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LOUIS-ALEXANDRE EXPILLY, ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL |
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LOUIS-ALEXANDRE EXPILLY, ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL DE QUIMPER (1742-1794).
La cure de Saint-Martin des Champs, à Morlaix, était occupée, pendant les années qui ont précédé la Révolution, par Messire Louis-Alexandre Expilly [Note : Ne pas confondre Louis-Alexandre Expilly avec son contemporain et homonyme, l'abbé Jean-Joseph d'Expilly géographe français], né à Brest, le 24 février 1742, licencié en théologie, homme éminent et distingué qui devait s'illustrer si tristement, quelques années plus tard, victime, comme tant d'autres, du mouvement dont il avait été l'un des promoteurs les plus enthousiastes. Nommé député aux Etats-Généraux de 1789, l'abbé Expilly fut l'un des premiers membres du clergé breton à embrasser entièrement les nouvelles idées, et un des plus ardents à les propager. Il collabora à la rédaction de la Constitution civile du Clergé, qui fut votée le 12 juillet 1790, et sanctionnée par le roi le 24 août suivant. En vertu de cette constitution, les évêques étaient nommés par les électeurs chargés d'élire les députés, les membres du conseil et les administrateurs du Département ; de même que les curés étaient élus par les électeurs appelés à nommer les fonctionnaires du district. Le choix des évêques par leurs électeurs devait prévaloir contre l'autorité du Saint-Siège, comme celui des curés était fait en dehors de toute soumission à l'évêque du diocèse. En outre, un serment de fidélité, exigé des nouveaux titulaires, ainsi élus, assurait leur adhésion au nouvel ordre de choses. |
Le gouvernement, s'emparant des biens ecclésiastiques, fixa, comme il suit, le traitement des évêques et des prêtres, prétendant les assimiler ainsi aux fonctionnaires laïques, appointés par l'Etat :
Les évêques recevaient annuellement : celui de Paris, 50.000 livres ; ceux des villes de 50.000 âmes et au-dessus, 20.000 livres ; les autres, 12.000 livres.
Quant aux curés, leur traitement était à Paris, de 6.000 livres ; en province, de 1.200 à 4.000 livres, suivant les paroisses.
La plupart des membres du clergé refusèrent de se soumettre à la loi à laquelle ils reprochaient de toucher à des choses spirituelles, comme la nomination des curés et des évêques en dehors de l'autorité du Pape.
Le clergé breton figura, presque tout entier, parmi les prêtres réfractaires ou insermentés et refusa de reconnaître, en quoi que ce fût, la Constitution civile du clergé.
Louis-Alexandre Expilly fut au nombre des exceptions et prêta le serment exigé par la loi, le 27 décembre 1790.
En sa qualité de Président du Comité ecclésiastique, le futur évêque intrus de Quimper excitait, en ces termes, par sa lettre du 27 octobre 1790, le Département de la Loire-Inférieure à user de rigueur envers son évêque, Mgr. de la Laurencie, qui avait jugé prudent de quitter momentanément sa ville épiscopale.
« Il faut continuer les démarches pour faire revenir l'évêque de Nantes dans son diocèse, et, en cas qu'il s'obstine, se conformer, à cet égard, aux décrets de l'Assemblée Nationale ».
En récompense de son zèle, de son civisme, comme on disait alors, Expilly fut le premier évêque élu de France, en raison de la vacance du siège épiscopal de Quimper, produite par la mort de Mgr. Connen de Saint-Luc, survenue le 30 septembre 1790, c'est-à-dire peu de temps après la promulgation de la nouvelle loi.
Choisi pour lui succéder par les électeurs du Finistère, dès le 31 octobre suivant, Expilly demanda, avec l'assistance de deux notaires, la consécration épiscopale à Monseigneur de Girac, évêque de Rennes. Cette démarche avait lieu le 11 janvier 1791. Le prélat les pria de lui remettre copie de la réquisition, afin d'y pouvoir répondre après mûre réflexion. Expilly prit cette demande pour un refus, et les notaires en dressèrent procès-verbal. Cependant il revint à la charge le 15 janvier, et, cette fois, Monseigneur de Girac se refusa nettement à lui conférer l'institution canonique.
C'est alors que l'évêque élu de Quimper la demanda à M. de Taleyrand de Périgord. Le célèbre diplomate commençait à cette époque la série de volte-faces dont sa fortune devait si bien s'accommoder par la suite aux dépens de sa dignité. Il sacra solennellement Expilly, le 24 février 1791, en l'église de l'Oratoire à Paris.
A l'issue de la cérémonie, le nouveau prélat se rendit à l'Assemblée Nationale où il fut salué par de vifs applaudissements. Avant de prendre possession de son siège, Expilly vint à Brest. Sa visite y fut accueillie avec un enthousiasme qui tint du délire.
