ainsi que ceux de franc-fief et rachat pour les biens nobles qu’ils possèdent (voir la note qui suit) et sur lesquels il serait moins onéreux pour eux qu'il fût assis une petite rente, en les rangeant dans la classe des autres terres.

Note : Le Conseil du prince de Condé avait édicté, le 27 février 1782, le règlement suivant sur l'exercice du droit de rachat dans la baronnie de Châteaubriant :
L'examen des derniers comptes des domaines de Bretagne ayant fait remarquer une diminution considérable dans le produit des casuels, notamment dans les rachats de la baronnie de Châteaubriant, le Conseil, considérant « que les droits de rachats en Bretagne consistent, suivant l'art. 67 de la Coutume, dans la jouissance pendant une année des revenus de la terre sujette au rachat ; que le seigneur est le maître de jouir par lui-même et le vassal tenu de lui donner une déclaration détaillée de ses possessions et communication des rôles rentiers, baux à fermes, etc, pour le mettre en état de jouir ; mais que, malgré ces secours, il est presque impossible de se livrer à cette jouissance eu égard à la différente nature des biens, à leur exploitation, et enfin parce que, dans la partie de la province où les domaines de S. A. S. sont situés, la plupart des terres est donnée à moitié fruits :
Que la faculté que le seigneur a de jouir par lui-même est quelquefois très préjudiciable à ses intérêts en ce qu'un vassal de mauvaise foi, connaissant les difficultés qui s'opposent à cette jouissance, ne fait des offres que beaucoup au-dessous du vrai produit de la terre ; que cela donne lieu à des négociations qui entraînent des délais, retardent les liquidations et par conséquent le paiement des droits ;
Que, pour éviter ces délais et forcer les vassaux d'acquitter les droits dans l'année du rachat, il n'y a pas d'autre moyen que de saisir féodalement les terres de ceux qui seront en retard de remplir leurs obligations à cet égard ; qu'il est d'autant plus essentiel de suivre cette voie qu'aux termes de l'art. 104 de la Coutume le seigneur ne peut plus faire de saisie après l'année du rachat révolu et qu'il ne lui reste que l'action ordinaire pour se faire payer de ce droit... ».
Le Conseil a arrêté :
« 1° Que MM. les Procureurs fiscaux de Châteaubriant, Derval, Martigné, Nosay, Le Teil, Oudon et Chantoceaux feront publier dans le courant du mois de janvier de chacune année, à l'issue de la graud'messe de chaque paroisse, un avertissement à tous ceux qui doivent les rachats de les payer incessamment et sans frais entre les mains du receveur général de S.A.S., à peine d’y être contraints ;
2° Que , faute de paiement dans l’année de l’ouverture de chaque rachat, les biens sujets à ce droit seront saisis féodalement et, dans le cas où l’année du rachat serait expirée, les débiteurs seront poursuivis en la manière ordinaire afin de fournir minu détaillé et payer le rachat.
3° Que, pour voir une connaissance exacte de tous les possesseurs des terres tenues à devoir de rachat, il sera fait par le procureur fiscal de chaque seigneurie vérification des noms des possesseurs actuels sur l’état qui lui en a été remis et sur celui des paiements qui ont été faits de ce droit depuis les trente dernières années ;
4° Que, pour le recouvrement des rachats ou autres droits oubliés et non prescrits jusques et y compris l’année 1776, il sera accordé au procureur fiscal qui l’aura fait les remises ci-après sur le produit desdits droits, savoir : les 2 s. p. l. jusqu’à 1.000 l. ; depuis 1.000 l. jusqu’à 5, le sol par livre ; depuis 5.000 l. jusqu’à 10.000 et au delà, à quelle somme ils puissent monter, 6 d. p. l., le tout par forme de gratification et sans tirer à conséquence… » (Arch. du Musée Condé, à Chantilly, F7).

Se plaignent les dits habitants de ce que les seigneurs retirent par puissance de fief un terrain qu'un particulier aura acquis, souvent pour ne pas tourner à son profit, mais bien d’un quelqu’un qu’il favorisera ou duquel il aura peut-être recu quelques Louis d’or.

Demandent que ce droit que s’arrogent les dits seigneurs soit supprimé, à moins qu’ils ne soient parents du vendeur et qu’ils ne puissent prouver que ces biens dont ils demandent le retrait fussent de leur estoc et ligne ; qu'en un mot leur droit, à cet égard, ne fût pas plus étendu que celui du plus simple particulier.

ART. 3. — Des justices seigneuriales. — Se plaignent les dits habitants de ce qu'un seigneur ait la faculté de plaider contre son vassal dans sa propre juridiction, où, pour l’ordinaire, il est juge et partie, puisqu’il est vrai que, ses officiers étant amovibles à volonté, ces derniers, pour la plupart, dans la crainte de déplaire à leur maître, n'osent, le plus souvent, équitablement remplir leur devoir (voir la note qui suit).

Note : Dans la paroisse d'Erbray s'étendaient les juridictions de Chauvelière, de Marzeliere, de Villeneuve, de la Courpéan, du prieuré de Saint-Michel, de Bœuves, de Coquerie et Ferrière ; cette dernière exerçait la haute, moyenne et basse justice ; celles de Bœuves, de Villeneuve, de la Courpéan et du prieuré, Saint-Michel ressortissaient immédiatement à la juridiction de Châteaubriant ; celle de Coquerie et Ferrière par appel de celle de Bœuves (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1819 ; Arch. du Musée Condé, à Chantilly, F5, description de la baronnie de Châteaubriant).

Demandent les dits habitants que les seigneurs n'aient pas le droit (le Roi ne l'ayant pas) de renvoyer leurs juges suivant leur caprice ; qu'au surplus, pour le bien public, toutes justices seigneuriales soient supprimées, et que la justice ne puisse être rendue à l'avenir qu'au nom du Roi, dans des tribunaux qu'il daignera établir, et où tous citoyens, sans distinction de rang ni de fortune, seront admis à raison de leurs talents, comme aussi que chaque particulier ayant un procès soit jugé dans sa province en dernier ressort et à moindres frais qu'il ne l'est actuellement.

Se plaignent encore les dits habitants de ce que, pour acquérir la possession d'un héritage dont un particulier a fait l'acquêt, ce dernier fût obligé : 1° de faire rapporter par deux notaires un acte de prise de possession, souvent fait et rédigé dans leurs études, quoiqu'il soit dit par icelui qu'on s’est transporté sur les héritages mentionnés au contrat d'acquisition y référé, et que l'acquéreur a bu et mangé, fait feu et fumée en iceux, etc. ; 2° de faire faire par un huissier ou sergent, assisté de deux records, par trois dimanches consécutifs, à l'issue de la grand'messe de la paroisse où sont situés les héritages acquis, des bannies, qui, pour l'ordinaire, ne sont entendues de personne, et bien souvent affirmées faites sans l’avoir été ; 3° de payer les deux deniers pour libre du prix de son contrat ; 4° enfin d'obtenir une sentence du juge de la juridiction d'où ressortissent les héritages acquis, par laquelle il est déclaré bien et dûment approprié vers et contre tous ceux qui sont alors dans la province et non contre les extra-provinciaires, qui ont l'an et jour pour exercer leurs droits. Comme toutes ces formalités ne tournent à proprement parler qu'à la perte du vendeur, puisqu'il est vrai qu'icelles cessantes, il vendrait plus cher :

Demandent donc les dits habitants la suppression de toutes ces formalités, et que, puisque les extra-provinciaires ont l'an et jour pour exercer leurs droits, les provinciaires aient le même délai, et qu'il ne soit nécessaire à l'acquéreur, pour dorénavant être déclaré vrai et paisible possesseur des biens qu'il aura acquis, que de faire publier par trois dimanches consécutifs au prône de la grand’messe un billet, certifié chaque dimanche par MM. les recteur ou vicaire de la paroisse où sont situés les héritages, par lequel il déclarera qu'il a acquis d'avec N... tels et tels biens (désigner les biens) pour la somme de ... (mettre la somme totale), qu'en conséquence il avertit tous les prétendants droits au retrait et autres qu'ils aient à se présenter dans le délai d'un an, à compter de la dernière publication, sans quoi il sera déclaré bien et dûment approprié vers et contre tous.

Demandent encore les dits habitants que, dans cette paroisse, il soit établi un juge de paix, qui sera chaque année dans la classe des roturiers choisi par le général assemblé, pour arranger tous petits procès et contestations entre voisins, soit pour dommages ou injures ; lequel, conjointement avec, deux ou quatre prud'hommes au choix des plaignants, d’après l'audition des plaintes et demandes des parties, et vérification faite, s'il est nécessaire, des faits, pourront juger souverainement et sans frais jusqu’à la somme de vingt-quatre livres, à moins que les dits juge et prud’hommes ne soient obligés de se transporter sur les lieux un peu éloignés pour la vérification des faits, auquel cas ils seront payés, suivant ce qu'il plaira à Sa Majesté ordonner, et, au cas que la partie condamnée ne veuille pas se soumettre à subir le sort de la condamnation énoncée contre elle, alors l'autre partie pourra, par le ministère d'un huissier ou sergent (qui sera payé suivant le tarif), d'après les connaissances que ce dernier sera tenu de prendre des dits juge et prod’hommes, mettre sur le champ la dite condamnation à exécution comme pour les propres affaires de Sa Majesté.