Dès la veille, cent-vingt gardes nationaux à cheval allèrent à sa rencontre jusqu'à Landerneau, avec des détachements de la maréchaussée et de la prévôté de la marine. Le jour de son arrivée, trois cents gardes nationaux à pied se portèrent au-devant de lui à une lieue de la ville. Une foule immense se pressait sur le chemin par lequel il était attendu. Le clergé de Brest et celui des campagnes voisines s'étaient joints au cortège, composé de toutes les autorités civiles et militaires, qui reçut Expilly aux portes de la ville. Il fut solennellement conduit à l'église au son de toutes les cloches, aux acclamations du peuple, et un Te Deum fut chanté, suivi d'un superbe feu de joie allumé sur la place Saint-Louis.
Le 16 avril suivant, l'évêque constitutionnel était installé à Quimper.
Expilly [Note : Les armes d'Expilly étaient : « D'azur au coq d'or, barbelé de gueules au chef d'or chargé de trois molettes de sable » (P. de Courcy, Nobiliaire et Armorial de Bretagne)] et son vicaire général Gomaire, tous deux membres du Directoire du Département, furent les principaux fauteurs de ces mesures cruelles et dictatoriales qui devinrent une des causes premières de la guerre civile bientôt allumée dans toute la région, mesures prises en 1791 et 1792, même avant que les pouvoirs législatifs ne les eussent prescrites pour établir le schisme religieux par la force. Ils firent arrêter, et incarcérer au château de Brest, les prêtres orthodoxes qui refusaient de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Devenu plus tard administrateur du Finistère, Expilly suivit ses collègues dans la lutte acharnée qu'ils engagèrent contre la Montagne, à la fin de 1792. Il signa avec eux cette fameuse lettre du 29 décembre où figurent, entre autres, ces passages à l'adresse de la Convention : « Nos plus grands ennemis sont dans votre sein : les Marat, les Robespierre, les Danton, etc.. Voilà les contre-révolutionnaires, les anarchistes... Ils sont indignes du nom de Français... Chassez-les donc ! éloignez-les au plus tôt... vous ne pouvez, respirer le même air que ces scélérats ! .. » (Levot, Brest sous la Terreur).
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Avec ses collègues, Expilly vota la levée de troupes qui devaient se rendre à Paris pour délivrer la Convention, et, après la mise hors la loi des Girondins, il signa, avec les autres administrateurs du Finistère, l'énergique protestation que ceux-ci adressèrent à tous les départements de France.
Il n'en fallait pas tant pour exciter la haine et la vengeance de la Convention, ou plutôt de la Montagne toujours altérée de sang.
Le 19 juillet 1793 les administrateurs du Finistère furent décrétés d'accusation pour avoir « tenté d'avilir la Représentation Nationale, d'usurper l'autorité du souverain, et comme coupables d'entreprises contre-révolutionnaires ».
Expilly et ses collègues furent arrêtés : quelques-uns se constituèrent d'eux-mêmes prisonniers. Tous avaient donné tant de gages de dévouement à la Révolution qu'une condamnation capitale leur paraissait invraisemblable, et c'est presque sans crainte que plusieurs d'entre eux affrontaient le tribunal révolutionnaire de Brest l
Mais bientôt ils ne purent plus douter de leur sort : il était décidé d'avance. Le Président Ragmey et l'accusateur Donzé Verteuil ne lâcheront pas aisément les victimes qu'ils sont chargés de sacrifier à la vengeance de la Montagne.
Le cadre restreint de notre étude ne nous permet pas d'entrer dans le détail de ce jugement, inique comme la plupart des jugements révolutionnaires, où l'accusation peut élever la voix pour mentir, tandis que la défense, entièrement paralysée, ne figure que pour la forme.
Quatre des accusés furent libérés, mais les vingt-six autres furent condamnés à mort et l'exécution fixée au soir même, entre six et sept heures, le 3 prairial an II (22 mai 1794} sur la place du « Triomphe du Peuple », aujourd'hui place du Château de Brest.
A l'heure dite ils furent transférés du tribunal au lieu de l'exécution dans des charrettes, tête nue, en corps de chemise, les cheveux coupés, les mains liées derrière le dos. Expilly, l'évêque schismatique, amené par le malheur au repentir de sa coupable ambition et des fautes qu'elle lui avait fait commettre, s'écriait : « C'est beaucoup de paraître dans la même journée devant le tribunal des hommes et devant celui de Dieu ! ». Il donna l'absolution générale à ses compagnons, dont plusieurs s'étaient confessés directement à lui. « Par un raffinement de cruauté et pour rendre plus terrible encore cette boucherie humaine, le bourreau Ance (de Rochefort) qui se faisait appeler « l'Adonis de la guillotine », au lieu de laisser tomber les têtes dans le panier destiné à les recevoir, les rangeait symétriquement sous les yeux des condamnés qui attendaient leur tour, dans l'espoir que cet affreux spectacle ferait faiblir quelques-uns d'entre eux » [R. Kerviler, Olivier Morvan (Revue de Bretagne et de Vendée, janvier 1888)].
Mais pas un ne manqua de courage. Expilly fut réservé pour le dernier coup, et le martyre que fut sa mort dut, aux yeux du Souverain Juge, être trouvé une suffisante expiation des fautes de son existence dont plusieurs, peut-être, furent plutôt des erreurs que des fautes (J. Baudry).
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