ART. 4. — Du Gouvernement. — Se plaignent les dits habitants que jusqu'à ce moment ils n'ont jamais été représentés légalement dans toutes les assemblées nationales et demandent qu'à l'avenir le nombre de leurs représentants, qui ne pourront être ni nobles, ni anoblis, ni ecclésiastiques, soit au moins dans les dites assemblées égal à celui des deux autres ordres réunis, et que leurs voix soient dorénavant comptées par tête et non par ordre, et d'avoir la liberté d'élire celui qu'ils jugeront digne de les présider dans toutes les assemblées.

Se plaignent les dits habitants que toutes les corvées, soit pour l'ouverture des grandes routes, soit pour leur entretien, ont toujours été à leur charge, tandis que ces grandes routes leur ont toujours été et leur sont encore moins utiles qu'aux deux autres ordres, qui n'y ont point été appelés, soit pour faire rouler plus facilement et plus pompeusement leurs carrosses et cabriolets, soit pour faciliter la vente des denrées qui se recueillent sur les terres immenses qui leur appartiennent et que, par conséquent, ils afferment plus cher ; pourquoi les dits habitants demandent que toutes ces corvées, par la suite, soient faites à frais commun et indistinctement par les trois ordres, ou que la dépense en soit faite par le Trésor public (voir la note qui suit).

Note : La corvée de cette paroisse, sur la route de Châteaubriant à Candé, était en 1788 longue de 2.000 toises ; elle avait son centre à 3/4 de lieue du clocher (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883).

Se plaignent encore les dits habitants que, jusqu'à ce moment, les rangs et emplois dans le militaire n'ont été donnés qu'à l'ordre de la Noblesse, qui bien souvent ne les avait pas mérités et qui malheureusement ne s'en est que trot souvent rendu indigne.

Demandent les dits habitants qu'à l'avenir ces places, ainsi que celles dans la judicature, ne soient données qu'au mérite, sans distinction d'ordre, de rang, ni de fortune ; alors on verra revivre des Turenne, des Coligny, des Duguay-Trouin, des Jean-Bart, des Ferré, etc. ; tous enrôlements forcés deviendront inutiles, par le nombre de sujets qui volontairement se présenteront tous les jours pour porter les armes, et Thémis se verra aussi légalement représentée par des magistrats dont la science, la sagesse et les vertus feront respecter les jugements.

Se plaignent encore les dits habitants de se voir chaque jour exposés à être volés et même égorgés ou maltraités par une troupe de scélérats, qui, pour la plupart, n'étant saisis et emprisonnés que pour le vol (sans avoir connaissance des meurtres et assassinats qu'ils n'ont que trop souvent commis dans d'autres pays, d'où ils se sont sauvés), sont journellement renvoyés sans être punis de mort, comme ils devaient l'être.

Demandent les dits habitants, afin de mettre leurs jours et leurs fortunes à l'abri des insultes de ces malheureux (quoiqu'il soit vrai que la vie de tout citoyen est un bien inappréciable), qu'ils soient néanmoins, pour crime de simple vol (sans attendre qu'ils deviennent assassins), punis de mort, afin de procurer à d'honnêtes citoyens la liberté de voyager et vivre sans crainte.

Demandent encore les dits habitants que, pour faciliter toutes les branches de commerce en ce royaume, les droits de coutume que font payer arbitrairement aux foires les seigneurs pour les bestiaux qui y sont conduits soient supprimés, ainsi que les droits d'entrées de ville pour toutes les denrées qui y sont portées ; que toute exportation soit libre d'une province à l'autre, et que toutes les mesures pour les grains, etc., soient égales dans tout le royaume ou au moins en chaque province (voir la note qui suit).

Note : Il s'agit sans doute des droits de coutume perçus par le prince de Condé à Châteaubriant.

Demandent encore les dits habitants que ce beau titre de noblesse ne soit plus vénal, mais accordé au seul mérite, et ne soit plus héréditaire, comme il l'a été jusqu'à présent, ceux qui l'ont possédé et le possédent encore ne l’ayant acquis, pour la plupart, que par les faits et vertus héroïques dont ils ont si souvent donné des preuves dans tous les combats où ils se sont trouvés, le sang qu'ils y ont répandu avec tant de générosité pour la défense des droits de la Couronne, ou alors il ne se verra, comme il ne se voit que trop souvent dans la possession de certains enfants descendus de ces grands hommes qu'au prix de la tyrannie, la mollesse et la fatuité, qui font leur seul mérite ; qu'au surplus toutes pensions qui n'auront point été méritées soient supprimées.

Arrêté après lecture, avec adoption de tous et chacun des articles, des plaintes, doléances et demandes contenues au dit cahier, même de tous ceux qui seront contenus dans celui de la ville de Rennes et qui n'auront pas été prévus, ou suffisamment développés dans le présent, par nous habitants, propriétaires et bientenants en la paroisse d'Erbray, le dit jour quatre avril mil sept cent quatre-vingt-neuf [Note : Ce dernier alinéa est de la même écriture que le corps du cahier, mais d'une encre différente].

[40 signatures, plus celle du président Pierre Roul].

(H. E. Sée).

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